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analyses monographiques comparatives

3) Le K est fixé pour que les recettes couvrent à la fois les sommes destinées à

3.4 Bilan : une gestion intégrée et centralisée, avec des forces et des faiblesses 1 Intégration des différents acteurs

3.4.3 Forces et faiblesses du système de régulation

Le modèle de régulation anglais a donné lieu à une littérature particulièrement fournie. Parmi les travaux récents, on peut citer les thèses de C. Defeuilley et d'E. Sage21.

L'observation pratique des résultats obtenus par l'Ofwat permet de dégager les avantages et les faiblesses du système.

3.4.3.1 Les succès de la régulation

Le premier succès du système est d'avoir atteint les objectifs de départ22. La stimulation sur les services d'eau, l'amélioration des infrastructures, de la qualité et des services aux clients sont réelles.

Le niveau de performance contrôlé par les indicateurs n'a cessé de s'améliorer au fil des ans, comme en attestent les éditions annuelles du "Report on levels of service for the water industry in England and Wales".

Le financement privé a pris la relève des finances publiques et la productivité a été améliorée (entre 92 et 97, le coût unitaire par abonné a été réduit de 12% pour l'eau et de 10% pour l'assainissement23).

La compétition a bien été introduite malgré la quasi-absence de concurrence.

21 (Defeuilley 1996 ; Sage 1999)

22 C'est une conclusion de l'audit de l'Ofwat, commandé par le gouvernement travailliste (op. cit.). 23 (Ofwat 1997).

J.W. Sawkins (1995), qui a réalisé un bilan des effets de la "yardstick regulation", constate à la suite d'entretiens menés avec des responsables d'une douzaine de compagnies :

"La concurrence par comparaison a été un aiguillon pour le management et le moyen par lequel la pression de la régulation s'exerçait".

Le système en place constitue un processus d'apprentissage qui induit la dynamique d'amélioration. Trois mécanismes expliquent cette efficacité :

- L'information est capitalisée d'année en année. L'Ofwat améliore sa connaissance des coûts et est capable de suivre l'évolution des résultats et des dépenses, ce qui permet de raisonner non pas seulement en comparatif, mais aussi d'analyser les tendances.

- Les objectifs ne sont pas fixés, mais évolutifs. Ils tiennent compte de l'écart de performance à la moyenne. Ainsi, une compagnie excellente qui arrêterait de s'améliorer verrait sa notation se dégrader. Les objectifs évoluent aussi en fonction des exigences légales ou politiques.

- Le processus est cyclique, avec une remise à plat tous les cinq ans (Periodic Review), qui permet de réajuster en permanence le système, tout en laissant entre chaque révision, suffisamment de temps aux entreprises pour mettre en place leur stratégie à moyen terme et dégager un profit.

Enfin, ce système de régulation a su mettre en place une diversité de leviers

d'action qui sont autant de moyens d'instaurer la stimulation : price cap, indicateurs de

performance (DG), comparaison, services garantis (GGS), promotion de bonnes pratiques...

3.4.3.2 Les effets pervers

Malgré ses forces, le système anglais présente aussi des aspects négatifs qu'il convient de souligner.

Ce système comporte un certain déficit démocratique.

Le rôle quasiment nul des autorités locales soulève la question de la représentation des consommateurs. L'Ofwat, censé prendre en compte l'intérêt des clients, ne s'est pas doté d'outil de sondage d'opinion.

Un audit conduit en 1997 par le National Audit Office, à la demande du gouvernement Travailliste, formule cette principale critique sur le fonctionnement de l'Ofwat24.

D'autre part, les compagnies reprochent parfois à l'Ofwat d'être trop directif et de ne pas jouer réellement le jeu de la concertation.

24 op. cit.

Les compagnies sont soumises au contrôle conjoint de plusieurs régulateurs, dont les positions peuvent être incompatibles, voire contradictoires (cf. l'opposition

entre l'EA et l'Ofwat déjà citée).

Ce type de contradictions révèle un peu plus le déficit d'expression démocratique dans la gestion de l'eau. Toutefois, un arbitrage politique fort atténue cet inconvénient. En l'absence d'une orientation de la tutelle politique, ces contradictions sont dangereuses car elles peuvent conduire les régulateurs à se neutraliser mutuellement. Par contre, ces divergences deviennent une force si le gouvernement, issu du processus démocratique, les utilise comme une source de propositions sur lesquelles il se détermine.

Les tensions entre intérêts divergents s'expriment également au sein des compagnies. Celles-ci sont prises entre plusieurs impératifs : satisfaire le client, le

régulateur, l'actionnaire et se conformer à la législation.

Le coût social des gains de productivité est sensible. Les diminutions d'effectif ont

été continues depuis la privatisation. Entre 1995 et 1996, les services d'eau et d'assainissement sont passés de 38 910 à 36 307 employés, soit une réduction de 2 500 emplois.

Le coût direct du système de régulation lui-même n'est pas négligeable. L'Ofwat

emploie environ25 150 personnes, plus une centaine dans les CSCs. Son budget représente environ 7,5 à 10,5 millions de livres (soit 11,5 à 16 millions d'euros), financé par une taxe sur les compagnies d'eau. De plus, la collecte de l'information au sein des compagnies ajoute un coût supplémentaire. Le système est donc très lourd.

Un risque de dérive vers une bureaucratisation existe. L'équilibre entre

l'information suffisante et l'excès d'information est difficile à trouver.

Le fonctionnement de la régulation conduit à figer la répartition actuelle entre les compagnies. Les comparaisons, les analyses de coût (par régressions

multifactorielles) ne sont valables qu'avec un nombre suffisant d'entreprises. Les régulateurs (Ofwat et MMC) limitent donc les fusions entre compagnies. Une fusion n'est acceptée que si les contreparties offertes (en terme par exemple de baisse de prix) compensent la perte de compétition induite.

Ce système, qui a des justifications économiques certaines, peut conduire à conserver séparés des services dont la fusion serait profitable d'un point de vue technique (par exemple une région de forte consommation et une région de forte ressource).

Les entreprises anglaises reprochent également la trop forte personnalisation de la régulation à travers son directeur général26. Elles craignent des décisions arbitraires

25 Source : Ian Byatt, dont les propos sont rapportés dans le rapport du HCSP (Haut Conseil du Secteur Public 1999).

26 Comme en attestent divers entretiens réalisés lors du voyage d'étude dans plusieurs compagnies anglaises, ainsi que des articles de presse parus au moment de la periodic review de 1999.

et partiales. Mais à l'inverse, l'arrivée d'un nouveau directeur, peu aguerrit à la négociation avec les entreprises, peut à l'inverse entraîner une faiblesse de la régulation.

Surtout, l'augmentation sensible de la facture d'eau a ménagé des profits confortables aux entreprises. Le price cap n'a pas permis de limiter suffisamment la rente de monopole.

Le K moyen fixé en 1989 pour dix ans prévoyait une augmentation annuelle de 3,6% au-dessus de l'inflation. Il fut réduit à 1,4% à la révision de 199427. Sur la période de 1992/93 à 1996/97, le rendement effectif du capital a été compris entre 8,4 et 11%28, ce qui reste relativement élevé. Entre 1991 et 1995, le versement des dividendes a doublé.

Le système semble donc avoir été jusqu'à présent plutôt favorable aux compagnies et à leurs actionnaires, comme sont prêts à le reconnaître certains dirigeants d'entreprise29. En 1999, Ian Byatt a de nouveau anticipé la révision décennale afin cette fois-ci d'imposer des K négatifs dès 2000.

Stephen Littlechild lui-même s'est trouvé confronté à cette difficulté, dans son rôle de régulateur du secteur électrique. Il reconnaît :

"J'ai sous-estimé les économies d'investissements que les entreprises pouvaient faire, les réductions de leurs coûts d'exploitation, leurs capacités d'emprunt, les réserves qu'elles pouvaient distribuer à leurs actionnaires et tout cela sans qu'elles risquent de compromettre les dividendes à l'avenir." 30

Une raison invoquée pour expliquer cette difficulté à estimer les coûts vient de ce

que les entreprises privées interviennent non seulement dans le secteur régulé, mais développe également d'autres activités dans le secteur concurrentiel 31. La régulation économique s'en trouve compliquée. La précision des règles et des conventions comptables prend une importance particulière.

Enfin, certains auteurs estiment que le modèle de régulation induit une

orientation des stratégies industrielles vers le court terme. Defeuilley explique que

lorsque la pression du régulateur se fait sentir trop souvent, les actionnaires perdent confiance dans les engagements pris. Ils craignent de voir les avantages obtenus trop rapidement effacés lors d'une période de négociation suivante. Ainsi, le retard de régulation, dont parle Williamson, ne serait pas assez fort dans le système anglais, entraînant une préférence des actionnaires pour les gains à court terme.

27 1996/97 Report on tariff structure and charges, p 8.

28 1996/97 Report on the financial performance and capital investment of water companies in England and Wales p 24.

29Voir par exemple l'analyse de la régulation menée par H. Speed, directeur de Northumbrian Water (Speed 1997) : "Les facteurs d'ajustement du prix pour les cinq premières années ont été fixés par le gouvernement de manière à assurer des niveaux de profits confortables, à un moment où l'industrie était généralement en récession." (p 28).

30 In "Aspects of electricity supply industry", p 36 (Trade and Industry Committee 1995). Sur l'asymétrie d'information dans les modèles de régulation, voir aussi Laffont J.-J. et Tirole J. (1993).

31 Sur le plan théorique, Braeutigam aborde cette question notamment \ (Braeutigam et Panzar 1989).

La conséquence est double :

- un sous-investissement préjudiciable à la pérennité du service, - une prise en compte minimale des obligations de service public.

Ce dernier aspect est amplifié par la mise en place des indicateurs. Les entreprises peuvent en arriver à réduire la notion de principe de service public aux seuls aspects mesurés par les DG. Ian Byatt constate lui-même l'affaiblissement du principe d'universalité du service depuis la privatisation. Il déclare (in Haut Conseil du Secteur Public 1999) :

"Le service universel n'est pas suffisamment assuré. La privatisation a favorisé les coupures d'eau pour non-paiement des factures. Le Gouvernement vient d'interdire ces mesures mais nous doutons des retombées d'une telle décision."

L'économiste anglais Mac Gowan (1995) de l'Université de Sussex, conclut dans le même sens.