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Dans ce chapitre, nous commencerons par faire un point sur la terminologie utilisée pour désigner les mouvements miroirs puis nous présenterons les conditions d’apparition des mou-vements miroirs ainsi que les moyens d’exploration de ce type de mouvement involontaire.

1.1 Terminologie

Les termes génériques de syncinésies ou surplus moteur (« synkinesis » et « motor

over-flow ») renvoient à des contractions ou des mouvements involontaires survenant dans un ou

plusieurs groupes musculaires tandis qu’une activité motrice volontaire est engagée dans une autre partie du corps (Armatas, Summers, & Bradshaw,1994;Barral, Albaret, & Hauert,2009). Sous ces termes génériques sont regroupées des manifestations motrices involontaires variées, observables chez le sujet sain ou porteur de pathologie et renvoyant à différents mécanismes. Ainsi, on retrouve les mouvements associés (« associated movements »), les irradiations mo-trices controlatérales (« contralateral motor irradiations ») ou encore les mouvements miroirs

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Les mouvements associés renvoient à des mouvements involontaires impliquant les muscles non homologues des membres ipsi- ou controlatéraux de ceux à l’origine des mouvements volontaires (Abercrombie, Lindon, & Tyson,1964) tandis que les irradiations motrices contro-latérales et les mouvements miroirs se rapportent aux mouvements involontaires impliquant les muscles homologues controlatéraux (Armatas et al.,1994). Les mouvements miroirs sont directement observables à l’œil nu tandis que les irradiations motrices controlatérales sont plus discrètes, ce qui leur valent d’être généralement étudiées par électromyographie ( Cer-nacek, 1961). Enfin, le terme d’activité miroir (« mirror activity ») est fréquemment utilisé lors de l’exploration de l’activité électromyographique (EMG) involontaire survenant dans les muscles homologues controlatéraux lors d’un mouvement ou d’une contraction unilatérale volontaire chez des adultes sains (Hübers, Orekhov, & Ziemann,2008;Maudrich, Kenville, Lepsien, Villringer, & Ragert,2018; Maudrich et al.,2017,2019; Sehm, Perez, Xu, Hidler, & Cohen,2010;Sehm, Steele, Villringer, & Ragert,2016). Dans un souci de clarté, nous utilise-rons dans le cadre de ce travail de thèse le terme de mouvements miroirs (MM) pour désigner toute activité miroir investiguée par EMG qu’elle soit associée ou non à la production d’une force ou d’un mouvement involontaire.

1.2 Aspect développemental des mouvements miroirs

Dans la population générale, les MM sont généralement observés pendant l’enfance (avant 10 ans) puis disparaissent progressivement au cours de la maturation du système nerveux cen-tral (Addamo, Farrow, Hoy, Bradshaw, & Georgiou-Karistianis,2007,2009a;Mayston, Harri-son, & Stephens,1999). Ainsi, avant 10 ans, la présence de mouvements involontaires impli-quant les muscles homologues controlatéraux lors d’un mouvement volontaire unilatéral est considéré comme normal et en lien avec l’immaturité du système nerveux central et notam-ment du corps calleux (Giedd et al.,1999;Mayston et al.,1999). En revanche, la persistance

1.2. Aspect développemental des mouvements miroirs de ces mouvements involontaires exacerbés à l’âge adulte est jugée pathologique. Considé-rées comme un signe neurologique doux1, ces manifestations cliniques témoigneraient alors d’un dysfonctionnement neurologique sous-jacent (e.g.,Hoy, Georgiou-Karistianis, Farrow, & Fitzgerald,2009).

Néanmoins, chez l’adulte sain, les MM semblent persister de manière discrète et peuvent être investigués par EMG notamment lors de tâche complexe ou induisant une importante fa-tigue musculaire (Arányi & Rösler,2002;Bodwell, Mahurin, Waddle, Price, & Cramer,2003; Maudrich et al., 2019; Post, Bayrak, Kernell, & Zijdewind, 2008). Contrairement aux mani-festions cliniques observées chez l’enfant ou dans le cas de certaines pathologies (Cincotta & Ziemann,2008;Mayston et al.,1999), chez l’adulte sain les MM se limitent le plus souvent à une activité EMG résiduelle sans mouvement associé.

Par la suite, les MM semblent ré-augmenter progressivement avec l’avancée en âge (Koerte et al.,2010). Une étude transversale portant sur une grande cohorte de sujet a proposé une tâche unimanuelle rythmique de production de force entre le pouce et l’index à 236 sujets sains âgés de 3 à 96 ans tandis que les MM étaient quantifiés sur la main controlatérale comme production involontaire de force (Koerte et al.,2010). La fréquence de réalisation de cette tâche rythmique pouvait être faible (un mouvement par seconde) ou maximale. Comme le montre laFigure 1.1, quelle que soit la fréquence du mouvement volontaire, les MM ré-augmentent légèrement à partir de 32 ans puis de façon plus marquée chez les sujets plus âgés (Koerte et al.,2010). D’autres études rapportent également une présence exacerbée de MM chez les personnes âgées (i.e., > 60 ans) en bonne santé par rapport à des jeunes adultes (Addamo, Farrow, Bradshaw, Moss, & Georgiou-Karistianis, 2010; Addamo, Farrow, Hoy, Bradshaw, & 1. Les signes neurologiques doux (« soft signs ») renvoient à des déficiences des fonctions motrices et/ou sensorielles telles que la coordination motrice, le séquençage moteur, l’inhibition ou encore l’intégration sen-sorielle (Buchanan & Heinrichs,1989;Chan & Gottesman,2008). Bien qu’ils n’ont pas de valeur localisatrice précise au niveau cérébral, ces signes témoigneraient d’une altération des circuits neuronaux entre les zones corticales et sous-corticales (Buchanan & Heinrichs,1989).

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Georgiou-Karistianis, 2009b;Baliz et al.,2005;Bodwell et al., 2003; Shinohara, Keenan, & Enoka,2003). La réapparition plus marquée des MM avec l’avancée en âge pourrait être en lien avec des modifications structurelles et fonctionnelles des réseaux cérébraux impliqués dans le contrôle moteur (Seidler et al.,2010). Ces hypothèses cérébrales seront développées dans le chapitre suivant.

Figure 1.1. Ratio de mouvements miroirs (MM) en fonction de l’âge et stratifié selon la fréquence et le

sexe pour (a) la main droite et (b) la main gauche chez des sujets droitiers. Tiré deKoerte et al.(2010).

1.3 Évaluation des mouvements miroirs

L’évaluation des MM peut se faire par l’intermédiaire de différentes tâches et outils de mesure très variés allant de la simple observation clinique à une mesure fine de l’activité EMG lors d’une tâche motrice complexe. La diversité des paradigmes et des outils de mesure retrouvés dans la littérature rend souvent les études difficilement comparables. De plus, la méthodologie utilisée est souvent dépendante de la population étudiée notamment du fait

1.3. Évaluation des mouvements miroirs de la difficulté de l’observation de MM chez des adultes sains. Nous allons tenter de présenter ici les différents moyens d’évaluation cliniques et instrumentaux des MM.