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2.3 La turbulence

3.1.4 Façonner le laser

Dans la partie précédente, nous avons décrit les différentes installations que nous avons utilisées lors de cette thèse ainsi que les caractéristiques laser que nous avons obtenues au sein de celles-ci. Ces caractéristiques ré-pondent au mieux à nos demandes dans les limites de capacité de chaque installation. Ainsi les impulsions lasers ont été façonnées aussi bien temporellement que spatialement afin de répondre à nos besoins. Une compréhen-sion, ne serait-ce que succincte, des techniques mises en place à cet effet, ainsi que les limites associées, nous semble nécessaire. En effet, celles-ci peuvent introduire des biais systématiques lors des expériences.

3.1.4.1 Répartition spatiale : les lames de phase

La répartition spatiale en énergie au sein de la tâche focale d’un laser est habituellement gaussienne, on parle d’ailleurs de faisceau gaussien. La majorité de l’énergie se retrouve donc concentrée au centre du faisceau, résul-tant en une surpression d’ablation. La morphologie du choc, résulrésul-tant de l’ablation d’une cible par laser, dépend fortement de la distribution spatiale en intensité laser. Afin d’obtenir un choc quasi-plan il est nécessaire d’avoir une répartition d’énergie uniforme au sein de la tâche focale de taille contrôlée. Il serait possible de défocaliser le laser afin d’obtenir un tel faisceau, cependant les inhomogénéités présentes (créées lors de la propagation et l’amplification du laser) sont trop importantes. Il est donc nécessaire d’utiliser des lames de phase [Kat+84].

Une lame de phase est un élément optique transmettant la lumière. Elle est constituée d’un grand nombre d’élé-ments, ou motifs, déphasant de manière aléatoire la lumière les traversant et la diffractant par la même occasion. Une lentille est utilisée afin de superposer (transformée de Fourier du signal en sortie de lame de phase) chacun des faisceaux résultants. En somme, une lame de phase permet de briser la cohérence spatiale du laser afin de changer sa distribution en énergie.

Le choix de la dimension des éléments d’une lames de phase est donc important pour déterminer la taille de la tâche focale. D’un point de vu simplifié, leur taille, d, doit impliqué une tâche d’Airy de la dimension de la tâche focale souhaitée, D. Pour un laser de longueur d’onde λ et une lentille de distance focale, f, cela revient à la relation suivante :

D = 2.44λf

3.1. Les lasers de puissance : la source d’énergie

Cette formule est une approximation d’un cas simple (ramdom phase plate). Des calcules de propagation d’onde lumineuse sont nécessaires afin de choisir exactement la taille, la distribution et la phase des éléments optiques, en particulier pour la création de tâche focale de forme non gaussienne.

Parmi les différentes lames de phase existantes, les lames de phase type hybride, hybrid phase plate(HPP), utilisées au LULI2000 (D∼500 µm, λ∼526 nm, f∼800 mm, d∼2 mm), permettent d’obtenir un profil profil sugaussien et de limiter les points chauds (sur-intensités). Les kinoform phase plates, utilisées sur GEKKO XII, per-mettent quant à elle d’obtenir un profil carré. Les différences entre ces lames de phases résident notamment dans la discrétisation des niveaux de déphasage de chaque motif.

En réalité, l’avantage de ces lames de phase ne se résume pas qu’en la redistribution spatiale de l’énergie laser. En brisant la cohérence du laser, elles permettent de limiter les phénomènes d’auto-interférence de celui-ci et donc les sur-intensités résultantes. Néanmoins cela correspond à une limitation et non à une suppression. En effet, les HPP entraînent la création de nombreux points chauds de plus faibles dimensions dont la répartition spatiale contribue à l’obtention de la morphologie finale souhaitée. Ces points chauds vont induire une modulation du choc qui, lors de sa propagation, va se résorber par lissage thermique et mécanique (comme décrit dans la partie2.1.2). À terme cela résultera en un choc quasi-plan (super-gaussien).

La dimension de ces points chauds, l, peut être déterminée à partir de la taille du faisceau en sortie de lame de phase, L :

l = 7λ f L

2

(3.2) Cette formule suppose que les rayons aux extrémités opposées du faisceau laser interfèrent.

Il est tout du moins important de noter qu’un choc doit se déplacer de plusieurs fois (10–100 fois) la longueur d’onde de sa perturbation afin que celle-ci disparaisse par lissage mécanique (en réalité moins si le lissage ther-mique est pris en compte). Ainsi, il faudra prendre en compte cet effet lors du choix de l’HPP ou lors du choix de l’épaisseur des différents éléments de la cible.

3.1.4.2 Optimiser l’absorption d’énergie : fréquence laser

Lors de la description des lasers, la fréquence du laser a été donnée en fonction d’un multiple d’oméga (1ω, 2ω voire 3ω). La fréquence oméga correspond à une longueur d’onde de 1053 ou 1064 nm. Cette fréquence dans l’infrarouge correspond à la fréquence initiale de la plupart des lasers de puissance, celle produite au niveau du pilote (laser Nd-YAG - laser au grenat d’yttrium-aluminium dopé au néodyme, 1064 nm - ou laser Nd :YLF - laser à fluorure de lithium d’yttrium dopé au néodyme, 1053 nm).

Cependant il s’avère que des fréquences plus élevées sont préférables pour la FCI (notamment à ses débuts, en attaque directe), car elles permettent une meilleure absorption de l’énergie laser par la matière pour des densités proches de celle des solides [Fab+79;Fab+82]. De plus elles limitent la création d’électrons supra-thermiques et donc le préchauffage de la cible.

Afin de changer la fréquence du laser après son amplification, des milieux optiquement non-linéaires sont uti-lisés. Le plus courant pour les lasers de puissance est le dideutériumphosphate de potassium (KD2PO4) ou KDP. C’est un dérivé du phosphate de monopotassium dont les hydrogènes ont été remplacés par du deutérium. Ces cristaux permettent un doublage voire un triplage de la fréquence du laser tout en en limitant l’absorption.

Le souci principal de cette technique, outre la perte en énergie du laser (>30 % de l’énergie initiale), est la présence de multiples longueurs d’onde en sortie du cristal (superposition de 1ω et 2ω). Il est donc nécessaire de se débarrasser des fréquences indésirables, pour cela des filtres (par exemple des filtres passe-bande, BG38, sont utilisés au LULI2000) ou des réseaux optiques peuvent être utilisés pour la sélection (LMJ). Certaines instal-lations laser, telle GEKKO XII, ne filtrent pas ces fréquences. Elles utilisent la dépendance en fréquence lumineuse des lentilles pour créer des tâches focales à différentes distances selon leur fréquence. Cette solution bien que fonctionnelle sous-entend qu’un échantillon se trouvant au point focal d’un laser à 2ω se trouvera baigné dans le rayonnement 1ω.

3.1.4.3 Aspect temporel

L’aspect temporel de l’impulsion laser est un point à ne pas négliger. L’absorption de l’énergie laser par un solide, le soutien d’un choc, l’étendue spatiale et temporelle d’une source de rayons X produite par laser, sont autant d’éléments influencés par le profil temporel du laser.

FIGURE3.4 – Représentation schématique des deux principaux problèmes temporels possibles : d’une part, avant l’arrivée de l’impulsion laser principale, il peut y avoir une première impulsion qualifiée de pré-impulsion ; d’autre part si le contraste (écart entre l’intensité de l’impulsion principale et l’intensité laser la précédent - marquée par des hachures rouges) est trop faible, la cible peut se détendre avant l’arrivée de l’impulsion principale.

Nous pouvons distinguer deux types d’impulsion laser dans nos expériences : des impulsions longues, de l’ordre de la nanoseconde, et des impulsions courtes, de l’ordre de la picoseconde. Les techniques de création de ces deux types d’impulsions diffèrent tout comme les défauts pouvant être constatés.

Pour obtenir une impulsion nanoseconde, celle-ci peut être découpée dans une source laser continue à l’aide de cellules de Pockels. Une cellule de Pockels est un élément optique ayant des propriétés biréfringentes dépendant du champ électrique les traversant. Ainsi elle laissera ou non passer une lumière polarisée selon le courant qui lui est appliqué. De cette façon, une impulsion quasi-carrée peut être découpée. Le seul problème est la dynamique des systèmes utilisant de telles cellules. Il n’est en effet pas possible de découper n’importe quelle impulsion de la sorte. Au LULI2000, un système de modulateur électro-optique est utilisé pour sculpter l’impulsion (définir les pentes de montés, descente, créer des impulsions multiples...). Ce système (se trouvant au pilote) se présente comme un interféromètre de Mach-Zehnder dont une branche comporte un élément électro-optique dont l’indice optique change en fonction du courant. La différence de marche ainsi introduite module l’intensité en sortie. Le principal problème d’un tel système est, outre sa dynamique, la limitation de son contraste. Quand l’intensité devrait être nulle, elle ne l’est pas. Une faible énergie laser peut donc arriver parfois sur la cible avant l’impulsion. Toutefois après conversion de fréquence (si mis en place), ce phénomène devient inexistant.

La méthode utilisée pour créer une impulsion picoseconde est différente. Ces impulsions de par leur brièveté temporelle nécessitent une large gamme spectrale (la transformée de Fourier du profil temporel de l’impulsion cor-respond à son spectre). De plus elles ne peuvent pas être amplifiées tel quel sous peine d’endommager le système optique. Pour créer ce genre d’impulsion deux techniques sont utilisées : le blocage de mode et l’amplification par dérive de fréquence [SM85] (prix Nobel de physique 2018). La première consiste en l’introduction de nombreux modes dans la cavité optique, possiblement par l’utilisation d’un modulateur électro-acoustique. Du fait du grand nombre de modes le signal résultant sera quasi-nul partout sauf lorsque les modes sont en phase (dans quel cas un signal intense est obtenu). La seconde technique consiste à étendre temporellement l’impulsion, en la décom-posant d’un point de vue fréquentiel (utilisation de réseau ou de prisme), à l’amplifier puis à la recomprimer.

L’ensemble des techniques présentées précédemment présente plusieurs limitations. La première, déjà évo-quée, est le contraste (le signal ne part pas de zéro). Cela est particulièrement problématique pour le laser picose-conde qui prend alors un aspect d’impulsion plus longue (la cible se détend avant l’arrivée de l’impulsion principale). Par ailleurs, un problème de pré-pulse peut aussi exister. Cette pré-impulsion arrivant avant l’impulsion principale peut être due à de mauvaises réflexions (doubles réflexions) au sein du système optique. Cela peut bien entendu entraîner la détente de la cible avant le tir laser et donc changer les conditions de l’expérience (deux chocs au lieu d’un seul en régime nanoseconde). Ces deux aspects sont illustrés sur la figure3.4.

3.1. Les lasers de puissance : la source d’énergie