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Facteurs généraux à considérer pour le choix des individus fondateurs et à transférer

2. FACTEURS À CONSIDÉRER POUR LA RÉALISATION DE PROGRAMMES DE TRANSFERT

2.9 Choix des individus

2.9.1 Facteurs généraux à considérer pour le choix des individus fondateurs et à transférer

Pour choisir les individus fondateurs ou à transférer dans la nature, il est tout d’abord recommandé de sélectionner des individus nés de populations sauvages plutôt que de populations nées en captivité, lorsqu’il est possible de le faire, puisqu’il s’agit d’une condition gagnante pour le succès d’un programme (Brightsmith et al., 2005; Griffith et al., 1989; Reading et al., 2013; Shier et Owings, 2006; Wolf et al., 1996). En effet, les individus nés en nature possèdent généralement l’ensemble des habiletés nécessaires pour survivre, alors que les individus nés en captivité présentent souvent certains déficits génétiques et/ou comportementaux (Ballou, 1992; Beck, Freeman et Davis, 1990; UICN, 2012). Les transferts réalisés avec des individus nés dans la nature sont d’ailleurs généralement mieux réussies que ceux effectués avec des animaux nés en captivité, selon les statistiques (Brightsmith et al., 2005; Fischer et Lindenmayer, 2000; Griffith et al., 1989; Shier et Owings, 2006; Wolf et al., 1998; Wolf et al., 1996).

Également, les fondateurs d’une population et les individus transférés doivent idéalement provenir d’une population sauvage le plus étroitement liée taxonomiquement à l’espèce cible ou à la population d’origine ou existante du site ciblé pour le relâchement, lorsqu’il en existe toujours une. Effectivement, il peut y avoir des incompatibilités génétiques ou comportementales entre des individus provenant de populations éloignées géographiquement; c’est pourquoi cette approche peut être plus appropriée. Ces incompatibilités sont cependant difficiles à prédire et elles n’apparaissent parfois qu’après deux ou trois générations dans certains cas. (UICN, 2012) Également, certaines populations d’une espèce peuvent présenter des adaptations locales; il est donc fondamental d’en assurer la préservation en choisissant les individus les plus apparentés à ces populations (AZA, 1992).

Comme mentionné précédemment, la sélection d’individus nés en captivité doit être effectuée en dernier recours (Miller et al., 1999; Reading et al., 2013). Cependant, le nombre de fondateurs nécessaire pour engendrer une population est souvent plus élevé que le nombre d’individus restants dans la nature lorsque l’on réalise des projets de transfert. Certains individus provenant de populations sauvages peuvent aussi être trop apparentés, être incapables de se reproduire ou produire des descendants incapables de se reproduire eux-mêmes; c’est pourquoi des fondateurs ou des individus à transférer provenant de populations maintenues en captivité peuvent parfois être sélectionnés.

En général, le génotype demeure la principale caractéristique sur laquelle les projets se basent pour la sélection des individus. En effet, leur sélection doit idéalement être effectuée de sorte à assurer une variation génétique au sein de la population transférée. Pour ce faire, ils doivent être choisis de manière à avoir un potentiel évolutif permettant d’assurer le futur de la population ainsi qu’une faible consanguinité. Pour maximiser ces paramètres, les populations sources des individus doivent rencontrer ces quatre critères :

1. provenir d’environnements similaires; 2. avoir une hétérozygotie élevée; 3. avoir une richesse allélique élevée;

4. avoir une consanguinité faible. (Jachowski et al., 2016)

Pour identifier, sélectionner et jumeler les individus pour l’accouplement selon ces paramètres, des études génétiques au moyen de méthodes de marquage génétique (p. ex. empreintes digitales, allozymes, microsatellites, complexe majeur d’histocompatibilité, etc.) ou de livres généalogiques peuvent être effectuées au sein des populations, entre ces dernières et auprès de taxons connexes (Ewen et al., 2012). Cela requiert donc la capture des individus. Les banques de sperme peuvent également être utilisées, afin de procéder à l’insémination artificielle de femelles (Estrada, 2014; Jachowski et al., 2016; Sarrazin et Barbault, 1996; Stanley Price, 1989a; UICN, 1998).

Même si l’on recommande généralement de sélectionner les individus les plus proches taxonomiquement de ceux des populations d’origine, la multiplication des sources d’intrants génétiques peut être avantageuse dans certains cas. En effet, cette façon de faire peut notamment permettre d’augmenter la diversité génétique au sein d’une population en créant des apports bénéfiques occasionnels, sans pour autant provoquer l’élimination d’individus adaptés aux conditions locales. Par exemple, le mélange délibéré de populations de fondateurs peut être recommandé pour des introductions aux fins de la sauvegarde visant à maximiser la diversité génétique des spécimens. (Jachowski et al., 2016; UICN, 2012) Cette approche peut aussi être adéquate lorsque la taille des populations disponibles est très faible. (NSRF, 2014) Elle peut aussi être utilisée lorsque les individus d’une population répartie dans des habitats isolés présentent une consanguinité élevée ou lorsqu’une population ne semble pas détenir une variabilité génétique suffisante pour survivre (UICN, 2012).

Il faut néanmoins assurer un équilibre entre le prélèvement de spécimens locaux, ou similaires écologiquement, et l’introduction de génotypes plus éloignés géographiquement ou écologiquement, afin de ne pas entraîner de dépression par hybridation interspécifique. (Jachowski et al., 2016; UICN, 2012) Effectivement, pour mettre en œuvre cette méthode, le risque de dépression génétique due à la sélection doit être faible et/ou la probabilité qu’il existe des différences entre les populations (p. ex. différences comportementales) doit être réduite. Pour prédire la probabilité de dépression de consanguinité lors de l’hybridation interspécifique, il est possible d’utiliser l’arbre de décisions de Frankham et al. (2011), qui a été élaboré en se basant sur diverses variables (figure 2.1). Cet outil décisionnel simple d’utilisation peut, entre autres, permettre de prédire plus facilement cette probabilité en tenant compte des populations des fondateurs. La probabilité de dépression de consanguinité lors du croisement de deux populations distinctes est considérée moyenne ou élevée lorsque les populations ont au moins l’une des caractéristiques suivantes : leurs taxonomies ne sont pas clairement établies, elles présentent des différences chromosomiques fixées (p. ex. génétiques et comportementales), elles n’ont pas échangé de gènes (c’est- à-dire qu’elles sont isolées l’une de l’autre) depuis plus de 500 ans ou elles occupent des environnements différents depuis plus de 20 ans. (Frankham et al., 2011; Jachowski et al., 2016)

Figure 2.1 Arbres de décisions permettant de prédire la probabilité de dépression de consanguinité par hybridation interspécifique (tiré de : Frankham et al., 2011).

Par ailleurs, le choix des individus doit être effectué afin de favoriser la production d’une diversité génétique adaptée aux changements des conditions futures de l’environnement, tout en restant suffisamment adaptée aux conditions actuelles pour ne pas causer une trop grande mortalité (UICN, 2012).

De plus, les individus élevés en captivité ou reproduits artificiellement doivent être sélectionnés dans des populations sources, sans en compromettre leur maintien ou l’intégrité d’une fonction écologique d’un écosystème, excepté lorsqu’il s’agit d’un prélèvement d’urgence ou de sauvetage. (UICN, 2012)

En outre, si les espèces et les sous-espèces d’origine ont disparu à la fois dans la nature et en captivité, la sélection d’une espèce ou d’une sous-espèce semblable ou apparentée peut être envisagée pour en assurer le remplacement écologique dans certains cas selon l’UICN (2012). Malgré tout, il faut retenir que lorsqu’une population initiale possède une bonne diversité génétique et un effectif « suffisant pour que les différenciations et la mortalité ultérieure soient acceptables, il est peu probable que la génétique des fondateurs sélectionnés compromette la faisabilité d’un transfert » (UICN, 2012).