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4. ANALYSE FORCES-FAIBLESSES-OPPORTUNITÉS-MENACES DE LA MÉTHODOLOGIE

4.2 Résultats et interprétation

4.2.2 Faiblesses

Dans un autre ordre d’idées, la méthodologie proposée au chapitre 3 comporte certaines faiblesses, comme il est possible de l’observer au tableau 4.2. Premièrement, comme l’expliquent MacKinnon et MacKinnon (1991) et Estrada (2014), d’autres méthodes de conservation, comme la création d’aires protégées, sont plus efficaces que le transfert animal pour conserver la biodiversité en général, car elles permettent de conserver davantage d’espèces à la fois dans un endroit donné. Les bénéfices retirés par ces autres méthodes seraient donc plus grands relativement aux coûts nécessaires pour les mettre en application, en comparaison avec le transfert d’espèces. Néanmoins, ces méthodes de gestion à plus grande échelle ne permettent pas une gestion aussi ciblée et intensive que le transfert animal; elles sont donc moins efficaces pour sauvegarder une espèce en situation précaire que la méthodologie proposée.

Deuxièmement, la méthodologie n’est pas complètement universelle, c’est-à-dire que plusieurs de ses étapes peuvent différer d’un projet à l’autre en fonction de plusieurs facteurs, tels que l’espèce ciblée, la provenance et le nombre d’individus disponibles, les préférences des diverses parties prenantes impliquées, etc. Ainsi, de nombreux choix sur les protocoles à utiliser doivent être faits au cours de l’application de la méthodologie, et des approches au cas par cas sont à préconiser sur plusieurs aspects. Certaines décisions doivent même parfois être prises entre deux choix très opposés, basés sur des faits contradictoires dans la littérature scientifique. La méthodologie proposée pour réaliser des projets de

transfert n’indique donc pas qu’une seule voie possible dans son application, puisque certaines étapes font appel au jugement des gestionnaires en fonction de divers facteurs et que des choix parfois ambigus doivent être faits. Toutefois, même si la méthodologie n’est pas universelle, cela peut tout de même représenter un avantage pour un gestionnaire qui souhaite avoir une certaine flexibilité dans ses choix vis-à-vis de la manière dont certains protocoles sont mis en œuvre et être informé de toutes les possibilités qui s’offrent à lui. De plus, il demeure impossible de déterminer une méthodologie complètement universelle, même pour un taxon en particulier (mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens, etc.), étant donné les grandes différences qui existent entre les espèces et parce qu’on ne possède, somme toute, pas encore beaucoup d’information en matière de transfert d’espèces animales, qui est une pratique encore récente (Estrada, 2014; Fa et al., 2011; May, 1991). De plus, les résultats de projets de transfert ayant subi des échecs sont rarement publiés, parce que les organisations impliquées sont préoccupées par la publicité négative pouvant être occasionnée (Teixeira et al., 2007). Cela n’aide donc pas à pouvoir identifier les meilleures pratiques à employer pour la réalisation de projets à succès et ainsi, déterminer une méthodologie standardisée pour les mettre en œuvre.

Troisièmement, même si un gestionnaire de programme applique l’ensemble de la méthodologie proposée à la lettre, basée sur les meilleures pratiques relevées dans la littérature, il reste difficile de prédire le succès du programme de transfert qui en résultera. En effet, même si le nombre de programmes à succès augmente depuis les dernières décennies, les statistiques les plus à jour indiquent malgré tout un taux de succès intermédiaire; en effet, 58 % des projets de transfert actuels, tous taxons confondus, sont considérés comme des projets à succès (Jachowski et al., 2016). De plus, on ne possède pas encore beaucoup de connaissances très précises sur les facteurs de succès et d’échec des programmes, parce qu’encore trop peu de projets de transfert animal ont été réalisés à ce jour et que les méthodes utilisées dans ces projets sont encore peu documentées (Fa et al., 2011; May, 1991). Les facteurs de succès associés à la méthodologie sont aussi encore peu démontrés sur le plan scientifique; ils peuvent parfois être identifiés en fonction des perceptions et des suppositions logiques énoncées par des gestionnaires de programmes, mais sans qu’une réelle relation à ce titre ait été démontrée (Bennett et al., 2017; UICN, 2018b; Wolf et al., 1996). L’utilisation de la méthodologie proposée oblige également la prise en compte de nombreuses incertitudes sur divers aspects, tels que l’identification des causes de déclin d’une espèce, les prédictions des résultats pouvant être générées, les risques existants (risques écologiques, pour les populations sources, de maladies, d’invasions collatérales, génétiques, socioéconomiques et financiers) et leur gravité, etc. Ainsi, l’efficacité de la méthodologie est très difficile à prédire et peut varier d’un projet à l’autre (Bennett et al., 2017; Kapos et al., 2008; Knight, 2009). Malgré cela, la méthodologie propose aussi de nombreuses mesures permettant de l’appliquer avec le plus de rigueur possible, en limitant beaucoup les risques et en se basant autant que possible sur des faits démontrés. Ainsi, il est possible d’atténuer cette faiblesse dans une certaine mesure par différents moyens compris dans la méthodologie.

De plus, la méthodologie proposée est très complexe à mettre en œuvre. Effectivement, elle exige l’élimination ou l’atténuation suffisante des causes de déclin ou de menaces, ce qui peut être difficile à

réaliser (Ewen et al., 2014; Wolf et al., 1996; UICN, 2012). Elle comporte de nombreuses étapes nécessitant de prendre plusieurs décisions et demandant une grande logistique pour les effectuer dans un ordre optimal. Cela requiert donc une planification rigoureuse. De même, différentes connaissances et compétences spécialisées sur divers aspects (biologiques, éthologiques, génétiques, vétérinaires, sociaux, financiers, etc.), et des études approfondies (études de faisabilité, évaluations des risques, etc.) doivent être effectuées pour la mettre en œuvre, ce qui requiert beaucoup de personnel ayant des compétences diversifiées, et parfois rares. L’application de la méthodologie demande également le rassemblement de nombreuses parties prenantes et la considération de leurs intérêts et de leurs préoccupations pour les décisions importantes d’un projet; c’est pourquoi la communication et la logistique d’un projet peuvent être très complexes. Néanmoins, il faut mentionner que la complexité de la méthodologie naît de la volonté à réduire au maximum les risques d’échec des projets de transfert, c’est pourquoi cette faiblesse peut aussi représenter une certaine force.

À cela s’ajoute le fait que l’application de l’ensemble de la méthodologie proposée dans le présent essai puisse exiger beaucoup de temps, soit plusieurs années. Cela est néanmoins absolument essentiel pour pouvoir assurer l’établissement de populations et mesurer le succès des projets à long terme.

En outre, la méthodologie requiert des ressources financières considérables (pour la restauration de sites, les procédures d’insémination artificielle, les activités de suivi des populations, etc.), devant être, non seulement garanties pour une durée de temps suffisante qui est difficile à prédire, mais aussi flexibles, parce qu’un projet de transfert nécessite toujours plusieurs modifications en cours de réalisation.Or, les financeurs subventionnent généralement conditionnellement à ce que les prédictions des résultats d’un projet soient fortement positives et les risques faibles, alors que le succès des projets de transfert animal est très difficile à prédire. De même, les nombreux impacts des projets étant difficiles à prédire, l’évaluation des coûts pour les réaliser l’est également, ce qui rend l’appui de financeurs plus fragile.