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Le rôle de la fatigue induite par l’exercice physique dans la régulation de l’activité réflexe : Effet de l’ischémie cérébrale ?

durant la phase aigüe

4. Réorganisation du système nerveux central après une ischémie cérébrale

4.2 Plasticité cérébrale et spinale post-AVC

4.2.3 Le rôle de la fatigue induite par l’exercice physique dans la régulation de l’activité réflexe : Effet de l’ischémie cérébrale ?

L’exercice physique induisant une fatigue peut être considéré comme un outil de diagnostic pour déceler une dysfonction potentielle qui serait masquée dans des conditions physiologiques de repos (i.e. activité musculaire minimum). L’exercice physique intense est associé à un retour sensoriel qui va jouer un rôle important en stimulant des mécanismes de plasticité au niveau de la moelle épinière, en provoquant in fine une baisse de l’amplitude du réflexe. Ces informations sensorielles sont caractérisées par l’activation des afférences mécanosensibles d’origine musculaires, tendineuses ou articulaires (afférences des groupes I et II), mais aussi par l’implication des afférences métabosensibles (afférences du groupe III, qui sont aussi mécanosensibles, et du groupe IV) (Bigland-Ritchie et al., 1986; Garland &

McComas, 1990). Au cours d’un exercice fatigant, l’accumulation de produits métaboliques

(Gandevia, 2001). En effet, il a été suggéré chez des animaux sains que ces afférences exercent un rétrocontrôle au niveau spinal et supraspinal, induisant une inhibition des réflexes somatiques au cours et après une fatigue induite électriquement (Pettorossi et al., 1999;

Kalezic et al., 2004). Ces résultats sont confirmés chez le sujet sain où il a fréquemment été

montré qu’une fatigue isométrique, qu’elle soit volontaire ou induite électriquement, provoque une baisse du réflexe-H (Garland & McComas, 1990; Duchateau & Hainaut, 1993;

Duchateau et al., 2002; Walton et al., 2002). L’exercice musculaire fatigant pourrait donc

déceler des dysfonctions potentielles au niveau des mécanismes d’inhibition de la boucle sensorimotrice, décrite plus haut.

Par ailleurs, plusieurs auteurs suggèrent que l’action des afférences métabosensibles permettrait de limiter une fatigue prématurée en informant le SNC des modifications métaboliques. Elles contribueraient donc à élaborer la réponse motrice la plus adaptée à l’état métabolique du muscle mais également d’éviter une altération excessive de la structure musculaire (théorie du « muscle wisdom ») (Bigland-Ritchie & Woods, 1984; Bigland-Ritchie

et al., 1986; Amann et al., 2011). Par exemple, la performance lors d’une épreuve de temps

limite est diminuée chez les rats dont les afférences métabosensibles ont été détruites via l’injection de capsaïcine. Dans la même étude, il est observé une baisse supérieure de la production de force après 3 min de stimulation électrique musculairepar rapport aux animaux contrôles (Dousset et al., 2004). La contribution de ces afférences à la performance physique est confirmée par une étude menée chez l’Homme où lorsque les récepteurs des afférences métabosensibles sont bloqués par l’injection d’un antagoniste (le fentanyl), la performance sur un temps limite (80 % de la puissance maximale) est diminuée de 21 % et semble associée à

une fatigue périphérique importante (réduction du twitch1 de 44 % au niveau du quadriceps)

(Amann et al., 2011).

Cependant, les conditions expérimentales des études sur le patient AVC décrites dans les paragraphes précédents ont été élaborées pour éviter l’influence de la fatigue sur la régulation de l’activité réflexe (cf. Chapitre I, section 4.2.2 - p.44). Ainsi, les influences des mécanismes de régulation des réflexes associés à une fatigue musculaire2 ne sont pas encore définies suite à une ischémie cérébrale.Néanmoins, une fatigue précoce lors d’un exercice a déjà été observée chez le patient AVC (Monga et al., 1988). Cette apparition plus précoce des signes de fatigue est la conséquence du déconditionnement cardiovasculaire et musculaire observé post-AVC. En revanche à notre connaissance, aucune donnée expérimentale n’indique que la régulation des voies réflexes soit perturbée au cours et après un travail musculaire fatigant. De façon plus générale, la fatigue induite par l’exercice durant la phase aigüe de l’AVC n’a jamais été caractérisée. Ceci peut être lié au fait que les exercices musculaires fatigants peuvent être douloureux/désagréables pour les patients et ne sont donc pas réalisés pour des raisons éthiques au cours de la période aigüe. En revanche, ce type d’expérimentation peut être mené sur l’animal anesthésié ayant subi une ischémie cérébrale. Une fatigue musculaire peut être évoquée électriquement sur un muscle cible. De plus, des mesures de l’activité des réflexes somatiques avant et après l’exercice évalueraient l’impact de la contraction musculaire prolongée sur l’activité réflexe. Une modification de la régulation des réflexes permettrait de supposer quels sont les mécanismes potentiellement responsables de ces changements.

1 Secousse musculaire élémentaire induite par une stimulation électrique unique sur un nerf périphérique. La

réponse mécanique à cette stimulation est enregistrée.

2 Réduction de la capacité du muscle à produire une force ou une puissance durant un exercice, que la tâche puisse être maintenue ou non

(Bigland-Ritchie & Woods, 1984; Søgaard et al., 2006). Cette définition fait bien la différence entre la fatigue musculaire et la capacité à continuer une tâche physique. En effet, la fatigue musculaire ne représente ni le moment précis où la tâche s’arrête ni un épuisement du muscle. La fatigue musculaire intervient dès lors qu’une diminution de la force ou de la puissance maximale se produit. Elle peut être

Dans notre cadre expérimental, l’exercice isométrique fatigant pourrait dégager une éventuelle perturbation de l’activité motrice au niveau de la moelle épinière et ainsi apporter de nouvelles informations sur la physiopathologie de ce traumatisme.

En résumé, les déficits sensorimoteurs observés post-AVC ne semblent donc pas uniquement liés à l’étendue et à la localisation de la lésion ainsi qu’à la plasticité cérébrale. Les régulations spinales de la commande motrice peuvent aussi expliquer les déficits sensorimoteurs mais elles sont à ce jour mal connues. L’influence des afférences musculaires sur les réflexes somatiques n’a pas encore été prise en compte. Cet aspect peut être étudié dans un premier temps à partir d’une fatigue induite par un exercice isométrique, connu pour stimuler les mécanismes inhibiteurs du recrutement des unités motrices à partir des voies réflexes (Adreani et al., 1997). Ainsi, à partir d’un modèle d’ischémie cérébrale chez le rat, nous allons tenter de mettre en avant une éventuelle perturbation des mécanismes d’inhibition des réflexes somatiques avant et après un exercice isométrique fatigant au cours de la phase aiguë post-ischémique, tout en s’assurant de la reproductibilité de la lésion à partir de plusieurs outils méthodologiques.

5. Étude n°1