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III. Résultats de l’enquête

III.2. Le lien entre les grands domaines sémantiques et l’iconicité

III.2.2. Focus sur la sensorialité

Cette étape de la recherche présente, en grande partie, la réplique des travaux de 2017 de B. Winter et son équipe sur la question de la sensorialité et des modalités sensorielles. Nous verrons toutefois que, pour les modalités sensorielles, des difficultés méthodologiques sont apparues.

III.2.2.1. Lien entre iconicité et sensorialité

Pour ouvrir cette sous-partie, nous utilisons la même méthode que l’étude de B. Winter et al. (2017) en nous demandant si les deux facteurs – iconicité et sensorialité – sont liés ou indépendants. Pour cela, nous prenons les moyennes des évaluations données pour la sensorialité et pour l’iconicité. Ces moyennes deviennent alors les coordonnées permettant de disposer chaque verbe sur un graphique. Nous plaçons les moyennes obtenues sur l’échelle de la sensorialité sur l’axe des abscisses et les moyennes des évaluations iconiques sur l’axe des ordonnées. Nous obtenons ainsi un graphique avec un nuage de points, chaque point représentant un verbe positionné en fonction des deux facteurs. On trace ensuite une droite qui synthétise la tendance du nuage de points. Si cette droite monte, comme dans l’étude de B.

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Winter, cela signifie que les deux facteurs sont liés puisque nous pourrons lire le graphique de cette manière : la tendance montre que plus les verbes sont évalués hautement sensoriels, plus ils sont évalués hautement iconiques et réciproquement. Au contraire, si la droite descend, on conclura que les deux facteurs sont reliés négativement, c’est-à-dire que plus la moyenne est élevée sur l’échelle de la sensorialité, plus elle est basse sur l’échelle de l’iconicité. Une dernière possibilité serait que la droite ne montre aucune tendance et que l’on conclut ainsi que les facteurs sont indépendants. Voici le graphique présentant ces résultats grâce aux évaluations de notre corpus. Pour plus de visibilité, nous le présentons en mode paysage :

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Notre graphique présente une droite ascendante allant, sur l’axe des ordonnées, de 1,55 à 1,88. L’écart est certes mince (0,33), mais il existe et l’on peut dire qu’une légère tendance se dessine, reliant la sensorialité à l’iconicité dans les verbes monosyllabiques du français les plus fréquents.

Ces résultats sont moins tranchés que ceux obtenus par B. Winter et son équipe en 2017. Pour eux, la droite allait de -0,9 à 0,9 et montait donc de 1 point sur l’axe des ordonnées. Il est toutefois difficile de conclure que c’est parce que, en français, la relation entre iconicité et sensorialité est moins forte qu’en anglais. Il est plus probable que ce soit des facteurs méthodologiques qui soient à l’origine de cette différence. D’abord, les évaluations de l’iconicité et de la sensorialité ne se font pas sur les mêmes échelles. Pour l’iconicité, nous allions de 0 à 3 alors qu’ils allaient de -5 à +5 et pour la sensorialité, nous allions de 0 à 4 alors qu’ils laissaient le choix de noter entre 0 et 7. Par ailleurs, nos corpus sont différents en termes de taille et de représentativité : celui de Winter compte 3001 mots du lexique anglais alors que le nôtre ne compte que 236 formes verbales monosyllabiques. Nous faisons toutefois l’hypothèse qu’en augmentant la taille de notre corpus, nous pourrions accentuer la tendance d’ores et déjà dégagée. En effet, lors d’un séminaire, nous avions présenté ce graphique avec un corpus plus restreint de 178 verbes car nous n’avions pas encore récolté les données sur les autres formes verbales. Nous avions déjà pu montrer qu’il existait une relation entre les deux facteurs car la droite montait de 1,6 à 1,8 sur l’échelle des ordonnées. L’écart, alors de 0,2 point est passé à 0,33 (+0,13) en augmentant le corpus de 58 verbes seulement. Si cette augmentation se fait de manière linéaire, on pourrait avoir un écart de 1 point avec un corpus d’environ 600 formes. Tout cela reste évidemment à démontrer.

III.2.2.2. Lien entre iconicité et modalités sensorielles ?

Nous souhaitions également répliquer l’expérience de B. Winter sur les modalités sensorielles. Pour rappel, son équipe a démontré que les mots sensoriels les plus iconiques sont ceux liés à l’ouïe suivis de près par les mots tactiles, viennent ensuite les mots olfactifs puis gustatifs et enfin les mots liés à la vision. C’est la question 3 de l’enquête en ligne qui devait nous permettre de tenter de répliquer ces résultats : si le participant jugeait sa forme verbale sensorielle dans la question 2, on lui demandait de quelle(s) modalité(s) sensorielle(s) le sens dépendait. Cette logique conditionnelle du questionnaire a suscité un problème méthodologique pour l’analyse statistique des résultats. Comme nous l’avons précisé plus tôt, nous avons fixé à 30 participants le seuil de représentativité. Ainsi, lorsqu’un verbe atteignait 30 participations,

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nous le retirions de la plateforme pour qu’il ne soit plus proposé. Toutefois, comme la question 3 (sur les modalités sensorielles) est conditionnée par la réponse à la question 2 (sur les domaines sémantiques), nous n’avons pas forcément 30 réponses à cette question, ce qui crée un biais important dans l’analyse statistique. Sur 32 verbes sensoriels (selon le domaine sémantique dominant), seuls 7 obtiennent 30 réponses sur les modalités sensorielles et le nombre de réponses varie de 30 (pour ces 7 verbes) à 16 seulement. Face à cette hétérogénéité, nous avons choisi, au lieu de proposer des analyses peu rigoureuses sur le plan statistique voire des analyses spéculatives, de ne pas traiter ces données dans le cadre de ce travail de recherche91.