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Explications alternatives de l’inconfort Les douleurs thoraciques

Les douleurs thoraciques non-cardiaques (version du thérapeute)

B) INTRODUCTION AU TRAITEMENT

2. Explications alternatives de l’inconfort Les douleurs thoraciques

Pour commencer, il est important de discuter de ce qu’est une douleur thoracique ou un malaise à la poitrine. Environ 10 à 30% de la population présentent, au cours de leur vie, une douleur thoracique ou un malaise à la poitrine. Plusieurs d’entre eux consultent un médecin pour cette raison. Bien que les douleurs thoraciques soient le plus souvent sans danger, elles peuvent être inquiétantes, car elles peuvent être associées à des problèmes de santé comme un problème cardiaque. Dans votre cas, votre médecin vous a questionné, examiné et même proposé certains examens (p.ex., un électrocardiogramme, des analyses sanguines, un test à l’effort, etc.). À la suite de cette évaluation, votre médecin vous a rassuré quant au fait que votre douleur thoracique n’est pas associée à un problème cardiaque, d’où l’appellation douleurs thoraciques non-cardiaques (DTNC).

Tous les gens qui souffrent de DTNC cherchent, à un moment ou à un autre, la cause expliquant l’apparition de leurs symptômes. Toutefois la réponse est plus souvent complexe que celle que les gens attendent : souvent, plusieurs facteurs sont impliqués. Plus précisément, des facteurs prédisposant interagissent avec des facteurs précipitants, c’est-à-dire des facteurs qui déclenchent les symptômes, et des facteurs de maintien. Voici un schéma qui résume comment ces facteurs sont interreliés.

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118 Facteurs prédisposants

Les facteurs prédisposants sont des facteurs qui rendent les individus plus vulnérables à développer des symptômes médicalement inexpliqués comme les DTNC. Ces facteurs ne sont pas présents chez tous les individus, mais lorsqu’ils le sont, ils augmentent la probabilité/risque de développer ces symptômes. Ils ne causent donc pas directement ces symptômes puisque certaines personnes ayant tous ces facteurs ne développeront pas de symptômes médicalement

inexpliqués. À l’inverse, d’autres personnes ne présenteront pas ces facteurs, mais développeront ce type de symptômes. Ainsi, la présence d’un ou de plusieurs facteurs prédisposants ne constitue pas un gage d’apparition de ces symptômes.

Parmi les facteurs prédisposants proposés par le modèle, on retrouve certains facteurs génétiques qui contribueraient au développement de la somatisation, soit la manifestation d’un inconfort psychologique par des symptômes physiques inexpliqués. Ensuite, certaines expériences adverses ou stressantes dans l’enfance, comme subir de la violence physique ou psychologique, augmenteraient le risque de développer des symptômes médicalement inexpliqués. Finalement, le tempérament ou la personnalité agirait également à titre de facteur prédisposant. Ainsi, un individu qui a tendance éprouver davantage d’émotions négatives intenses, serait également plus enclin à vivre de l’inconfort physique et psychologique, comme les DTNC.

Facteurs précipitants

Les facteurs précipitants sont les facteurs qui déclenchent l’apparition des symptômes médicalement inexpliqués. Ces déclencheurs ne surviennent pas nécessairement dans les heures qui précèdent l’apparition des symptômes, mais créent un contexte qui favorise leur apparition.

1. Stresseurs physiologiques

Parmi les facteurs précipitants, on retrouve différents types de stresseurs tels que les stresseurs physiques (malaises, accident, agression), psychosociaux (divorce, décès d’un proche, perte d’emploi, stress au travail). Ceux-ci peuvent être aigus (ponctuels) ou chroniques s’ils durent plusieurs mois (p.ex. maladie chronique, problèmes conjugaux, conflits au travail). Tous ces événements stressants agiraient en provoquant une activation prolongée du système nerveux ce

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qui aurait pour conséquence de rendre le corps plus vulnérable. Cette vulnérabilité laisse place à l’apparition de réactions physiques mineures (p.ex. les crampes et spasmes musculaires,

l’hyperventilation) qui peuvent déclencher des symptômes médicalement inexpliqués tels que les DTNC.

Hyperventilation. L’hyperventilation est un état dans lequel vous respirez trop rapidement ou en profondeur.Il n’est pas rare qu’un individu qui est en hyperventilation ne respire pas

correctement, c’est-à-dire qu’il respire davantage par la cage thoracique au lieu de respirer par le diaphragme. À force d’inspirer et d’expirer rapidement et fortement par la cage thoracique, les muscles de cette région (muscles intercostaux) peuvent être trop sollicités ou l’être inadéquatement, ce qui peut provoquer une sensation de douleur et même un spasme musculaire.

Crampes et spasmes musculaires. La crampe musculaire, tout comme le spasme

musculaire, est une contraction involontaire des fibres musculaires. La douleur provient de l'arrêt temporaire et inoffensif de la circulation sanguine dans le muscle pendant cette contraction anormale. On fait une différence entre la crampe et le spasme musculaire :

• La crampe est une contraction involontaire, douloureuse et de courte durée. • Le spasme est une crampe prolongée.

Les crampes et spasmes musculaires au niveau de la poitrine peuvent apparaître pour différentes raisons, en voici quelques-unes :

• Fatigue musculaire due à l'inactivité prolongée (par opposition à une inactivité de quelques jours).

• Mauvaises postures.

• Une sollicitation importante (p.ex. l’hyperventilation).

Les douleurs thoraciques de certaines personnes peuvent avoir ce type de

problèmes physiques comme origine. Par contre, ces causes ou mécanismes ne sont pas

120 Facteurs de maintien

Bien que les facteurs prédisposants et précipitants nous permettent de comprendre l’apparition et le développement des symptômes médicalement inexpliqués, ce sont les facteurs de maintien qui permettent de nous renseigner sur ce qui entretient les symptômes dans le temps et la raison pour laquelle ils se chronicisent.

1. Sensibilisation

La sensibilisation se traduit par une tendance à réagir de façon accrue à une sensation, après avoir déjà fait l’expérience de celle-ci. Elle aurait un rôle à jouer dans le maintien des symptômes médicalement inexpliqués. Dans un contexte de douleur, plusieurs changements de propriétés se produisent au niveau cellulaire à la suite d’une expérience de douleur. Ces

changements entraînent une diminution du seuil de stimulation nécessaire pour produire une réponse douloureuse, ce qui a pour effet de permettre à un stimulus normalement inoffensif de produire une réponse douloureuse. Ce processus mènerait ainsi à une diminution du seuil de perception de la douleur pouvant mener les individus à percevoir des sensations bénignes comme étant douloureuses, ce qui agit de façon à perpétuer l’expérience de la douleur chez les patients ayant des DTNC.

En résumé, c’est comme si chaque individu avait un «filtre perceptuel». Plus ce filtre est fin, moins les stimuli peuvent déclencher un signal de douleur. Le processus de sensibilisation a pour effet de rendre les trous du filtre plus larges et ainsi de laisser davantage de stimuli produire une réponse douloureuse. La perception de sensations de plus en plus bénignes amène ensuite les patients à être attentifs à davantage de stimuli, ce qui met de l’avant l’apport des processus attentionnels dans le maintien des symptômes médicalement inexpliqués.

2. Processus attentionnels

L’augmentation de ces expériences douloureuses entraîne les individus à être plus vigilants à leurs DTNC, contribuant ainsi au phénomène de sensibilisation, ce qui résulte en l’installation d’un cercle vicieux. On parle alors d’un biais attentionnel sélectif ou plus

communément l’hypervigilance, c’est-à-dire que l’attention est inconsciemment orientée, et ce de façon exagérée, sur les sensations ou symptômes physiques comme les DTNC. Cette

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bénins, ce qui contribuera par le fait même à amplifier la perception et l’intensité des symptômes, comme dans le cas des DTNC. L’hypervigilance influencerait donc la persistance des DTNC dans le temps via le phénomène de sensibilisation.

L’attention serait également reliée aux croyances face à la maladie. En ce sens, lorsqu’un individu attribue ses symptômes à un problème de santé grave, il aurait tendance à y être plus attentif. La nature des attributions faites par les individus jouerait un rôle important. En effet, les individus ayant tendance à attribuer leurs symptômes à des causes organiques (p.ex., DTNC = crise cardiaque) verraient leurs symptômes physiques augmenter et utiliseraient davantage les services de santé, comparativement à des individus attribuant leurs symptômes à des causes de nature psychologique.

3. Anxiété cardiaque

On remarque souvent la présence d’une forme d’anxiété qu’on appelle l’anxiété cardiaque chez plusieurs patients qui ont des DTNC. Elle se définit par la peur de sensations physiques liées au cœur et de leurs conséquences négatives potentielles. Les gens associent souvent les douleurs thoraciques à un infarctus. Lors d’un infarctus, le cœur manque d’oxygène et le principal symptôme consiste en une douleur intense et continue au centre de la poitrine. Ainsi, la présence de DTNC, malgré leur origine bénigne, peut générer de l’anxiété et faire craindre le pire aux patients qui en souffrent. Cette anxiété peut à son tour accentuer les symptômes en activant le système nerveux sympathique (SNS). Ce système est celui qui sert à mettre en alerte l’organisme et à le préparer à faire face à un danger, à faire de l’activité physique ou encore intellectuelle. Lorsqu’il est activé, le SNP entraîne plusieurs

changements dans l’organisme (dilatation des pupilles, des voies pulmonaires, accélération des battements cardiaques, etc.) qui provoquent des symptômes (palpitations cardiaques, souffle court, transpiration, douleur thoracique) pouvant également être perçus comme menaçants ou dangereux. La crainte et les symptômes sont ainsi maintenus. L’attention et l’interprétation des symptômes par l’individu jouent donc un rôle important dans la persistance des DTNC dans le temps.

Outre l’interprétation des symptômes, certaines croyances en lien avec la santé

contribueraient au maintien des symptômes. Par exemple, la croyance que la santé est synonyme de l’absence de symptômes peut entraîner l’individu à être hypervigilant et à interpréter de manière catastrophique/négative des sensations corporelles normales. La croyance selon laquelle

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l’activité physique est dangereuse pour les individus présentant des DTNC peut les amener à éviter les efforts physiques au quotidien, ce qui représente un autre facteur de maintien.

4. Évitement et changement dans les habitudes de vie

La façon de réagir à une maladie tout comme la maladie elle-même serait déterminante dans le maintien des symptômes. Ainsi, une partie de la douleur et des limitations fonctionnelles qui y sont associées seraient dues à des apprentissages inadéquats. En ressentant à répétition de la douleur lors de certaines tâches ménagère ou au cours de la pratique d’un sport, une

association se crée entre ces activités et la douleur, ce qui mène les patients à éviter de plus en plus ces activités. L’inactivité qui s’installe ainsi entraîne des conséquences négatives sur la

condition physique des patients et les mène à ressentir plus facilement des symptômes physiques, tels que les douleurs thoraciques, lorsqu’ils sont actifs. L’évitement comportemental prédirait aussi bien l’invalidité que la douleur en soit chez les patients atteints de douleurs chroniques. Afin de contrer les effets négatifs de l’inactivité, il est recommandé de modifier la façon de se

comporter en recommençant à être actif. Par exemple, les patients qui, suite à une maladie, effectueraient un retour graduel à leurs activités quotidiennes seraient moins susceptibles de développer de la douleur chronique que ceux demeurant au repos.

5. Incertitude

L’absence d’explication ou de diagnostic pour les douleurs thoraciques peut augmenter les inquiétudes face à celles-ci. Il peut alors être difficile de développer un certain sentiment de contrôle et de confiance par rapport aux DTNC. L’absence d’explication peut entretenir des attitudes et des croyances qui favorisent l’évitement et l’hypervigilance.