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D - Une faible implication de l’ordre des médecins dans l’accès aux soins

1 -Un rôle limité dans l’organisation de la permanence des soins L’organisation de la permanence des soins a radicalement changé depuis 2002 avec l’abandon de l’obligation déontologique individuelle pour les médecins libéraux d’effectuer des gardes. Si l’information est mieux assurée depuis 2011 grâce à la transmission dématérialisée, à l’ARS et au préfet, du tableau de permanence des soins, en revanche l’implication des conseils départementaux pour remédier à l’insuffisance du nombre de médecins volontaires est variable.

Les médecins sont appelés à participer à la permanence des soins sur la base du volontariat mais l’article 77 du code de déontologie dispose :

« il est du devoir du médecin de participer à la permanence des soins dans le cadre des lois et des règlements qui l’organisent ».

L’implication pour mobiliser le corps médical est exemplaire dans plusieurs départements (Val-de-Marne, Corse-du-Sud, Indre notamment), comme l’a constaté la Cour, mais fait défaut dans d’autres où la

communauté médicale « n’arrive pas à s’affranchir de ses vieux démons dont celui de l’individualisme exacerbé170 ».

Le Conseil national réalise chaque année un rapport sur la permanence des soins. Ce travail précis contient des données et des analyses pertinentes.

En 2011, la Cour soulignait également les difficultés de coordination induites par le rôle du conseil régional de l’ordre dans l’élaboration du cahier des charges de la permanence des soins, difficulté toujours présente qui renvoie à la question de la plus-value de l’échelon régional qui devra être réexaminée au vu du bilan des fusions intervenues début 2019.

2 -Une position ambiguë sur les refus de soins

La France s’est dotée de dispositifs facilitant l’accès aux soins pour les plus démunis (complémentaire santé solidaire171, Aide médicale d’État, tiers payant de droit…). Toutefois, les comportements et pratiques de certains professionnels de santé peuvent entraver cet accès aux soins. Ces situations peuvent avoir pour origine une méconnaissance des dispositifs, des difficultés d’ordre technique, mais peuvent aussi relever d’une opposition pour des raisons économiques ou idéologiques.

Le refus de soins clairement établi est relativement rare, des formes de dissuasion, par la fixation de rendez-vous éloignés ou par l’affirmation d’une impossibilité de prendre de nouveaux patients, étant plus fréquentes.

La loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a donc réaffirmé l’importance de la mission d’évaluation du refus de soins en créant des commissions ad hoc placées auprès des ordres professionnels, chargées d’évaluer le nombre et la nature des pratiques de refus et de remettre un rapport annuel au ministre chargé de la santé. La commission placée auprès de l’ordre des médecins n’a produit qu’un rapport depuis lors. En dépit de disponibilités dépassant les 100 M€, l’ordre considère en effet ne pas disposer du budget suffisant pour faire fonctionner la commission et refuse de financer des études sur les refus de soins.

Seules 28 décisions rendues par les juridictions ordinales entre 2014 et 2017 portaient sur des refus de soins à des bénéficiaires de la CMU, soit sept par an en moyenne sur plus de 1 300 : 57 % ont fait l’objet d’un rejet, 11 % d’un blâme, 25 % d’un avertissement et 7 % d’une interdiction

170 Blog du conseil départemental de l’ordre des médecins du Val-de-Marne.

171 Remplaçant au 1er novembre 2019 la CMU-C (couverture maladie universelle complémentaire) et l’ACS (aide pour une complémentaire santé).

d’exercer, parfois assortie d’un complet sursis. Les sanctions sont hétérogènes : ainsi un gynécologue-obstétricien installé dans les Yvelines s’est vu infliger un blâme pour avoir refusé des soins à une patiente relevant de la CMU-C alors qu’un stomatologue de la région PACA a été suspendu pendant un mois, dont huit jours fermes, pour des faits similaires.

Le bilan des rares poursuites menées à leur terme n’incite pas les patients à faire valoir leurs droits et ne dissuade pas les médecins de renoncer à une pratique illégale.

L’ordre n’est pas particulièrement zélé sur le sujet. Ainsi, en janvier 2017, trois associations ont saisi le Défenseur des droits pour des mentions discriminatoires (refus de bénéficiaires de la CMU) apposées, par deux sites de rendez-vous médicaux en ligne, aux côtés des coordonnées de certains médecins. Fin 2018, le défenseur des droits a enjoint aux deux plateformes de faire disparaître ces mentions. En revanche, les médecins en cause n’ont pas fait l’objet de poursuite disciplinaire par l’ordre, qui considère impossible « la recherche systématique sur tous les sites de prise de rendez-vous en ligne de mentions discriminatoires ».

3 -Des actions timorées en faveur de la mobilité des médecins L’ordre n’a pas toujours œuvré à l’assouplissement de la règlementation, nécessaire pour faciliter les conditions d’installation, d’exercice et de mobilité des médecins tout particulièrement dans les zones en voie de désertification médicale. La simplification172 du traitement des demandes d’autorisation d’exercice en site distinct n’est ainsi intervenue qu’après le contrôle de la Cour, avec la parution du décret n° 2019-511 du 23 mai 2019.

La gestion des demandes de remplacement mériterait également d’être allégée, sous forme de déclaration plutôt que d’autorisation préalable.

L’exercice de la médecine sous le statut de remplaçant est en effet devenu, pour les jeunes médecins comme pour les plus confirmés, un mode d’activité à part entière. L’examen par les conseils départementaux des demandes de remplacement est donc de plus en plus lourd (plus de 100 000 contrats sont analysés chaque année) et une grande partie des autorisations est aujourd’hui délivrée postérieurement aux remplacements, après vérification du respect formel d’une dizaine de points.

172 Une déclaration se substituant à la demande d’autorisation.

S’il semble important de maintenir une procédure d’autorisation pour la délivrance des autorisations d’exercer données aux étudiants, une simple déclaration en ligne des remplacements pourrait être mise en place, sur un portail national qui automatiserait les contrôles. Seuls les cas litigieux feraient l’objet d’une analyse complémentaire.

Les règles de rémunération afférentes au statut de remplaçant mériteraient également un examen approfondi, afin d’analyser la légalité de certains contrats qui prévoient des taux de rétrocession supérieurs à 100 %173, en particulier dans les zones où la pénurie de remplaçants se fait sentir. L’absence de consignes claires prises au niveau national est aujourd’hui préjudiciable aux médecins.

II - Un manque chronique de rigueur

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