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analyses monographiques comparatives

4 Le Portugal : un système mixte

4.3 Bilan : un système mixte à divers titres

4.3.1 Le degré d'intégration des différents acteurs

Figure 10 - L'intégration des différents acteurs de la gestion de l'eau au Portugal

Comme le montre la Figure 10, bien qu'une part importante des acteurs joue un rôle à l'échelle locale, une tendance à l'intégration et à la centralisation apparaît. Certains acteurs (administrations, liées au Ministère de l'Environnement, compagnies multimunicipales et IPE-AdP) sont déjà développés au niveau régional et national alors que d'autres (institut de régulation et compagnies privées) sont en voie de le devenir.

Contrairement au cas français, il ne semble pas y avoir de fort décalage dans le niveau de centralisation des différents acteurs :

- à la compétence locale des communes correspondent le plus souvent des exploitants publics locaux,

- à l'organisation supracommunale des compagnies multimunicipales et des futurs exploitants privés, probablement d'échelle nationale, correspond l'institut de régulation national. Intégration Locale Régionale Nationale Communes Institut de Régulation (IRAR) Compagnies multimunicipales Opérateurs privés Exploitants communaux Etat et Administrations Exploitants Publics et privés Les acteurs Ministère de l'environnement, DRARN, INAG Comités de bassin Communes Associations IPE Organisation de l'exploitation Encadrement, régulation, financement gestion du milieu Exploitation, organisation opérationnelle des services Intégration Locale Régionale Nationale Communes Institut de Régulation (IRAR) Compagnies multimunicipales Opérateurs privés Exploitants communaux Etat et Administrations Exploitants Publics et privés Les acteurs Ministère de l'environnement, DRARN, INAG Comités de bassin Communes Associations IPE Organisation de l'exploitation Encadrement, régulation, financement gestion du milieu Exploitation, organisation opérationnelle des services

4.3.2 Les évolutions en cours

La réforme engagée dans le secteur des services d'eau est ambitieuse. Elle prévoit une gestion plus intégrée et une ouverture au secteur industriel privé.

La gestion intégrée s'inscrit dans le débat actuel sur la régionalisation. Un référendum est prévu pour décider si le pays se dotera de ce nouvel échelon administratif entre les communes et le gouvernement central. Or, à travers la gestion des services d'eau (compagnies multimunicipales, comité de bassin ou DRARN) c'est déjà une sorte de régionalisation à la carte qui s'est mise en place. Ce regroupement relativement souple entre les communes permet de trouver les formes et le niveau de collaboration adaptés au domaine spécifique de la gestion de l'eau. Même si la régionalisation n'est pas adoptée, il est probable que la logique de collaboration régionale entre les communes l'emportera sur l'approche par bassin versant.

La privatisation est enclenchée, mais elle est loin d'être arrivée à son terme. A l'origine, la holding multimunicipale (AdP) a été créée comme un instrument provisoire de réorganisation des services au niveau régional dans les zones urbaines. La privatisation partielle (49%) aurait dû survenir à moyen terme (4 ou 5 ans). Le gouvernement socialiste a pratiquement abandonné ce scénario, renforçant de plus en plus le secteur public (ainsi, le modèle multimunicipal a été étendu à la gestion des ordures ménagères). L'activité d'AdP s'élargit à l'international, mais aussi à l'intérieur du pays : la holding a répondu à des appels à candidature pour des contrats de concession, en concurrence avec des entreprises privées. Le développement d'un secteur public fort est un atout pour réorganiser le secteur de l'eau. Toutefois, des tensions apparaissent avec les entreprises privées et au sein même du gouvernement. La question de la régulation de ces compagnies publiques reste posée tant que l'autorité de contrôle ne prend pas plus forme.

Par conséquent, la seule possibilité de développement du secteur privé reste la signature de contrat de concession par les communes restées en dehors du système multimunicipal. Reste à savoir si c'est le tissu des petites entreprises locales qui va prendre le dessus ou si des compagnies industrielles importantes issues de secteurs d'activité proches (travaux publics...) vont gagner le secteur de l'eau et permettre l'émergence de groupes nationaux. Cette émergence des grandes compagnies privées risque d'être entravée par deux concurrents : les compagnies publiques ou même, dans le prolongement de ce qui s'est déjà passé, les grands groupes issus d'associations internationales.

Enfin, la mise en place du système de régulation au niveau national est la dernière évolution notable mais le mécanisme semble actuellement au point mort et la forme de l'institut de régulation reste encore trop peu définie pour savoir quels pouvoirs elle aura vraiment.

4.3.3 Les forces et les faiblesses

Le système de gestion portugais présente plusieurs forces :

- La prise de conscience politique du besoin d'améliorer les équipements d'eau et d'assainissement a enclenché une réforme qui permet un progrès sensible dans la gestion des services.

- Les communes, dont le pouvoir de décision reste important, ont également intégré le domaine de l'eau parmi leurs priorités.

- La gestion planifiée et intégrée entre les différents usages de l'eau à travers les plans (nationaux, de bassin, communaux...) permet une meilleure coordination des actions publiques.

- Le système des compagnies multimunicipales permet une gestion regroupée à une échelle pertinente, met en place des équipements structurants importants pour la sécurisation de l'alimentation et de l'assainissement et ouvre la perspective d'une gestion financière plus équilibrée.

- Le secteur de recherche dynamique et le développement des compétences techniques créent des conditions favorables.

Pourtant, le système portugais montre aussi quelques faiblesses :

- Les dix dernières années ont connu un manque de continuité dans les décisions politiques (choix, puis abandon de la logique de bassin, hésitations dans le processus de privatisation et lenteur de la mise en place de la régulation) qui nuit à l'efficacité de la gestion.

- Le problème du financement à terme reste posé. Si les fonds européens permettent de financer largement les investissements, les charges d'exploitation seront ensuite supportées par les services. Il existe un risque non négligeable de voir les installations sous-exploitées faute de financement suffisant pour l'exploitation. Cette constatation montre que, comme dans la plupart des pays européens, le Portugal ne pourra pas faire l'économie d'une augmentation progressive du prix de l'eau. La couverture des coûts par l'usager n'est pas encore une réalité.

- L'incertitude sur l'évolution du processus de privatisation comporte un risque. Face à un tissu industriel peu développé la lente mise en place des outils de régulation n'est pas encore pénalisante. Mais, dans l'hypothèse où les délégations impliquant de puissants groupes d'ingénierie étrangers s'accéléreraient, la faiblesse de l'institut de régulation conjuguée avec une trop jeune expérience des communes dans le domaine de la contractualisation risquent de créer un déséquilibre de pouvoir entre les communes et leurs exploitants. La privatisation pourrait alors être synonyme de dérégulation.

4.3.4 Quel modèle de régulation ?

Le système de régulation portugais est un système mixte entre la régulation locale par les collectivités, la régulation gouvernementale centralisée et la régulation centrale par un organisme indépendant.

Les mécanismes de régulations se classent en trois catégories :

- le contrôle par l'actionnariat public (communes et gouvernement) des compagnies multimunicipales,

- la fixation des conditions de délégation dans les contrats (déterminant les conditions de fixation du prix ainsi que les responsabilités et les engagements de l'exploitant),

- le contrôle par le jeu d'un observatoire de la concurrence qui fait circuler l'information sur les services afin de permettre des comparaisons. Ce dernier volet reste actuellement potentiel, soumis à la mise en place effective de l'institut de régulation.

En conclusion, le système de gestion de l'eau portugais est un système mixte à

bien des égards :

- une privatisation à la française potentiellement ouverte, avec une professionnalisation des entreprises gestionnaires, mais avec un poids public encore dominant,

- une tendance à l'intégration des décisions et à une résolution des difficultés au niveau supracommunal, mais avec un pouvoir des communes qui reste incontournable (comme les communes allemandes),

- un système de régulation autonome (plus proche donc du système anglais) prévu au niveau national, mais qui manque encore de moyens et de pouvoir.

L'ensemble de ces caractéristiques fait du système portugais un modèle à part entière qui ne saurait être rattaché à un autre des modèles européens existants.

Mais avant tout, le modèle portugais est sans doute un modèle "en devenir". Les évolutions en cours en sont à leur début. Suivant l'évolution des deux principaux acteurs que sont les gestionnaires privés et le régulateur, le Portugal se rapprochera peut être plus nettement d'un modèle existant.

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L'Italie : une tentative de réorganisation et de régulation de services