Première partie Partie théorique
V- FACTEURS DE RISQUE CARDIO-VASCULAIRE
2- Facteurs de risque cardiovasculaire non communs a- Hyperhomocystéinémie :
L’hyperhomocystéinémie (HC) est fréquente au cours de l’insuffisance rénale
chronique. Elle est corrélée au débit de filtration glomérulaire et à la
créatininémie [48]. Les séances de dialyse ne permettent pas son épuration.
Plusieurs études ont montré qu’une augmentation de l’homocystéinémie était
associée à un pronostic cardiovasculaire plus mauvais, dans la population d’IRC
terminale [49-54].
Bien que sa responsabilité dans la genèse de l'athérosclérose et de ce fait dans le
risque cardiovasculaire ne soit pas entièrement comprise, les études ont montré
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niveau de l'interface vasculaire [55-57], la prolifération des cellules musculaires
lisses avec une augmentation de l'oxydation des lipoprotéines de faible densité
[58] et une augmentation de l'agrégation plaquettaire favorisant un état
prothrombotique [59,60]. Son traitement repose sur une supplémentation
pharmacologique en acide folique, à raison de 5 mg par jour par voie orale,
associée à une supplémentation en vitamine B6 (pyridoxine) à raison de 250
mg/semaine et en vitamine B12 à raison de 1 mg/semaine.
b- Facteurs thrombogènes :
L’aspirine à dose faible, antiagrégante (75 à 100 mg/jour), réduit le risque de
thrombose des vaisseaux athéromateux dans la population générale et parait
recommandée en prévention secondaire chez les urémiques ayant souffert d’un
infarctus myocardique ou cérébral, ou même en prévention primaire chez les
sujets athéromateux.
c- Stress oxydant :
Plusieurs études ont montré que les marqueurs de stress oxydant étaient plus
élevés chez le patient insuffisant rénal chronique [61,62]. Même chez les
patients en insuffisance rénale légère, le niveau de stress oxydatif est supérieur
de façon significative par rapport à la population générale. En plus, le niveau de
stress oxydatif s'intensifie au fur et à mesure que la fonction rénale se détériore
[63].
Chez les patients en hémodialyse, il est lié à [42-45] [64-67]:
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-le défaut en cofacteurs anti-oxydants ;
-l’activation des leucocytes en rapport avec la bio-incompatibilité des
membranes de dialyse ainsi qu’avec les contaminations éventuelles du liquide de
dialyse ;
-la présence de toxines en rapport avec l’état urémique lui-même ;
- les infections aiguës ou chroniques ;
- les restrictions alimentaires et la malnutrition qui s’en suit.
En parallèle, certaines équipes ont prouvé que la dialyse permet d’éliminer les
moyennes molécules et d'autres produits finaux d’oxydation, ce qui a pour effet
une amélioration globale de la fonction endothéliale et du stress oxydatif
[68-70].
Plusieurs thérapeutiques ont été utilisées pour réduire le stress oxydatif.
Deux études interventionnelles (l’étude SPACE testant la vitamine E et l’étude
NAC testant la N acétyl cystéine) ont pu démontrer une efficacité dans la
protection cardiovasculaire chez les patients HD [71, 72]. Mais cette protection
ne peut pas être formellement attribuée à leurs effets antioxydants (les
marqueurs du stress oxydant ont été peu ou pas explorés dans ces études).
Les ROS (Reactive Oxygen Species) ou espèces réactives oxygénées sont
reconnues comme une source majeure de stress oxydatif. Dans les systèmes
cardiovasculaires, elles sont principalement produites par la NADPH oxydase.
Le Rac-1, une petite protéine, a été récemment identifié pour être une molécule
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oxydase [73]. Ces deux molécules (NADPH oxydase et Rac-1) pourraient être la
cible de statine pour réduire le stress oxydatif [74].
Il n’existe encore que peu d’études ayant démontré l’efficacité d’agents
oxydants dans la prévention de l’atteinte CV chez l’urémique.
L’alpha-tocophérol (vitamine E) à la dose de 800 UI/jour en prévention secondaire a
réduit significativement L’Asymmetric dimethylarginine (ADMA). L’ADMA
est un inhibiteur endogène de la NO synthétase endothéliale, proposé comme
facteur de risque cardiovasculaire. [75]
La N-acétylcystéine (NAC), antioxydant thiolé, apparait comme une stratégie
potentielle pour prévenir le stress oxydatif induit par la toxicité urémique dans le système vasculaire. [76]
L’emploi de membranes biocompatibles et d’un bain de dialyse ultra pur réduit
le stress oxydant et la libération de cytokines pro-inflammatoires générées lors
de chaque séance d’hémodialyse.
d- L’inflammation :
La micro-inflammation systémique est très répandue chez les patients en
insuffisance rénale quelque soit son stade, même légère [77-79]. Ceci dit,
certains auteurs suggèrent que les niveaux de CRP (comme marqueurs de
l’inflammation) ne sont pas corrélés avec le GFR ou la progression de la
maladie rénale [80]. D’autre part, des études ont prouvé que le degré de réponse
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cardiovasculaires et la mortalité cardiovasculaire chez les patients atteints d'IRC
[80,81].
Ainsi, Friedman et al [82], ont suggéré que la CRP était un prédicteur important
de mortalité dans la population dialysée.
L’état inflammatoire chronique est impliqué dans la lésions et dysfonction
endothéliale, dans la détérioration des processus de réparation endothéliale [83],
mais également la propagation de l'athérosclérose, qui comprend l’initiation, la
formation, et la rupture de la plaque d’athérome [84].
e- Les anomalies du métabolisme phospho-calcique
La pathologie rénale semble être la cause la plus fréquente du déséquilibre du
métabolisme phospho-calcique. Le déclin du GFR est accompagné d’une
diminution de calcium sérique (Ca) alors que les niveaux d'hormone
parathyroïdienne (PTH) et de phosphate deviennent élevés [85].
L’hormone parathyroïdienne (PTH) est cardiotoxique et est associée à un risque
accru de mortalité cardiovasculaire [86]. La PTH favorise la fibrose cardiaque
en activant les fibroblastes et interfère avec la contractilité cardiaque. Elle
influence également la fréquence cardiaque en perturbant les échanges calciques
[87]. L’hyperphosphorémie, ainsi que le produit phosphocalcique [86],
constitue un facteur de risque indépendant d'événements CV [88]. En effet,
chaque augmentation de 0.323 mmol/l de phosphate sérique est accompagnée
d’une augmentation du risque de décès de 23% [89]. Les mécanismes
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pas bien établis, mais il est proposé que les niveaux élevés de phosphate soient
liés aux calcifications vasculaires [90], valvulaires [91] et à une prolifération des
cellules musculaires lisses [92]. Sur un modèle de maladie rénale chronique
avec régime alimentaire riche en phosphore, Schwarz et al ont montré que
l’hyperphosphorémie est également associée avec une augmentation de la
fibrose cardiaque et un épaississement de la paroi des artères intra-myocardiques
[93]. Des chélateurs de phosphates à base de calcium ont été utilisés pour
réduire l’hyperphosphorémie et ses effets cardiovasculaires, mais la star actuelle
est le Sevelamer. Cette molécule est un agent non-absorbable ne contenant pas
de calcium et ayant montré, dans un certain nombre d'essais, une efficacité dans
la réduction des niveaux de phosphate sérique ainsi que la progression des
calcifications vasculaires [94]. La prévention de l’hyperphosphorémie, de même
que de l’hyperparathyroïdie et d’une élévation excessive du produit
phospho-calcique, est aujourd’hui considérée comme un objectif prioritaire pour limiter la
formation des calcifications vasculaires et valvulaires. Il est à noter que
plusieurs complexant du phosphore (Sevelamer, Fosrenol) contribue à contrôler
la phosphorémie. [95, 96]
f- L’anémie
Au cours de l’insuffisance rénale, L’anémie est en rapport avec le déficit en
production érythropoïétine due à la dysfonction rénale. Elle survient
précocement lors de l’insuffisance rénale chronique [97] et s’aggrave avec la
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L’anémie a deux principales répercussions physiopathologiques, d’une part une
hypoxie tissulaire et d’autre part une augmentation du travail cardiaque avec
stimulation du système nerveux sympathique et activation du système
rénine-angiotensine-aldostérone.
En conséquence, l'anémie entraine une hypertrophie du VG, retrouvé chez
presque 74% des patients au début de la thérapeutique de remplacement rénale.
Plusieurs études ont démontré que l’anémie est un facteur prédictif indépendant
de morbidité et de mortalité cardiaque chez les patients en insuffisance rénale
terminale [100-102]. Plus encore, chaque diminution de 1 g/dl dans le taux
d'hémoglobine est indépendamment liée à une augmentation de la mortalité
chez les patients en programme de dialyse [103].
Plusieurs essais thérapeutiques se sont attelés à corriger l’anémie et à corréler
les effets de cette correction au risque cardiovasculaire. Ainsi deux études ont
montré les effets bénéfiques de l’érythropoïétine exogène sur le système
cardiorénal [104,105]. Cet effet serait dû, non seulement à la correction du taux
d'hémoglobine, mais également à une action anti-inflammatoire, antioxidante, et
anti-apoptotique [106-107]. Cependant, des résultats contradictoires ont été
constatés par Besarab et al, puisque le groupe hématocrite élevé (cible Hte à
42%) avait un risque de mortalité des événements thrombotiques d'accès
vasculaires plus élevés par rapport au groupe hématocrite à 30%. Aucune
explication à ces résultats n’a été trouvée [108]. Ainsi le groupe de travail sur
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hémoglobine de 11 à 12 g/dl devrait être la cible thérapeutique, sans pour autant
délibérément viser des objectifs au dessus de 13 g/dl [109,110].
Des essais se sont également intéressés à la correction de l’anémie par la
supplémentation en Fer. La plus part des résultats suggéraient qu’un excès en
taux de fer était en rapport avec une augmentation des arythmies, du risque
d’insuffisance cardiaque, des calcifications vasculaires [111,112], d’un
épaississement de l’intima-média carotidienne [113] ainsi qu’une augmentation
du stress oxydatif [111].
g- La fistule artério-veineuse ( FAV)
La confection d’une FAV se solde par l’instauration d’un régime dans lequel la
résistance vasculaire basse et le retour veineux augmenté. Il en résulte une
augmentation du débit cardiaque proportionnelle au débit de la FAV. La FAV
est considérée à haut débit quand son débit dépasse 1l/min.
Ainsi, les FAV à haut débit favorisent l’insuffisance cardiaque et la dilatation
ventriculaire gauche [41]. La réduction du débit de la FAV par la chirurgie
permet la régression de ces anomalies.
Les principales complications de la FAV sont la thrombose, les infections et les
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