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Fibre micro-structurée à maintien de polarisation

1.3 Les verres de chalcogénure

1.3.3 Fibre micro-structurée à maintien de polarisation

Les fibres micro-structurées peuvent être décrites par un agencement pério-dique d’inclusions de bas indices entourant un défaut qui sert de cœur. La micro-structuration permet la conservation des propriétés optiques de l’onde propageante. Il est possible par exemple de conserver l’énergie sur le mode fondamental ou encore de garder la polarisation sur des distances élevées. Cette fonction est assurée en structurant le cœur d’une fibre, tout comme on structure un guide d’onde, afin de contrôler l’énergie se propageant sur les modes, leur dispersion et leur état de polari-sation. Ces fibres jouent un rôle important dans le domaine des télécommunications, en optique intégrée et dans les techniques interférométriques.

Pour garder la polarisation donnée par le laser, nous avons développé une fibre à maintien de polarisation fonctionnant dans le MIR. Pour cela, il est nécessaire de briser la symétrie de révolution des deux modes orthogonaux d’indices effectifs nx et ny supportés naturellement par le cœur d’une fibre à symétrie de révolution (on parle de mode Transverse Electrique-Magnétique TEM, où les champs électrique et magnétique sont tous deux orthogonaux à la direction de propagation), tel que la biréfringence B(λ) = nx(λ) − ny(λ) soit non-nulle. Cette biréfringence caractérise la différence d’indice présente entre deux modes fondamentaux se propageant orthogo-nalement dans la fibre. Une forte biréfringence permet l’utilisation des deux modes pour transporter par exemple de l’information, en limitant au maximum le couplage entre les deux modes. Dans notre cas, l’information portée est la polarisation et une polarisation linéaire se couplant sur l’un des deux modes fondamentaux gardera son état de polarisation jusqu’à la sortie. Technologiquement, c’est en introduisant des éléments perturbateurs de façon non-symétrique qu’il est possible de changer et d’amplifier cette différence pour assurer un maintien de la polarisation.

Géométrie

Le schéma en coupe de la fibre est montré sur la figure 1.16. La micro-structuration comporte trois anneaux de trous circulaires dans une géométrie hexa-gonale à l’intérieur d’une matrice de verre As0.38Se0.62. Ces trois anneaux permettent de confiner suffisamment le mode dans le cœur par génération d’un contraste d’in-dice. La biréfringence est introduite par élargissement de deux trous de la première couronne de diamètre dh supérieur au diamètre des autres trous d. La rapport d/Λ

1.3. Les verres de chalcogénure

entre le diamètre des capillaires et la période Λ sont fixés à 0.45 et 8 µm pour garan-tir un fonctionnement mono-mode sur la gamme 2-12 µm. La période est de grande dimension pour pouvoir fabriquer la fibre par la méthode de moulage et tirage dé-crite succinctement dans la section suivante. Les détails de calculs de la biréfringence et du choix de la géométrie sont explicités dans [74].

(a) (b

x y z

Figure 1.16 – Construction d’une fibre à maintien de polarisation micro-structurée. Deux capillaires de la première couronne ont été élargies afin de briser la symétrie de révolution de période π/3.

Fabrication

Le verre de chalcogénures est élaboré à partir d’un verre de composition As0.38Se0.62. Il est réalisé par chauffage à haute température des matériaux sous forme très pure, As (99,999%), Se (99,999%) et TeCl4 (99%), dans un tube de si-lice préalablement pompé pour éviter toute contamination. L’ampoule de sisi-lice est ensuite scellée et placée dans un four à bascule à 850C pendant 12 heures pour chauffer et homogénéiser le mélange. L’ajout de TeCl4 permet la capture des espèces restantes comportant de l’hydrogène et du carbone par la formation des composés HCl et CCl4. La mélange est ensuite refroidi à 700C, trempé dans l’eau puis re-cuit au dessus de sa température de transition vitreuse. Des étapes successives de purification sont alors menées pour retirer les dernières traces d’éléments carbonés et autres polluants, ainsi que des étapes d’homogénéisation, de trempe et de recuit pour réduire les contraintes mécaniques présentes à l’intérieur de l’ampoule [75] . La réalisation de la préforme de la figure 1.17(a) est ensuite obtenue par moulage. L’ampoule réalisée précédemment est chauffée à 600C. Le verre s’écoule ensuite dans les empreintes d’un moule en silice correspondant au négatif de la préforme désirée. Ce moule est réalisé par assemblage de capillaires de silice qui sont retirés après refroidissement dans une solution d’acide fluorhydrique. La diamètre de la préforme est de 16 mm pour une longueur typique de 80 mm.

La dernière étape de tirage consiste à chauffer l’extrémité de la préforme avec un four annulaire dans une chambre sous flux d’hélium inerte. Une goutte se forme et chute sous l’effet de la force gravitationnelle. La fibre résultante est attachée à un tambour et par translation verticale de la préforme, le contrôle des vitesses de rotation et de descente permet le fibrage à la dimension voulue. La diamètre des trous et quant à lui contrôlé par un débit d’hélium injecté dans les trous de la préforme. La fibre résultante de ce procédé montrée sur la figure 1.17(b) a un diamètre extérieur de 125 µm pour un cœur d’environ 9 µm de large. Pour démontrer le caractère mono-mode de la fibre, un laser He-Ne à 3,39 µm est injecté à l’une des extrémités de la fibre et la seconde extrémité est visualisée sur une caméra infrarouge. La distribution

(a) (b)

Figure 1.17 – (a) Préforme en As0.38Se0.62après le retrait des capillaires de silice avant fibrage. (b) Image MEB de la fibre micro-structurée après fibrage.

gaussienne du champ montré sur la figure 1.18(b) nous indique un fonctionnement mono-mode. Par déduction, puisqu’une longueur d’onde plus grande entraîne une augmentation de la taille du mode, la propagation mono-mode dans la fibre est assurée sur toute la gamme d’étude. La limite supérieure en longueur d’onde est liée à l’augmentation des pertes de propagation indiquant une interaction plus grande avec les trous.

(a) (b)

Figure 1.18 – (a) Observation sur une caméra infrarouge du champ proche à 3,39 µm à la sortie de la fibre à maitien de polarisation. (b) Vue 3D de l’intensité à la sortie de la fibre. Le caractère mono-mode est assuré par la distribution gaussienne du champ.

Mesures de pertes

Les pertes optiques de la fibre à maintien de polarisation (FMP) sont mesurées après passage en son cœur du rayonnement d’un corps noir et analysé spectralement par un spectromètre IR à Transformée de Fourier (FTIR) Brucker Tensor 37 équipé d’un détecteur MCT. L’atténuation est également déduite par la mesure d’atténua-tion comme présentée dans la secd’atténua-tion 1.1.3. Pour garantir une injecd’atténua-tion complète dans le cœur, un composé de GaSn est appliqué sur la gaine afin d’atténuer les modes guidés de la gaine. Comme montré sur la figure 1.19, la fibre transmet effi-cacement la lumière de 2 à 8,5 µm avec un minimum d’atténuation de seulement 0,3 dB/m à 6 µm. Des pics d’absorption sont présents à 2,9 µm, 4,26 µm et 6,3

µm attribués à la présence de liaisons hydrogènes O-H et de molécules de CO2 et

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couvrement plus grand du mode avec les trous et leurs défauts (rugosité, éléments diffusants).

Longueur d'onde (µm)

Transmission (dB

/m)

Figure 1.19 – Pertes de propagation de 2 à 8,5 µm du cœur de la fibre à maintien de polarisation. Les pics d’absorption identifiés sont mis en évidence pour les éléments O-H, CO2 et H2O.

Calcul de biréfringence

La dispersion de l’indice de réfraction est prise en compte par un modèle de Sellmeier se basant sur des mesures expérimentales couvrant la gamme 1,54 - 12

µm [76]. Un modèle de Sellmeier à deux termes permet de suivre les variations de

l’indice de façon précise et unique. Cette équation est de la forme

n2(λ) = A0+ A1λ 2 λ2− a2 1 + A2λ 2 λ2− a2 2 (1.28)

avec A0, A1 et A2 des coefficients sans-dimension, a1 et a2 sont les longueurs de résonance du matériau. Le coefficient a1 peut être relié à l’absorption à l’approche du gap optique dans le proche infrarouge, et le coefficient a2à l’absorption résonnante des rotations vibrationnelles dans l’infrarouge lointain. Les valeurs des coefficients sont de A0 = 3,7464, A1 = 3,9057, A2 = 0,9466, a1 = 0,4073 µm et a2 = 40,082

µm. Avec un indice de gaine égal à l’indice du cœur, les modes des fibres structurées

font partie des modes de rayonnement. Les pertes subies par les modes d’ordres supérieurs présents dans la partie externe sont six à sept ordres de grandeur plus forts que le mode HE11 dans la plage de longueur d’onde considérée. La fibre est alors supposée mono-mode et la biréfringence est calculée à partir des indices des modes HE11.

La biréfringence est donc définie par la relation

B(λ) = nx(λ) − ny(λ) (1.29)

où nx et ny sont les indices effectifs du mode HE11polarisé suivant x et suivant y. B est aussi appelée biréfringence de phase par opposition à la biréfringence de groupe,

calculée à partir de la biréfringence de phase et de sa variation en fonction de la longueur d’onde

Bg(λ) = B(λ) − λdB(λ)

(1.30)

Pour obtenir avec précision les valeurs des indices nx et ny, une vue en coupe de la FMP est réalisée au microscope MEB (Figure 1.20(a)) afin de déterminer les dimensions exactes de la fibre après fabrication. Nous remarquons des imper-fections dans la forme, une irrégularité des diamètres et dans leur positionnement, provoquant également la brisure de la symétrie de révolution de période π. La biré-fringence totale mesurée est donc la somme de la contribution des trous élargis et de la contribution liée aux imperfections. Les calculs de biréfringence sont réalisés sur la structure réelle afin de prendre en compte ces deux contributions. Les paramètres d’entrée moyens dh, d et Λ sont de 6,43 µm, 3,46 µm et de 7,64 µm respectivement. Le rapport d/λ est de 0,45 et respecte la valeur cible, bien qu’ayant un écart sur les diamètres des trous et sur la période. Les indices effectifs des deux modes orthogo-naux sont calculés par la méthode des éléments finis. Les résultats de simulation de la biréfringence de phase et de la longueur de battement sont présentés sur la figure 1.20(b). 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.5 4.0 4 5 6 7 8 9 102 4 6 8 10 12 14 16 (a) (b) Longueur d'onde (µm) Biréfringence de phas e (x10 -3) Longueur de battement (mm)

Figure 1.20 – (a) Image MEB de la fibre après fabrication incluant les me-sures des diamètres des trous. (b) Biréfringence de phase et longueur de bat-tement calculées sur la géométrie réelle en fonction de la longueur d’onde.

Mesure de biréfringence

Nous avons mis en place une mesure dite des polariseurs croisés ou encore des spectres cannelés [77]. Elle consiste à injecter une lumière large bande polarisée linéairement dans une fibre de longueur L, de préférence à 45 par rapport aux axes de polarisation de la fibre. A la sortie de la fibre, un polariseur orienté à 45 permet de visualiser le transfert d’énergie d’un mode à l’autre par interférence constructive et destructive des deux ondes propageantes dans la fibre. Le signal est alors analysé dans un spectromètre. Afin de visualiser ce battement, une source cohérente large bande permettant d’introduire des déphasages suffisamment grands à la facette de sortie est utilisé. Quatre LCQ Fabry-Pérot (FP) émettant à 5,25 µm, 5,55 µm, 7,55

µm et 8,2 µm sont utilisés. Sur la figure 1.21, le spectre après passage dans la fibre est

montré. La longueur de la fibre est choisie afin d’observer plusieurs oscillations de la puissance de sortie à l’intérieur de la largeur spectrale du laser FP. Les oscillations de

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la transmission sont résolues avec précision par le choix d’une résolution suffisante de 0,25 cm−1 sur le spectromètre. Les lasers FP utilisés ne possédant pas des puissances de sortie constantes sur leurs gammes spectrales, l’enveloppe de la transmission présente en sortie de fibre présente elle aussi des variations d’intensité.

(a) ∆λ (b)

Longueur d'onde (µm) Longueur d'onde (µm)

In tensit é norma lisée à 1 In tensit é norma lisée à 1

Figure 1.21 – Spectres en sortie de FMP montrant les oscillations de la transmission à (a) 5,55 µm et (b) 7,55 µm. La résolution du spectromètre est de 0,25 cm−1 pour une longueur de fibre de 2,6 m.

L’équation reliant la transmission T et la différence de constantes de propagation des modes orthogonaux ∆β est donnée par [78]

T = cos2(∆βL/2) (1.31)

La différence de phase entre les deux modes à la sortie de la fibre est égale à φ = ∆βL et pour un changement de longueur d’onde ∆λ, la variation différentielle de la phase s’écrit ∆φ = L∂∆β(λ) ∂λ ∆λ = 2πL λ2 " ∂B(λ) ∂λ − B(λ) # ∆λ = −2πL λ2 Bg(λ)∆λ (1.32) La distance entre deux maxima de transmission correspond à une oscillation de l’équation (1.31) et d’un changement de phase ∆φ = 2π. A partir de l’équation (1.32), en prenant λ égal à la longueur d’onde centrale entre les deux pics, la biré-fringence de groupe est calculée. Les résultats de la figure 1.21 sont moyennés par intervalle de 50 nm. Les coefficients de biréfringence à 5,55 µm, 7,55 µm et 8,2 µm de longueurs d’onde sont de 0,0012, 0,0028 et 0,0036 respectivement. Ces valeurs de biréfringence comparables à celles obtenues dans le proche IR montrent un main-tien de la polarisation de 3 à 8,5 µm. Au dessus de 8,5 µm, nous considérons que les pertes de propagation supérieures à 3 dB/m empêchent l’intégration de la fibre dans des montages pratiques.

La biréfringence de groupe peut être approchée à partir de l’équation Bg = λk. Les valeurs théoriques et expérimentales sont de 2,55 et 2,64 respectivement. Un excellent accord est trouvé, grâce notamment à la mesure fine des dimensions après fabrication et ajustement de la géométrie dans le modèle numérique. La variation de l’indice de réfraction du verre As0.38Se0.62 est bien prise en compte par le modèle de Sellmeier et pourra être utilisée comme référence pour des prochains dessins. De plus, la biréfringence de phase peut être exprimée comme B = Bg/(1 − k) à partir

de l’équation (1.30). A partir de la figure 1.22, nous remarquons que |B| > |Bg| pour B et Bg de signes opposés. L’inégalité est confirmée pour des valeurs de k plus grandes que deux et permet de tracer la dépendance de la biréfringence de phase sur la figure 1.22(b). Un très bon accord est également obtenu.

Longueur d'onde (µm) 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Biréfri ngen ce de grou pe (x10 -3) -6 -5 -4 -3 -2