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Concernant les facteurs scolaires, il convient de distinguer les déterminants du décrochage scolaire ayant trait aux questions institutionnelles et organisationnelles dans la mesure où ceux-ci ont un impact différent sur le risque du décrochage scolaire et sur les processus qu’ils initient.

Globalement, les facteurs institutionnels renvoient à la structure des systèmes éducatifs des pays au travers des différentes politiques éducatives alors que les facteurs organisationnels sont en lien avec le fonctionnement des établissements scolaires, par exemple au niveau de la taille des lycées et des collèges, de la taille des classes (en fonction du nombre d’élèves par classe), de la situation des établissements (zones d’éducation prioritaire par exemple), de leur structure organisationnelle ou des pratiques éducatives à travers les liens que ces facteurs entretiennent avec le décrochage scolaire et plus largement avec la réussite éducative (Bryk & Thum, 1989 ; Entwisle, 1990 ; MacNeal, 1997 ; Rumberger, 1995).

Pour notre part, nous ne nous pencherons pas plus sur ces questions qui sont l’objet de nombreuses réflexions dans d’autres champs disciplinaires pour nous intéresser aux facteurs qui présentent un impact plus direct sur l’expérience scolaire des élèves et qui rendent beaucoup plus complexe la compréhension des difficultés scolaires qui conduisent les élèves à quitter prématurément le système scolaire. La question de l'impact des facteurs scolaires ne se limite à la seule question de l'échec scolaire qui, s'il constitue de manière évidente un terreau favorable à l'abandon des études, n'en constitue pas le seul ressort, et il serait beaucoup trop réducteur de penser la complexité du phénomène en rapport à cette seule dimension académique.

Nous présenterons dans ce chapitre les facteurs scolaires principaux que nous souhaitons développer dans le cadre de ce travail, à savoir : le rendement scolaire, le

retard scolaire, l’engagement scolaire, le climat et l’environnement scolaire et les questions d’inadaptation scolaire en nous intéressant à l’exclusion et à la démission des élèves. Ces dimensions étant liées à des choix qui nous sont propres, nous proposons en conclusion de ce chapitre un tableau de synthèse plus large évoquant d’autres facteurs scolaires régulièrement évoqués dans la littérature scientifique.

1. Le rendement scolaire

Au-delà de l'échec inévitable lié à la difficulté d'obtenir des résultats suffisants pour accomplir son cursus scolaire, les travaux qui se sont attachés au poids des facteurs scolaires dans les situations de décrochage font du rendement scolaire un facteur déterminant dans l'augmentation du risque de décrochage.

Dès 1974, Elliot et Voss mettaient déjà en évidence dans leurs travaux l'importance du rendement scolaire en tant que signe précurseur d'un processus de décrochage scolaire. Garnier, Stein et Jacobs (1997) ont montré dans une étude longitudinale qu'un faible rendement scolaire dans les premières années du cursus scolaire dans le secteur primaire était prédictif d'un faible rendement scolaire pour la suite du secondaire et serait par la suite statistiquement lié au statut de décrocheur scolaire. Cette étude réalisée sur 18 années montre comme l'ont fait d'autres auteurs évoqués plus haut, que le processus de décrochage présenterait des indices précoces stables qui pourraient influencer le départ prématuré de l'école. Ekstrom, Goertz, Pollack, et Rock, (1986) observent que le rendement scolaire est également un facteur de risque important du décrochage scolaire. Et Bernard (2011 ; p. 120) relève aussi que l'échec scolaire est « un puissant facteur de décrochage ultérieur » et que les conséquences qui lui sont associés déterminent le parcours scolaire des élèves à risque en situation de décrochage

Dans le même ordre d'idée, Battin-Pearson, Newcomb, Abbott, Hill, Catalano, et Hawkins (2000) ont modélisé plusieurs contextes d'apparition du décrochage scolaire en s'appuyant sur différentes variables susceptibles d'être liées au décrochage scolaire comme les questions relatives à la démographie, à l’organisation familiale, aux relations avec les pairs, aux questions scolaires et aux difficultés de comportement. Les résultats de cette étude ont mis en évidence cinq modèles de prédiction du décrochage scolaire à

l’intérieur desquels le rendement scolaire se présente comme le facteur ayant le plus de poids. Plus précisément, le rendement scolaire constituerait une variable médiatrice qui lorsqu'elle s'ajoute à la déviance, au faible engagement scolaire, à l'affiliation aux pairs déviants et aux pratiques parentales, contribuerait à l'augmentation du risque de décrochage. Dans le même ordre d'idée, Fortin et al. (2004) montrent en particulier que les élèves à risque de décrochage se distinguent des élèves qui ne présentent pas de risque sur le plan de leurs résultats en français et en mathématiques.

Enfin et pour faire écho au travail de Janosz et Leblanc (1997) qui ont conduit à l'élaboration de l'Indice de Prédiction du décrochage, le rendement scolaire apparaît dans l'étude de l'échantillon de longitudinale sur lequel a porté l'élaboration de l'outil comme un des facteurs centraux dans la prédiction du risque de décrochage au secondaire. Plus précisément, associé au retard scolaire et à l'engagement dans les études, le rendement scolaire permet de classer correctement 83 % des élèves à risque de l'échantillon.

2. Le retard scolaire

Comme pour le rendement scolaire, si l'on se réfère à l'étude de Janosz et Leblanc (1997), les années de redoublement ont un impact important sur la trajectoire scolaire des élèves et constituent un facteur de risque incontournable du décrochage scolaire. Cairns, Cairns et Neckerman (1989) avancent que le retard scolaire est un des facteurs qui permet le mieux de prédire le décrochage scolaire quand il est associé à un faible rendement scolaire, à l'agressivité, à l'origine ethnique et au statut socio-économique. Galand et al. (2011) ont montré quant à eux dans une étude portant sur un échantillon de 3716 élèves de troisième secondaire de la région bruxelloise que le retard scolaire constituait également un prédicteur du risque de décrochage scolaire, en particulier en ce qui concerne les formations professionnelles.

La question du retard scolaire va également avoir un impact différent sur la scolarité des élèves en fonction du sexe, dans la mesure où les filles qui accusent un retard scolaire présentent également plus d’anxiété-trait que les garçons dans la même situation (Picard, Fortin, & Bigras, 1995). Cependant, les statistiques du gouvernement du Québec

montrent que les garçons redoublent beaucoup plus que les filles (MELS, 2005), et ce d’autant plus s’ils ont grandi dans un milieu socio-économique défavorisé (Cortis et Newmarch, 2000). De ce fait, il n’est pas étonnant de retrouver les années de redoublement au premier plan des facteurs qui favorisent l’inscription dans un processus de décrochage scolaire.

3. L'engagement scolaire

Dans leur théorie du décrochage scolaire, Rumberger et Larson (1998) définissent l’engagement scolaire à partir de dimensions comportementales et à partir des attitudes des élèves dans les différentes situations scolaires. Pour eux, l’engagement peut être social et scolaire. Dans le cadre social, la notion d’engagement fait référence à la présence en classe ou à l’absentéisme, aux comportements et à la participation scolaire. D’un autre côté, l’engagement sur le plan scolaire renverrait à la capacité des élèves à répondre aux exigences de l’école et à fournir les efforts nécessaires pour la réalisation des devoirs.

Donc, l'étude de l'influence de l'engagement scolaire ou plus précisément du désengagement scolaire dans le contexte de décrochage fait référence à une conception du concept en lien avec le comportement des élèves, à leur attitude et à leur motivation dans l’accomplissement des travaux demandés (Archambault, 2006). L'OCDE (2005) appuie cette influence du désengagement scolaire dans le processus du décrochage scolaire et dans la manière dont cet éloignement des études favorise les difficultés scolaires.

Les outils de dépistage laissent une part importante à l’engagement et en ce qui concerne Janosz et al. (2000), cette dimension permettrait à l’instar du rendement scolaire et du retard scolaire d’identifier de la manière la plus efficace les élèves à risque de décrochage des élèves non à risque.

4. Le climat de l'environnement scolaire

différents acteurs de la communauté éducative » et qui a trait au sentiment d'insécurité, à la victimisation, et la gestion de la vie scolaire. D’autres auteurs élargissent la question du climat de classe à la qualité de la relation enseignant-enseigné comme une composante fondamentale et principale de la perception de leur environnement d'apprentissage (Pierce, 1994 ; Bennacer, 2000 ; Fortin et al., 2004).

Lessard, Fortin, Joly, Royer, Marcotte et Potvin (2007) mettent en avant que la qualité de la relation entre l'élève et l'enseignant a une influence sur le rendement scolaire et sur sa décision de quitter l'école. La question du climat de classe, et plus largement le climat de l'environnement scolaire, a un impact important sur l'augmentation du risque de décrochage. Cette relation influe sur le parcours scolaire des élèves (Fortin et al., 2004), positivement ou négativement en fonction de la qualité de cette relation comme le montrent par exemple Fallu et Janosz (2003). Ces derniers ont montré qu'une bonne relation entre l'élève et son professeur serait prédictive d'une plus grande motivation et d'un meilleur rendement scolaire.

De ce point de vue, Pierce (1994) envisage que le climat de classe ainsi que la relation élève – enseignant qui en résulte puisse avoir un effet à la fois sur la réussite scolaire des élèves et sur leur engagement dans les apprentissages.

5. Exclusion et démission

La question des problèmes de discipline traverse presque systématiquement la question du décrochage scolaire puisqu'elle a pour principale caractéristique de rendre ce problème visible. Cette visibilité renvoie aux situations des jeunes qui viennent perturber le fonctionnement des établissements ou des classes.

La question de l'exclusion renvoie à la fois aux situations d'exclusions temporaires et aux situations d'exclusions définitives de l'établissement. Un exemple de recherche qui met en avant la complexité de cette question de l'exclusion a été conduit par Millet et Thin (2005). Dans cette recherche portant sur un échantillon de 66 collégiens de milieux défavorisés, les auteurs ont rapporté que 22 élèves de l'étude avaient été exclus, une ou plusieurs fois, définitivement des collèges qu’ils avaient fréquentés précédemment. Cependant, il semblerait que ces chiffres sous-évaluent le nombre réel de ces

évènements puisqu'ils ne prendraient pas en compte les « exclusions officieuses »1. Les chiffres de l'étude montrent malgré tout des éléments importants du parcours de certains jeunes notamment dans la répétition des difficultés qu'ils montrent à faire partie du cadre scolaire. Plus précisément, les collégiens interrogés ont fréquenté 2,29 collèges soit 144 établissements fréquentés pour les élèves du dispositif relais (2,73 en moyenne) et 33 collèges pour les élèves du dispositif de socialisation et d'apprentissage (DSA)2, avec parfois des élèves ayant fréquenté 5 collèges en 3 ou 4 ans.

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1 Cette question des « exclusions officieuses » est délicate car elle n’est pas prise en compte dans les définitions ou dans les chiffres bien qu’elle semble renvoyer à une pratique souvent évoquée. De plus, de par sa nature, elle ne fait référence à aucun des cadres de mesure du décrochage comme pour les décrochages cognitifs dont parle notamment Bonnéry (2003).

2 "Le dispositif de socialisation et d'apprentissage (DSA) est un dispositif s'apparentant au « classe-relais », visant à réintégrer dans un parcours scolaire des adolescents en rupture, en particulier ceux exclus à plusieurs reprises d'un collège" comme l’explique ce document repéré

Tableau 4 - Synthèse des facteurs de risque scolaires du décrochage scolaire1

Facteurs de risque scolaires

Retard scolaire (redoublement)

Échec scolaire

Exclusion (comportements inadaptés, respect des règlements)

Absentéisme

Orientation scolaire inadéquate ou subie ; orientation en classe spécialisée

Attitudes négatives de l'enseignant envers les élèves

Faible participation à la vie de l'école et faible sentiment d'appartenance

Mauvais climat de classe (règles incohérentes, compétition, renforcement négatif de la part de l'enseignant)

Mauvais climat d'établissement - violence