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1. L'âge

Les études portant sur les processus de décrochage présentent toutes des résultats concordant concernant l'augmentation du risque de décrochage avec l'âge. Plus les élèves sont âgés et plus le risque de décrochage augmente (Bernard, 2011). Violette (1991) indique dans une recherche portant sur 913 décrocheurs francophones que la majorité de ces jeunes avaient quittés l'école à l'âge de 16 ou 17 ans. Ces résultats peuvent s'entendre au Canada comme en France en rapport avec l'obligation de scolarité qui fixe l'âge de 16 ans comme limite à la fréquentation scolaire. Hrimech, Théoret, Hardy, et Gariepy, (1993) montre dans un échantillon de 400 jeunes que ceux-ci avaient majoritairement quitté l'école aux alentours de 17 à 19 ans. Galand et al. (2011) présentent également des résultats allant dans ce sens en montrant que les élèves de 3ème secondaire qui sont plus âgés présentent un risque de décrochage plus important que les élèves plus jeunes.

Cependant, bien que le risque de décrochage augmente avec l'âge, cela ne doit pas faire oublier une tendance au rajeunissement des abandons des études avec une proportion importante d'adolescents qui quittent l'école avant l'âge légal. Au Canada, cette proportion varie de 31 % à 40 % pour les jeunes de 15 ans et moins (Gouvernement du Canada, 1993 ; MÉQ, 1991 ; Violette, 1991).

Selon Rumberger (2004), l'âge des élèves devient un prédicteur du décrochage scolaire d'autant plus qu'il est en lien avec un retard scolaire de une ou plusieurs années. Ce lien est notamment mis en évidence en France dans une étude menée par Coudrin (2006) qui estime que l'âge d'entrée en sixième n'augmente la probabilité de décrocher qu'à partir de 13 ans lorsque les élèves présentent déjà deux années ou plus de retard.

2. Le sexe

De manière générale, l'on remarque que les garçons décrochent plus fréquemment que les filles. L'ensemble des études portant sur le décrochage scolaire présente une prévalence plus importante. Dans les chiffres cités précédemment, la prévalence du décrochage scolaire en fonction du sexe des adolescents nous indique des taux de décrochage jusqu'à 3 fois plus élevés pour les garçons que pour les filles.

Différentes études, présentent les mêmes résultats et ce quel que soit le niveau scolaire, le statut socio-économique de l'établissement ou l'âge des élèves. Plus précisément, Janosz et al. (2000) dans les deux échantillons ayant servi à ces travaux sur les typologies de décrocheurs scolaires présentaient une proportion de 51 % de garçons décrocheurs pour le premier échantillon et de 58 % de garçons décrocheurs pour l'autre échantillon. Plus récemment, une étude réalisée par Quiroga, Janosz, Bisset et Morin (2013) indique une proportion de 60 % de décrocheurs de sexe masculin pour 40 % de filles dans leur échantillon d'étude. De plus, les statistiques québécoises qui présentent les taux de décrochage calculés sur l'ensemble des provinces du Québec nous indiquent ces proportions varient du simple au triple (MELS, 2012).

La question de la différence entre les garçons et les filles s'entend aussi dans la question des risques spécifiques qui peuvent toucher les élèves en fonction de leur sexe. Du point de vue des décrochages féminins, la question de la grossesse précoce est un facteur de

risque important. Ainsi, le fait de tomber enceinte au secondaire est un prédicteur important du décrochage scolaire (Anderson, 1993 ; Geronimus & Korenman, 1992 ; Rumberger, 1983).

Fortin et al. (2004) ont montré dans leur étude que le poids des 7 facteurs de risque (Dépression, organisation familiale, cohésion familiale, attitude de l'enseignant envers les élèves, engagement dans les activités scolaires, performance en mathématiques et performance en français) mis en évidence dans son étude varient en fonction du sexe des élèves. Pour les garçons, cinq de ces facteurs sont fortement associés au risque de décrochage pour les garçons, la dépression, la cohésion familiale, les conflits familiaux, le peu de soutien affectif des parents et les attitudes négatives des enseignants. En ce qui concerne les filles, les variables les plus fortement associées au risque de décrochage sont essentiellement en lien avec les dimensions personnelles et familiales et renvoient à trois facteurs qui sont, la dépression, le peu de cohésion familiale et les problèmes d'organisation familiale.

Pour autant même si les chiffres bruts du décrochage scolaire ne laissent pas beaucoup de doute sur la proportion plus grande de garçons quittant précocement le système scolaire, plusieurs études montrent qu'à caractéristiques scolaires comparables, la différence entre les filles et les garçons quant au risque de décrochage n'est plus aussi importante. Par exemple, Rumberger (1995) a montré qu'en contrôlant le niveau scolaire, les attitudes et les comportements scolaires, le risque de décrochage serait plus élevé chez les filles que chez les garçons. Caillé (1999) a de la même manière montré que l'écart entre les filles et les garçons tendraient à être moins important quant au risque de sortie sans qualification si l'on contrôle l'effet du niveau scolaire.

3. Conduites et adaptation sociale

La question de l'adaptation sociale est un facteur important dans la mise en évidence des déterminants de l'abandon scolaire. Cette question prend en compte un ensemble varié de conduites qui déterminent une difficulté d'adaptation qui va des troubles du comportement aux conduites délinquantes dans les différents travaux de synthèse portant sur le risque de décochage. Blaya (2010) intègre dans cette catégorie les troubles

du comportement externalisés comme la délinquance ou l'agressivité et les difficultés d'adaptation. De leur côté, Galand et al. (2012) y ajoutent les difficultés relationnelles avec les pairs et avec les adultes. Les élèves décrocheurs présentent également des difficultés au niveau de leurs stratégies d'adaptation, en particulier en ce qui concerne les relations qu’ils entretiennent avec leurs pairs, leurs amis et les adultes en général (Cossette, Potvin, Marcotte, Fortin, Royer, & Leclerc, 2004 ; Jimerson, Anderson, & Whipple, 2002).

La question des difficultés d'adaptation regroupe globalement la consommation de psychotropes et les conduites déviantes. Newcomb et Bentler (1986) ont mis en évidence ce lien entre consommation de psychotropes et abandon des études. Ce lien implique l’apparition d’autres difficultés comme un faible rendement et de faibles aspirations scolaires, de même qu’un lien avec la consommation d'alcool. De leur côté Weng et al. (1988) indiquent que la consommation de drogues (alcool, cigarettes, cannabis et cocaïne) prédit le décrochage scolaire mais que ces résultats varient en fonction du sexe des sujets, comme le montre également l'étude de Galichon et Friedman (1985) qui a mis en évidence que si le lien entre la consommation de drogue et l'abandon des études se vérifiait dans leur recherche, cela était plus fréquent pour les garçons. Ce lien entre consommation de drogue et décrochage scolaire est également mis en évidence dans les travaux de Mensch et Kandel (1988) qui ont montré que la consommation de drogue chez les adolescents était un prédicteur majeur de l’abandon des études pendant le lycée. De leur côté, Janosz, Leblanc et Boulerice (1998) indiquent, en s’appuyant sur leur typologie, que les élèves qui consomment des drogues et qui ont une activité sexuelle précoce et très active présentent plus de risque de quitter l'école prématurément. Dans cette étude en particulier, la consommation de drogue d’un côté et les conduites délinquantes de l’autre, constituent de bons prédicteurs de l'abandon scolaire pour les élèves décrocheurs « inadaptés », mais ne le sont pas en ce qui concerne les décrocheurs « discrets ».

Concernant les conduites délinquantes, et comme nous l’avons déjà évoqué dans ce travail, le lien avec le décrochage scolaire est étudié depuis très longtemps, notamment dans le champ de la criminologie. Selon Lagrange et Cagliero (2001) les trajectoires délinquantes présentées par certains jeunes vont les conduire à se désengager

progressivement de l’école jusqu'au décrochage. Les données françaises fournies par l'INSEE (2002-2003) mettent en évidence une surreprésentation dans la population masculine incarcérée d'individus ayant connu une déscolarisation. Roché (2001) avance que les élèves présentant de nombreuses absences sont plus enclins à présenter des comportements délinquants. Concernant les facteurs qui différencient les individus, la délinquance et les troubles externalisés sont des prédicteurs plus importants dans le parcours scolaire des garçons (Marcotte, Fortin, Potvin, et Papillon, 2002).

Il est important de noter que si nous traitons des questions d'inadaptation uniquement sous l'angle de leur caractère prédictif, elles constituent aussi une conséquence importante du décrochage scolaire pour lesquelles celui-ci devient alors à son tour un puissant prédicteur. Pour autant ce lien entre décrochage scolaire et délinquance ultérieure ne se vérifie pas de façon systématique comme le montre les travaux de Eliott et Voss (1974) ou ceux de Krohn, Thornberry, Collins-Hall, et Lizotte (1995) qui ont montré que les conduites délinquantes des élèves qui avaient décroché de l'école baissaient après qu'ils aient abandonnés leur scolarité. Le risque varie cependant dans les différentes trajectoires en fonction du motif invoqué concernant l'abandon des études (Jarjoura, 1993, 1996), mais aussi en fonction des conditions socio économiques et de la capacité des jeunes décrocheurs à investir le marché du travail (Pronovost & Leblanc, 1979, 1980).

Ces difficultés peuvent également se manifester dans le cadre scolaire comme le montre les travaux typologiques de Fortin, Potvin, Marcotte, Royer et Joly (2006). C’est le cas pour le profil « délinquance cachée » par exemple. D'autres travaux montrent l'importance des difficultés de comportement, des sanctions et des problèmes de respect des règles scolaires pour expliquer l'abandon des études (Coslin, 2006).

4. Personnalité et troubles du comportement

La question des facteurs personnels en rapport avec des difficultés de comportement renvoie à un ensemble de troubles du comportement qui peuvent être soit internalisés, soit externalisés. Il est donc à la fois question des aspects de personnalité et des traits de caractère que l'on peut retrouver plus fréquemment associés aux élèves à risque de

décrochage scolaire, et à des difficultés plus profondes renvoyant à de réelles troubles psychopathologiques.

Comme en ce qui concerne les facteurs scolaires et les facteurs familiaux, nous renvoyons le lecteur à notre tableau de synthèse pour un aperçu rapide des différents facteurs personnels rapportés dans les recherches sur le décrochage scolaire. Nous proposons cependant de nous attacher à évoquer certains de ces différents facteurs plus précisément, tout en sachant que nous porterons plus spécifiquement attention aux variables retenues dans le cadre de notre étude qui sont la dépression, la motivation scolaire et l'estime de soi des élèves auxquelles nous consacrerons un chapitre.

Pour autant, cela ne nous empêche pas de relever dans notre revue de littérature un certain nombre de recherches ayant mis en évidence le poids de ces facteurs personnels dans le processus de décrochage. En premier lieu, il convient de noter que l'impact de ces facteurs de risque est différent en fonction des élèves et en particulier en terme de différence des sexes. Plus précisément, Les comportements externalisés (agressivité physique et / ou verbale, comportements perturbateurs, bagarres ou vandalisme) sont des prédicteurs plus importants en ce qui concerne les garçons, alors que les filles qui présentent un risque élevé de décrochage présentent plus de troubles internalisés (troubles anxieux, dépression par exemple) (Marcotte, Fortin, Potvin, & Papillon, 2002). Concernant l’influence des troubles du comportement sur le processus d'abandon des études, nous pouvons citer les travaux de Jimerson, Egeland, Sroufe et Carlson (2000) qui ont mis en évidence le rôle des troubles du comportement en tant que facteurs de risque les plus associés au décrochage scolaire. De plus, les conclusions d’une étude menée par Willms (2004) et s’appuyant sur les indicateurs du PISA de l’OCDE nous indique qu'une proportion de 25 % des élèves interrogés dans leur étude étaient susceptibles de quitter prématurément l'école avant d'avoir obtenu un diplôme en raison de troubles du comportement ou de troubles des apprentissages.

Au niveau des traits de caractère, Bachman, Green, et Wirtanen (1971) avait déjà perçu à l'époque l'impact supposé des facteurs d'ordre psychologique dans l'entrée dans un processus de décrochage chez des élèves présentant plus de fragilité. En particulier, il relève dans leur étude que les élèves décrocheurs présentaient une plus grande

propension à la somatisation, des affects négatifs, des attitudes peu ambitieuses et le sentiment que leur destin était déterminé par des facteurs extérieurs sur lesquels ils avaient peu de contrôle. Ils semblent également être plus sensibles sur le plan émotif (Lévesque et West, 1986). Les élèves à risque semblent également vivre plus de désarroi et d'isolement social, et semblent présenter plus de sentiment de tristesse, et de sentiment de dévalorisation (Fortin et al., 2004). Enfin, les jeunes à risque de décrochage scolaire sont plus susceptibles que les élèves non à risque de présenter des difficultés d'apprentissage (Battin-Pearson et al., 2000) ou bien de développer des difficultés sur le plan des habiletés sociales (Jimerson et al., 2000). !

Tableau 6 - Synthèse des facteurs de risque personnels du décrochage scolaire

Facteurs de risque personnels

Faible estime de soi

Stratégie d'adaptation (coping) infructueuse

Manque de motivation scolaire et faible engagement scolaire

Vision négative de l'école

Dépression

Troubles du comportement externalisés (délinquance, agressivité).

Troubles du comportement internalisés (anxiété, repli sur soi, plaintes somatiques…).

Difficultés d'adaptation et difficulté dans la relation avec les pairs et les adultes.

Faible engagement dans la scolarité