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Deuxième partie : Les instruments juridiques

Chapitre 4 : Les instruments de coopération transfrontalière

B. Un fonctionnement largement consensuel

376. La réglementation de la structure transfrontalière vise les règles régissant son fonctionnement. Elles figurent généralement dans les statuts de la structure transfrontalière, voire dans l’accord transfrontalier qui la constitue. Elles concernent notamment la composition et les compétences de ses organes, les questions de responsabilité, les règles relatives aux prises de décisions, les aspects financiers et la modification des statuts (art. 12 AKCT, art. 8 et 9 Règlement CE 1082/2006, art. 5 Protocole n° 3). Elles sont librement convenues par les parties, sous réserve des dispositions prévues respectivement par l’AKCT, le Règlement CE 1082/2006 et le Protocole n° 3.

377. Au regard de ces trois textes normatifs, la structure transfrontalière dispose de la personnalité juridique ainsi que de l’autonomie budgétaire (art. 11 al. 2 AKCT, art. 1 § 3 et art. 11 Règlement CE 1082/2006, art. 2 § 1 et § 4 Protocole n° 3). De plus, à l’exclusion du Protocole n° 3, les organes de la structure transfrontalière sont prévus par les articles 13 AKCT et 10 Règlement CE 1082/2006. Ceux-ci instituent une assemblée et un organe de type exécutif, président accompagné de vice-président(s) pour le GLCT et directeur pour le GECT. Enfin, la question de la responsabilité est réglée de manière relativement détaillée dans les deux textes normatifs les plus récents qui intègrent les Etats comme parties contractantes de la structure transfrontalière ; il s’agit du Règlement CE 1082/2006 (art. 10 § 3 et art. 12 § 1 al. 2,

§ 2 et § 2bis) et du Protocole n° 3 (art. 9). Par contre, l’AKCT laisse cette question à la libre disposition des parties (art. 4 al. 5), sauf sur un point. L’Etat n’engage pas sa responsabilité internationale pour les actes de ses collectivités publiques infra-étatiques (art. 7 al. 1 AKCT). Une constante résultant du Règlement CE 1082/2006 et du Protocole n° 3 se dessine sur ce sujet. La structure transfrontalière est en premier lieu responsable vis-à-vis des tiers de ses dettes, les

890 Supra n° 52.

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membres n’intervenant que subsidiairement et seulement en cas d’insuffisance financière de celle-ci (art. 12 § 1 al. 2, § 2 et § 2bis Règlement CE 1082/2006 et art. 9

§ 1 Protocole n° 3). L’article 9 § 2 Protocole n° 3 précise également que le GEC « est responsable envers ses membres de toute infraction à la loi à laquelle il est soumis ».

L’ensemble de ces règles peuvent constituer l’ébauche d’un droit institutionnel commun de la coopération transfrontalière891.

378. Dans tous les cas, et comme le proposait LEVRAT dans son ouvrage de 1994 concernant les relations transfrontières entre les seules collectivités publiques infra-étatiques892, une norme de conflit prévoyant l’application d’un seul droit national règle, dans les textes normatifs relatifs aux trois types de structure transfrontalière, les éventuelles questions qui ne seraient prévues ni par la convention constitutive de la structure, ni par ses statuts, ni par les textes normatifs.

Dans les trois cas, la règle de conflit prévoit, comme droit applicable supplétif, le droit interne de l’Etat du siège de la structure transfrontalière (art. 11 al. 1 AKCT, art. 2 § 1 let. c et art. 8 § 2 let. g Règlement CE 1082/2006, art. 2 § 1 et § 2 Protocole n° 3), à l’exclusion du droit d’une tierce partie893. S’agissant du contenu du droit interne visé, l’interprétation des Etats diverge. Certains considèrent que cela renvoie uniquement au droit interne régissant la coopération transfrontalière, tandis que pour les autres, cette disposition vise l’ensemble du droit interne de niveau législatif894. A notre sens, le droit supplétif applicable à la structure transfrontalière vise les règles internes relatives au type de personne morale choisie pour ladite structure. En effet, l’AKCT prévoit que le GLCT est soumis au « droit interne applicable aux établissements publics de coopération intercommunale de la Partie où il a son siège » (art. 11 al. 1 phr. 2 AKCT)895. Quant au Protocole n° 3, il mentionne

« le droit applicable à la personne morale choisie pour le GEC par les membres » (art. 2 § 3 Protocole n° 3). Le Règlement CE 1082/2006 est moins précis dans la mesure où il dispose que le GECT possède, dans chacun des Etats membres, « la capacité juridique la plus large reconnue aux personnes morales par la législation nationale » de l’Etat membre pour le GECT (art. 1 § 4 Règlement CE 1082/2006). Sur ce point, le GLCT se distingue du GECT et du GEC. Sa personnalité juridique doit nécessairement relever du droit public (art. 11 al. 2 phr. 1 AKCT), contrairement aux GECT et GEC (art. 1 § 3 et 4 Règlement CE 1082/2006, art. 2 § 1 à § 3 Protocole n° 3).

Comme nous l’avons vu plus haut, les droits français896 et genevois897 instituent des structures spécifiques internes de coopération transfrontalière. Leur réglementation

891 LEJEUNE (2005b), p. 141. Cf. également TAILLEFAIT (2014b), p. 1296 ss.

892 LEVRAT (1994), p. 344.

893 AUDIT (2002), n° 446. Malgré ce constat issu du texte des traités, cet auteur ne voit pas « d’obstacle théorique » pour les parties à un contrat transnational de choisir l’application de la loi d’un Etat tiers (n° 665).

894 LEVRAT (2004), p. 380.

895 LEJEUNE (2005b), p. 135, note de bas de page n° 105.

896 Supra n° 333 ss et n° 363 ss.

897 Supra n° 336 ss.

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peut combler les éventuelles lacunes des structures transfrontalières fondées sur les textes normatifs du droit supérieur898.

379. Concernant le siège de la structure transfrontalière, il doit se trouver sur le territoire d’une des parties à l’accord transfrontalier (art. 4 al. 1 phr. 1 Protocole n° 1, art. 11 al. 1 phr. 2 AKCT). En particulier, le siège du GECT doit se situer dans un Etat membre de l’Union européenne (art. 1 § 5 Règlement CE 1082/2006) et celui du GEC dans un Etat membre du Conseil de l’Europe (art. 1 Protocole n° 3). Par ailleurs, le choix du siège ne détermine pas seulement le droit supplétif applicable à la structure transfrontalière, mais également le for de la juridiction compétente en cas de litige entre la structure transfrontalière et ses membres (art. 15 § 2 Règlement CE 1082/2006, art. 10 § 1 Protocole n° 3), sous réserve de certaines particularités concernant la relation entre des tierces personnes physiques ou morales et le GECT (art. 15 Règlement CE 1082/2006) respectivement le GEC (art. 10 et art. 11 Protocole n° 3). La solution pour le GLCT peut être différente si le droit choisi par les parties pour régler les obligations contenues dans la convention transfrontalière n’est pas celui du siège de la structure transfrontalière (art. 4 al. 6 phr. 2 AKCT)899.

380. La structure transfrontalière est donc régie par les dispositions du texte normatif pertinent de rang supérieur, par les règles convenues entre les parties dans l’accord transfrontalier et les statuts et, à titre supplétif, par le droit national de l’Etat du siège de la structure. L’application d’un seul droit interne à la structure transfrontalière porte atteinte au principe d’égalité entre Etats souverains dans la mesure où un Etat se voit appliquer le droit d’un autre Etat partie à l’accord au détriment du sien, en particulier dans des thématiques ressortant du droit public900. Cette atteinte doit cependant être relativisée. D’une part, plus les textes normatifs de droit supérieur et l’accord entre les parties règlent exhaustivement les points susceptibles de conflit, moins le recours au droit national sera nécessaire901. D’autre part, l’identification d’un droit interne unique assure, en dernier ressort, une certaine sécurité du droit pour les questions qui n’ont pas expressément été réglées902. En effet, l’application de plusieurs droits internes peut conduire à des décisions totalement opposées impossibles à exécuter903. Il convient ici également de préciser

898 DÜRR (2006b), p. 78 ss, qui relève le « pouvoir de blocage » que peut renfermer l’application supplétive du droit national ainsi que la nécessité de faire évoluer les droits internes relatifs à la coopération transfrontalière, en particulier en matière de compétences des autorités infra-étatiques, de leur « capacité active et passive », et du contrôle étatique sur leur activité internationale.

899 S’agissant des critiques de la doctrine sur ce point, cf. supra n° 328s.

900 LEVRAT (2006c), p. 221s ; LEVRAT (1994), p. 327 ; cf. également supra n° 328.

901 LEVRAT (1994), p. 344 et 305 ; cf. également ZELLWEGER (2008), p. 343s et 350.

902 WISMER (2006), p. 44s ; cf. également ZELLWEGER (2008), p. 382.

903 LEVRAT (1994), p. 335 ; cf. également AUDIT (2005), p. 148, qui constate que la pluralité juridique, à laquelle sont confrontées les conventions transnationales de coopération transfrontalière, conduit, en l’absence d’un choix de loi par les parties, à un conflit de lois et à un conflit de juridictions qu’il convient de résoudre en cas de litige ; AUDIT (2002), p. 322 ss, qui, à défaut d’un tel choix, prône l’application des critères de détermination de la loi applicable définis par la Convention de Rome du 19 juin 1980 relative à la loi applicable aux obligations contractuelles (80/934/CEE), à savoir celui de la prestation caractéristique ou le cas échéant celui des liens les plus étroits avec un système juridique. Cet auteur relève néanmoins la difficulté d’une telle opération pour certains contrats transnationaux tels que ceux ayant pour objet l’adoption d’un « schéma de planification territoriale (n° 671). Dans un tel cas, il envisage une autre solution

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que le principe de territorialité ne s’oppose plus, depuis les travaux de l’Institut du Droit international de 1975, à l’application d’un droit public interne sur le territoire d’un autre Etat904.