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4.2 Suivi des premiers instants par couplages Ellipsométrie-Electrochimie

4.2.1 Données électrochimiques

En ne considérant que les paramètres électrochimiques (valeur des densités de courant, concentration de l’électrolyte), nous avons tenté de relier nos observations sur l’aspect du film aux modèles de cristalli-sation des électrodépôts référencés dans la littérature.

4.2.1.1 Rappels des conditions de synthèses

L’électrolyte utilisé contient les espèces bismuth III (ions bismuth 3+) et tellure IV (ions tellurites) dans un rapport de 1 pour une concentration de 0,01 M en milieu acide nitrique dilué (1 M). La gomme arabique est utilisée en tant qu’agent tensioactif (environ 0,02 % en masse).

Le composés stoechiométrique Bi2T e3et les composés Bi2±xT e3±xprésentant un écartx de ±0,2 sont

électrodéposés en mode galvanostatique. Des densités de courant de -0,139 ; -0,200 ; et -0,232 A/dm2sont respectivement appliquées pour obtenir les compositions Bi1,8T e3,2, Bi2,0T e3,0et Bi2,2T e2,8. Le contrôle in-situ s’effectue typiquement sur 10 minutes. La cadence d’aquisition maximale est de 100 ms pour le potentiostat. Quelques suivis plus longs ont été effectués (1 heure) avec un temps d’aquisition ajusté en conséquence.

4.2.1.2 Modèles de cristallisation des dépôts par électrochimie

L’électrodéposition permet d’obtenir une large variété de microstructures pour les métaux en inter-venant sur les conditions de dépôts ou sur la composition du bain. A ce jour, il n’existe pas de théorie générale permettant de prédire la microstructure de métaux ou d’alliages électroformés. Toutefois, la re-lation entre les conditions d’électrodéposition et la microstructure a largement été étudiée par H. Fischer [198] qui a souligné l’importance d’un phénomène d’inhibition à travers le rapport J/C entre la densité de courant (J) et la concentration du bain (C). Quarante ans plus tard, ces concepts sont repris et améliorés par R. Winand [199]. Les schémas théoriques basés sur l’hypothèse d’une inhibition vont être présentés brièvement avant de discuter des observations microstructurales et morphologiques de nos échantillons.

Selon Fischer, l’inhibition est due à la présence, à la surface de l’électrode, dans la double couche ou dans la couche de diffusion, de substances (molécules, atomes, ions) différentes du cation à réduire ou de l’adatome correspondant. Ces substances qui sont chimiquement ou physiquement adsorbées, gênent le processus cathodique en augmentant le phénomène de surtension et par conséquent sont appelés inhibi-teurs. Leur effet s’étend jusqu’à modifier la microstructure métallographique et la texture.

Il est à noter que l’intensité d’inhibition est un paramètre difficile à appréhender même si Winand prend pour hypothèse que celle-ci est proportionnelle à la concentration de l’inhibiteur dans la solution ou adsorbée à la surface.

Les allures de cristallisation résultent d’une compétition entre une croissance parallèle et une crois-sance perpendiculaire au substrat. Cette dernière dépend de la nucléation bidimensionnelle. Il est observé expérimentalement que l’épaisseur des couches augmente avec la densité de courant mais diminue avec une intensité d’inhibition croissante. Ainsi, la vitesse de croissance latérale diminue quand la densité de courant augmente pour une inhibition donnée, favorisant la formation de cristaux isolés voire de

den-4.2. SUIVI DES PREMIERS INSTANTS PAR COUPLAGES ELLIPSOMÉTRIE-ELECTROCHIMIE 165 drites. Au contraire, lorsque l’inhibition augmente à densité de courant fixée, la vitesse de croissance latérale augmente conduisant à des dépôts denses et cohérents. Pour de faibles valeurs d’inhibition et de densité de courant, l’absence de nucléation 2D peut être constatée du fait d’une trop faible énergie. A l’opposé, des cristaux peuvent être générés à travers une croissance 3D pour des fortes inhibitions et/ou densités de courant. La figure 4.1 rassemble ces considérations et les quatre principaux types de croissance proposés par Winand :

cristaux isolés orientés selon le champ (FI)

cristaux colonnaires reproduisant l’orientation de la base (BR)

cristaux texturés parallèles et orientés selon le champ (FT)

cristaux dispersés et non orientés (UD)

Tous ces types sont caractérisés sur la base d’une structure métallographique et non sur celle d’une texture cristallographique.

FIG. 4.1 – Diagramme récapitulant les différents types de dépôts polycristallins observables par électro-chimie en fonction de la densité de courant et de l’intensité d’inhibition d’après Winand [199]

4.2.1.3 Application du modèle de Winand

En se basant sur les observations morphologiques expérimentales, nous pouvons tenter d’approcher qualitativement nos résultats en s’appuyant sur le modèle de Winand. Dans de précédents travaux [42], Bi2T e3déposé en mode potentiostatique et en absence de tensioactif a été examiné via des coupes trans-versales de MEB. L’analyse morphologique démontre clairement une structure colonnaire résultant d’un dépôt de type BR (Figure 4.2 (a)). Nous pouvons comparer ce résultat avec une coupe d’un film obtenu pour j=-0,2 A/dm2en présence de tensioactif (Figure 4.2 (b)). Sa morphologie fait apparaître un amas de

cristallites qui correspond davantage à un dépôt en trois dimensions de type UD. Ce constat peut s’ex-pliquer par l’intensité d’inhibition qui augmente en présence du tensioactif dans l’électrolyte. L’ajout de gomme arabique amène des cations inorganiques (Na+, M g2+, Ca2+) ainsi que des composés organiques (oses, acide D-glucuronique et son 4-O-méthyléther). Si les premiers n’ont que très peu d’action inhibitrice voire aucune action, les seconds peuvent augmenter considérablement l’intensité d’inhibition car ils s’ad-sborbent à la surface du substrat. Ainsi l’électrodéposition de Bi2T e3avec et sans tensioactif correspond, selon le diagramme de Winand, au passage d’une cristallisation colonnaire à tridimensionnelle.

FIG. 4.2 – Images MEB de coupes transversales de films électrodéposés de Bi2,0T e3,0: (a) en mode poten-tiostatique sans tensioactif [42] et (b) en mode galvanostatique en présence de tensioactif

4.2.1.4 Allure du chronopotentiogramme

La figure 4.3 présente les évolutions du potentiel E (en mV/ECS) et du courant imposé i (en mA) enre-gistrées pendant 600 s pour un dépôt type de Bi2T e3réalisé à partir du banc de caractérisation. La mani-pulation permet l’enregistrement du potentiel libre avant l’imposition du courant tout en permettant déjà l’enregistrement simultané des autres données (EQCM, ellipsométrie). Nous avons ici choisi une durée de trente secondes afin de bien observer le début du processus d’électrodéposition lorsque les différentes données seront superposées en fonction du temps. Les plus fortes variations en potentiel sont enregistrées pendant les 60 premières secondes environ avant de se stabiliser à une valeur de -50 mV/ECS.

Cette valeur de -50 mV/ECS correspond à des conditions thermodynamiques stables en réduction de Bi2T e3[110]. En se basant sur la courbe i = f(E) déterminée par Michel [42] dans un électrolyte à 10−3M, cette valeur de potentiel observée à courant imposé correspond à 50 % de la vague de réduction.