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Différentes formes du découplage

Croissance économique et impact environnemental : le découplage est-il

I. Analyse du concept de découplage

I.1 Différentes formes du découplage

formes (découplage relatif et découplage absolu), selon différents types (découpler l’utilisation des ressources de la croissance économique et découpler la pollution de la croissance économique), ou encore selon différents niveaux d’analyse dans l’économie (micro, méso et macro). Dans cet article, nous nous intéressons plus particulièrement à la distinction entre les formes de découplage.

moins vite que les activités économiques. Il correspond à une baisse de l’intensité des pressions l’économie croît alors que les pressions sur l’environnement stagnent ou diminuent. Il décrit une baisse ou une stagnation des émissions de pollution. Le découplage en termes d’utilisation

(Jackson, 2010). découplage relatif temps 0 50 100 150 200 250 300 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 PIB Pollution découplage absolu temps 0 50 100 150 200 250 300 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 PIB Pollution Source : M. Camara ; 2011 I.2 Mesure du découplage

I.2.1 Limites méthodologiques

Ce gain d’intérêt s’explique en partie par le caractère mesurable du découplage et par la simplicité des méthodes utilisées. Cependant, cette simplicité des méthodes cache parfois des limites bien réelles. Ces limites portent à la fois sur les indicateurs et sur les méthodes utilisées dans l’analyse du découplage.

a. Pertinence des indicateurs de découplage

environnementale et une variable économique. Ce ratio (Impact/PIB) qui correspond aussi à l’intensité technologique comporte certains biais. D’abord, dans la variable environnementale

on tient rarement compte du contenu en pollution des biens et services importés. Pour avoir une idée sur l’ampleur de ce biais, on fait la distinction entre la pollution en termes de production et la pollution en termes de consommation. Dans les études (Davis et Caldeira, 2010) où cette distinction est faite, on trouve parfois que la pollution en termes de consommation est beaucoup plus élevée que la pollution en termes de production.

Quant à la variable économique, elle est généralement réduite à la valeur du produit intérieur brut (PIB). Or dans le calcul du produit intérieur brut, on intègre certaines activités de pollution telle que la déforestation. Ce double comptage est une autre source de biais dans la mesure du découplage. Par ailleurs, l’utilisation du PIB comme mesure du bien-être est sujet à un certain nombre de controverses. Parmi ces controverses, il y a celle liée à la comptabilité des données environnementales. En effet, dans le calcul du PIB, on ne fait pas la différence entre ce qui est un coût de réparation et ce qui est un coût de production. Ainsi, les dépenses engagées dans la réparation de certains dommages environnementaux (déforestation, traitement des marées noires, …) sont considérées dans le PIB comme des valeurs ajoutées. Dans cette logique, l’augmentation des pressions sur l’environnement entraîne aussi une augmentation de la valeur du PIB.

b. Pertinence du choix de l’échelle d’étude

Une autre question à laquelle l’analyse du découplage est constamment confrontée est celle liée au choix de l’échelle spatiale d’étude. C’est-à-dire, faut-il étudier le découplage à l’échelle mondiale ou à l’échelle des pays ?

Le recours aux données mondiales pour étudier le découplage est assez répandu dans la littérature (tels que : le GIEC, 2007 ; le PNUE, 2010, …). Lorsqu’on fait le choix d’étudier le découplage à l’échelle mondiale, on se retrouve face à un biais d’homogénéité. Puisqu’il pollution. En revanche, cette approche possède tout de même quelques avantages. Le premier avantage est qu’elle permet de résoudre le problème de la non prise en compte du contenu en pollution des produits importés, les émissions de pollution étant évaluées à l’échelle mondiale. Etudier le découplage à l’échelle nationale présente aussi des avantages et des les pays étant étudiés de façon homogène. Sa principale limite réside dans le fait que les résultats du découplage peuvent parfois être biaisés par certains effets pervers des politiques environnementales (notamment les « fuites de carbone »).

c. Pertinence des méthodes utilisées

On peut regrouper les méthodes d’analyse du découplage principalement en deux grandes catégories : les méthodes avec les données en temps discret et celles avec les données en temps continu. Les méthodes avec les données en temps discret sont les plus répandues. Quant aux méthodes avec les données en temps continu, on ne les utilise essentiellement qu’avec la Courbe de Kuznets Environnementale (CKE).

Le recours aux données en temps discret se fait principalement de deux façons : soit dans l’analyse de l’évolution des indicateurs de découplage entre deux périodes (cf. annexe 1), soit dans l’étude des différents scénarios de l’évolution des principaux déterminants de la pollution (cf. encadré 1). Cependant, malgré la simplicité de ces deux méthodes, leur pertinence paraît

limitée pour rendre compte de l’évolution du ratio Impact/PIB. Leur principale limite réside dans le fait de décrire l’évolution du ratio de découplage (Impact/PIB) sur une longue période en s’appuyant uniquement sur les données de deux années (première année et dernière année de la période d’étude), alors que les variables économiques et environnementales sont très instables d’une année à une autre.

Encadré 1 : Différents scénarios de parvenir au découplage

Cette méthode est utilisée principalement par le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC, 2007) et dans certains travaux (Wang et al., 2011). Elle consiste à étudier les différentes possibilités de parvenir au découplage à partir de l’identité de Kaya ou de celle d’Ehrlich. L’autre inconvénient de cette méthode est qu’elle ne permet pas d’avoir une mesure du degré de découplage. La distinction entre l’identité de Kaya et celle d’Ehrlich réside dans leurs domaines d’application. L’identité de Kaya est souvent utilisée dans le domaine de l’énergie, tandis que celle d’Ehrlich est utilisée dans le cas des pollutions. Le point de départ de ces identités est une simple égalité :

I I

Ensuite à partir d’un jeu d’opérations, on arrive à l’identité suivante :

C I I P

P C

Avec : I= impact environnemental ; P= la population ; C= niveau d’activité économique ; I/C= intensité technologique.

Il y a :

-Absence de découplage, lorsque l’intensité technologique augmente.

0

I C

-Découplage relatif, lorsque la diminution de l’intensité technologique (I/C) est inferieure à l’augmentation combinée de P et de C/P.

I C

P

C P

-Et de découplage absolu, lorsque la diminution de l’intensité technologique (I/C) est au moins égal à l’augmentation combinée de P et de C/P.

I C

P

C P

Dans la littérature, ces différents scénarios de découplage sont étudiés soit sur la base des données réelles (historiques), soit sur la base des projections (Ex : avec le GIEC, 2007). Dans le cas des émissions de CO2, il arrive qu’on décèle l’existence d’un découplage relatif (ou les scénarios pour y parvenir). Cependant, les scénarios d’un découplage absolu (ou les scénarios pour y parvenir) sont pour l’instant très improbables.

Quant à l’utilisation des données en temps continu, elle se limite généralement à l’analyse de la Courbe de Kuznets Environnementale (CKE). Cependant, cette courbe ne permet pas d’avoir une mesure du découplage. Transposée de l’économie des inégalités à l’économie de l’environnement, la CKE décrit une évolution en forme de cloche du lien entre développement économique et pollution. Il arrive assez souvent qu’on utilise le terme découplage dans l’analyse de la CKE (Stagl, 1999 ; Panayotou, 2003). Or il existe une petite nuance entre la CKE et le la forme de la relation entre une variable économique et une variable environnementale, alors que le concept de découplage s’intéresse plutôt à l’aspect mesure de cette relation. Sa principale limite dans l’analyse du découplage est qu’elle ne nous permet pas de faire un de faire la distinction entre un découplage relatif et une absence de découplage. Car les deux alternatives possibles avec une CKE, c’est soit un découplage absolu (courbe en cloche), soit une absence de découplage (les autres formes de graphique : linéaire, cubique, courbe en U).

I.2.2 Analyse empirique du découplage a. Méthode

Pour l’analyse empirique, nous proposons une méthode de mesure du découplage permettant de dépasser les principales limites des autres méthodes (citées ci-haut). Nous et la variable environnementale. ( ) t f Ct

I

ln( )

ln( )

t Ct t Ct

I

I

raisons : d’abord dans la littérature sur l’identité d’Ehrlich, on suppose généralement l’existence d’une certaine élasticité entre activités économiques et pollution. Ensuite, le modèle log linéaire analyses graphiques montrent souvent une relation log linéaire entre activités économiques et pollution dans les cas du CO2, des déchets municipaux, et parfois du SO2.

Il y a :

Absence de découplage, lorsque : Découplage relatif, lorsque : 0< < 1 Découplage absolu, lorsque : b. Données

Les données utilisées dans cette étude proviennent de plusieurs sources et couvrent la période 1980-2005, avec un échantillon de 125 pays. Les données sur le PIB (en millions de $US constant 2005) sont issues de la base de données du U.S. Department of Agriculture (USDA). Celles du dioxyde de carbone (en milliers de tonnes) sont tirées de la base de données du World Resource Institute (WRI).

c. -Résultats

Avant de passer à l’analyse économétrique, nous avons procédé dans un premier temps à une analyse graphique. Cette analyse nous a permis d’observer l’évolution des deux variables

(PIB et CO2) du découplage sur la période d’étude 1980-2005, en prenant à titre d’exemple le

cas de quatre pays (Kenya, Etats-Unis, France, Brésil).

(un accroissement du PIB et une faible diminution du CO2) pour la France, un découplage

relatif (un accroissement plus rapide du PIB par rapport au CO2) pour les Etats-Unis et le

Kenya, et une absence de découplage pour le Brésil (un accroissement plus rapide du CO2

par rapport au PIB). Cette analyse met aussi en évidence l’inconstance de ces deux variables

(PIB et CO2) dans leurs évolutions. D’où l’intérêt de prendre en compte dans les études, les

données de toutes les années sur la période d’étude, pour avoir une meilleure estimation du degré de découplage.

Découplage entre croissance économique (PIB) et impact environnemental (CO2) de

1980 à 2005 (Base 100 en 1980)4 0 50 100 150 200 250 1980 1983 1986 1989 1992 1995 1998 2001 2004 co2 pib 0 50 100 150 200 1980 1983 1986 1989 1992 1995 1998 2001 2004 co2 pib 0 100 200 300 1980 1983 1986 1989 1992 1995 1998 2001 2004 co2 pib 500 100 150 200 1980 1983 1986 1989 1992 1995 1998 2001 2004 co2 pib Source : M. Camara ; 2012

Avec le modèle économétrique, nous obtenons: un découplage absolu pour 13 pays, un découplage relatif pour 57 pays, et une absence de découplage pour 55 pays. Cependant, pour ne pas trop encombrer le corps du texte, le tableau complet (des 125 pays) a été déplacé dans les annexes (cf. annexe 2). Donc, nous n’avons retenu dans le tableau 1 que les pays où il y a eu un découplage absolu entre 1980 et 2005. Par ailleurs, dans la lutte contre le changement climatique, seul un découplage absolu permet d’assurer un équilibre entre la croissance économique et la préservation de l’environnement.

4 Pour observer l’évolution réelle des variables, nous avons ramené les données à une même base d’unité (base=100).

Tableau 1 : degrés de découplage sur la période 1980-2005 Pays (13/125) Tchèque -0,93 Pologne -0,52 Slovaquie -0,43 Allemagne -0,43 Hongrie -0,40 Suède -0,29 Bosnie -0,17 Bélarusse -0,14 Ouzbékistan -0,12 Danemark -0,08 Royaume-Uni -0,08 France -0,07 Luxembourg -0,06

Les résultats du tableau 1 nous emmènent à faire principalement deux remarques : a-La possibilité de parvenir parfois au découplage absolu : comme nous le soutenons dans cet article, le découplage absolu reste parfois bien possible. Mais ce découplage paraît moins évident (13 pays sur 125), avec des valeurs relativement faibles (entre -0,06 et -0,93). Cette moindre évidence du découplage pourrait s’expliquer principalement : par l’intensité des liens entre activités humaines (déforestation et utilisation de combustibles fossiles) et

émissions de dioxyde de carbone ; et du fait que le CO2 soit un polluant aux effets diffus,

donc les décideurs sont moins incités à lutter contre ce type de polluant par rapport à ceux (notamment le SO2) dont les effets sont plus visibles (se manifestent au niveau local et à très court terme).

b-La présence d’une grande majorité de pays européens parmi les pays qui sont parvenus à un découplage absolu. Dans ce groupe, on peut distinguer deux sous groupes de pays : les pays de l’Europe du Nord et de l’Ouest (Allemagne, Suède, Danemark, Royaume-Uni, France et Luxembourg) et les économies en transition (Tchèque, Pologne, Slovaquie, Hongrie, Bosnie, Bélarusse, et Ouzbékistan). Le découplage dans ces pays peut s’expliquer principalement par trois facteurs : le niveau de développement du pays, la structure de l’économie, et le rapport socioéconomique à l’environnement.