• Aucun résultat trouvé

L’exemple de la pathologie

Encadré 3 Exploration des oscillations cérébrales par EEG

L’électroencéphalographie (EEG) est une technique d’exploration cérébrale non invasive dans laquelle l’activité électrique du cerveau est enregistrée par l’intermédiaire d’électrodes de surfaces positionnées au niveau du cuir chevelu (scalp-EEG) ou intracrâniennes (iEEG) implantées au niveau du néocortex (electro-corticography, ECoG) ou des tissus cérébraux profonds (stereo-electro-encephalography, SEEG). L’activité électrique recueillie à la surface du scalp par l’intermédiaire de l’EEG correspondrait à des cou-rants extracellulaires reflétant la somme des potentiels dendritiques postsynaptiques excitateurs et in-hibiteurs dans des milliers à des millions de cellules pyramidales alignées parallèlement (Cohen,2017; Lopes da Silva,2013;Olejniczak,2006). Evoluant au cours du temps de façon non aléatoire, ces oscil-lations électriques ont pu être définies en différents rythmes cérébraux selon leurs caractéristiques fré-quentielles particulières. Ainsi, les rythmes delta (0-4 Hz), thêta (4-8 Hz), alpha (8-12 Hz), beta (13-30 Hz) et gamma (30-90 Hz) sont rapportés dans la littérature (Herrmann, Strüber, Helfrich, & Engel,2016). Caractérisés par une structure spatio-temporelle complexe variant en amplitude, dans le temps et en fré-quence, ces rythmes cérébraux seraient sous-tendus par les fluctuations d’excitabilité des populations de neurones sous-jacentes (Cohen,2014,2017). Enfin, malgré leur aspect non stationnaire, ces oscillations cérébrales ont pu être associées à divers processus cognitifs et perceptivo-moteurs en fonction de leur localisation corticale ainsi que de leur modification par rapport à un état basal (Herrmann et al.,2016). Classiquement, une réduction des oscillations cérébrales dans la bande fréquence béta (13-30 Hz) est observée au niveau des régions sensorimotrices controlatérales lors de la préparation et réalisation d’un mouvement unilatéral (Movement-Related Beta Desynchronization, MRBD) (Gerloff et al.,1998; Stancák Jr & Pfurtscheller,1995). Ainsi, il a été proposé que cette désynchronisation soit le reflet des activations corticales impliquées dans la réalisation d’un mouvement volontaire (Pfurtscheller,2006; Pfurtscheller & Lopes da Silva,1999). A l’inverse, à la suite d’un mouvement volontaire, une brusque aug-mentation des oscillations cérébrales béta survient (Post-Movement Beta Rebound, PMBR) (Pfurtschel-ler, Stancák, & Neuper,1996;Pfurtscheller, Zalaudek, & Neuper,1998;Stancák Jr & Pfurtscheller,1995) et pourrait refléter une inhibition active des processus sensorimoteurs (Engel & Fries,2010;Solis-Escalante, Müller-Putz, Pfurtscheller, & Neuper,2012). Par ailleurs, une diminution des oscillations alpha (8-12 Hz) (i.e., désynchronisation) pourrait refléter l’activation des régions corticales sous-jacentes nécessaires à la réalisation de la tâche tandis qu’une augmentation de ces oscillations (i.e., synchronisation) serait en lien avec un mécanisme de contrôle permettant l’inhibition des régions cérébrales non pertinentes (Jensen & Mazaheri,2010;Klimesch,2012;Klimesch, Sauseng, & Hanslmayr,2007;Sauseng, Klimesch, Gerloff, & Hummel,2009). Ainsi, les oscillations alpha ont été associées à des processus attentionnels impliqués dans la sélection et la suppression de l’information (Jensen & Mazaheri,2010;Klimesch,2012;Klimesch et al.,2007). Enfin, ces oscillations alpha sont également connues pour être impliquées dans les processus sensorimoteurs du fait de leur réduction au niveau des régions corticales sensorimotrices lors d’un mou-vement volontaire ou d’une stimulation sensorielle ; on parle alors de rythme mu (Pineda,2005;Sauseng et al.,2009). Enfin, les oscillations thêta (4-8 Hz) pourraient être impliquées dans de nombreux proces-sus cognitifs de haut niveau tels que l’encodage et la récupération d’éléments en mémoire, la mémoire de travail, la détection de la nouveauté ou encore l’inhibition d’une réponse (Cavanagh & Frank,2014; Huster, Enriquez-Geppert, Lavallee, Falkenstein, & Herrmann,2013;Jacobs, Hwang, Curran, & Kahana, 2006;Klimesch,1999;Sauseng, Griesmayr, Freunberger, & Klimesch,2010).

Le signal EEG peut être analysé dans le domaine temporel (e.g., ERP : event-related potential), fréquentiel (e.g., transformation de Fourier) ou temps-fréquence (e.g., transformation en ondelettes) (Cohen,2014). De plus, de nombreuses approches de connectivité fonctionnelles peuvent également être utilisées afin d’étudier les interactions entre différentes régions cérébrales (Bastos & Schoffelen,2016). Enfin, l’étude du couplage entre l’activité électrique cérébrale et celle émanant des muscles par l’intermédiaire d’une analyse de cohérence corticomusculaire constitue également une approche intéressante dans le domaine du contrôle moteur tant chez le sujet sain que pathologique (Bigot, Longcamp, Dal Maso, & Amarantini,

4. L MM

Pris dans leur ensemble, ces différents résultats chez le jeune adulte sain suggèrent qu’un large réseau attentionnel et/ou exécutif puisse intervenir dans la régulation des MM. Cette hy-pothèse est également renforcée par d’autres travaux qui mettent en évidence d’importantes modifications de ces activations attentionnelles et exécutives chez la personne âgée et dans le cadre de certaines pathologies où les MM sont exacerbés. En effet, avec l’avancée en âge, les modifications structurelles et fonctionnelles des réseaux cérébraux (Seidler et al., 2010) conduisent à une diminution progressive des ressources cognitives (Harada, Natelson Love, & Triebel,2013). Par ailleurs, la réalisation d’une tâche, qu’elle soit cognitive ou motrice, semble solliciter des ressources cognitives de plus en plus importantes (Grady,2012;K. Z. Li & Lin-denberger,2002;Reuter-Lorenz & Cappell,2008;Seidler et al.,2010). Ainsi, lors de la réali-sation d’une tache motrice, ce contrôle cognitif exacerbé peut se traduire par des activations préfrontales supplémentaires (Seidler et al., 2010) et être considéré comme un mécanisme compensatoire en vue de maintenir une performance égale à celle des jeunes adultes ( Heu-ninckx, Wenderoth, & Swinnen,2008). Cependant, avec l’augmentation progressive du coût de la tâche, ce mécanisme compensatoire s’avérerait insuffisant, laissant alors apparaitre une altération de la performance motrice ainsi que possiblement des MM du fait du manque de ressources cognitives disponibles pour les restreindre (Harada et al.,2013; Reuter-Lorenz & Cappell,2008). Néanmoins, à notre connaissance il n’existe pas de travaux dans la littérature ayant directement exploré le lien entre les activations attentionnelles et exécutives et le degré de MM lors de la réalisation d’une tâche motrice chez la personne âgée.

Dans le cadre de la pathologie, la présence anormale de MM chez les patients Parkinso-niens par rapport à des sujets sains (Chatterjee et al.,2016;Espay,2005;Sharples, Almeida, & Kalmar,2014;C. van den Berg, Beek, Wagenaar, & van Wieringen,2000;Vidal,2003) pourrait être sous-tendue par une altération des réseaux attentionnels et exécutifs. En effet, Poisson et al.(2013) ont exploré par IRMf les corrélats cérébraux des MM retrouvés lors d’un mouve-ment de la main droite affectée chez des patients Parkinsonien. Ces auteurs ont pu mettre en

4.2. Corrélats cérébraux attentionnels et exécutifs évidence que la présence de MM chez les patients résultait probablement d’une combinaison entre des désactivations, révélant des mécanismes inhibiteurs déficitaires, et des activations excessives, reflétant des mécanismes compensatoires (Poisson et al.,2013). Ainsi, des régions impliquées dans les processus d’inhibition réactive2telles que le cortex préfrontal dorsolatéral et l’aire motrice pré-supplémentaire (partie antérieure de l’AMS) sont retrouvées désactivées chez les patients présentant des MM par rapport à ceux sans MM. Par ailleurs, la suractivation des deux insulas pourrait refléter un phénomène compensatoire « prokinétique » dans le but d’améliorer la performance motrice mais aussi contribuer à l’apparition de MM du fait de son implication bilatérale (Poisson et al.,2013). Enfin, la suractivation du cortex cingulaire posté-rieur et du précuneus, connus pour leur implication dans les processus d’inhibition proactive, pourrait refléter une tentative d’inhibition compensatoire des mouvements anormaux et in-volontaires des patients avec MM (Poisson et al.,2013). Cette hypothèse est cohérente avec une étude en IRMf qui retrouve une suractivation du précuneus chez des patients parkinso-niens lors de la réalisation de mouvement complexes en antiphase par rapport à des sujets sains (Wu, Wang, Hallett, Li, & Chan,2010). Ainsi, cette suractivation pourrait refléter la mise en jeu de mécanismes attentionnel et inhibiteur dans le but de contrecarrer la propension par défaut à produire des mouvements bimanuels en miroir (i.e., symétriques).

2. Comme nous avons pu le voir précédemment, l’inhibition réactive renvoie à l’interruption d’une action en cours ou planifiée à la suite d’un signal d’arrêt (Aron, 2011;Verbruggen & Logan,2008). Par ailleurs, des mécanismes d’inhibition peuvent également survenir de façon anticipée avant le signal d’arrêt reflétant alors la préparation de l’interruption de la réponse. Cette inhibition dite proactive est principalement investiguée lors de paradigme d’arrêt sélectif (Aron,2011;Duque et al.,2017).

4. L MM

En résumé

— Que ce soit chez le jeune enfant, l’adulte sain ou encore la personne âgée, la ma-nipulation des fonctions attentionnelles durant la réalisation d’un tâche motrice pourrait augmenter le coût cognitif de la tâche et provoquer l’apparition de MM. Une inhibition volontaire des MM serait également possible par l’intermédiaire d’une focalisation attentionnelle.

— L’existence d’un lien étroit entre les fonctions attentionnelles et exécutives et les MM est illustrée par le fait qu’une exacerbation des MM est rapportée dans de nombreuses pathologies où les déficits attentionnels et exécutifs sont majeurs. — Outre l’implication des régions cérébrales motrices et prémotrices dans la

res-triction des MM, des réseaux attentionnels et exécutifs pourraient également intervenir dans le but de restreindre la tendance intrinsèque à produire des mou-vements miroirs symétriques.