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er : L’obligation de la caution simple : illustration d’obligation

Dans le document La subsidiarité en droit privé (Page 104-106)

subsidiaire.

129. – Le cautionnement simple nous offre une illustration exemplaire de l’obligation subsidiaire. Cet acte juridique est régi par l’article 2288 C.C., qui se présente ainsi :

« Celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même ».

En droit libanais, il existe un texte hautement comparable à l’article 2288 C.C., il s’agit de l’article 1053 C.O.C., qui dispose que :

« Le cautionnement est un contrat par lequel une personne s’oblige envers un créancier à exécuter l’obligation du débiteur, si celui-ci ne l’accomplit pas ».

130. – Les méthodes suivies respectivement par les Codes français et libanais sont différentes, la signification est cependant la même. C’est le débiteur qui doit en

premier être poursuivi en exécution de l’obligation, l’obligation de la caution ne vient

qu’en second rang.

131. – On peut valablement affirmer que, faute de renfermer un bénéfice de discussion238, le cautionnement solidaire, ne pourrait aucunement engendrer une obligation subsidiaire, car, par hypothèse, la solidarité neutralise la subsidiarité, toute

subsidiarité. Celle-ci étant fondée sur l’idée de hiérarchie ne pourrait aucunement

s’accommoder de la solidarité qui n’est pas, en principe, compatible avec la hiérarchisation des obligations.

Pourtant on a soutenu l’opinion contraire, en estimant qu’il pourrait exister une hiérarchie entre deux coobligés solidaires239.

238 La jurisprudence a en effet eu l’occasion d’affirmer fût-ce de manière implicite, que le cautionnement

solidaire ne donne pas à la caution le droit de se prévaloir du bénéfice de discussion, v. : Cass. com., 30 juin 1987 : Bull. civ. 4, n° 162, p. 122 ; D. 1987, somm. 450, obs. L. Aynès. – V. aussi dans le même sens : Cass. com., 28 juin 1983 : Bull. civ. 4, n° 189. – V. aussi pour une affirmation explicite de cette

solution : Cass. com., 12 mars 1996 : Banque et Droit, n° 98, 1er nov. 2004, p. 3, note J. Lasserre

Capdeville. La Cour énonce que : « Mais attendu que, par motifs adoptés de ceux des premiers juges,

l’arrêt retient que la commune intention des parties était de conclure un cautionnement avec stipulation de solidarité, que celle-ci emporte renonciation au bénéfice de discussion et de division, qu’il en résulte que, le créancier n’étant pas tenu de poursuivre préalablement le débiteur principal (…) ».

239 D. FIORINA, Obligations aux dettes et droit commun des obligations dans les sociétés commerciales,

Thèse Toulouse, 1984, spéc. n° 60, pp.64-65. Cet auteur explique que cette hiérarchie n’est pas incompatible avec l’existence d’une solidarité. La hiérarchie existante tient plus aux modalités de fonctionnement de l’obligation qu’à sa nature juridique.

132. – Nous ne pouvons partager cette opinion, et ceci est d’autant plus vrai qu’elle est démentie par la jurisprudence et les textes en vigueur.

La solution selon laquelle la hiérarchie des obligations serait incompatible avec la stipulation de solidarité peut d’ailleurs, être déduite des termes de l’article 2298 C.C. qui sera étudié plus loin. Mais aussi, elle résulte de manière encore plus

claire des termes de l’article 1073 C.O.C., plus précisément son premier paragraphe. L’article1073 qui n’a pas son équivalent en droit français, se présente ainsi :

« La caution ne peut demander la discussion du débiteur principal :

1) Lorsqu’elle a renoncé formellement à l’exception de discussion, et notamment lorsqu’elle s’est engagée solidairement avec le débiteur principal ; (…) ».

Selon cet article, que la caution se soit engagée avec stipulation de solidarité suppose qu’elle a renoncé au bénéfice de discussion.

133. – Il semble que le bénéfice de discussion ait existé depuis le droit Romain. S’il a été abandonné pendant un certain temps, il fut rétabli sous Justinien en 535240.

Sous l’ancien droit, le bénéfice de discussion ne s’est introduit que tardivement, et en droit commercial, il n’était pas admis241.

Lors de la rédaction du Code Napoléon, le bénéfice de discussion fut admis sans difficulté242. Il fut d’ailleurs expliqué et défendu par les rédacteurs du Code civil de la même manière qu’il est compris et appliqué aujourd’hui243. Il a été également ardemment défendu par un éminent auteur classique244.

134. – Il est intéressant de remarquer que les articles principaux régissant le cautionnement n’ont pas été modifiés. Ils ont été repris dans leur version datant de 1804, mais avec une numérotation différente qui, elle, a résulté des différents travaux

240 C. ACCARIAS, Précis de droit romain, T. 2, 4ème éd., 1891, Paris, Cotillon, spéc. n° 568. – L.

GUILLOUARD, Traités du cautionnement et des transactions, Pedone, 1895, spéc. n° 114 et les réf. citées.

241 L. GUILLOUARD, ibid. n° 114 in fine.

242 L. GUILLOUARD, ibid. n° 115.

243 Dans son rapport au Tribunat, le tribun Chabot explique que le créancier ne serait dispensé de toute

poursuite contre un débiteur qui représenterait des moyens de solvabilité et qui serait contraint à l’exécution, et que c’est le principal obligé qui n’est pas libéré par le cautionnement doit être poursuivi ; c’est d’abord avec lui que le créancier a traité. La qualification donnée à l’obligé de « principal », nous fait inévitablement penser à la hiérarchie du principal et du subsidiaire que crée le bénéfice de discussion (sur ce point, v. infra nos 146 et s.), et à l’existence, respectivement, dans la relation liant débiteur et

caution, d’un débiteur principal et un débiteur subsidiaire. Dans sa défense du bénéfice de discussion, le tribun Chabot avance également qu’il faut discuter le principal débiteur en premier, car il y a ici une présomption en faveur de la caution que celle-ci n’a eu l’intention de s’obliger à payer que dans le cas seulement où le débiteur ne serait pas en état de payer lui-même. V. : P. A. FENET, Recueil complet des

de codification qui sont venus insérer dans le Code civil des lois, des décrets et des dispositions éparses245. Ceci est surtout vrai en ce qui concerne les articles qui nous intéressent dans la présente perspective de subsidiarité de l’obligation, obligation de la caution. Il s’agit des anciens articles 2011, et, 2021 à 2023 C.C. Il n’est donc pas nécessaire de reproduire ces textes ici.

Que les principaux articles applicables au cautionnement aient traversé plus de deux siècles sans subir de modifications, démontre leur haute qualité de rédaction mais surtout qu’ils ont prouvé leur efficacité.

135. – Après cette brève entrée en matière et cet aperçu historique, nous passons au développement des différents points que soulève l’étude de l’obligation subsidiaire typique qu’est l’obligation de la caution. Nous envisagerons successivement dans quatre sections différentes, la mise en œuvre du bénéfice de discussion, les effets du bénéfice de discussion, les limites du caractère subsidiaire de l’obligation de la caution, puis, la coexistence dans le cautionnement des deux notions d’accessoirité et de subsidiarité.

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