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III.2. Le travail en réseau face à l’insuffisance d’infrastructures

III.2.1. La création de réseaux scientifiques comme stratégie de la FUMEC

La problématique sur l’accès aux instruments pour le développement de

MEMS est également une préoccupation centrale dans l’organisation de la

recherche, et par conséquent dans les stratégies des acteurs scientifiques. La

conception, la fabrication et la caractérisation des microsystèmes requièrent en effet

la disponibilité de moyens techniques très spécialisés et coûteux. Dès le début du

développement des MEMS au Mexique, deux réseaux de collaboration scientifique

ont été formellement créés dans le cadre du Programme de Microsystèmes de la

FUMEC, ainsi que d’autres réseaux ont vu aussi le jour hors de ce programme. À

partir de nos observations, il parait que la création de ces réseaux est aussi une

réponse à la rare disponibilité des instruments scientifiques.

Dans le chapitre antérieur, nous avons abordé la question de l’installation

d’infrastructures spécialisées pour le développement des MEMS. Nous avons

évoqué que la FUMEC avait identifié l’inexistence d’infrastructures technologiques

pour le développement des MEMS au Mexique. Ce manque d’infrastructures a

représenté un des premiers obstacles à franchir et plusieurs initiatives de cette

Fondation ont été (et sont) orientées à soutenir l’installation des plateformes

scientifiques nécessaires. Une fois que les plateformes scientifiques ont commencé

à être installées, la question de l’organisation de celles-ci a émergé. La

rationalisation de ce peu de ressources disponibles et la non duplicité

d’infrastructures (qui a été une condition du Ministère de l’Economie pour le

financement) ont constitué deux facteurs clés à prendre en compte. En

conséquence, le réseau de collaboration comme stratégie pour organiser la

recherche a été le choix de la FUMEC.

Actuellement, deux réseaux de collaboration s’inscrivent dans le cadre du

Programme de Microsystèmes de la FUMEC. Avec le soutien économique du

Ministère de l’Economie (SE, pour ses sigles en espagnol), la FUMEC a lancé en

2002 un appel à projets avec l’objectif de créer le réseau national de Centres de

Dessin de MEMS (CD-MEMS). Ce réseau est le précèdent d’un autre réseau qui a

pour but de couvrir les étapes de fabrication et de caractérisation. Ce dernier réseau

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porte le nom de « Réseau d’Innovation en MEMS » et il est constitué de trois

laboratoires, nommés « Laboratoires d’Innovation en MEMS » (LI-MEMS). Dans

cette stratégie du travail en réseau, dès la conception de ces réseaux, la question de

l’accès aux ressources technologiques a eu un poids important et cela passe par la

mise en commun de l’infrastructure entre les membres des réseaux. Le responsable

du Programme de Microsystèmes de la FUMEC s’exprime ainsi sur la problématique

des actions pour le développement des MEMS :

« (…) Nous soutenons aussi la création de laboratoires et

d’infrastructures. Dans ce sens, ce que fait la Fondation c’est justement

identifier les programmes du gouvernement dont la fonction est de créer des

infrastructures et c’est ainsi, qu’à travers la Fondation, dix centres

d’innovation en MEMS ont été créés dans dix universités du pays, et nous

avons également aidé à la création d’un réseau de [trois] laboratoires (…)

chacun dans une spécialité différente. (…) il s’agit de laboratoires très

coûteux, et donc ce que nous faisons est de définir la création d’un

laboratoire et ces laboratoires offrent des services à tous les membres du

réseau. Nous essayons d’être beaucoup plus efficaces lors de l’application des

ressources et en plus [cela] crée aussi la culture de travailler en réseau. »

(Avendaño, 2009)

Ici, nous pouvons noté que la question sur la rationalisation des ressources a

une place non négligeable dans l’organisation de la recherche. Depuis la conception

jusqu’à la mise en place des réseaux scientifiques, la problématique sur l’accès aux

plateformes scientifiques et technologiques a un poids de plus en plus important,

principalement dans les sciences et les technologies qui demandent des

infrastructures très spécialisées et coûteuses.

Ensuite nous allons présenter la création et la formation des deux réseaux

créés et impulsés par la FUMEC dans le contexte du développement de MEMS.

L’analyse de ces deux études de cas renforce notre hypothèse concernant la

création de réseaux de collaboration pour répondre à l’insuffisance d’infrastructures

technologiques.

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III.2.1.1. Le réseau de Centres de Dessin de MEMS au Mexique

Pour couvrir la partie de l’infrastructure, la Fondation a opté pour commencer

avec la création des Centres de Dessin de MEMS (CD-MEMS). En 2002, la FUMEC

lança donc un appel à projets pour la création de ces centres. À la fin de 2002, les

responsables des projets retenus se sont réunis avec la FUMEC et, au début de

2003, une série de rencontres avec des spécialistes en MEMS provenant des

Etats-Unis a eu lieu afin de former les chercheurs mexicains dans ce domaine

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.

L’objectif principal de la création de ces centres de dessin et leur organisation

en réseau, est d’offrir l’infrastructure nécessaire pour la conception et la simulation

de MEMS au Mexique. L’infrastructure est constituée principalement d’ordinateurs et

de logiciels pour le dessin et la simulation des dispositifs. Rappelons qu’au départ,

l’initiative du développement de MEMS contemplait les états frontaliers avec les

Etats-Unis, cependant la FUMEC et le Ministère de l’Economie ont décidé d’élargir la

zone d’action sur tout le territoire mexicain. En conséquence, de nombreuses

universités et centres de recherche de tout le pays ont répondu à l’appel pour la

création des Centres de Dessin ; mais pour concrétiser l’installation des centres, il

fallait l’engagement institutionnel et tous les candidats n’ont pas eu ce soutien.

Finalement, le réseau est constitué de dix centres de dessin de MEMS situés dans

diverses institutions d’éducation supérieure et de recherche dans huit états du

Mexique.

Lors de la création de ce réseau, une des conditions de la FUMEC a été que

toute l’infrastructure de ce réseau soit mise à la disposition des membres du réseau.

Cette infrastructure constitue la première étape de la plateforme technologique que

la FUMEC prétend installer au Mexique afin d’avoir les capacités technologiques (en

termes matériels) pour le développement et applications des MEMS. Les activités

effectuées dans le réseau CD-MEMS concernent le dessin de dispositifs MEMS,

pour le déroulement des projets sur des applications industrielles et pour le

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La formation de ressources humaines a également été définie comme un obstacle à franchir lors du départ du Programme de Microsystèmes de la FUMEC. Dans le chapitre IV, cet aspect sera abordé.

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renforcement de programmes académiques spécialisés dans ce domaine (FUMEC,

2006).

Ici, nous n’allons pas expliquer les caractéristiques de ces centres de dessin

et les contextes dans lesquels ils ont été créés, car cela a été déjà fait dans le

chapitre antérieur (cf. II.2.1). Cependant, nous rappelons l’hétérogénéité des

orientations de la recherche de ces CD-MEMS, ce qui couvre les différents secteurs

d’applications des MEMS qui ont été définis comme stratégiques dans le programme

de la FUMEC. Par exemple, dans le CD-MEMS de l’UNAM des recherches sont

développées autour de la conception des Bio-MEMS, et dans le CD-MEMS de

l’UPAEP les activités se font autour des MEMS pour l’industrie automotrice.

III.2.1.2. Le réseau d’innovation en MEMS au Mexique

Le réseau de CD-MEMS est le précédent d’un deuxième réseau créé dans le

cadre du Programme de Microsystèmes de la FUMEC. Ce deuxième réseau se

concentre sur les autres étapes du développement des MEMS : la fabrication et le

test de prototypes. L’initiative de la création de ce deuxième réseau a été créée en

2005 par la FUMEC. Trois laboratoires nommés « laboratoires d’innovation en

MEMS » (LI-MEMS) forment ce réseau et leur l’objectif est de fermer le cycle pour

l’obtention des MEMS, en mettant à disposition l’infrastructure nécessaire pour la

fabrication avec des applications spécifiques dans trois niches d’opportunité :

BioMEMS, MEMS pour l’industrie automotrice et MEMS pour les

télécommunications. Ces trois domaines pour les applications de MEMS ont été

identifiés par la FUMEC à partir des études de marché et de veilles technologiques

effectuées par d’autres organismes, dont le plus important est la Fondation

d’Éducation et Commercialisation de la Micro et Nanotechnologie (MANCEF, pour

ses sigles en anglais).

Le premier LI-MEMS a été construit dans les installations de l’INAOE, dans

l’État de Puebla. Nous avons déjà dit que ce laboratoire fait partie d’un projet plus

ample de l’INAOE, il s’agit du LNN (cf. II.4.2.1), projet soutenu également par la

FUMEC. Le deuxième laboratoire d’innovation en MEMS a été installé à l’UNAM,

dans les locaux de la Faculté d’Ingénierie, et il fait également partie d’une initiative

plus ample de cette université pour le développement de MEMS connue comme

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UNAMems. Le troisième laboratoire est situé au Nord du Mexique, dans l’Institut

d’Ingénierie et de Technologie de l’UACJ. L’infrastructure de ces trois laboratoires

forme donc la plateforme nécessaire pour passer des étapes du dessin et de la

simulation aux étapes de la fabrication et du test (caractérisation) de prototypes.

Nous venons de montrer que ces deux réseaux sont basés sur des

plateformes scientifiques et technologiques qui ont été installées dans le cadre des

initiatives du Programme de Microsystèmes de la FUMEC. Rappelons-nous que le

manque de disponibilité des ressources est une des caractéristiques de l’adversité

de la science. Dans ce contexte, la création des réseaux de collaboration constitue

donc une alternative pour pallier ces contraintes pour la recherche. Cependant, il est

important de souligner que la formation de ces réseaux ne passe pas seulement par

la construction des infrastructures, la question de la mise à disposition et du partage

des infrastructures a été centrale dans ce processus. Cela pose des questions aux

acteurs scientifiques sur l’organisation du travail scientifique. Dans le sous-chapitre

suivant, nous allons aborder ce point en analysant les facteurs que prennent en

compte les acteurs scientifiques lors de la gestion de l’accès aux plateformes