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Les fondements de la subsidiarité

Dans le document La subsidiarité en droit privé (Page 87-99)

107. – L’examen de ce qui va suivre, montrera qu’il existe une diversité des fondements de la subsidiarité. La richesse de la notion répugnerait à l’idée qu’on puisse la limiter à un ou deux fondements. De plus, nous remarquerons qu’il existe des fondements qui se rattachent au fond du droit, ceux-ci sont les plus importants, et d’autres qui sont à caractère purement technique 194.

Ainsi, seront étudiées successivement la prohibition de la fraude à la loi (sous- section 1ère), l’équité (sous-section 2), l’institution de la personnalité morale (sous-

section 3) et, la liberté laissée aux plaideurs dans le procès (sous-section 4).

Sous-section 1ère : La prohibition de la fraude à la loi : fondement de la subsidiarité

illustré par l’action en enrichissement sans cause.

108. – Ce fondement de la subsidiarité évoque le respect des institutions juridiques. La subsidiarité rejoint la nécessité d’interdire la fraude à la loi. Illustrée par l’action en enrichissement sans cause, celle-ci ne saurait autoriser aucune fraude

à la loi, quelles que soient les circonstances195.

La jurisprudence précédemment analysée196, démontre clairement que l’action

en enrichissement sans cause ne saurait être employée pour causer un

bouleversement dans l’édifice du Droit.

109. – Il serait également instructif d’exposer dans ce qui suit les opinions des auteurs sur ce point, opinions qu’ils ont formées à partir de l’analyse par eux faite de cette jurisprudence, si cohérente d’ailleurs.

La subsidiarité qui fut créée, pour l’action en enrichissement sans cause, par la doctrine et fut par la suite adoptée par la jurisprudence, le fut, en effet, dans le but d’éviter la subversion de l’ordre juridique par une action qui est considérée comme un

instrument d’équité.

C’est pour ne pas permettre que l’équité régisse les obligations et gouverne l’équilibre entre les prestations des parties au contrat, que la jurisprudence − incitée à

193 P. MORVAN, op. cit., n° 580, p. 540 et les réf. citées. Sur la conception nouvelle de la subsidiarité, v.

aussi : infra nos 754 et s.

194 Nous n’allons pas adopter la distinction entre les fondements qui se rattachent au fond du droit, et ceux

qui ont un caractère technique, car une telle distinction n’apporterait rien de constructif à l’étude de la subsidiarité.

ceci par la doctrine −, a posé le principe du caractère subsidiaire de l’action en enrichissement sans cause. C’est aussi pour une raison plus impérieuse et plus légitime que ce principe a été exigé par la jurisprudence ; il s’agit de ne pas permettre que l’équité envahisse le droit positif et rende lettre morte les prescriptions impératives de la loi197.

Il était donc indispensable d’endiguer ce courant d’équité qui menacerait la stabilité et la pérennité des institutions juridiques qui assurent la sauvegarde des droits légalement acquis et la prévisibilité des solutions pour les justiciables. Cette nécessité de combattre ce courant d’équité se justifiait d’autant plus que la subversion de l’ordre juridique, pouvait se produire de manière inconsciente198.

Un éminent auteur avait depuis longtemps souligné que, la reconnaissance du principe que nul ne peut s’enrichir injustement aux dépens d’autrui comme règle générale absorberait divers moyens juridiques qui auraient ce même but199. Ce

principe ressemblerait selon lui, à un courant qui dévasterait le droit et « abattrait comme châteaux de cartes des institutions qui abritent les intérêts »200.

Et avant lui, un autre auteur avait estimé que l’action en enrichissement sans cause était une voie tout à fait exceptionnelle et qu’elle ne pouvait prétendre ni à

suppléer, ni à plus forte raison corriger, les rouages normaux du droit201.Selon lui, la

subsidiarité caractérisant l’action en enrichissement sans cause traduirait les

restrictions que la jurisprudence impose à l’application qu’elle fait du Droit naturel202, opinion qui ne peut qu’être approuvée et qui rejoint clairement celle qui –

plus haut citée – a été émise après lui203. De plus, la supériorité originelle qu’a le

196 V. spécialement : CA Grenoble, 15 déc. 1909 précit. : S. 1918-1919. 1. 42. – Cass. civ., 12 mai

1914 précit. : S. 1918-1919. 1. 41, note E. Naquet.

197 Rappr. : J. CHEVALLIER, Observations sur la répétition des enrichissements non causés, in Etudes

Georges Ripert, T. 2, L.G.D.J., 1950, p. 237, spéc. pp. 242, 245 et 246. – F. GORÉ, note sous CA Toulouse, 5 oct. 1959 in D. 1960, jur. 387 spéc. p. 387, spéc. p. 390, 2ème col.

198 Rappr. : D. J. PAREDES LEITE de CAMPOS, Les présupposés externes de l’action « de in rem

verso », thèse Paris II, 1978, spéc. p. 436.

199 G. RIPERT, La règle morale dans les obligations civiles, L.G.D.J., 1949, nº 133. 200 G. RIPERT, ibid., nº 133.

201 A. ROUAST, L’enrichissement sans cause et la jurisprudence civile, art. précit., nº 30, p. 90. Nous

pensons qu’il faut expliquer l’affirmation de l’auteur selon laquelle, l’action en enrichissement sans cause ne tendrait pas à suppléer les mécanismes normaux du droit. L’auteur a entendu dire que cette action ne devait pas fausser ou empêcher le fonctionnement normal des institutions du droit, ni contourner l’application de la loi latu sensu. Il n’a certainement pas visé la fonction normalement remplie par cette action, qui est celle de remédier à la défaillance de l’action normalement ouverte à l’appauvri et de

suppléer l’absence de celle-ci. – V. aussi : E. CAEMMERER (Von), Problèmes fondamentaux de l’enrichissement sans cause, RIDC 1966. 573, spéc. p. 577 in fine.

202 A. ROUAST, ibid., nº 33, p. 95.

Droit naturel sur le Droit positif, ne devait pas laisser préférer celui-là à celui-ci qui a l’avantage de la précision et de la clarté204. Le recours au Droit naturel, illustré par l’action en enrichissement sans cause, ne devait pas permettre de « tourner » un texte de Droit positif205.

Dans le même ordre d’idées, on a estimé que l’action en enrichissement sans cause ne pouvait servir à éluder les dispositions de la loi ou de l’acte juridique206, et qu’une telle illégalité constituerait une fraude à la loi207. Celle-ci constitue la limite

au domaine d’application de l’action en enrichissement sans cause208.

110. – Se trouve ainsi parfaitement démontrée, la relation existant entre la subsidiarité, s’appliquant à l’action en enrichissement sans cause, et la prohibition de la fraude à la loi.

L’impératif qui dictait d’endiguer le courant d’équité que représente l’action en enrichissement sans cause a suscité des réactions depuis assez longtemps chez les auteurs209. Un auteur classique a estimé que l’équité ne pouvait, sans l’appui d’un

texte, engendrer seule un droit et une obligation210, qu’il conseille par suite de traiter

la matière d’équité avec prudence, et de se méfier des formules très générales. L’équité, autre fondement de la subsidiarité sera envisagée dans ce qui suit.

Sous-section 2 : L’équité. Fondement de la subsidiarité illustré également par

l’action en enrichissement sans cause.

111. – Il est communément reconnu un fondement d’équité à l’action en

enrichissement sans cause, puisqu’il est énoncé qu’il est injuste de s’enrichir au détriment d’autrui.

204 A. ROUAST, art. précit., nº 33, p. 96.

205 A. ROUAST, ibid., nº 33, p. 96. Par cette affirmation, l’auteur complète, de manière très claire, celle

qu’il a faite précédemment, selon laquelle l’action en enrichissement sans cause ne pouvait prétendre à

suppléer les rouages normaux du droit, et qui au premier abord semblait obscure. La suppléance ne devait

donc pas aboutir à la subversion des institutions du droit. – F. GORÉ, note précit. sous CA Toulouse, 5 oct. 1959 in D. 1960, jur. 387 spéc. p. 387, spéc. p. 391.

206 En ce sens : J. CHEVALLIER, art. précit., p. 243. Cet auteur a estimé que cette action « ne saurait être utilisée pour réviser la force obligatoire du contrat », ou pour introduire en jurisprudence « une action générale en rescision des contrats lésionnaires » contraire au droit positif.

207 F. GORÉ, thèse précit., nos 137, 172, 173, 182 et 188. – Ph. DRAKIDIS, La « subsidiarité », caractère spécifique et international de l’action en enrichissement sans cause, RTD civ. 1961. 577, nos 22, 28 et 34.

Ayant une opinion plus nuancée sur cette question, cet auteur a estimé que cette action devait être nécessairement exclue « lorsqu’elle ferait échec à une règle impérative consacrée ». Il considère que, au- delà de la fraude à la loi, c’est plutôt par la nature propre de cette institution et par sa finalité, que s’impose son caractère subsidiaire. – V. aussi : A. CHANDRASEN, thèse précit., p. 68 in fine. – P. ESMEIN, note précit. sous CA Colmar, 25 oct. 1963 in D. 1964, jur. p. 47, 1ère col.

208 F. GORÉ, thèse précit., nos 173 et 182.

209 V. par ex. : J. CHEVALLIER, art. précit., p. 242.

Un auteur a très bien pu démontrer le lien existant entre équité et subsidiarité ; il eut recours à l’interprétation de l’article 4 C.C.211 Ce texte dispose que :

« Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice ».

Dans cet article, l’expression qui attire le plus notre attention c’est le « silence de la loi ». Le silence évoque un vide, une lacune et c’est précisément dans la circonstance de l’existence d’un vide ou d’une lacune dans la loi lato sensu, ou dans

le Droit, que la subsidiarité aurait à jouer212. Contrairement aux termes

d’« obscurité » et d’« insuffisance » qui nécessitent de la part du juge un travail

d’interprétation, le silence de la loi l’oblige à créer ou improviser, une règle de droit,

une solution prétorienne.

Cet auteur explique que le demandeur ne fera appel à l’action en enrichissement sans cause que lorsqu’il n’aura pas à sa disposition d’action du droit commun pour recouvrer son appauvrissement. Il explique aussi que l’équité n’est qu’un moyen subsidiaire, et, qu’il est naturel que les institutions qu’elle engendre

gardent le même caractère213.

112. – En droit libanais une prescription comparable à celle que contient l’article 4 C.C. peut être trouvée dans le dernier aliéna de l’article 4 N.C.P.C. lib.214

Ce texte prescrit au juge de recourir, en l’absence d’un texte, à l’équité. Celle-ci aura donc un rôle normatif subsidiaire.

Elle aura pour fonction de combler les lacunes de la loi ; elle ne pourra être appliquée par le juge que lorsqu’il ne trouve pas dans la loi une règle ou une norme qui puisse être appliquée au litige qui lui est soumis.

A son tour, la jurisprudence a eu plus d’une fois l’occasion d’affirmer de manière très claire le fondement d’équité de cette action. C’est notamment, lorsqu’elle énonce que l’action en enrichissement sans cause, est une action « dérivant du principe d’équité qui défend de s’enrichir au détriment d’autrui »215,

211 F. GORÉ, thèse précit., nº 204, p. 209.

212 F. GORÉ, ibid., nos 199, p. 203 in fine. Cet auteur fait nettement ressortir le lien étroit existant entre les

lacunes du droit positif et l’application de la notion d’enrichissement sans cause. Notons que nous préférons la formule d’enrichissement sans cause à celle d’« enrichissement injuste » employée par l’auteur. – V. aussi : Ph. DRAKIDIS, art. précit., nº 22. – Ch. FILIOS, thèse précit., nº 534, p. 485 in fine. – C. GUELFUCCI-THIBIERGE, Nullité, restitutions et responsabilités, L.G.D.J., bibl. dr. priv. tome 218, 1992, préf. J. Ghestin, spéc. nº 648 in fine.

213 F. GORÉ, op. cit., nº 204, p. 209 et les réf. citées.

214 Sur le texte de l’article 4 N.C.P.C. lib. précité, v. supra nº 23.

215 Cass. req., 15 juin 1892 précit. : D.P. 1892. 1. 596. Cette reconnaissance du fondement d’équité fut

ou, qu’elle « prend sa source dans l’équité naturelle »216, ou qu’elle est « la sanction

de la règle d’équité qu’il n’est pas permis de s’enrichir sans cause légitime aux dépens d’autrui »217, ou alors, lorsqu’elle énonce que l’action en enrichissement sans

cause, s’analyse « en une action en indemnité basée sur l’équité »218.

113. – La jurisprudence libanaise a à son tour, affirmé le fondement d’équité de cette action. Signalons à cet égard un jugement très remarqué du tribunal civil de Beyrouth du 31 octobre 1946, qui énonce dans un attendu de principe que : « l’action

en enrichissement sans cause est fondée sur une règle générale découlant de l’application des principes de justice et d’équité. Cette action fut crée par la jurisprudence sous l’empire de la “Mejelle”, à partir de l’esprit de quelques uns de ses textes, et elle a été admise par elle avant l’entrée en vigueur du Code des obligations et des contrats »219. Bien que rendue par les juges du fond, nous ne

pouvons qu’apprécier la grande valeur doctrinale de cette décision, qui se prononce en termes généraux et pose une solution qui vaut toujours pour aujourd’hui. Elle est également importante à un autre titre ; c’est celui d’avoir reconnu à cette action une origine antérieure à l’entrée en vigueur du Code des obligations et des contrats ; elle remonte selon le jugement au droit ottoman. Ceci nous incite à penser, que cette action n’a pas été crée sous la seule influence du droit français, et des juristes français qui ont contribué à la rédaction du Code des obligations et des contrats libanais, mais qu’elle faisait véritablement partie du droit positif libanais du temps où c’était encore le droit ottoman qui s’appliquait dans ce pays. Ce jugement a été le seul – à notre connaissance – à avoir reconnu le fondement d’équité de cette action de

même à consacrer l’autonomie de cette action. Sur l’autonomie de l’action en enrichissement sans cause, v. supra n° 32 et note 55.

216 CA Grenoble, 15 déc. 1909 précit. : S. 1918-1919. 1. 42.

217 Trib. com. Roanne, 2 juill. 1924 : Gaz. Pal. 1924. 2. 575, note anon. Pour une analyse de cet arrêt, v. infra nº 637 et note 1162. – Rappr. : Trib. paix Marseille, 13 janv. 1948 : Gaz. Pal. 1948. 1. 154 ; RTD civ.

1948. 220, obs. H et L. Mazeaud. Ce jugement définit l’action en enrichissement sans cause et l’obligation de restituer crées par l’enrichissement non causé, comme une « règle d’équité d’origine coutumière ou jurisprudentielle ». Cet attendu reflète un certain courant doctrinal qui estimait que cette action est d’origine coutumière. Nous pensons qu’elle est, plus exactement et plus simplement, une règle d’origine prétorienne ou jurisprudentielle. Dans ce contexte, les adjectifs qualificatifs de « coutumière » et de « jurisprudentielle » ne peuvent être tenus pour synonymes. Sur ce jugement, v. aussi infra nº 643 et note 1168.

218 Trib. civ. Florac, 17 juin 1952 précit. : D. 1953, jur. 261.

219 Trib. civ. Beyrouth, 31 oct. 1946 : RJL 1948. 345. Soulignons que la “Mejelle” est le Code civil

ottoman qui était appliqué au Liban pendant tout le temps où ce pays faisait partie de l’Empire ottoman et jusqu’à l’entrée en vigueur du Code des obligations et des contrats en 1932.

Soulignons par ailleurs que certains textes de ce Code sont toujours en vigueur au Liban, il en est notamment ainsi des règles régissant les incapables.

manière aussi claire et en adoptant une rédaction exemplaire. Ce jugement devait – pensons-nous – inspirer la jurisprudence libanaise, jusqu’à nos jours.

Comme on le voit, l’affirmation en jurisprudence du fondement d’équité de l’action en enrichissement sans cause a été faite d’une manière on ne peut plus claire. 114. – La doctrine classique, et plus spécialement une doctrine autorisée, et des hommes de loi ont reconnu le fondement d’équité de cette action220. On a également estimé que cette action sert à « corriger ce que d’autres règles formelles

pourraient avoir de contraire à l’équité »221. Plus, on a mis en relief le rapport

existant entre le caractère subsidiaire de l’action en enrichissement sans cause et son

fondement d’équité222 ; l’action est accordée au demandeur toutes les fois que les

règles du droit n’offrent pas à celui-ci d’autres moyens juridiques pour obtenir ce qui

lui est dû. Autrement dit, c’est parce qu’elle est subsidiaire, visant à secourir le

demandeur ne disposant d’aucune voie pour exercer son droit à indemnisation, que l’action en enrichissement sans cause possède un fondement d’équité. On a aussi estimé que l’action en enrichissement sans cause est une construction prétorienne

220 AUBRY et RAU, Cours de droit civil français, d’après la méthode de Zacharie, T. 9. Marchal et

Billard, 5ème éd. 1917, § 578-4º, p. 355. Ces auteurs énoncent que : « L’action de in rem verso, (…), doit être admise d’une manière générale, comme sanction de la règle d’équité, qu’il n’est pas permis de s’enrichir injustement aux dépens d’autrui (…) ». – A. DESSENS, Essai sur la notion d’équité, thèse

Toulouse, Boisseau Toulouse, 1934, spéc. pp. 226 à 229. – RIVIÈRE, rapport pour Cass. req., 11 juill. 1889 in S. 1890. 1. 97. Le conseiller Rivière considère que l’action en enrichissement sans cause est « une

action qui a pour base cette règle d’équité suivant laquelle il n’est pas permis de s’enrichir aux dépens d’autrui ». – R. SAVATIER, Cours de droit civil, op. cit., nº 205. – Th. THÉODOROFF, De l’enrichissement sans cause, thèse Toulouse, « Rapide », Toulouse, 1907, spéc. pp. 149, 168 et 177. Cet

auteur considère que l’action en enrichissement sans cause procède « directement » de l’équité, et qu’elle constitue « la sanction du principe d’équité de l’enrichissement obtenu sans juste cause aux dépens

d’autrui ». – G. MONNERVILLE, thèse précit., p. 93. – J. TARTANSON, thèse précit., pp. 112, 116, 122,

131 et 143. Cet auteur estime, quant à lui, que cette action constitue une « pure action d’équité ». – Rappr. : P. CHAINE, L’enrichissement sans cause (dans le droit civil français), thèse Lyon, Waltener, Lyon, 1909, spéc. p. 175. Cet auteur relève que la jurisprudence ne voit dans l’action en enrichissement sans cause qu’une action ayant pour base l’équité pure. Il semble dire que cette consécration ainsi faite, ne suffit pas. Il émet alors le souhait que soient fixées et codifiées les règles régissant l’action en enrichissement sans cause. Or nous voyons, que jusqu’à aujourd’hui ces règles sont demeurées d’origine et de création purement prétoriennes. – G. RIPERT, La règle morale dans les obligations civiles, op. cit. n° 138. – A. ROUAST, L’enrichissement sans cause et la jurisprudence civile, art. précit., nos 29, p. 89 et 31,

p. 91.

Rappr. : J.-P. BÉGUET, thèse précit., nº 170, p. 288. Cet auteur qui qualifie l’action en enrichissement sans cause d’« exception d’enrichissement sans cause », estime que celle-ci donne aux juges un moyen discret « de faire pénétrer l’équité dans le droit ». – V. aussi : J. SAIGET, op. cit., p. 365.

221 G. RIPERT et M. TEISSEIRE, art. précit., p. 790. Les auteurs ajoutent à leur opinion, et qui est encore

plus important, et c’est l’affirmation selon laquelle l’action en enrichissement sans cause en remplissant cette fonction ne détruit pas l’utilité de ces règles. Cette affirmation est en harmonie avec l’idée de subsidiarité qui caractérise cette action, puisque par sa subsidiarité elle ne corrompt ni ne compromet l’ordre juridique et l’application correcte des lois. Les auteurs ajoutent une restriction à leur affirmation, estimant que cette fonction ne peut constituer une caractéristique de cette action. Après cette affirmation, ils reconnaissent cependant que l’application pratique de cette action est impossible, car l’exercice rigoureux de celle-ci serait incompatible avec les nécessités de la vie sociale (v. pp. 791 et 792). Nous ne pensons pas que cette opinion soit fondée, et il aurait suffi de se contenter de la caractéristique de l’action en enrichissement sans cause qu’est la subsidiarité, pour définir son rôle, limiter son domaine et les situations dans lesquelles elle s’applique. Soulignons par ailleurs, que ces auteurs estiment cependant que les considérations d’équité fondant cette action sont assez vagues (v. p. 783).

exigée par l’équité laquelle est ainsi introduite dans l’application du Droit, et « très au-delà du Code civil »223. Ce qui est tout à fait défendable. Plus, on a expliqué l’admission de la solution consistant à rétablir le déséquilibre survenu entre deux patrimoines, par l’idée qu’il s’agit ici d’un principe de droit naturel224.

Les auteurs contemporains, ont à leur tour, reconnu le fondement d’équité de cette action225.

115. – Soulignons par ailleurs, que le fondement d’équité n’est cependant pas propre à l’action en enrichissement sans cause, plusieurs textes du Code civil se réfèrent à cette notion226.

222 Th. THÉODOROFF, thèse précit., pp. 168 et 169.

223 A. DESSENS, thèse précit., pp. 227 in fine et 228. Dans le même ordre d’idées, l’auteur avait relevé

que le Code civil a fait des applications nombreuses du principe qu’il est défendu de s’enrichir sans cause aux dépens d’autrui, mais sans le formuler en tant que réserve générale de solution, v. : thèse précit., p. 227.

224 A. ROUAST, L’enrichissement sans cause et la jurisprudence civile, art. précit., nº 31, p. 93 in fine. 225 V. par ex. : Ch. ALBIGES, De l’équité en droit privé, L.G.D.J., bibl. dr. priv. tome 329, 2000, préf. R.

Cabrillac, spéc. nos 69 à 95. – M. DOUCHY, La notion de quasi-contrat en droit positif français,

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