• Aucun résultat trouvé

durant la phase aigüe

3. Évaluation des déficits suite à une ischémie cérébrale chez le rat

3.1 Mesures comportementales

L’utilisation d’une batterie de tests comportementaux précise et adaptée au modèle d’ischémie cérébrale utilisé permet de 1) contrôler la sévérité et la reproductibilité de la lésion (et donc la fiabilité du modèle d’ischémie cérébrale), 2) mesurer l’évolution des déficits et/ou la récupération spontanée sur une période donnée, et 3) évaluer les effets de la récupération comportementale suite à l’application d’une stratégie thérapeutique (Kleim et al., 2007;

Schaar et al., 2010; de Vries et al., 2011). Les tests de comportement présentent cependant

des limites car ils reflètent les déficits de manière globale et peuvent être le reflet de mécanismes de compensation sans qu’il n’y ait de restauration de la fonction nerveuse altérée. Ils ne fournissent donc pas d’informations sur les mécanismes nerveux sous-tendant les altérations sensorimotrices. L’étude de ces mécanismes nécessite donc des analyses plus spécifiques (tels que l’électrophysiologie ou l’immunohistologie). Dans nos travaux, le terme de « récupération fonctionnelle » fait référence à l’amélioration des performances fonctionnelles sans déterminer son origine, c’est-à-dire, sans distinguer l’action des processus de compensation de ceux de réparation d’une fonction altérée (Levin et al., 2008).

3.1.1 Altérations sensorimotrices chez le rat

L’activité sensorimotrice reflète la réponse intégrée de l’action des informations sensorielles sur l’activité motrice. Il est donc parfois difficile de trouver des tests comportementaux qui dissocient et évaluent spécifiquement ces deux fonctions. Dans cette optique, il est préférable de combiner plusieurs tests étant donné que tous les déficits ne sont pas uniquement le reflet de l’altération d’une seule fonction (Erdő et al., 2006; Kleim et al.,

des déficits aussi bien somatosensoriels que moteurs au niveau controlatéral, reflétant une hémiparésie (Erdő et al., 2006; Schaar et al., 2010; de Vries et al., 2011). Nous allons présenter les principaux tests utilisés et les déficits associés (liste non-exhaustive). Les tests du Rotarod, de la poutre, du plan incliné et la mesure du score neurologique ont révélé des troubles de la coordination motrice, de l’équilibre et de l’endurance musculaire (Hunter et al.,

1998; Balkaya et al., 2013). Le test de la force de préhension, mesurant indépendamment la

force musculaire, a permis de renforcer l’idée que les animaux lésés présentent une faiblesse musculaire des pattes antérieures (Erdő et al., 2006; Bhandari & Ansari, 2008; Deshmukh et

al., 2011). La capacité à atteindre une cible ainsi que la motricité fine semblent également

fortement perturbées chez ces animaux. Le test du Staircase est un autre moyen simple et efficace pour quantifier l’habilité à atteindre une cible (nourriture) (Grabowski et al., 1993;

Hunter et al., 1998). Pour le versant plus sensoriel, le test du ruban adhésif montre une forte

perturbation de la sensibilité du côté controlatéral à la lésion, mais également des déficits légers du côté ipsilatéral (Freret et al., 2006). Lors de ce même test, il est possible d’observer une asymétrie sensorielle appelée héminégligence ou extinction tactile. Cela fait référence à un manque d’attention de l’animal face à un stimulus tactile appliqué simultanément du côté ipsi- et controlatéral à la lésion (Schallert et al., 1982; Schallert, 2006).

Le test de suspension par la queue révèle une flexion de la patte antérieure rabattue vers l’abdomen du côté controlatéral à l’hémisphère touché, alors que chez un animal sain, la patte est en extension. De plus, l’animal se redresse exclusivement du côté hémiparétique illustrant une asymétrie de la lésion c’est-à-dire un comportement moteur différent d’un côté par rapport à l’autre (Borlongan et al., 1998). Cette asymétrie est fréquemment mis en évidence par le test des vibrisses (Hunter et al., 1998). Lors de ce test, l’expérimentateur stimule les vibrisses du rat en les frottant ce qui a pour effet de provoquer une réponse

motrice de la patte ipsilatérale aux vibrisses stimulées. Chez les animaux lésés, cette réponse est diminuée du côté controlatéral à la lésion.

3.1.2 Controverses sur les atteintes sensorimotrices

Certains tests méritent plus d’attention afin de mieux caractériser les déficits sensorimoteurs (Aronowski et al., 1996; Zausinger et al., 2000; de Vries et al., 2011). Il n’existe pas de test précis mesurant les troubles de l’équilibre et les adaptations posturales chez le rat, alors que ces dernières sont fréquemment perturbées chez l’Homme (Pérennou &

Bronstein, 2005; De Nunzio et al., 2014).De plus, ces déficits sont fortement impliqués dans

les risques de chutes durant la marche et dans la perte d’autonomie des patients (Batchelor et

al., 2012).

Le test d’équilibre statique sur une poutre reste à améliorer car il ne permet pas systématiquement de détecter les modifications vestibulomotrices induites par une ischémie cérébrale. En effet, les animaux peuvent reposer l’abdomen sur la poutre sans utiliser leurs pattes ce qui fausse la mesure de l’équilibre. Par ailleurs, l’évaluation de la force de préhension devrait être complétée. En effet, la force des deux pattes séparément n’est jamais mesurée. De ce fait, lorsque la force est mesurée avec les 2 pattes simultanément, une perturbation de la force de préhension du côté lésé pourrait être masquée par une éventuelle compensation apportée par la patte non-lésée (Erdő et al., 2006; Bhandari & Ansari, 2008;

Akhtar et al., 2008; Deshmukh et al., 2011). De plus, la diminution de la force de préhension

reste controversée puisqu’une étude n’a pas décelée de modification de la force de préhension

(Akhtar et al., 2008).Les tests de comportements effectués dans la 1ère étude de ce manuscrit

3.2 Analyse histologique : le volume lésionnel

Dans les études expérimentales sur l’AVC, l’évaluation des déficits post-ischémique est fréquemment couplée à une analyse histologique. L’analyse histologique est indispensable pour 1) s’assurer de la fiabilité de la chirurgie, 2) évaluer les régions cérébrales touchées et 3) vérifier la reproductibilité de la lésion d’un animal à un autre. L’analyse histologique permet aussi d’analyser l’influence des traitements neuroprotecteurs visant à diminuer le volume lésionnel, facteur associé à une amélioration de la récupération fonctionnelle (Gupta & Briyal,

2004; Durukan & Tatlisumak, 2007).

L’étendue de la lésion ainsi que les structures cérébrales affectées par la lésion ischémique déterminent la nature des déficits fonctionnels. Cependant, le volume lésionnel n’est pas le seul facteur expliquant l’évolution des déficits et/ou de la récupération fonctionnelle. Il est parfois observé une amélioration de la performance aux tests comportementaux sans pour autant observer une régression du volume lésionnel. En effet, il n’est pas systématiquement observé de corrélation entre ces deux paramètres après l’ischémie cérébrale (Wahl et al., 1992; van der Staay et al., 1996; Hunter et al., 1998; Cenci et al.,

2002; Durukan & Tatlisumak, 2007). Ceci est confirmé chez l’Homme avec l’utilisation de la

tomographie (i.e. technique d’imagerie médicale permettant de reconstruire le volume d’une lésion) où aucune corrélation n’est trouvée entre la taille/localisation de la lésion et les déficits fonctionnels (Dromerick & Reding, 1995; Pantano et al., 1996).

Plusieurs hypothèses peuvent expliquer cette constatation à commencer par les méthodes d’histologie chez l’animal. Ces dernières ne sont pas standardisées (i.e. différents protocoles pour un même colorant ou différentes méthodes de coloration) et difficilement comparables d’une étude à une autre. Le chlorure de triphenyltetrazolium (TTC) et le crésyl

violet (CV) sont des méthodes d’analyses histologiques communément utilisées (Figure 1.9). Globalement, le TTC colore en rouge les tissus métaboliques actifs (marqueur d’enzymes mitochondriales telles que les déshydrogénases) et en blanc les tissus nécrosés (Bederson et

al., 1986; Benedek et al., 2006). Or, certains tissus sont marqués en blanc alors qu’ils ne

présentent pas de lésion irréversible mais seulement une dysfonction mitochondriale transitoire. Pour cette raison, le TTC n’est pas le meilleur indicateur pour quantifier le volume lésionnel de l’infarctus puisqu’il a tendance à surestimer l’étendue de la zone lésée et ne peut être utilisé que sur une courte période. Cependant, il représente malgré tout une méthode assez fiable et peu coûteuse permettant d’obtenir une mesure quasi-immédiate (environ 1h)

(Türeyen et al., 2004; Benedek et al., 2006). Le CV permet de situer les zones lésées et de

quantifier le volume lésionnel en marquant en pourpre les corps de Nissl situés dans les réticulums endoplasmiques rugueux et les ribosomes, eux-mêmes présents dans le corps cellulaire et les dendrites des neurones (Alvarez-Buylla et al., 1990). Le CV représente aussi un moyen d’évaluer la perte neuronale en mesurant le nombre de neurones après une lésion ou d’étudier l’état structurel des neurones (e.g. dissolution du corps de Nissl). Cette technique constitue une des méthodes histologiques les plus reproductibles pour mesurer l’effet d’une lésion ischémique sur le tissu cérébral sur du long terme mais est relativement chronophage.

Figure 1.9 : Exemple d’une coupe de cerveau de rat marqué au TTC (A) et au CV (B) après une ischémie cérébrale [Adaptée (Popp et al., 2009))].

Par ailleurs, les techniques utilisées en histologie sont limitées à une analyse structurelle des tissus cérébraux (i.e. estimation du volume lésionnel et/ou quantification du nombre résiduel de neurones) et ne permettent pas de détecter les modifications fonctionnelles des réseaux neuronaux. Or, certaines cellules sont structurellement intactes mais avec une activité fonctionnelle altérée (comme dans la penumbra par exemple), expliquant donc partiellement qu’il n’y ait pas systématiquement de lien entre taille de la lésion et déficits fonctionnels. Cependant, l’évaluation de la taille de la lésion reste tout de même importante afin d’exclure/inclure l’influence de ce paramètre sur les déficits et/ou la récupération sensorimotrice.

En conclusion de cette sous-partie, les différentes sources de ces déficits restent à déterminer puisque la taille de la lésion ne coïncide pas toujours avec les déficits observés. Il semble donc que les répercussions de la zone infarcie sur le reste du système nerveux central (SNC ; encéphale et moelle épinière) joue également un rôle important pour expliquer les déficits observés.