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Exploitation des données ellipsométriques

1.6 Electrodéposition des films étudiés

2.1.4 Exploitation des données ellipsométriques

L’accès à la totalité de la matrice de Mueller permet d’avoir une image complète de l’échantillon. Dans beaucoup de cas, cette information est vitale pour mener à bien une caractérisation correcte de l’échan-tillon (même isotrope). Le tableau rassemble les cas d’analyses typiques en fonction des valeurs deP et

Pgen.

Echantillon anisotrope Non Non Oui Oui Echantillon dépolarisant Non Oui Non Oui

P 1 P = Pgen&<1 <1 P 6= Pgen< 1 Pgen 1 P = Pgen&<1 1 P 6= Pgen< 1

FIG. 2.7 – Analyse d’échantillons en fonction des facteurs de dépolarisation P et Pgendéfinis aux équations (2.10) et (2.14). (d’après [129])

2.1.4 Exploitation des données ellipsométriques

2.1.4.1 Introduction

L’ellipsométrie est une technique indirecte d’analyse de surface. Le résultat d’une mesure est le couple formé par les angles Ψ et ∆. Pour accéder aux caractéristiques de l’échantillon étudié, il faut tout d’abord établir un modèle physique qui relie les angles ellipsométriques aux grandeurs physiques concernées. Il est donc nécessaire d’émettre des hypothèses sur le nombre et la composition des couches éventuelles, la rugosité, etc. Dans le cas d’une surface exempte de tout film superficiel, il est possible de déterminer analytiquement les fonctions optiques du matériau à partir des angles ellipsométriques. Dans la plupart des autres cas, l’exploitation des mesures ellipsométriques consiste à déterminer les caractéristiques d’un échantillon en ajustant les paramètres d’un modèle théorique jusqu’à minimiser l’écart entre les points de mesure et les points simulés.

2.1.4.2 Cas à résolution analytique d’un substrat

Un substrat est un échantillon massif possédant une surface exempte de tout film superficiel et sans rugosité de surface. L’étude de la réflexion sur un substrat est particulièrement intéressante. D’un point de vue pratique tout d’abord, car nous aurons à exploiter les spectres ellipsométriques d’échantillons

considérés comme substrats. D’un point de vue théorique ensuite, car il s’agit d’un des seuls cas pouvant être inversé analytiquement [130].

La détermination des constantes optiques d’un substrat à partir d’une mesure ellipsométrique se fait en déterminant le rapport de l’équation. Dans ce cas, cette équation se réécrit d’après les coefficients de réflexion de Fresnel :

ρ = N1cos φ0− N0cos φ1

N1cos φ0+ N0cos φ1 ×NN0cos φ0− N1cos φ1

0cos φ0+ N1cos φ1 (2.15) où N1 = n1+ ik1est l’indice de réfraction complexe du substrat, N0 l’indice de réfraction du milieu ambiant (et en général N0= n0), φ0l’angle d’incidence et φ1l’angle de réfraction.

Comme une mesure ellipsométrique conduit à la détermination du rapport défini à l’équation (2.7), et avec la loi de Snell-Descartes N0sin φ0 = N1sin φ1, nous pouvons en déduire les fonctions optiques du substrat : N1 N0 = sin φ0 s 1 + 1 − ρ 1 + ρ 2 tan2φ (2.16)

soit en termes de fonctions diélectriques réelle et imaginaire :

εr= n21− k21= n20sin2φ0

 1 + cos

22Ψ − sin22Ψ sin2∆ (1 + sin 2Ψ cos ∆)2 tan φ0

 (2.17) εi= 2n1k1= n02sin2φ0tan2φ0  sin 4∆ sin ∆ (1 + sin 2Ψ cos ∆)2  (2.18) Pour un système recouvert d’une seule couche mince supposée homogène en concentration et en épais-seur, il est possible de calculer analytiquement à partir des mesures de Ψ et ∆, l’épaisseur de cette couche si ses constantes optiques sont connues.

2.1.4.3 Notion de périodicité de l’épaisseur

Dans le cas d’une couche transparente (indice d’extinction nul) Ψ et ∆ sont des fonctions périodiques de l’épaisseur. Ainsi, pour un film diélectrique, les couples (Ψ,∆) décrivent périodiquement la même trajectoire d’une courbe fermée en fonction de l’épaisseur.

Pour une couche absorbante, avec donc un indice de réfraction complexe, la période devient elle aussi complexe. Ψ et ∆ sont des fonctions pseudo-périodiques de l’épaisseur, la pseudo-période correspondant à la partie réelle de la période. A un couple de mesure (Ψ,∆) correspond donc une valeur unique pour l’épaisseur. La courbe n’est plus fermée mais part d’un point représentant le substrat (épaisseur de film nulle) jusqu’à un point représentant le film massif (épaisseur de film infinie, cf.§ 1.2.2).

2.1. ELLIPSOMÉTRIE 59

2.1.4.4 La théorie du milieu effectif

La théorie du milieu effectif permet de décrire un milieu à plusieurs constituants en fonction des fonc-tions diélectriques et des fracfonc-tions volumiques respectives. Considérons le mélange hétérogène de deux matériaux (1 et 2) dont les constantes diélectriques sont connues. Les fonctions diélectriques du mélange sont déduites de la relation :

ε − εh

ε + 2εh = f1 ε1− εh

ε1+ 2εh + f2 ε2− εh

ε2+ 2εh (2.19)

où εh, ε1, ε2et ε sont respectivement les permittivités diélectriques du milieu hôte, des milieux 1 et 2, et du mélange. f1et f2sont les fractions volumiques respectives des matériaux 1 et 2 dans le mélange. A partir de cette équation commune, le choix du milieu hôte va conduire à trois modèles :

– εh = ε: le milieu hôte est assimilé au mélange lui-même, qui est composé de particules sphériques de chacun des matériaux et ce de façon aléatoire (microstructure dite en agrégat, voir Figure 2.8). C’est l’approximation du milieu effectif introduite par Bruggeman (Bruggeman effective-medium approximation, BEMA) qui est généralement utilisée pour calculer l’indice de couches rugueuses [131]. C’est elle qui est utilisée par défaut tout au long de ce travail.

– εh = ε1ou εh = ε2 : le milieu hôte est l’un des matériaux du mélange, qui est composé de grains isolés de 2 dans 1 ou de 1 dans 2 respectivement (microstructure dite de type cermet). C’est l’ap-proximation de Maxwell-Garnett (MG) [132].

– εh= 1: le milieu hôte est le vide, les deux matériaux sont supposés jouer des rôles identiques. C’est l’approximation de Lorentz-Lorenz (LL) [133, 134].

FIG. 2.8 – Structure en agrégat (modèle de Bruggemann)

2.1.4.5 Influence de la rugosité

L’établissement des équations menant aux paramètres ellipsométriques se fait par l’application des équations de Fresnel. Celles-ci supposent que l’interface matériau-milieu ambiant soit rigoureusement plane. Ce modèle ne correspond pas à la plupart des surfaces réelles, qui présentent des irrégularités plus ou moins importantes. Ainsi la rugosité peut constituer une source significative d’erreur sur les valeurs des fonctions optiques calculées.

Aspneset al. [135] ont montré que l’approximation de Bruggeman est la mieux adaptée à la description

de la rugosité dans le cas d’un modèle où la rugosité de surface est considérée comme une couche mince dont les propriétés optiques sont intermédiaires entre le matériau et le milieu ambiant.

2.1.4.6 Accès aux grandeurs physiques

Inversion des équations ellipsométriques En dehors des quelques cas présentés plus haut (voir 2.1.4.2)

[130], il faut en général utiliser des méthodes numériques de minimalisation pour déterminer les gran-deurs physiques d’un système multicouche. Ces grangran-deurs sont ajustées à partir de valeurs initiales de manière à diminuer l’écart entre les grandeurs ellipsométriques théoriques et expérimentales.

Pour chaque configuration, les paramètres des modèles sont déterminés en minimisant une fonction d’écart χ2de la forme : χ2= 1 N − 1 N X i=1 (ψcalc

i − ψexpi )2+ (∆calci − ∆expi )2 (2.20)

où N est le nombre de couples xpérimentaux Ψexp, ∆exp. L’algorithme de minimalisation le plus utilisé est la méthode de Marquardt [136]. Dans tous les cas, il faut imposer des valeurs initiales aux grandeurs inconnues. Ce choix des valeurs initiales est primordial puisque le programme pourra converger ou non vers les solutions suivant les valeurs initiales proposées. C’est pour cela qu’il est fondamental de connaître l’ordre de grandeur du paramètre recherché (valeur théorique, autre(s) valeur(s) expérimentale(s)).

Exploitation d’une mesure spectroscopique Dans le cas d’une mesure spectroscopique, nous obtenons

donc N couples (Ψexp, ∆exp). En principe nous pouvons déterminer théoriquement au maximum 2N pa-ramètres indépendants de la longueur d’onde λ par des techniques de minimalisation. Or l’algorithme de minimalisation peut converger vers des valeurs dépendant du point d’initialisation. Nous sommes alors confrontés au problème des minima secondaires. Dès lors, la solution n’est plus unique et ce problème devient d’autant plus aigu que le nombre de paramètres variables augmente.

Lorsque la fonction diélectrique d’un matériau est inconnue, il est possible de déterminer sa relation de dispersion. Selon le type de matériau et le domaine spectral considéré, plusieurs modèles de dispersion sont possibles (voir 1.2.4).