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Flux sans reflu

Les week-ends

4. Flux sans reflu

45 Le Centre Pompidou respire comme un immense poumon qui aspirerait et refoulerait

inlassablement le flux des publics. Brassage sans mélange de ceux qui entrent et de ceux qui sortent. De ceux qui vont partout et de ceux qui n’aboutissent nulle part. Des visiteurs du musée, des expositions ou de la bibliothèque, et des promeneurs de l’escalator.

46 — Brassage dans l’espace : l’irrigation de chaque département par le public de tous les

autres a toujours été une des préoccupations majeures des responsables du Centre Pompidou — pluridisciplinarité des activités et transparence de l’architecture obligent —.

47 De ce point de vue, la bibliothèque les désole : il semble qu’elle attire un public spécifique,

— et quel public : la moitié des entrées du Centre ! — qui ne viendrait que là, et ne profiterait pas des autres activités de Beaubourg. Les enquêtes ont largement contribué à étayer cette idée que la BPI constitue une sorte d’enclave : à prendre les chiffres au pied de la lettre — si l’on ose dire —, une minorité seulement de nos usagers met à profit sa présence au Centre pour fréquenter le musée ou une exposition, alors que la grande majorité repart sans avoir rien visité d’autre : sur 100 personnes qui pénètrent chaque jour à la bibliothèque 15 seulement iront voir autre chose par la même occasion, 85 se limiteront à la BPI.

48 L’erreur de perspective est flagrante. La dimension spatiale est à ce point prégnante au

Centre Pompidou qu’on en oublie que les visites ne s’inscrivent pas seulement dans l’espace mais dans le temps ; que le Centre rapproche des activités qui ne diffèrent pas

seulement par la nature des objets qu’elles proposent mais par les rythmes d’utilisation qu’elles supposent : du bâtiment qu’on ne découvre qu’une fois, aux nouvelles expositions qui

relancent l’intérêt à chaque fois, et à la bibliothèque qu’on peut consulter quotidiennement. Cycles d’usage qui se croisent sans se confondre : on « épuise » une exposition thématique en une seule visite, parfois deux, rarement plus, alors que la norme de fréquentation d’une bibliothèque encyclopédique est au contraire la répétition.

49 Ce décalage des fréquences fait qu’un usager de la BPI qui vient un jour donné a très

probablement regardé l’exposition lors d’une de ses visites antérieures. Mesuré sur moyenne période, on s’aperçoit qu’en réalité la plupart de nos visiteurs profitent aussi des autres activités du Centre. Il faut finalement distinguer entre :

50 L’usage réellement exclusif de la Bibliothèque publique d’information est l’exception et

non la règle ; les visiteurs de la BPI sont peut-être en réalité les plus « pluridisciplinaires » de tous13

51 — Brassage dans le temps : la fréquentation de la Bibliothèque publique d’information,

comme celle du Centre Pompidou, connaît des évolutions, suit des variations. Evolution au fil des années, variations selon les saisons, les jours, les heures, qui rythment la vie du plus grand établissement culturel de France :

Evolution

52 Tous les observateurs sont frappés par le même phénomène : Beaubourg approche de son

dixième anniversaire et ne désemplit toujours pas, la bibliothèque pas plus que les autres départements. On attendait une retombée de la fréquentation après l’effet-découverte de la première année. Il n’est pas venu. On attend régulièrement une chute du nombre des entrées aux périodes « creuses », quand il n’y a pas de grandes expositions thématiques à contempler ; on n’enregistre que des fléchissements.

53 La fréquentation générale du Centre n’a cessé de croître entre 1977 et 1981 et après s’être

quelque peu stabilisée, semble avoir repris son ascension, avec 8 400 000 entrées en 1984 (soit en moyenne 25 000 entrées par jour).

54 La fréquentation de la BPI a suivi un cours quelque peu différent, tout en restant inscrite

dans la tendance générale : elle a atteint son point de stabilisation dès la troisième année en 1979, pour se maintenir depuis à des chiffres dont la constance d’une année sur l’autre est remarquable : autour de 3 200 000 entrées par an (soit en moyenne plus de 10 000 entrées par jour). A quoi il faut ajouter la fréquentation de la salle d’actualité, qui approche dans la même période 1 000 000 d’entrées par an (3 400 par jour)14.

55 Les fluctuations générales de la fréquentation du Centre ne tiennent donc pas tant à celles

particulières de la BPI, encore moins à celles du Musée national d’art moderne (qui connaît un tassement sensible depuis 1979) qu’à celles des grandes expositions présentées au dernier étage. Les plus visitées ont été Salvador Dali (qui a battu tous les records avec 840 000 entrées), Magritte et de Chirico pour les expositions monographiques, et la série des Paris-Berlin, Paris-Moscou, Paris-Paris et Vienne pour les expositions thématiques15.

Graphique 6 : Evolution de la fréquentation annuelle du Centre Pompidou. (Unité : nombre d’entrées).

56 L’importance de ces chiffres donne le vertige : plus de 3 millions d’entrées par an pour la

seule bibliothèque, cela signifie que la BPI a accueilli son vingt-cinq millionnième visiteur début 1985 (et le Centre Pompidou son soixante millionnième...).

57 Maniées sans précaution — et Dieu sait si elles le sont — ces statistiques laisseraient à

penser que Beaubourg a reçu en huit ans plus que la population de la France toute entière. On a beau savoir que dans ce flot de visiteurs il faut compter une proportion non négligeable d’étrangers de passage, la mariée paraît un peu trop belle.

58 C’est qu’on confond volontiers nombres d’entrées et nombre d’entrants ; la même personne

revenant à plusieurs reprises au cours de l’année sera recomptée à chaque fois comme visiteur supplémentaire. Le phénomène est d’autant plus sensible à la BPI que la fréquentation réitérée y est la norme de comportement la plus répandue.

59 Nous disposons désormais, à partir de l’enquête, d’un moyen d’évaluer la quantité de

visiteurs différents effectivement touchés au cours d’une année16 : le nombre moyen de

visites par an est de 14,5 (avec une dispersion considérable autour de la moyenne puisqu’elle va des visiteurs qui entrent pour la première fois aux « piliers de la bibliothèque » qui viennent plusieurs fois par semaine, pendant plusieurs mois de l’année). Rapporté à l’ensemble de la fréquentation, ce coefficient permet d’évaluer à environ 230 000 à 250 000 le nombre de personnes distinctes touchées par an par la Bibliothèque publique d’information. Le même calcul donne environ 1 150 000 pour l’ensemble du Centre Pompidou.

60 On voit à quel point l’évaluation du public réel, au lieu des entrées comptables, modifie

les rapports de proportion entre les usagers de la BPI et les usagers du reste du Centre. La Bibliothèque publique d’information du deuxième étage représente à elle seule (non

compris la salle d’actualité) 40 % des entrées du Centre ; mais comme la propension à revenir est beaucoup plus élevée chez les premiers que chez les seconds, sur une année les usagers de la bibliothèque ne représentent en réalité que 20 % des entrants17.

Variations

61 Le thème est désormais connu : une relative stabilité de la fréquentation. Restent les

variations...

62 Les phénomènes culturels obéissent au rythme des saisons, comme les phénomènes

naturels. Il n’est pour s’en convaincre que de suivre la courbe des entrées tout au long d’une année (cf. graphique 7a). Elle affecte la forme d’un sinusoïde, avec un creux et deux crêtes. La BPI connaît son étiage en été (juin/juillet), et ses hautes eaux en automne (novembre) et au printemps (mars/avril).

63 La fréquentation de l’ensemble du Centre Pompidou suit un cycle relativement différent

de celui de la BPI18. On retrouve là aussi un creux et deux crêtes, mais répartis de manière

décalée : le creux se situe en automne-hiver (d’octobre à février), période au contraire relativement chargée en bibliothèque ; les crêtes se situent l’une au même moment que la BPI, en mars-avril, l’autre à l’opposé, en été (août). L’autonomie relative de la bibliothèque est donc assez nette. Outre l’effet de la fréquentation estudiantine (rentrée universitaire, examens), la BPI semble plus sensible aux petites vacances — période de disponibilité et de déplacements limités —, et le Centre Pompidou aux grandes — période de tourisme et de voyages —.

a) Variations saisonnières.

c) Variations horaires.

64 La répartition des entrées selon les jours de la semaine est fortement tributaire des

rythmes de la vie sociale, et de la distribution du temps hebdomadaire entre travail (professionnel ou scolaire) et hors-travail. Le week-end s’oppose au reste de la semaine par une fréquentation plus élevée.

65 Cette opposition principale se double de deux oppositions secondaires. A l’intérieur du

week-end le dimanche connaît une affluence plus importante que le samedi. A l’intérieur de la semaine, le mercredi (congé des écoles, et lendemain de la fermeture du Centre) une affluence plus importante que les autres jours. La prégnance du rythme hebdomadaire ne s’atténue que pendant l’été, au moment des vacances. La distinction s’estompe alors entre temps forts et temps faibles. Seul reste, principe de répérage intangible au sein d’un temps indifférencié, le mercredi. La fréquentation y connaît toujours son maximum, compensation du « manque à fréquenter » de la veille (cf. graphique 7b).

Dernier principe de variation du flux des visiteurs : le cycle diurne