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2- MATERIELS ET METHODES

2.4 Outils d'analyses

2.4.4 Exploitation des données spatiales

2.4.4.1 Représentation et description des trajets

À partir des trajets "filtrés" que les traitements précédemment décrits permettent d’obtenir, des cartes ont été réalisées afin de représenter visuellement les trajets. Des cartes satisfaisantes peuvent être réalisées avec le logiciel R, toutefois les meilleurs résultats visuels ont été obtenus en utilisant ArcGis 9.2, un système d’information géographique (SIG) puissant.

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Des paramètres synthétiques descripteurs de trajets ont alors été systématiquement calculés, basés sur les routines écrites par Anne Goarant (CEBC) dans le cadre du volet RICARD (Routines Implémentées, Codes d’Analyses sous R et Divers) du programme REMIGE (ANR 2005, resp. H. Weimerskirch). Pour chaque trajet, ces routines calculent la durée (h), la distance minimale parcourue (km), l’éloignement maximal atteint (km), les vitesses moyenne, minimale et maximale (km/h), le cap pris au départ et au retour (° par rapport au nord géographique), et le cap du point d’éloignement maximal. Ces calculs sont réalisés grâce aux packages "CircStats", "circular", "chron", "argosfilter" et "adehabitat". Ils ont alimenté une base commune et synthétique afin de décrire ou comparer les trajets.

2.4.4.2 Analyse de la distribution spatiale : le concept de domaine vital

L’utilisation spatiale de l’habitat par les animaux étudiés nécessitait des méthodes plus poussées que celles précédemment décrites. Le concept de domaine vital ("home-range"), mesure fondamentale des préférences montrées par l’animal dans l’utilisation de son habitat (Aebischer et al.1993), est devenu aujourd’hui largement quantifié. Ce concept se base sur la distribution de probabilité définissant l’utilisation de l’espace faite par l’animal (Van Winckle 1975). Une définition communément reconnue de ce domaine vital est l’aire minimale associée à une probabilité de 95% de trouver l’animal (White & Garrott 1990). La distribution de l’utilisation fournit ainsi une synthèse pratique pour évaluer l’utilisation de l’espace par un animal, et est parmi les mesures les plus informatives pour l’étude de la sélection d’habitat (Marzluff et al. 2001, 2004), que l’on peut améliorer en considérant son recoupement observé entre plusieurs années ou plusieurs individus (Fieberg & Kochanny 2005). L’augmentation des puissances de calcul disponibles a permis d’utiliser des méthodes de plus en plus sophistiquées afin de calculer ces domaines vitaux, comme celles de contours, estimant des distributions complexes de probabilité de densité (Dixon & Chapman 1980, Worton 1989). Ces méthodes de contour ont des avantages considérables par rapport aux autres méthodes d’estimation du domaine vital comme celle du polygone convexe minimal : elles s’accommodent de centres d’activité multiples, ne s’appuient pas sur des points extrêmes pour ancrer leurs limites spatiales et sont moins influencées par ces points distants, excluant en conséquence les aires non utilisées et menant à des représentations plus précises de l’utilisation de l’espace (Hemson et al. 2005).

2.4.4.3 Une méthode de contour du domaine vital : les densités de Kernel

La méthode d’estimation des densités de Kernel est aujourd’hui largement répandue (Wood et al. 2000, BirdLife International 2004, Pinaud & Weimerskirch 2007) et souvent vue comme la méthode par contour la plus fiable (Powell 2000, Kernohan et al. 2001), bien que présentant également des faiblesses (voir Hemson et al. 2005, mais aucune alternative n’est proposée). Elle fut adaptée à l’analyse des domaines vitaux par Worton (1989) grâce à une technique d’estimation des distributions à partir de petits échantillons (Silverman 1986). Cette technique crée des lignes ("isoplèthes") d’intensité d’utilisation en calculant l’influence moyenne des points sur les intersections d’une grille divisant l’espace. Chaque isoplèthe contient ainsi un pourcentage fixe de densité d’utilisation, indicative du temps relatif

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que l’animal passe dans ce contour. Une composante critique de ce calcul est la distance à partir de laquelle un point influence l’intersection de la grille : cette distance est le facteur de lissage (h). Plus cette valeur est grande, plus le domaine vital estimé est grand et continu, et moins ce dernier est détaillé (Silverman 1986, Worton 1989). Dans notre étude, une valeur de h fixe entre les individus a été utilisée, de manière à pouvoir comparer les résultats entre individus, populations et années. Conformément aux recommandations faites par BirdLife International (2004) pour rassembler les données sur les espèces étudiées, la valeur de h correspondait à la précision spatiale des localisations, assimilée à 2° pour les données issues de GLS. Les localisations ARGOS ont soit été assimilées à des données GLS en vue de comparer ces deux types de données entre eux (cas des gorfous de l’île Marion), soit n’ont pas servi à calculer des domaines vitaux pour les raisons suivantes : (1) les trajets des juvéniles (incomplets) ne pouvaient pas représenter l’utilisation de l’habitat prospecté au cours de la phase d’immaturité entière, (2) ces trajets étaient de durée variable et ne contribuaient donc pas de manière homogène à l’étendue du domaine vital et à la grille de calcul des densités, et (3) peu d’individus étaient suivis dans les deux cas (manchots papou et empereur), ce qui posait le problème de la représentativité de l’espace ainsi estimé dans l’hypothèse d’un échantillonnage exhaustif.

Les distributions d’utilisation de Kernel ont été calculées à partir du package "adehabitat" (Calenge 2006). Ce package a également été utilisé pour calculer la surface des domaines vitaux, et pour découper des couches de données environnementales spatialisées (température, profondeur,…) selon des contours de Kernel calculés afin de caractériser l’habitat strictement inclus dans une isoplèthe donnée. Bien qu’idéalement, les isoplèthes d’intérêt particulier doivent être choisies en fonction des sauts importants de surface qu’elles induisent par rapport à leur précédente, trois isoplèthes particulières ont été ciblées (95, 75 et 50%), conformément à l’intérêt spécifique d’organisations internationales pour celles-ci dans le but de comparer les domaines vitaux d’espèces menacées entre eux (BirdLife International 2004).

2.4.4.4 Analyse du recoupement de plusieurs domaines vitaux

Afin d’évaluer le niveau de compétition entre organismes parapatriques ou sympatriques, des analyses de recoupement des domaines vitaux (isoplèthe 95%) entre populations ont été effectuées, grâce au package "adehabitat" (fonction "kerneloverlap"). Parmi les différentes méthodes existant dans ce but, nous avons choisi la méthode "Utilization Distribution Overlap Index" (UDOI), basé sur les principes établis par Hurlbert (1978). Cette méthode était mieux indiquée dans notre cas au vu de la comparaison effectuée par Fieberg & Kochanny (2005). L’indice de recoupement ainsi calculé est égal à 0 lorsque les deux domaines vitaux considérés sont totalement distincts, atteint 1 lorsque ces derniers sont uniformément distribués et se recoupent entièrement. L’UDOI peut également prendre des valeurs supérieures à 1 si les deux domaines vitaux ne sont pas uniformément distribués et présentent un fort recoupement (cas fréquent en pratique). Face à la valeur de cet indice, répondant à la question : "quel est le recoupement de ces deux domaines vitaux ? ", il est apparu important de répondre également à la question "quel est le recoupement maximal théoriquement possible entre ces deux domaines vitaux ?",

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afin de pouvoir tirer des conséquences écologiques du recoupement observé. Pour ce faire, nous avons simulé un retournement longitudinal d’un ou des deux domaines vitaux considérés, à 180° par rapport à la colonie, de manière à ce que ces derniers se chevauchent le plus possible (voir Figure 13 ci-dessous). La dimension latitudinale du domaine vital n’a volontairement pas été modifiée afin de conserver le preferendum thermique des animaux au cours de leur déplacement (la température varie en fonction de la latitude), ce qui permet de ne simuler que des cas réalistes.

Figure 13. Illustration de trois situations différentes du calcul du recoupement de deux domaines vitaux : à partir de trois cas observés (a1, a2, a3), évaluation du recoupement maximal théorique par retournement longitudinal d’un seul parmi les deux (b1) ou des deux (b2) domaines vitaux considérés ; en (b3), seule une transformation entraînant une modification latitudinale permettrait de simuler un recoupement (non pratiquée afin de conserver le preferendum thermique de chaque population). Les croix encerclées représentent les colonies d’origine, la couleur des domaines vitaux correspond à celle de la colonie d’origine