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Synthèse des résultats et perspectives

1.2 Les trois formes de positionnement identitaire les plus représentatives

La classification en cinq groupes identitaires que nous venons de présenter ci-dessus peut être davantage affinée pour en déduire les trois formes représentatives de positionnement identitaire chez les euroélèves qui sont décrites ci-après.

1.2.1 La « forme identitaire classique »

La première forme que nous avons identifiée, la « forme identitaire classique », est celle qui est basée sur des repères culturels et linguistiques propres à l’origine des individus (ici les euroélèves). Il s’agit d’euroélèves qui préfèrent se positionner en fonction des origines de leurs parents et des repères et référents culturels, comme par exemple Sylvie, Mathilde et Corine (cf. le 4e groupe décrit ci-dessus). Il s’agit de plus d’euroélèves de parents d’origines différentes, par exemple lorsque l‘individu est d’un père français et d’une mère allemande comme Véronique et Inès.

Pour l’illustrer, on peut citer comme exemple représentatif les paroles de Sylvie. En effet, le positionnement par rapport aux nationalités constitue pour Sylvie une évidence :

Je ne comprends pas trop en fait, …on se situe par rapport aux nationalités. (Sylvie)

On peut également citer Catherine qui exprime un positionnement encore plus marqué dans ce sens :

J’ai du sang espagnol. (Catherine)

Mathilde à son tour éprouve toujours le besoin de se rattacher à ses origines à travers sa section linguistique pour « ne pas perdre ses repères » :

Je sais que je suis française. Je pense qu’il faut, qu’on a besoin…dans une école comme ça, on a besoin de se rattacher à quelque chose, à rattacher à un pays… (Mathilde)

La notion de section linguistique est en l’occurrence vécue comme un « refuge identitaire ».

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Par rapport à cette forme identitaire, il convient également de s’intéresser au cas des euroélèves appartenant aux familles de parents d’origines différentes, dont certains, comme Véronique, d’Inès et d’Amandine, montrent que la référence aux origines culturelles peut demeurer essentielle. En l’occurrence, Véronique et Inès vivent à la frontière de deux cultures, aussi bien à l’école qu’à la maison. Leur réponse, très spontanée, montre qu’elles vivent tellement quotidiennement avec ces deux cultures qu’elles ne pouvaient répondre autrement. Leur vie est organisée autour de cette réalité. Véronique se montre, toutefois, beaucoup plus à l’aise étant donné que ses parents sont d’origine française et allemande. Par contre, Inès doit se forcer quelque peu dans la mesure où elle est « ¾ française et ¼ allemande » (sa grande mère maternelle est allemande et son grand père est français). Son père parle allemand, même s’il a grandi en France. Les parents font donc un effort significatif pour préserver la langue et la culture allemande pour leurs enfants. Malgré cela, elle se montre assez hésitante quand elle essaie de se positionner comme une allemande :

Et quand je vais en France, je me sens française. Tout à fait française, je ne me sens pas étrangère. Je connais la France, j’y ai vécu, je sais comment c’est. Et en Allemagne, quand j’y vais aussi, je me sens quand même allemande, MAIS, je vois que quand même je ne suis pas… que je n’y ai pas vécu. Tout ça, ça fait une différence quand même. Quand on y a vécu on se sent un petit peu plus XXX. En tout cas, ça fait une différence quand même. Quand on y a vécu, on se sent quand même un petit plus… SURE. C’est dire dans le sens où on connaît plus de choses, mais je me sens quand même allemande, quand je vais en Allemagne, je ne me sens pas l’étrangère qui vient visiter. Je me sens aussi allemande, mais dans le sens que je n’y ai pas vécu, ça crée quand même un petit… un petit brin d’étranger quoi. (Inès)

Pour ce qui concerne Amandine, qui, malgré ses origines multiples, reste encore très attachée aux repères culturels et linguistiques de ses parents, se définit avant tout comme française, mais aussi espagnole et finalement, luxembourgeoise (pays où elle est née). En

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effet, elle se positionne comme ayant une identité plurilingue, mais toujours rattachée à ses origines culturelles :

Je ne sais pas, …en fait. Je pense que je suis un peu des trois. Je suis sûrement des trois. (Amandine)

Mais... Je ne pourrais pas vous dire de quel coté je penche le plus. Je pense que, que ça devrait être français vu que, que je suis plus habituée mais … (Amandine).

1.2.2 La « forme identitaire intermédiaire »

La seconde forme que nous avons identifiée, la « forme identitaire intermédiaire », est celle qui est basée non seulement sur des repères culturels et linguistiques propres aux origines des individus, mais aussi ceux qui relèvent de la culture des Autres. Conceptuellement, il s’agit d’une forme identitaire qui se situe quelque part entre la première et la troisième forme identitaire. En d’autres termes, l’individu passe d’un positionnement centré sur sa culture à un autre, plus sensible aux autres cultures. Louis, Caroline et Brigitte sont des exemples représentatifs de cette forme.

A titre d’exemple, Louis, se positionne selon l’origine de ses parents, mais en même temps, il est conscient, comme d’ailleurs Brigitte, d’avoir une certaine compréhension de l’Autre :

Par rapport à ma nationalité, je, je je me sens toujours, Belge.... j'ai gardé ça en moi-même, mais j'ai...mais j'ai l'impression que je me suis plus ouvert aux autres et que, tout en restant moi-même et en gardant la culture de mon pays. (Louis)

Caroline comme Louis a le sentiment d’appartenance à ses origines française mais, elle montre également un esprit ouvert par rapport aux français qui vivent en France :

Française quand même. Mais, mais avec un avantage en fait... (Caroline)

Novembre 2013 Page 169/312 Quand on me demande …t’es quoi ? Je suis française et je peux dire que je suis luxembourgeoise…ce n’est pas important pour moi. (Brigitte)

1.2.3 La « forme identitaire européenne »

Enfin, la troisième forme que nous avons identifiée, la « forme identitaire européenne », est celle où il y a dissociation claire entre le positionnement identitaire et l’origine culturelle et où l’individu se proclame explicitement comme un « Européen ». Par exemple Cécile observe ce qui suit :

Je me sens un peu de tout. Je me sens Européenne à vrai dire. (Cécile)

Ou encore Nicolas, Hélène et René constatent :

Je me sens...iranien d'origine, français de natalité et puis euh...puis européen de culture. (Nicolas)

Parce que déjà je suis de nationalité belge, d’origine roumaine, je parle le français, je parle toutes les langues, finalement je n’appartiens pas à un pays …enfin, y’a pas de pays où je m’identifie le plus… (Hélène)

Je me considère français européen d'origine iranienne. (René)

Enfin, Sabine et Jérôme insistent également sur leur « identité européenne » :

Je me sens beaucoup plus européen que français, ou a... ou portugais. (Sabine) En gros je me sens vraiment un peu de tout. Grâce aux langues aussi surtout,.. (Jérôme)

Que je suis espagnol sur mes papiers et tout mais, euh… Je me sens, si on pourrait dire européen peut être. (Jérôme)

En définitive, il paraît que, sur le plan identitaire, souvent les euroélèves savent qu’ils ne sont pas comme les autres, mais ils ne savent pas toujours ce qu’ils sont exactement. Toutefois, on peut également constater la formation claire d’une « identité européenne » comme nous allons le décrire plus amplement ci-après.

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