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La formation extrascolaire dans une perspective interculturelle

Dans le document Réfugiés et formation (Page 109-117)

Les différentes activités proposées par le Centre se situent d ans l'articulation d'u ne formation extrascolaire et interculturelle. La formation des adultes dans un contexte de migration suppose comme nous l'avons vu précédemment la prise en compte d'un ensemble de facteurs qui incluent

de stimulation tactile ou motrice comme le massage, le portage au dos et les jeux physiques avec l'enfant (Dasen, 1 980) dans diverses sociétés. Les pratiques de soins dépendent des représentations et diffèrent d'une société à i'autre. J. Rabain-Jamain (1 989:33) a particulièrement étudié les pratiques de soins des femmes immigrées originaires d'Afrique de l'Ouest vivant en France. Pour l'auteure,"la mère est mise dans la situation complexe d'avoir à intérioriser les valeurs de la société d'accueil en même temps qu'elle transmet les valeu rs traditionnelles." Le couple "mère-enfant" nous oblige à prendre en compte ces différentes considérations. Cette problématique est retenue également par Camille Martin : "Dans le Centre, l'idée de départ avec un message de santé défini à l'avance, des intervenants extérieurs et des interprètes s'est révélé inadaptée. Elle a été remplacée par des "animations-santé"

co-dirigées par l'infirmière de santé publique et une animatrice. L'idée a été de se laisser guider par le groupe et de saisir au vol toutes les occasions pour discuter de problèmes de soins et de santé. Le déroulement des séances s'oriente selon l'intérêt et la compréhension des païticlpantes. Parmi ies thèmes abordés signalons la représentation du corps (dessin i ndividuel et leu r interprétation) , le sang (anémie, pansement, règles, accouchement, vitamines et..). L'infirmière de santé publique s'occupe aussi de diverses demandes individuelles telles que : l'assurance maladie, les visites à domicile ou à l'hôpital, la préparation à l'accouchement, etc ... Ponctuellement le Centre fait appel à des compétences extérieures"(rapport d'activités du Centre de 91 ). Comme nous pouvons le constater, une démarche souple a été adoptée dans ce domaine afin de tenir compte au maximum de la dimension socio-culturelle des femmes.

Les ateliers d'artisanat

L'artisanat (couture, tissage, tricot) constitue le domaine où les savoirs-faire antérieurs des femmes des zones rurales peuvent être valorisés. En effet, les femmes en provenance de ces régions maîtrisent diverses techniques artisanales et certaines d'entre elles peuvent enseigner aux autres en devenant des animatrices et créer ainsi une dynamique propre à l'intérieur du groupe. P. Rossel (1986:99-100) écrit à propos de l'artisanat et le Tiers-monde : " Constater cet ancrage de l'artisanat dans la reproduction des sociétés n'a d'intérêt que dans la mesure où il permet de suggérer l'importance de rétablir des liaisons du même type; sans passéisme, mais dans un souci d'entretenir, créer ou recréer les conditions de la communication sociale et donc du bon usage des potentialités tecl1niques."

Il est intéressant de noter que les mêmes soucis de procurer aux femmes des conditions socio-économiques minimums pour survivre sont des stratégies que nous retrouvons dans les différents pays d'accueil d'Amérique latine comme l'Equateur et le Mexique.

"Si le but premier des ateliers a été de permettre à des femmes de confectionner des vêtements pour elles-mêmes ou leur famille, il a fallu se rendre à l'évidence que la plupart des réfugiées sont à la recherche d'un travail rénuméré et que les possibilités offertes se font de plus en plus rares.

Pour cette raison, le Centre a essayé de développer des ateliers qui leur permettent de gagner un peu d'argent."

(rapport d'activités Camille Martin 91 ).

Ainsi, simultanément, le thème de l'aide au retour est développé aux niveaux genevois et international. Ce thème représente à lui tout seul un domaine de n=Jchorche et de collaborations entre différentes institutions

(ONG, Institutions étatiques, organisations internationales et privées) et fait partie des enjeux actuels.

Cours d'alphabétisation et de français

Le Centre Camille Martin organise des cours d'alphabétisation et de français. L'alphabétisation des adultes dans une langue étrangère constitue un enjeu important sur le plan de la formation. De plus en plus, les pays occidentaux sont confrontés à cette réalité, mais comme le souligne J. Hébrard (1 991 :26) la prise en charge par les associations des problèmes de formation devient de plus en plus rare : "La formation échappe au secteur associatif et se consacre prioritairement au recrutement des cadres ou à ceux de la communication en ehtreprise, lorsque l'alphabétisation des émigrés n'est plus une priorité, lorsque le chômage trie parmi les travailleurs potentiels ceux qui, employés dans des secteurs dynamiques, n'ont aucune chance de reconversion, alors sont peut-être réunies toutes les conditions qui vont permettre de donner corps à la notion d'illetrisme." D'autre part des études effectuées dans le domaine du bilinguisme montrent qu'une bonne maîtrise de la langue maternelle facilite l'acquisition d' une deu xième langue. La problématique de l'alphabétisation a constitué depuis de nombreuses années un objet de recherche notamment de l'Unesco qui a développé des concepts tels que l'alphabétisation fonctionnelle pour les pays en voie de développement. De plus, on accepte d'une manière générale que tout processus d1alphabétisation puisse se faire d'abord dans la langue vernaculaire des populations concernées ce qui n'a pas été toujours le cas.

Conclusion

Chacune des formations présentées ci-dessus appartiennent à un champ de recherche et de réflexion qui mérite d'être approfondi de manière plus spécifique. En effet, comment faire reconnaître les savoirs antérieurs des femmes réfugiées tels que l'artisanat, dans une société industrialisée? Comment faire accepter l'identité sociale et culturelle des personnes en provenance d'autres cultures et en situation d'exil? Comment démontrer que d'autres pratiques de soins dans le domaine de la socialisation et de la santé existent et peuvent être enrichissantes? Le Centre Camille-Martin situe sa démarche dans cette perspective. Il nous semble qu'une plus étroite collaboration entre les différentes instances nationales et internationales tels que le HCR, le CICR, la DDA, les ONG, les chercheurs et praticiens peut permettre aussi d'approfondir et d'atteindre un certain nombre d'objectifs fixés. De plus, les activités qui viennent d'être décrites ont non seulement la fonction qui leur est assignée mais servent aussi de moyens de sociabilité, de moments d'échange ou s'établissent des liens affectifs. Pour terminer cette présentation, il est nécessaire de mentionner le rôle important d'un espace de dialogue et de concertation, qui tout en s'adaptant aux besoins des femmes réfugiées et exilées, tentent de promouvoir un certain nombre d'initiatives nouvelles. Pour que l'action du Centre Camille··Martin dans le domaine des femmes réfugiées et exiléc3s dépasse un cadre restreint et puisse avoir u n impact à un niveau plus large, il est nécessaire qu'elle puisse être diffusée dans d'autres espaces. Mais n'oublions pas que le Centre doit aussi s'adapter à d'autres -facteurs d'ordres culturels, économiques Gt juridico-politiques du contexte Suisse et international ce qui ne rend pas toujours sa tâche facile.

Perspectives de recherche

En tant que chercheures en Sciences de l'Education, nous pensons que des recherches participatives devraient s'effectuer dans une perspective interdisciplinaire dans le but de promulguer des actions politiques, socio­

économiques, juridiques et psychologiques concernant les femmes réfugiées dans les pays d'accueil. La participation des femmes réfugiées que ce soit dans les pays développés comme la Suisse ou en voie de développement comme le Mexique et l'Equateur est relevée comme facteur important dans les deux articles et elle reste toujours à notre sens nécessaire à des interactions sociales entre les individus pour leur permettre d'acquérir les moyens nécessaires pour vivre une nouvelle vie avec leur famille. L'information et la formation des femmes réfugiées doivent continuer à être des perspectives de recherche car elles permettront aux femmes de classes sociales diverses de comprendre et de maîtriser le nouvel environnement. Les femmes réfugiées demeurent les piliers essentiels d'un passé culturel et famiiiai qu'ei ies transmettent à ieurs enfants tout en essayant de s'adapter à des sociétés d'accueil. Ces dernières peuvent leur paraître au début de leur expérience douloureuses, incompréhensibles et nous pensons plus particulièrement aux femmes rurales des pays en voie de développement.

Ces diverses constatations nous amènent à proposer quelques pistes de recherche concernant la problématique

"Femmes réfugiées et Formation" ce qui implique des investissements économiques et humains plus grands

- Poursuivre les recherches concernant le recueil de données statistiques et qualitatives dans une perspective comparative dans le domaine des femmes réfugiées;

- Contribuer à la constitution d'équipes pluridisciplinaires afin de trouver des solutions au réajustement professionnel des femmes;

- Développer la recherche au sujet de l'innovation pédagogique dans des situations plurilingues et pluriculturelles;

- Mettre sur pied des expériences de formation souples en particulier pour les femmes des zones rurales pour ce qui est des possibilités d'autonomie sur le plan socio­

économique;

- Favoriser les collaborations entre les divers organismes locaux, nationaux et internationaux ainsi qu'entre les chercheurs et les praticiens;

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PROJET D' INTEGRATION POUR FEMMES REFUGIEES

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