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I. Les peptides antimicrobiens en tant qu’éléments du système immunitaire

I.3. Les peptides antimicrobiens chez l’Homme

I.3.1. La famille des défensines

I.3.1.1. Source et classification

Les défensines constituent une famille très complexe de peptides antimicrobiens

cationiques appartenant à la classe des peptides à ponts disulfure. Ils possèdent six résidus

cystéine conservés (motif consensus) permettant la formation de trois ponts disulfure

intramoléculaires (Chen et coll., 2006).

Sur la base de leur taille et la disposition des ponts disulfure, les défensines sont

classées en trois groupes : les défensines-α, -β, et -θ. Seules les défensines-α et -β sont

présentes chez l’Homme (Izadpanah et Gallo, 2005) (Tableau 2). La majorité des recherches

se sont focalisées sur ces deux familles.

Tableau 2 : Principales caractéristiques des défensines-α et -β humaines (Ramasundara et

coll., 2009).

Taille du précurseur Taille du peptide mature Liaisons de cystéine Défensine Distribution tissulaire Stimuli

Défensines

alpha ~90-105 aa ~30-34 aa 1-6, 2-4, 3-5

HNP 1-4

Neutrophiles infiltrant la

membrane des muqueuses.

Dans l'inflammation active

observée dans les cellules

épithéliales intestinales en

dispersion

Augmentées en

inflammation active,

probablement le résultat

d'une augmentation de

l'influx des neutrophiles

HD 5-6

Cellules de Paneth et les

cellules épithéliales des

villosités du duodénum,

jéjunum et de l'ileum

Exprimées

constitutivement, mais

requièrent une

maturation pour l'activité

biologique

Défensines

béta ~60-70 aa ~36-44 aa 1-5, 2-4, 3-6

HBD 1 Epithélia des muqueuses, notamment du côlon Exprimée constitutivement

HBD 2-4 Epithélia des muqueuses, notamment du côlon. Plasma

des cellules du côlon

IL-1α et les bactéries

entéroinvasives

aa, acides aminés ; HBD, human β-defensin ; HD, human α-defensin; HNP, human neutrophil

peptides; IL, interleukin.

a) Défensines-α

Les défensines-α sont de petites molécules constituées de 29 à 35 acides aminés (Yang

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(Figure 11). Six sous-types de défensines-α sont présents chez l’Homme : quatre sont appelés

peptides des neutrophiles humains HNP (human neutrophil peptide) -1, -2, -3 et -4, appelés

ainsi car ils ont été isolés la première fois dans des neutrophiles et les deux autres nommés

défensines humaines HD (human defensin) 5 et 6 (Chen et coll., 2006). Les HNP1-4 sont

stockés dans les granules azurophiles des polynucléaires neutrophiles, où la quantité des

HNP1-3 est très importante, alors que celle de HNP-4 y est moindre (Ganz et coll., 1990). De

plus, les HNP1-3 sont également détectés dans les lymphocytes B, les cellules NK (natural

killer) et les monocytes (Selsted et Ouellette, 2005). Les deux autres défensines-α HD-5 et -6,

découvertes respectivement en 1992 et en 1993, sont présentes dans les granules des cellules

de Paneth dans l’intestin grêle (Jones et Bevins, 1992 et 1993), où HD-5 est activée par la

trypsine (Ghosh et coll., 2002). De plus, HD-5 et HD-6 ont été identifiées plus tard dans des

cellules épithéliales du tractus urogénital (De Smet et Contreras, 2005).

Figure 11 : Alignement de séquences des défensines-α humaines. Les astérisques (*)

indiquent le motif consensus des résidus cyctéines impliqués dans la formation des 3 ponts

disulfure (Combet et coll., 2000).

b) Défensines-β

Les défensines-β sont des peptides constitués de 38 à 50 acides aminés (Yang et coll.,

2002 ;Jonard et coll., 2006) où les trois ponts disulfure impliquent l’appariement des résidus

cyctéine 1-5 ; 2-4 et 3-5. Le groupe des défensines-β est plus large que celui des défensines-α.

Les trois premières défensines-β identifiées chez l’homme, HBD (human beta defensin) 1, 2

et 3, sont largement produites par les cellules épithéliales et par les leucocytes (De Smet et

Contreras, 2005). La défensine-β1 a été initialement isolée de l’hémofiltrat des patients

subissant une dialyse. Par des approches de recherche bioinformatique (analyse in silico),

environ 30 nouvelles molécules de défensines-β ont été identifiées récemment chez l’Homme.

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c) Défensines-θ

Les défensines-θ diffèrent des deux groupes précédents par leur taille et leur structure.

Ces peptides sont constitués de seulement 18 acides aminés, avec une structure cyclique sans

extrémité libre (Figure 12). Les précurseurs des défensines-θ sont considérés comme des

paralogues des défensines-α tronquées par un codon stop (Selsted et Ouellette, 2005). En

effet, le peptide mature est dérivé de deux segments de défensines-α générant un peptide

cyclique par un processus encore non caractérisé. Les défensines-θ ont été isolées des

neutrophiles et monocytes des macaques Rhésus (Tang et coll., 1999).

Les gènes codant pour ce groupe de peptides sont présents uniquement chez les

primates de l’ancien monde. Chez l’Homme, ces gènes sont présents à l’état de pseudogènes

transcrits mais n’aboutissent pas à la synthèse d’une protéine active à cause d’une mutation

introduisant un codon stop prématuré (Cole et coll., 2002).

I.3.1.2. Synthèse et maturation

Comme la plupart des peptides antimicrobiens humains, les défensines sont produites

sous forme de précurseurs ‘prépropeptides’ (Figure 13) et leur maturation se fait à différents

degrés en fonction du site d’expression (Selsted et Ouellette, 2005). La biosynthèse de ces

peptides implique un clivage rapide du peptide signal produisant une pro-défensine qui a peu

ou pas d’activité antimicrobienne in vitro (Valore et coll., 1992 ; Wu et coll., 2003).

La libération du peptide actif requiert un clivage protéolytique du pro-domaine

anionique. On pense que ce dernier confère un équilibre de charge pour le précurseur,

permettant ainsi probablement de minimiser l’auto-toxicité dans les cellules productrices en

évitant l’interaction intracellulaire avec les membranes des cellules. Etant à l’état oxydé dans

le pro-peptide, le segment C-terminal mature des défensines-α est protégé de l’action des

enzymes de dégradation. Les séquences d’acides aminés des défensines matures sont très

variables à l’exception du motif consensus des résidus cystéine, conservés dans chaque

groupe de défensines.

Figure 12 : Structure cyclique de la

défensine-θ-1 des macaques Rhésus

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I.3.1.3. Structure et organisation des gènes des défensines

Les défensines-α humaines (HNP1-4 et HD5-6) sont codées par des gènes qui sont

co-localisés dans une même région du chromosome 8 (8p23) formant un cluster (Sparkes et coll.,

1989). Les gènes codant les défensines-α HNP1-4 sont appelés DEFA1-4 et organisés en trois

exons et deux introns (Figure 13).

Figure 13 : Organisation schématique des gènes et peptides des défensines. A gauche,

alignement des gènes des défensines-α et défensines-β. Peptide signal (Signal, en gris),

pro-domaine (pro-séquence ; pro, en noir), résidus présents dans les défensines matures (en

bleu). A droite, schémas des trois ponts disulfure dans chacune des deux classes de

défensines. Les numéros au-dessus de chaque diagramme indiquent les positions des

résidus cystéines impliqués dans chacun des ponts disulfure. Les schémas de structures

tridimensionnelles correspondent à la défensines-α de lapin (haut) et de défensine-β1

humaine (bas) (Selsted et Ouellette, 2005).

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Le premier exon de chaque gène code la région 5’-UTR (untranslated region). L’exon

2 contient la séquence consensus d’initiation de la traduction, le peptide signal et une partie

du pro-domaine. Enfin, l’exon 3 code pour le peptide mature (Linzmeier et coll., 1993). Les

gènes DEFA1 et DEFA3 codent respectivement HNP-1 et HNP-3, mais l’un et/ou l’autre

code également HNP-2 pour lequel aucun gène distinct n’a été identifié (Linzmeier et coll.,

2005). Il faut noter que les séquences de HNP-1, HNP-2 et de HNP-3 sont quasiment

identiques. HNP-1 et HNP-3 sont composés de 30 acides aminés chacun et diffèrent au niveau

du seul premier résidu, qui consiste en un résidu alanine dans HNP-1 et un résidu aspartate

dans HNP-3. Cela est dû à une différence d’un nucléotide, C3400A, entre les allèles DEFA1

et DEFA3 (Linzmeier et coll., 2005). HNP-2 est composé de 29 acides aminés. Il peut être

simplement le produit de protéolyse de l’un ou des deux autres peptides puisque sa séquence

commence par le deuxième résidu de HNP-1 et HNP-3 (Mars et coll., 1995).

Grâce à la forte homologie des séquences de gènes et de peptides de ces trois

défensines-α et leur expression constitutive dans les leucocytes, les HNP-1, -2 et -3 sont

souvent étudiées ensemble aussi bien au niveau protéique que génique.

I.3.1.4. Régulation de l’expression des défensines

Puisque les défensines sont exprimées sous forme de précurseurs puis, par un clivage

protéolytique, libérées sous forme de peptides biologiquement actifs, la régulation de leurs

fonctions est dépendante à la fois de l’expression des protéases appropriées pour la maturation

et de l’expression des produits des gènes eux-mêmes (Lai et Gallo, 2009). En effet, la

biosynthèse des défensines et leur libération dans le milieu extracellulaire sont régulées par de

nombreux signaux, notamment par les micro-organismes et les cytokines inflammatoires,

ainsi que dans certains cas par des signaux neuroendocriniens en fonction du tissu étudié

(Ganz, 2003).

L’expression des défensines-α semble être constitutive. Par contre, l’augmentation de

leur activité est due essentiellement à la mobilisation de ces peptides dans les cellules

(phagocytes) ou à l’induction de leur sécrétion dans le milieu extracellulaire (Selsted et

Ouellette, 2005). La sécrétion extracellulaire des HNP1-3 peut être particulièrement stimulée

dans les cellules NK par des antigènes microbiens (Chalifour et coll., 2004), tandis que la

sécrétion des défensines-α entériques est stimulée par des agonistes cholinergiques et des

antigènes microbiens (Ayabe et coll., 2000 ; Selsted et Ouellette, 2005). La dégranulation des

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cellules de Paneth semble aussi être modulée par la concentration ionique (calcium,…) dans

l’environnement physiologique (Ayabe et coll., 2002). De plus, il a été récemment montré que

l’IL-18 induit l’expression des défensines-α dans les cellules de l’épithélium intestinal infecté

(McDonald et coll., 2006).

Contrairement aux défensines-α, l’expression des défensines-β peut être inductible

dans de nombreux tissus, souvent en réponse à une production de cytokines

pro-inflammatoires impliquant la voie des récepteurs TLRs. L’expression de HBD1-2 est activée

dans des monocytes exposés à des bactéries, aux endotoxines LPS ou à l’interféron-γ (Druits

et coll., 2002 ; Fang et coll., 2003). La synthèse de HBD-4 est inductible par la stimulation

par le TNF-α, l’IL-1β, l’interféron-γ, le phorbol myristate acétate et par des antigènes

bactériens (Harder et coll., 2001 ; Harder et coll., 2004). Liu et coll. (2003) ont montré que les

LPS stimulent l’expression de HBD-2 dans les monocytes à travers le facteur de transcription

NF-ĸB.