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Construire des compromis viables : la méthode de la viabilité

Introduction : La dimension économique de la crise, le besoin de penser la dynamique

I 2. Construire des compromis viables : la méthode de la viabilité

La construction de compromis viable se réfère au mode d’action des stratégies des autorités publiques et est mise en forme à l’aide de l’approche de la viabilité. Cette approche repose sur des travaux mathématiques qui traitent d’évolutions non déterministes pour prendre en compte les phénomènes contingents (incertitude).

Contrairement aux modélisations habituelles des mécanismes dynamiques en économie où les approximations locales sont privilégiées par facilité ouverte par les possibilités de linéarisation locale. La méthode de la viabilité étudie les évolutions contingentes au cours du temps sans recourir à des études locales par les linéarisation.

Une distinction peut être faite entre deux sortes de paramètres «actifs», c’est à dire variants dans le temps:

Les paramètres cybernétiques aussi appelés contrôles ou commande en automatisme ou bien encore régulons en sciences sociales et en biologie.

Les paramètres tychastiques sont directement reliés à l’incertitude (endogène et exogène) formalisation qu’on n’en connait que les bornes extrêmes, sorte de pire des cas et de meilleur des cas.

L’ambition de l’approche de la viabilité en économie4 est d’examiner si les évolutions

non-déterministes (contingentes) des systèmes économiques dynamiques peuvent avoir des évolutions régulières ou aussi stable (dans un sens très souple) que possible permettant de rester viable (en dehors de la crise). L’adaptation étant commandée par la nécessité d’échapper à la crise en restant viable. Les résultats mathématiques et les théorèmes de

1 J.-P. Aubin (1991), Viability Theory, Birkhäuser ; J.P. Aubin (1997) Dynamic Economic Theory: A viability Approach, Springer Verlag.

2 Dans deux publications récentes C Azariadis apporte un début de légitimité à l’utilisation de l’analyse multivoque en économie, C. Azariadis, B. Smith, “ Financial intermediation and regime switching in business cycles ” AER vol 88, n°3 1998, C. Azariadis et S. Chakraborty , “ Agency costs in Dynamic Economic models ”, The Economic Journal 109, avril, 222-241, 1999 3 dont la détermination utilise les résultats de l’analyse multivoque et des inclusions différentielles.

4 Le premier travail publié dans une revue mi économie mi population dont l’éditeur est N. Bonneuil démographe et spécialiste de viabilité, est du à A. Valence , (2005), Demand dynamics in a psycho-socio-Economic evolving network of consumers, Mathematical Populations Studies, vol. 12 n°3, July-Sept., pp. 159-179.

viabilité permettent de réduire les choix sur les évolutions possibles, en sélectionnant les états soutenables/viables sans qu’il soit nécessaire de mettre en oeuvre un critère d’optimalité. C’est une sélection plus large que celle de la recherche d’un optimum. Dans cette logique on peut montrer facilement que des décisions non optimales prises à temps sont plus viables que des décisions optimales prises à contre temps. C’est le temps de réaction qui importe plus. Ainsi on peut jouer un rôle clef dans les dérapages et les crises.

C’est un peu comme si la méthode de la viabilité procédait à l’envers des méthodes propriétés dynamiques de ces systèmes (existence d’équilibres, stabilité locale ou globale) en fonction de valeurs attribuées aux paramètres (analyse des portraits de phase). La méthode de la viabilité procède à l’inverse : que faire pour rester viable? Quel changement et quelle régulation entreprendre?

A. Formalisation de base:

pour les mathématiciens qui récuse les résolutions de pages et de pages de calcul optimal qu’affectionnent les économistes mathématiciens.

Pour donner une formulation générale : on considère un système dynamique contraint (par K) de variables d’état dépendantes du temps.

Le système dynamique

Le vecteur X des variables d’Etat, sous contrôles du vecteur U.

U est un vecteur de paramètres de contrôle variant dans le temps (paramètres cybernétiques). Le système s’écrit alors simplement:

(i) x’(t)=F(x(t),u(t))

(i) est un équation différentielle classique avec F qui commande «les grandes lignes» de l’évolution seulement.

L’espace des contraintes :

Soit K, qui représente le domaine des contraintes sur les variables d’état, en fonction de

considérations soutenables ou simplement possibles5.

A priori il n’y a pas de raison que le sous ensemble K de X soit viable relativement au Pour ce faire elle adoptera une posture non normative. Cette caractéristique en fait une méthode adéquate pour l’analyse des mécanismes pragmatiques en oeuvre dans les systèmes économiques.

5 En économie le domaine de viabilité peut faire référence à des principes de rareté à des stocks minimaux par exemple pour des stock de pêche, les réserves d’une banque centrale, un minimum de salaire institutionnel, une régulation

K sera considéré comme viable du point de vue du système contrôlé dans le sens où à partir de tout état initial x K part au moins une évolution x(.), conforme au système contrôlé qui reste dans K pour toujours.

L’objectif de la théorie de la viabilité est de rechercher dans K le noyau de viabilité, ViabF(K).

ViabF(K) est l’ensemble des positions initiales x0, qui x0 au

moins une évolution x(.) conforme au système contrôlé, telle que x(t) reste dans K pour toujours.

La méthode permet aussi de mettre en évidence des stratégies de régulation viables contraintes et du système contrôlé 6

soutenable du processus (formellement viable).

Les conditions de viabilité dans l’incertitude

Si on considère deux types de contrôlés (paramètres dépendants du temps) régulés par des acteurs économiques différents dans une dynamique d’affrontement (non coopératifs). Prenons pour donner un exemple, un contrôle via une politique de taxation/subvention u dans les mains de l’autorité publique et un autre instrument dans les mains d’acteurs exogènes (les prix internationaux de l’énergie).

6 Une résolution mathématique peut permettre de déterminer le noyau de viabilité et les régulations qui y sont associées sous forme analytique. Cependant, grâce aux travaux de Patrick Saint-Pierre (cf. P. Saint-Pierre (1994)), des méthode algorithmiques permettent de donner des approximations des noyaux de viabilité avec des exemples de régulations et d’en donner des représentations graphiques.

Alors le système dynamique de variable d’état x sous le contrôle de u et de v s’écrit comme suit:

(iii) x’(t)=F(x(t),u(t), v(t))

Sur la base d’un tel système avec deux types distincts de contrôles: les contrôles cybernétiques u(t) d’un côté et de l’autre les tychastiques v(t), l’approche de la viabilité propose d’analyser la viabilité du système quelque soit les actions des adoptés par les acteurs qui régulent les contrôles tychastiques (les marches). La viabilité découle du fait que l’on puisse obtenir au moins un contrôle approprié pour que le système dynamique soit conforme à la soutenabilité espérée7 (c’est à dire conforme à des propriétés que l’on souhaite voir

s’agit de trouver des modes de régulation pour parer tous les cas, par précaution, vis à vis de l’incertitude qui est introduites dans le système de façon exogène par les acteurs extérieurs, en l’occurrence ici le marché de l’énergie).

Une telle problématique permet d’établir en recourant à la théorie des jeux dynamique (jeux différentiels) des «noyaux discriminants», appelés aussi «noyaux de viabilité garantie». En mettant l’accent sur les comportements à caractère institutionnel et les moyens de mettre en œuvre des coopérations entre des acteurs, la méthode de viabilité permet de dégager des espaces d’arbitrage politique dans les domaines économiques en tenant compte

B. Gérer les crises

Dans le cas d’échec de viabilité : quand la dynamique sort des contraintes, on peut déterminer la durée de cet échec, «le temps de crise» et surtout analyser son caractère réversible ou irréversible. Dans le premier cas, il s’agit de déterminer la trajectoire appropriée (cas de réversibilité).

C. La viabilité pour des contextes en transition des transitions.

La notion de «fonction de versatilité» et les théorèmes qui y sont associés donnent un moyen de mesurer l’impact des paramètres contrôlables sur les évolutions. Elle donne une préserver la viabilité des évolutions. Ce cadre conceptuel peut fournir une argumentation de de dynamique de transition : gradualisme versus choc.

Un moyen aussi pour restaurer la viabilité d’une situation est de changer plus ou moins instantanément la condition initiale quand la viabilité est remise en question. La formalisation

7 parmi les propriétés classiques des évolutions il y a les équilibres, les évolutions périodiques et les convergences asymptotiques vers une cible ou des contraintes d’état.

En économie encore, les contextes de transition peuvent être caractérisés suivant une

évolutions continuelles ponctuées par des impulses discontinues relatives à des temps d’impulsions8.

Nombreux sont les exemples qui viennent de différents champs disciplinaires qui utilisent ce cadre de raisonnement des «systèmes hybrides» dès qu’il s’agit de phénomène découlant de l’approche du contrôle.

Des modèles démographiques prenant en compte des discontinuités de processus, tout

simplement des décès ou des naissances9.

la biologie privilégient ces approches plus réalistes que les mécanismes continues analogues à la transmission de courant en électricité.

Plus généralement ces techniques sont employées pour tous les contrôles qui se déclenchent à la limite (threshold impulse control)10, quand le contrôle saute au moment ou la

limite est en passe d’être atteinte.

Les systèmes hybrides peuvent être décrits par une famille de systèmes contrôlés associés à une famille de contraintes de viabilité (sur les états), et qui sont indexés à des paramètres dit «de situation».

En partant d’une condition initiale et d’un espace qui lui est associé, le système contrôlé à partir de la condition initiale gouverne son évolution dans l’ensemble pour une période de temps, jusqu’à ce qu’une nouvelle impulsion remette à jour le système en imposant une nouvelle situation de départ et donc aussi un nouveau système contrôlé, nouveaux ensemble de contraintes et de condition initiale.

Le concept de la viabilité s’adapte bien à de tels systèmes d’impulsions et fournit une gamme étendue d’options qui doivent pouvoir guider l’analyse de situation de transition en économie. Par exemple concevoir une cible repérée dans un ensemble de contraintes associé à un système contrôlé par impulsion (évolutions discrètes et continues combinés), on peut étudier plusieurs caractéristiques du noyau de viabilité ainsi que le bassin de capture11 de

la cible viable dans l’espace de contraintes. C’est le sous ensemble des chemins/évolutions initiaux, desquels part au moins une évolution viable dans l’espace contraint qui atteint la cible options différentes si elles existent pour atteindre la cible, tout en respectant les contraintes.12

8 dans la littérature des systèmes hybrides bien connues en ingénierie on les appelle aussi «run» ou exécution. Cf. J.-P. Aubin (2002), A viability approach to impulse control and hybrid systems, « Conférence internationale sur les mathématiques appliqués et les sciences de l’ingénieur », Casablanca, October 23, 2002.

9 Cf. Bonneuil, N. and P. Saint-Pierre (2008), « Beyond Optimality: Managing Children, Assets, and Consumption over the Life Cycle », Journal of Mathematical Economics 44 (3-4), 227-241

10 marchés.

11 La connaissance mathématique relative à l’approche de la viabilité permet d’étudier des évolutions viables dans un intertemporel (un critère d’optimalité, ou d’autres aussi) J. -P. Aubin, Haddad, « Systèmes évolutionnaires : déterminismes et Chaos », www.lastre.fr, p. 5

par métaphore. Elle offre un programme de recherche qui permet de faire la synthèse entre les nécessités de terrain et les modes de décisions de différents acteurs concernés. Une réalité complexe en mutations est appréhendée d’un point de vue de sa cohérence.

Le chalenge le plus lourd à relever pour l’approche de la viabilité est qu’elle est encore trop récente, peu familière aux économistes, et elle emploie des notions mathématiques aussi relativement récentes. Ainsi, même si on perçoit qu’il faudra du temps pour qu’elle puisse avoir une réelle perspective en économie on peut compter sur la valeur de l’exemple, le prétexte. L’exemple peut jouer ici, de la viabilité en tant que mode de raisonnement, soubassement