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A - Des ressources incomplètement retracées

1 -Des ressources abondantes en augmentation rapide Les ressources de l’ordre se composent à 99 % des cotisations des médecins. La cotisation est obligatoire62 et versée par toute personne inscrite au tableau, qu’elle soit physique ou morale. La cotisation 2018 fixée par le Conseil national, se monte à 335 € pour les médecins actifs et les sociétés d’exercice libéral (SEL) et 95 € pour les retraités et les médecins qui, n’exerçant pas sans être retraités, souhaitent rester inscrits au tableau.

Les cotisations annuelles appelées représentaient un montant de près de 84,3 M€ en 2017 et les cotisations encaissées un peu plus de 79 M€. Ces chiffres ne sont que des estimations. En effet, les cotisations étant perçues directement par les conseils départementaux, en l’état actuel de la comptabilité, et faute pour l’ordre de disposer à ce jour de comptes combinés retraçant l’ensemble de ses opérations, il n’est pas possible d’avoir une vue d’ensemble des ressources du Conseil national, des conseils départementaux et des conseils régionaux confondus.

62 Sont toutefois exemptés les réservistes sanitaires – s’ils n’exercent la profession qu’à ce titre –, les cadres actifs du service de santé des armées ainsi que les médecins fonctionnaires d’État ou territoriaux qui ne sont pas appelés, dans l’exercice de leur fonction, à exercer la médecine.

L’irrégularité de certaines ressources tirées des qualifications

L’ordre, qui doit veiller au maintien des compétences indispensables à l’exercice de la médecine63, a mis en place une procédure pour les médecins désireux d’obtenir une qualification de spécialiste différente de celle qui leur a été reconnue à l’issue de leur formation initiale.

Or, le Conseil national conditionne le dépôt d’un dossier de qualification à l’obligation, pour le demandeur, de s’acquitter de frais de dossiers de 140 €. Un total de 138 000 € a ainsi été collecté par les conseils départementaux en 2017 et reversé au Conseil national.

Rien ne permet de justifier la facturation de frais de dossiers non prévus par le code de la santé publique et relatifs à une mission de service public financée par ailleurs par la perception de cotisations obligatoires.

L’ordre a indiqué à la Cour, à l’issue du contrôle, avoir suspendu la perception de ces recettes tirées des dossiers de qualification.

L’évolution dynamique du montant des cotisations encaissées (+24 % sur la période 2011-2017) s’explique à la fois par l’augmentation du nombre de cotisants (290 973 médecins inscrits à l’ordre en 2017, soit +10 % par rapport à 2011) et par l’évolution du montant unitaire de la cotisation, passée de 300 € en 2011 à 333 € en 2017, soit une augmentation de +11 %64.

Outre la croissance de la cotisation, le Conseil national a bénéficié d’une augmentation de la quotité qui lui revient, passée de 35 % à 39 %, alors que celle allouée aux départements a diminué dans le même temps de 53 % à 49 %. En conséquence, les ressources du Conseil national ont crû nettement plus vite : +40 % contre +24 % pour l’ordre dans son ensemble, comme l’illustre le graphique suivant.

63 Art. L. 4121-2 du CSP.

64 En 2018, la cotisation a de nouveau augmenté, passant à 335 €, montant inchangé en 2019.

Graphique n° 7 :évolution des quotes-parts des cotisations encaissées65 (base 100 en 2011)

Source : Cour des comptes, à partir de données CNOM

2 -Un enregistrement comptable irrégulier des cotisations a)Un schéma comptable qui ne retrace pas le produit des cotisations

Le législateur a entendu donner au Conseil national la maîtrise des ressources de l’ordre et le pouvoir de veiller à leur répartition harmonisée.

À cet effet, il ressort des dispositions combinées du code de la santé publique et du règlement de l’Autorité des normes comptables de juin 2014 que seul le Conseil national est habilité à émettre le bordereau d’appel de cotisation et à inscrire à son compte de résultat, en produits, le montant total de la cotisation appelée et, en charges, le reversement des quotes-parts aux conseils territoriaux.

Or ce schéma comptable n’a pas été retenu, puisque l’ordre a confié aux conseils départementaux le soin de recouvrer la cotisation, sans que celle-ci apparaisse toutefois dans leurs comptes pour son montant intégral.

65 Parts nationale, régionale, départementale.

Le Conseil national contrevient également aux dispositions du code de la santé publique pour le financement des chambres disciplinaires : alors que la loi lui impose expressément66 de préciser la part de la cotisation consacrée au fonctionnement de ces chambres, le Conseil national considère qu’il appartient « à chaque conseil régional de fixer le montant nécessaire au fonctionnement de la chambre disciplinaire ».

b)Une comptabilisation incomplète des cotisations annuelles La comptabilisation des cotisations présente aujourd’hui de nombreuses irrégularités, qui empêchent de donner une image fidèle des produits de cotisations, des créances sur les médecins et de leurs dépréciations.

En premier lieu, les comptes annuels établis par le Conseil national ne retracent que la quote-part nationale des cotisations, soit 30,8 M€ sur 84,3 M€ en 2017. Les conseils locaux comptabilisent quant à eux leurs parts respectives (49 % pour les départements et 12 % pour les régions).

Aucun document ne permet aujourd’hui de rendre compte de manière précise, fiable et exhaustive des ressources annuelles totales de l’ordre.

En second lieu, les cotisations sont enregistrées au moment de leur encaissement et non au moment où elles sont appelées, ce qui n’est pas conforme au principe de comptabilité en droits constatés67 et aboutit à sous-estimer les produits. L’ordre n’a pas tenu compte des observations de la Cour, qui critiquait déjà en 2011 ce mode d’enregistrement des cotisations et le qualifiait de « comptabilité d’engagement à géométrie variable ».

En troisième lieu, il est impossible de disposer d’une estimation fiable du montant annuel des cotisations restant à recouvrer68, en raison non seulement de l’absence de transcription comptable des cotisations appelées, mais aussi de l’hétérogénéité des modes de comptabilisation de ces restes à recouvrer.

66 L. 4122-2 du CSP.

67 Le fait générateur de la créance est bien l’appel à cotisation envoyé en début d’année.

68 Ce montant peut être évalué à au moins 11 M€ par an.

Selon les conseils en effet, les méthodes d’estimation des cotisations à recouvrer varient69 ; le reste à recouvrer d’une même créance peut être constaté de façon différente selon qu’il s’agit de la part nationale ou de la part départementale70 ; enfin le taux de dépréciation des créances varie de 2 % à 100 % selon les départements, sans justification.

En dernier lieu, ni les exonérations de cotisations (environ 800 000 € en 2017), ni les pertes sur créances irrécouvrables ne sont comptabilisées.

Le recouvrement des cotisations n’étant ainsi ni conforme aux textes ni efficient, l’ordre doit le revoir en profondeur. En particulier, il doit mettre en place une comptabilisation en droits constatés des cotisations dès leur appel et pour l’intégralité de leur montant, ainsi qu’une comptabilité auxiliaire par médecin en l’absence de laquelle la situation de chaque médecin cotisant reste inconnue.

Une fraction de ces cotisations est par ailleurs irrégulièrement soustraite du compte de résultat pour alimenter des fonds de réserve.

c)Des fonds de réserve irréguliers

Le Conseil national prélève chaque année, sur la quote-part de cotisation71 qui lui revient, un montant forfaitaire, destiné à alimenter un ou plusieurs fonds : un fonds d’harmonisation des charges, un fonds d’entraide, un fonds de modernisation de l’institutionet, en 2011, un fonds de projets informatiques. Seuls les deux premiers sont décrits au règlement intérieur et au règlement de trésorerie. Le solde total des fonds représente fin 2017 près de 5,2 M€.

En 2017, sur la quote-part de la cotisation nationale de 131 €, le prélèvement a représenté 9 € et un total prélevé de 1,87 M€.

Cette ponction d’une fraction de la cotisation, inscrite directement en compte de réserves au bilan, sans passer par le compte de résultat, ne donne pas une image sincère des produits issus des cotisations puisqu’il en minore le montant de près de 7 %. Le Conseil national de l’ordre a indiqué avoir réaffecté, suite aux recommandations de la Cour, trois des quatre fonds en cause.

69 Elles sont fondées sur un nombre d’exercices d’appel allant de 1 à 13 : un seul exercice d’appel en Mayenne et dans le Rhône, quatre au Conseil national, cinq constatés dans les Bouches-du-Rhône (qui indique recouvrer l’intégralité des cotisations, indépendamment de leur ancienneté), dix dans les Hauts-de-Seine et treize à Paris.

70 Une même cotisation impayée depuis deux ans apparaîtra dans les restes à recouvrer du Conseil national, pour la quote-part qui lui revient mais pas dans ceux du conseil départemental du Rhône, pour la quote-part départementale, puisque ce conseil ne prend en compte, pour son calcul, qu’une seule année de cotisations impayées.

71 À l’exception des cotisations retraités.

En dépit de l’ensemble de ces irrégularités, les comptes du Conseil national de l’ordre des médecins ont été certifiés chaque année par les commissaires aux comptes.

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