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développement scientifique et technologique

Jusqu’ici nous avons utilisé le terme de « Fondation Philanthropique » en

montrant que les origines de la FUMEC sont philanthropiques. Mais plusieurs

questions émergent sur ce que nous entendons par Fondation et par Philanthropie,

car il y a une ambiguïté dans le terme de Fondation Philanthropique et sur ses

fonctions dans le développement. Dans la dernière partie de ce chapitre, nous

essayons de clarifier ces questions.

I.4.1. Définition et caractéristiques des Fondations Philanthropiques

« Fondation » est un terme utilisé communément pour faire référence aux

fondations philanthropiques, qui sont des organismes à but non lucratif et

indépendants aux niveaux économique, politique et organisationnel des autres

sphères institutionnelles. Dans la partie introductive de cette thèse nous avons

également évoqué la présence des organismes non gouvernementaux (ONG) dans

le développement des sciences et des technologies. Dans les études sociales sur la

science, la technologie et l’innovation, il est commun de classer les fondations

philanthropiques comme des ONG. Cependant tous les organismes nommés

« fondation » ne sont pas non gouvernementaux, il y a en effet des organismes

gouvernementaux qui portent ce nom, par exemple, la National Science Fondation

aux Etats-Unis, qui est l’agence gouvernementale responsable de « promouvoir le

progrès de la science ; faire avancer la santé nationale, la prospérité et le bien-être ;

assurer la défense nationale ».

Les Fondations Philanthropiques sont définies comme des organismes qui

mènent, dans plusieurs domaines, des initiatives et des actions pour le

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développement afin d’améliorer les conditions de vie de l’homme. Dans un rapport

sur les Fondations Philanthropiques et la coopération pour le développement,

l’OCDE (2003) distingue les Fondations Philanthropiques des Organismes Non

Gouvernementaux (ONG) sur le point que les premières mènent des actions pour

améliorer et cherchent à atteindre des objectifs à long terme ou travaillent sur des

causes basiques de situations de manque de ressources. Actuellement, il est

commun trouver des fondations philanthropiques publiques ou privés engagées dans

les secteurs de la santé, de l’éducation, de l’agriculture, entre autres.

Lors de la qualification de la FUMEC nous avons noté la légitimé et

l’indépendance comme deux des caractéristiques des fondations philanthropiques.

Porter et Kramer (1999) expliquent que les Fondations Philanthropiques « peuvent et

doivent conduire au progrès social », car elles ont le potentiel de rendre plus effectif

l’usage du peu de ressources apportées par des donateurs privés ou par le

gouvernement. Ces mêmes auteurs notent que « libres de pressions politiques, les

fondations peuvent explorer des nouvelles solutions aux problèmes sociaux avec

une indépendance que le gouvernement ne peut jamais avoir ». Les fondations

doivent conserver une légitimité vis-à-vis de leurs donneurs et les actions sociales

sont donc centrales pour cette légitimité. Le but des fondations, selon ces auteurs,

consiste à créer de la valeur sociale à partir de ces ressources. Cependant, les

fondations donnent seulement 5,5% de leurs capitaux actifs en œuvre caritative, le

reste du capital est investi pour créer de retours financiers, plutôt que des retours

sociaux.

L’indépendance des Fondations Philanthropiques, dont Porter et Kramer

parlent, est aussi évoquée dans le rapport de l’OCDE (2004) : « étant donné que les

fondations sont indépendantes des gouvernements, elles ont aussi plus de liberté

pour assumer des risques, pour considérer des programmes qui seulement auront

des résultats à long terme ou pour expérimenter avec des organisations très

décentralisées ».

Plus haut, nous avons déjà parlé de cette indépendance de la FUMEC et

comment elle permet en effet à la Fondation d’assurer une continuité dans ces

programmes malgré les changements politiques. En plus, nous avons également

évoqué que les actions de la FUMEC ont des influences dans la formulation et

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l’application des politiques en science et technologie. D’autre part, nous rappelons

aussi la fonction de la FR dans la « Révolution Verte » au Mexique, où cette

fondation a travaillé étroitement avec le gouvernement pour l’application du

Programme de l’Agriculture Mexicaine. Cela montre que l’indépendance des

processus politiques n’est pas réciproque, c'est-à-dire que les fondations jouissent

d’une indépendance face au gouvernement, mais que les actions des fondations

peuvent influencer les politiques en science et technologie, ainsi que leurs

applications.

D’ailleurs, le modèle de financement des fondations est aussi un élément à

prendre en compte dans cette indépendance. Mais plusieurs critiques ont été

avancées à l’encontre des fondations privées qui défendent plus les intérêts de leurs

créateurs et donneurs (Parmer, 2002a ; Solorzano, 1994 ; OCDE, 2004) qu’elles

n’oeuvrent au développement. Ces critiques mettent donc en question

l’indépendance des fondations.

Un autre point important à souligner est celui sur les nouvelles pratiques des

fondations, car dans la dynamique de créer la valeur sociale avec l’argent des

donneurs, les fondations philanthropiques ont intégré des pratiques du monde du

business (managériales et marketing). Edwards (2008) explique qu’un nouveau

mouvement philanthropique s’est développé, nommé par lui-même comme

« philanthrocapitalisme », où des organismes non gouvernementaux fonctionnent

comme des entreprises et créent des nouveaux marchés pour des produits et des

services.

I.4.3. Les Fondations Philanthropiques et le développement

La participation des Fondations Philanthropiques dans le développement des

nouvelles sciences et technologies n’est pas nouvelle. Cette présence datte en effet,

d’au moins, depuis le début du dernier siècle avec la création de la Commission

Sanitaire de la FR en 1909, qui a effectué des activités de recherche et d’application

pour vaincre plusieurs maladies, dont l’ankylostomiase, la malaria, la fièvre jaune,

entre autres (Solorzano, 1994 ; Williams, 1994 ; OCDE, 2004).

Le rapport de l’OCDE sur la philanthropie et le développement souligne qu’en

connaissant les caractéristiques des fondations (déjà citées dans ce texte) il n’est

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pas surprenant qu’elles soient liées aux phases initiales de l’implantation de

nouvelles techniques et technologies. Antérieurement, nous avons déjà évoqué la

présence des fondations dans le développement de la Révolution Verte, le combat

des maladies et l’émergence de la technologie de microsystèmes au Mexique, ces

exemples confirment la relation entre les fondations philanthropiques et l’implantation

de technologies.

Sur ces relations dans des pays non hégémoniques, Cueto (1994) argumente

que l’implication des fondations philanthropiques dans la science a été basée sur

« une vision élitiste de l’histoire de la science et de la société étasunienne ». En

conséquence, selon Cueto, les agents des fondations philanthropiques

étasuniennes, qui sont impliquées dans le développement des pays moins

développés, partent de cette vision pour définir leurs programmes d’action. Dans le

cas de la FR en Amérique latine, Cueto souligne deux principes qui ont guidé les

programmes de cette fondation. Le premier est que les sociétés et institutions

latino-américaines les plus avancées peuvent reproduire le même développement que

celui de leurs homologues aux Etats-Unis, et le deuxième principe consiste dans le

fait que le progrès dans les pays moins développés passe par le stimulus externe.

Dans le domaine de la recherche, comme dans d’autres domaines, les fondations

philanthropiques définissent leurs stratégies en fonction de ces principes. Ici, la

question de modèle de développement est centrale, car les fondations prennent les

expériences des pays développés comme des modèles pour le développement dans

les pays moins développés (Fitzgerald, 1994 ; Harwood, 2009).

Des critiques ont été adressées contre ces pratiques des fondations

internationales, par exemple, celle de l’échec du Programme Mexicain d’Agriculture

de la FR (Harwood, 2009). Ces critiques notent le fait que les contextes où sont

reproduits ces modèles sont très divergents des contextes des Etats-Unis, qui ont

servi à définir les programmes pour le développement. Cueto (1997) qualifie ces

conditions de la science dans les contextes des pays non hégémoniques comme

« contexte d’adversité », car les conditions pour la recherche sont peu favorables sur

le plan politique (manque de politiques concrètes et de stratégies) et sur le plan

matériel (peu d’infrastructures et de financements pour la science et la technologie).

Dans ces contextes, on observe l’absence du gouvernement ou la reformulation des

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fonctions de celui-ci dans plusieurs espaces des divers secteurs (santé, éducation,

agriculture, entre autres), et les fondations philanthropiques occupent une place

importante dans le développement économique et social ces espaces.

I.5. Conclusion : du global au local dans la définition du