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Le retour, depuis les années 1980, des facteurs non individuels dans les recherches menées sur les variations de santé s’accompagne d’une reconnaissance

67 des effets de milieu sur la santé. De multiples recherches fournissent en effet progressivement différentes explications quant à l’influence de l’environnement résidentiel sur la santé des individus.

1) Chez les individus de tout âge

Certaines études se sont intéressées à l’influence que peuvent avoir les

caractéristiques physiques de l’environnement résidentiel5 sur la santé des individus.

Les études montrent par exemple que, indépendamment de leurs caractéristiques individuelles, les taux de mortalité sont plus élevés au sein des espaces caractérisés par une concentration de fumées, de dioxyde de soufre et dont les températures et la lumière du soleil sont plus faibles (Gardner, 1973 ; Macintyre & Ellaway, 2003). Ces différences spatiales peuvent s’expliquer aussi par la présence ou l’absence de « structures d’opportunités », caractéristiques socialement construites et modelées de l’environnement physique et social qui peuvent promouvoir la santé à travers les possibilités qu’elles offrent aux individus de vivre en bonne santé. Ainsi, la disponibilité en services et en équipements à proximité du domicile tels que les commerces destinés aux besoins quotidiens, les installations sportives, les parcs ou les cafés contribuerait à faciliter les interactions sociales entre les individus et ainsi promouvoir leur bonne

santé (Baum et al., 2002). Selon Saelens et al. (2003), vivre dans un quartier

accessible à pied – défini entre autre par une forte densité résidentielle, une utilisation mixte de l’espace et une plus grande connectivité des rues – facilite la pratique de la marche à pied en tant que moyen de transport et entraine un plus faible risque d’obésité.

Plusieurs études ont également porté une attention particulière au rôle des caractéristiques sociales du quartier sur la santé. Appartenir à un réseau social fait que les individus se sentent soignés, aimés, valorisés ce qui a un effet bienfaisant sur leur santé. Les relations d’entraide peuvent également encourager les individus à

5 Comme nous l’avons vu précédemment, les analyses sur les effets de milieu rassemblent plusieurs

notions pour désigner le « milieu » comme les termes « environnement résidentiel » et « quartier » qui sont utilisés dans notre recherche comme synonymes.

68 adopter des comportements plus sains. La cohésion sociale du quartier – définie comme la qualité des relations sociales, l’existence d’une entraide, d’une confiance et de respect entre les résidents – contribue à la protection des personnes et à leur santé. Plusieurs études ont montré qu’une meilleure cohésion sociale du quartier réduit indépendamment les risques d’obésité (Carrillo-Alvarez et al., 2018), de mortalité par

AVC (Clark et al., 2011) et facilite une plus grande utilisation de soins préventifs de

santé tels que les vaccins antigrippaux, les tests de cholestérol ou encore les mammographies (Kim et al., 2017).

Finalement, plusieurs études ont tenté d’analyser le lien entre la santé et certaines caractéristiques économiques et culturelles. Par exemple, la diversité ethnique des quartiers peut s’avérer bénéfique pour la santé, les femmes provenant de communautés diverses étant mieux informées sur les problèmes de santé (Dinku et al., 2018), ou parfois néfaste, en raison d’un manque de confiance (Awaworyi Churchill et al., 2019). D’autres études montrent que les individus résidant au sein des « espaces pauvres » – caractérisés le plus souvent par de plus grandes proportions de familles à faible revenu, de familles monoparentales, d’adultes à faible niveau de scolarité, de chômeurs, de travailleurs non qualifiés ou encore de logements insalubres – souffrent d’une santé moindre que ceux résidant au sein d’espaces non défavorisés (Haan et al., 1987 ; Kim, 2010 ; Ross et al., 2001). Ces résultats suggèrent qu’en plus des caractéristiques individuelles de pauvreté, les individus ayant un faible statut social auraient une santé plus fragile car ils ont tendance à vivre dans des lieux qui sont, à certains égards, nuisibles pour la santé (Macintyre et al., 1993).

2) Chez les personnes âgées

L’état actuel des connaissances semble indiquer que l’environnement géographique n’affecterait pas de la même façon l’ensemble des individus (Brownson et al., 2009 ; Stafford et al., 2005). En effet, certaines recherches ont montré que les effets de l’environnement résidentiel sur les résultats en santé varient aussi bien en fonction du sexe des résidents (Chaix, 2005 ; Macintyre, 2001 ; Stafford et al., 2005), de leur âge (Shigematsu et al., 2009) et de leur statut socio-économique (Cummins

69 et al., 2005 ; Stafford et al., 2001). Une étude menée aux Pays-Bas montre par exemple que la santé des groupes de population passant le plus de temps au sein de leur quartier tels que les jeunes, les personnes âgées, les femmes au foyer et les personnes ayant un faible statut socio-économique bénéficie davantage de la présence d’espaces verts au sein de leur quartier résidentiel que les autres groupes (Maas et al., 2006). Une plus grande quantité de temps passée au sein du quartier en raison d’un déclin physique, de la retraite ou d’un rétrécissement des réseaux sociaux peut en effet s’accompagner d’une plus grande exposition aux aspects résidentiels. Les effets de quartier sur la santé pourraient donc être encore plus déterminants pour certains sous-groupes de population tels que les personnes âgées.

Les études qui se sont penchées sur les relations entre les caractéristiques physiques de l’environnement résidentiel et la santé des personnes âgées montrent que l’exposition à des concentrations plus élevées en fines particules, responsables d’une pollution de l’air, est associée chez les personnes âgées à des fonctions cognitives plus faibles, même après avoir tenu compte de leurs caractéristiques individuelles (Ailshire & Clarke, 2015). En influant sur leur nourriture, leur activité physique ou encore leur participation sociale, les caractéristiques de leur environnement résidentiel peuvent également affecter leur santé. Comme nous l’avons souligné précédemment, le fait de rester physiquement actif et socialement connecté sont des déterminants importants du Vieillissement en Santé. La proximité, l’accessibilité et la densité des ressources sont positivement associées au maintien de la marche à pied et de la participation sociale chez les personnes âgées (Gauvin et al., 2012 ; Richard et al., 2008). En ce qui concerne la conception de l’environnement, un plus grand pourcentage de rues à volume élevé ainsi que la présence de sentiers pédestres sécurisés favorisent le maintien de leur marche à pied (Booth et al., 2000 ; Nagel et al., 2008). Enfin, une plus grande marchabilité du quartier, caractérisée par un grand nombre d’intersections et un faible nombre de cul-de-sacs, est également

associée à un risque moindre d’obésité chez les personnes âgées (Grafova et al.,

70 En ce qui concerne l’influence des caractéristiques sociales sur la santé des personnes âgées, il apparait qu’une meilleure cohésion sociale du quartier est associée à une meilleure santé mentale (Kim et al., 2019 ; Stafford et al., 2011) et à une plus grande utilisation de soins préventifs de santé (Schmitz et al., 2012). Une autre étude montre que les troubles du voisinage, c’est-à-dire les problèmes relatifs à la sécurité et à la négligence physique (ex. vandalisme, trottoirs et bâtiments en mauvais état), sont liés à leur activité physique alors que la cohésion sociale n’y est pas significativement associée (Mendes de Leon et al., 2009).

Les personnes âgées résidant au sein de quartiers économiquement défavorisés sont plus susceptibles de souffrir de maladies chroniques que celles qui résident au sein de quartiers plus riches. Indépendamment de leurs caractéristiques individuelles, certaines études ont montré que les personnes résidant au sein de quartiers défavorisés sont plus à risques d’être obèses (Grafova et al., 2008 ; Mather & Scommegna, 2017).

II. Enjeux pour la recherche

A. Manque de variabilité environnementale dans les études sur les effets