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analyses monographiques comparatives

5 L'Italie : une tentative de réorganisation et de régulation de services éclatés

5.1.1 Un contexte de gestion difficile

Le premier problème de la ressource en eau en Italie est quantitatif : 34,6% de la

population alimentée par les réseaux publics ne reçoit pas une quantité d'eau suffisante pendant au moins un trimestre par an37.

Mais, contrairement à l'Angleterre, la rareté de la ressource n'a pas conduit à une centralisation de la gestion. L'éclatement des services reste une caractéristique forte de

l'Italie. Le pays compte 8 000 communes. Des données de l'ISTAT38, rapportées par C. Tore, dénombraient en 1987, 23 500 unités physiques avec 5 500 services d'eau potable, 7 000 réseaux de collecte d'eaux usées et 11 000 stations d'épuration. Cette répartition correspondrait à environ 13 000 gestionnaires (Massarutto 1997). L'Italie est donc au deuxième rang de l'éclatement de la gestion des services après la France.

D'un point de vue économique, l'équilibre des dépenses par les recettes du

service est souvent partiel, la fiscalité générale (de l'Etat) supportant le complément de

financement. Les affaires de corruption et de malversation ont également touché le milieu de l'eau. L'opération "mani pulite" (mains propres) a eu des retentissements dans ce secteur.

L'existence de nombreux petits services, souvent mal financés, a entraîné une dégradation technique des installations (rendements faibles, efficacité de l'assainissement souvent insuffisante).

Ce constat explique la volonté politique d'entreprendre des réorganisations du système de gestion de l'eau en Italie, avec la loi Merli, puis la loi Galli.

5.1.2 Le cadre légal 1976

La loi 319/76 (dite loi Merli) fixe le rôle respectif des différents niveaux

administratifs (communes, provinces, Etat) dans la gestion de l'eau.

Elle favorise également le développement des systèmes d'assainissement. Le texte introduit des règles plus strictes sur les rejets. Toutefois, elles ne concernent que les

37 (Tore 1998).

rejets industriels et non pas les rejets des systèmes municipaux publics. De plus, sous la pression des lobbies industriels, de nombreux décrets ont repoussé la limite d'application de la loi. La création d'agences de bassin, calquées sur le modèle français, était également prévue. Mais leur mise en place a été longue et incomplète.

1989

La loi 183/89 relative à la défense des sols est la première à proposer le principe du regroupement de services d'eau et d'assainissement dans des syndicats intercommunaux à adhésion obligatoire, en correspondance avec les bassins versants. Elle crée aussi des autorités de bassin chargées de gérer la ressource, mais sans pouvoir financier propre.

1990

La loi 142/90 reprend le principe des regroupements, mais toujours sur le mode de la proposition.

1992

La loi 498/92 prévoit de réformer la tarification pour assurer un équilibre des recettes et des dépenses des services d'eau. Mais, en l'absence de décrets d'application, la loi n'est jamais entrée en vigueur.

1994

La loi 36/94 (dite loi Galli) marque une étape importante dans la réforme du

système de gestion de l'eau en Italie. Elle répond à plusieurs objectifs :

- Améliorer la gestion de la ressource en donnant la priorité à l'alimentation en eau potable. L'eau souterraine passe dans le domaine public et doit être gérée en respectant un principe de solidarité. Les usages de l'eau sont soumis à un régime d'autorisation plus strict et la gestion de l'offre et de la demande doit être planifiée.

- Améliorer la gestion des services en regroupant, de manière obligatoire les

communes. Les communes sont invitées à se regrouper pour transférer leurs

responsabilités à des structures transversales, "périmètres de gestion optimaux". Si le regroupement n'est pas effectué volontairement, passé un certain délai, les régions imposent la création de ces périmètres. Ils sont basés sur trois principes : respecter le bassin versant, résoudre le problème de l'éclatement des ressources et permettre des effets d'échelle positifs. La relation entre les communes et la nouvelle structure est une relation de concession (la propriété reste publique mais l'exploitation, la maintenance et les investissements nouveaux sont confiés à l'opérateur).

- Améliorer la couverture des coûts par les recettes. Les articles 9 et 11 de la loi insistent sur la nécessité de créer les conditions de l'efficacité économique et financière des services. Elle détermine les règles à appliquer pour la fixation du prix. Elle devra se baser en particulier sur un plan d'investissement préparé dans chaque périmètre de gestion.

- Améliorer la qualité du service aux usagers. Les articles 4, 6, 13 et 21 insistent sur la prise en compte des usagers et sur la nécessité d'améliorer la qualité du service rendu.

La loi 61/94 met en place les Agences nationales et régionales de l'Environnement, sous le contrôle direct du Ministère de l'Environnement et des régions, chargées d'organiser et de contrôler les aspects environnementaux.

5.1.3 Les modes de gestion : propriété, compétences et forme

d'exploitation

5.1.3.1 Les modes de gestion traditionnels

Traditionnellement, la gestion des services pouvait prendre trois formes. • La gestion directe (environ 35% du volume d'eau distribué39)

Le service d'eau n'a pas de budget propre et son personnel est directement intégré au personnel municipal.

• L'entreprise municipale autonome de droit public (régie) "azienda minicipalizzata" (environ 43%)

Elle a un budget mais n'a pas de personnalité juridique propre. Son autonomie par rapport à la commune est donc limitée.

Certaines communes se sont regroupées sous cette forme, équivalent de nos syndicats (consorzio) ou de nos districts (compresorio).

• La gestion déléguée à une entreprise privée (environ 4%)

La commune contracte avec une entreprise privée. La commune reste propriétaire des installations (qui lui sont remises à la fin du contrat) mais délègue l'exploitation et éventuellement l'investissement à l'opérateur privé.

A ces trois catégories, s'ajoute celle des établissements publics régionaux (19% de la distribution), contrôlés par l'Etat et dont le rôle consiste à organiser l'adduction d'eau potable (et parfois aussi l'assainissement) basée sur des infrastructures de transfert de grande échelle. Ces établissements sont surtout développés dans le Sud.

Dans tous les cas, le prix du service était proposé par la commune ou l'organe de gestion, devait être approuvé par le comité des prix de la province et adopté définitivement par le Comité Interministériel des Prix. Ces instances ont été supprimées en 1994, un nouveau système de fixation étant mis en place par la loi Galli.

Comme en Allemagne, certaines entreprises communales assurent conjointement plusieurs services (notamment la distribution d'eau, d'électricité et de gaz).

39 (Massarutto 1997).

5.1.3.2 L'évolution récente introduite par la loi

La loi Galli constitue indéniablement une réforme capitale du système italien. Même si la résistance au regroupement est parfois forte pour des raisons politiques, à l'heure actuelle, la grande majorité des regroupements a été votée par les régions et une centaine de services devraient ainsi, en théorie, émerger.

Ce texte et quelques autres sont venus modifier l'organisation traditionnelle des services pour en rationaliser la gestion :

- Le système de gestion directe est interdit. Toutefois, cette mesure n'est pas encore rentrée dans les faits puisque la gestion directe représente toujours 35% de la distribution d'eau (et 83% de la gestion des réseaux).

- Les entreprises municipales ont gagné en autonomie, même lorsqu'elles restent de droit public.

- Elles peuvent passer sous statut de droit privé. Bien que la propriété des actions reste en grande majorité publique, cela permet des associations avec d'autres partenaires privés.

- La loi Galli favorise l'émergence des opérateurs privés. En effet, les entités administratives regroupées ("périmètres optimaux de gestion") sont chargées de signer des contrats de délégation avec un opérateur unique, qui peut être public ou bien être une entreprise privée.

- Enfin, la loi Galli introduit un nouveau système de régulation du prix, inspiré du modèle anglais, détaillé ci-après (p 150). Un comité de contrôle est créé (Comitato di Vigilanza).

Ainsi, l'évolution législative a permis une recomposition de la gestion des services d'eau visant à améliorer son fonctionnement. Elle fixe trois directions principales :

- le regroupement des collectivités pour favoriser les effets d'échelle positifs,

- la mise en place d'outils de régulation à un niveau centralisé, mais qui respectent la flexibilité locale (systèmes du Comité de Vigilance et de la fixation des prix),

- l'ouverture du secteur de l'eau aux opérateurs privés.

5.2 Les acteurs