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Ce troisième chapitre sera l’occasion de revenir sur une sensation particulière : la douleur. Elle est singulière car elle est à la fois sensation mais aussi inductrice d’émotions.1 Présente à la marge et au centre, elle devient un élément indispensable à connaître pour comprendre comment l’adolescent se construit. Avant d’évoquer comment cette sensation alimente la forge identitaire, encore faut-il comprendre ce qu’elle est. C’est pourquoi, dans un premier temps nous expliquerons son fonctionnement. Nous partirons d’une description

« médicale » pour ensuite revenir sur ce qu’est la douleur et surtout sur ce qu’elle n’est pas.

Après avoir défini et compris les différentes modulations de la douleur, nous constaterons dans un deuxième temps, que celle-ci peut se révéler être utile, au-delà même du fait qu’elle soit une alarme pour le corps. Nous verrons, à travers divers exemples, l’utilité de la douleur, comment elle peut prendre une dimension sociale notamment, en réunissant ou unissant l’individu à soi mais aussi au collectif.

Enfin, nous profiterons d’un dernier temps pour comprendre comment une douleur choisie, et plus précisément dans la pratique sportive, peut être une sensation utile permettant la connaissance de soi. Nous aborderons ce dernier temps en deux phases : la première comme l’occasion de voir comment la douleur construit l’individu et la seconde pour repérer comment une douleur partagée peut construire et confirmer l’identité préétablie.

A. La douleur : ennemie ou alliée ?

Avant de questionner l’utilité de la douleur et son effet potentiel sur la quête identitaire, il est nécessaire de s’arrêter sur sa définition. La douleur est un message du corps pour le corps.

Elle est un « mécanisme biologique »2 de nociception. L’International Association for the Study of Pain (IASP) la définit comme « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, liée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle», mais la douleur est aussi un signal. Elle alerte l’organisme par l’intermédiaire de deux voies de transmission : les voies ascendantes et descendantes. Ces deux voies forment la nociception. D’après Jean Bruxelle, la

1 COSNIER Jacques, « Douleur, émotion et communication », Douleur et analgésie, n°1, mars 2003, pp. 23-28.

2 BRUXELLE Jean, « La douleur : aspect neurophysiologiques et neuropsychologiques », in VON KAENEL Jean-Marie (dir.), Souffrances. Corps et âme, épreuves partagées, Autrement, 1994, p. 19.

64 nociception correspond à « des stimulations qui ont en commun de menacer l’intégrité de l’organisme et de déclencher des réponses comportementales et réflexes variés (motrices et neurovégétatives) pouvant induire des sensations douloureuses »3. Prenons l’exemple d’une brûlure à la main pour comprendre ce phénomène : les capteurs sensitifs de la peau vont véhiculer un message ascendant vers le cortex cérébral en passant par la moëlle épinière.

Après traitement de l’information, la voie descendante informe de la nature de la douleur et engage le réflexe moteur de désengagement Ŕ exemple de la main sur la plaque de cuisine (Cf.

image 2). Ce réflexe de désengagement est effectué avant même le décodage de l’information par le cerveau. Cette anticipation se nomme l’arc réflexe ou formation réticulée, permettant à la main de ne pas rester sur la plaque chauffante.

Image 2 : Arc réflexe de la douleur

Source : Association internationale pour l’étude de la douleur.

Le fonctionnement nerveux de la douleur ayant été présenté, intéressons-nous aux

« attributs de la douleur »4, c'est-à-dire la manière dont le sujet peut parler de sa douleur afin de l’évaluer. Pour faire état des sensations et pouvoir quantifier la douleur, les médecins s’appuient en général sur le questionnaire de McGill.5 Ce questionnaire calcule un Indice d’Evaluation de la Douleur (IED) au travers de 20 sous-catégories comprenant différentes dimensions : sensorielle, affective… Le patient est amené, après la lecture des mots, à choisir

3 Ibid.

4 MELZACK Ronald & WALL Patrick, Le défi de la douleur, Paris, Vigot, 1989, p. 33.

5 Ibid.

65 ceux qui correspondent le plus à ses impressions du moment. Ensuite, en fonction des mots choisis, le médecin calcule un score de douleur. Ce questionnaire est un outil précieux pour parler de douleur avec les patients car il fait appel à un vocabulaire adapté pour l’évaluer.

Dans la partie sensorielle, pour définir sa douleur, le patient peut choisir des termes précis dans un glossaire comme « frisson », « piqûre » ou encore « démangeaison ». La partie affective fait plus appel à des termes sensibles comme « soulever le cœur », « déprimante »,

« affreuse ». Cette manière de dire sa douleur se retrouve également dans d’autres milieux, comme dans la pratique sportive. En effet, il n’est pas rare d’entendre les athlètes se dire entre eux à quel point leurs poumons brûlent ou que leurs trachées les démangent. Ainsi, dire sa douleur ne serait pas seulement réservé à son médecin, mais aussi à celui qui l’expérimente avec soi. Dans tous les cas, cette estimation de la douleur n’est pas simple car différentes formes existent : la « douleur aigüe », la « douleur transitoire » et la « douleur chronique » Ŕ inflammatoire, neuropathique ou cancéreuse (Cf. tableau 2, p. 65).6

Tableau 2 : Les différents types de douleurs

Types de douleur Définition

AIGÜE

Douleur intense et souvent brève. Elle alerte l’organisme afin qu’il se protège mécaniquement, chimiquement ou thermiquement.

TRANSITOIRE

Douleur de courte durée ne retenant qu’une brève attention.

Les dommages sont peu réels et ne s’accompagnent pas

Inflammatoire : elle recouvre toutes les douleurs associées aux phénomènes d’inflammation : lésions, arthrose…

Neuropathique : elle est associée à des atteintes du système nerveux central périphérique : lésion de la moelle épinière, du nerf sciatique…

Cancereuse : elle est souvent associée à une composante inflammatoire et neuropathique. Paradoxalement, certains traitements anti-tumoraux peuvent également provoquer des neuropathies périphériques.

6Ibid, p. 31.

66 Ces différents types de douleur provoquent de nombreux troubles aux répercussions diverses. La douleur est multidimensionnelle. Elle impacte le corps, l’esprit et le social.7 Connaître les différentes dimensions, c’est comprendre que toute douleur n’est pas bonne à subir.

Pourtant, il y a des douleurs qui ne s’abattent pas sur l’individu comme s’écrasent parfois les douleurs d’une blessure ou d’une maladie. Lorsque la douleur est choisie, elle n’atteint pas de la même manière son porteur. C’est pour cela que ce travail de recherche va seulement tenir compte d’une douleur considérée comme choisie.8 Cette douleur est intéressante car elle est le fruit d’une acceptation anticipée et conscientisée, et peut parfois être naturellement générée comme c’est le cas dans la pratique physique et sportive. Il est également important de préciser que cette douleur n’est pas une voie vers la souffrance. Elle possède une

« signification » et une « valeur » supplémentaire.9 Douleur et souffrance sont donc à distinguer, notamment quand il s’agit de douleur choisie.

Dans ce processus de différenciation, Paul Ricœur pense la souffrance comme l’ensemble

« des affects ouverts sur la réflexivité, le langage, le rapport à soi, le rapport à autrui, le rapport au sens, au questionnement » et la douleur comme étant un ressenti « localisé dans des organes particuliers du corps ou dans le corps tout entier »10. Ces deux termes ne signifient donc pas la même chose. Dans cette description, la douleur évoque une « entaille physique » et la souffrance une « entaille psychique ». Cependant, cette distinction reste trop sommaire ; d’aucuns diront que certaines souffrances sont physiques, comme le mal de dos lancinant, et d’autres sont mentales, comme la douleur d’un deuil, et ils auraient raison. Il y aurait donc l’existence des deux versants pour l’une et l’autre et cela complexifie sa compréhension.

Il est donc nécessaire d’aller plus loin dans leur différenciation. On peut expliquer l’extension de l’une vers l’autre car elles sont liées tout en étant distinctes. En effet, pour admettre l’existence d’une douleur psychique ou mentale, il faut remonter à la source de la souffrance. Par exemple, en reprenant le cas du deuil, la langue française admet l’existence de l’expression « porter la douleur d’un deuil ». Néanmoins en l’état, il s’agit avant tout d’une entaille psychique due à un affect négatif. Il n’y a pas pour autant de brèche physique sur celui qui porte un deuil. Toutefois, cet affect négatif peut, par l’action de l’esprit, impacter le

7 VERSPIEREN Patrick, « Médecine et soulagement de la souffrance humaine », Laval Théologique et Philosophique, vol.54, n°1, février 1998, p. 23-39.

8 La douleur choisie n’étant pas parmi les données de l’INSERM, elle ne figure pas dans le tableau, mais se trouve discutée à sa suite.

9LE BRETON David, Tenir. Douleur chronique et réinvention de soi, Paris, Métailié, 2017, p. 31.

10 RICŒUR Paul, « La souffrance n’est pas douleur », in VON KAENEL Jean-Marie (dir.), Souffrances. Corps et âme, épreuves partagées, Autrement, 1994, p. 59.

67 corps. En d’autres termes : somatiser une douleur. Dans ce cas, le corps devient le marqueur d’une transformation de la souffrance en douleur, c'est-à-dire que l’esprit essaye par l’intermédiaire du corps de créer un trouble en surface.11 Il est souvent évoqué le mal au cœur face à la perte d’un proche. Cette apparition de douleur-souffrance est effective devant l’incapacité à contrôler ladite souffrance psychique. Pour l’esprit, il semble plus aisé de contrôler une douleur Ŕ auto-créée Ŕ car celle-ci est nerveusement localisable. Ainsi, elle dissipe l’espace d’un instant une souffrance incommensurable, comme celle liée à la perte d’un proche, en créant quelque chose de palpable en surface. En effet, cette création de fausse douleur permet, lorsque tout semble défaillir, de remettre d’aplomb l’individu. Cependant, l’origine de cette douleur, presque fictive, est bel et bien au départ la sensation de souffrance :

« Où à un moment donné, les défenses psychologiques du malade ne lui permettent pas d’entrer en contact avec les problématiques ou conflits psychiques qui l’habitent et le font souffrir. Cette réalité de son monde interne trouve donc d’autres moyens de s’exprimer. Ainsi la douleur vient soulager la souffrance en lui permettant de s’exprimer »12 par corps.

D’un autre côté, la douleur peut aussi devenir une souffrance quand elle se prolonge. Par exemple, une sciatique, un cancer entrainent des douleurs. Ces attaques corporelles condamnent le corps à la souffrance. Donc, la souffrance, dans sa relation avec la douleur, est issue de sa permanence et de sa fréquence. A ce stade, il faut parler de douleur subie s’ancrant psychiquement et accompagnant l’individu dans son quotidien. D’ailleurs, parfois sa constance est si forte que le patient pense et imagine sans cesse sa douleur. Elle ne le quitte jamais, même lorsqu’elle est provisoirement absente et le fait d’imaginer ou d’anticiper son mal, c’est effectuer un travail mental. L’esprit rentre alors dans l’équation de la douleur et laisse apparaitre la dimension psychique de la souffrance. Ainsi, dans les cas les plus extrêmes, la douleur se fait parfois attendre et on s’étonne même de son absence. Dans ce cas, comment différencier douleur et souffrance ?

Le terme de souffrance concernerait les affects, c'est-à-dire tout ce qui serait lié à l’humeur.13 De fait, les états affectifs tels que la dépression, la panique sont à considérer comme des bouffées négatives envahissant irrémédiablement l’individu dans son esprit. A la différence de l’affect, la douleur est stimulée par l’influx nerveux et devient donc localisable sur le corps, tel un point sur une carte. Par conséquent, ce qui est au fondement de leur différence se voit renforcé. La dimension physique de la douleur se prouve par sa localisation

11 SEYDOUX Guillaume, « De la distinction consacrée entre douleur "physique" et douleur "morale" », Le Portique¸ n°2, 2004, [en ligne], https://journals.openedition.org/leportique/464.

12FERRAGUT Eliane, Le corps dans la prise en charge psychosomatique, Paris, Masson, 2003, p. 159.

13RIME Bernard, Le partage social des émotions, Paris, PUF, 2005.

68 et la dimension psychique de la souffrance par sa mise en pensée. De même, les mots employés ont du sens pour les distinguer. En effet, pour indiquer une souffrance, on dit « je suis mal ». Cela évoque un état à porter, un lourd fardeau Ŕ un affect. Alors que pour la douleur, la langue française emploie « j’ai mal » et cela indique davantage une relation entre deux objets. Dès lors, si on dit « j’ai mal », on peut revenir sur l’idée de cartographie de la douleur, on sent où se situe le mal. Alors que lorsqu’on dit « je suis mal », l’état semble plus généralisé. Il irradie complètement l’individu sans précision du mal. De plus, la notion transitive et intransitive des auxiliaires employés dans cette distinction est importante. Le verbe avoir indique la possibilité de visualiser la sentence, notamment sur « une carte corporelle »14, tandis que le verbe être indique un état généralisé : « Je suis ». Cette formule vient désigner tout l’être sans distinction. Par conséquent, l’individu se retrouve totalement affecté par le sentiment de souffrance alors que la douleur peut ne concerner qu’une partie corporelle de l’individu.

Autre point de distinction, le fait de pouvoir localiser et objectiver la douleur l’entraine dans une autre dimension où la souffrance ne pourrait naviguer. En effet, la douleur est, selon Jean Marie Von Kaenel, objectivable et localisable, à la différence de la souffrance qui est subjective car liée à la psyché et à l’émotion. Toutefois, Jean Marie Von Kaenel précise que si l’émotion est seulement pensée comme émanant de la souffrance, par un jeu de « partage des compétences expertes, et souvent autarciques, des disciplines […] il semble acquis qu’il est peu d’affections psychologiques ou morales qui ne laissent des traces dans le corps »15. Par conséquent, l’émotion, quand elle n’est pas encartée par un savoir, peut être liée à une douleur et être portée sur le corps. C’est d’ailleurs le cas lorsque je grimace ou fronce les sourcils de douleur et que j’émets un son. Autrui perçoit ma détresse, contrairement à la souffrance qui elle peut rester muette. La souffrance, en plus de ne pas créer de connexion, est aussi un piège pour l’individu. En effet, « la souffrance efface la frontière entre l’intérieur et l’extérieur qui permet à l’homme de jouir de son existence »16. Cette sensation efface l’individu dans son rapport au monde. Elle le dilue jusqu’à le faire disparaître. Ce chemin menant l’Homme à la disparition renforce l’intérêt de parler seulement de douleur car elle connecte les individus.

Cette particularité de la douleur fait d’elle « l’expérience la mieux partagée avec celle de la mort »17. Et c’est de cette expérience dans le sport dont nous allons parler.

14FOUCAULT Michel, Le corps utopique – les hétérotopies, Paris, Lignes, 2009.

15 KAENEL VON Jean-Marie, « Editorial », in VON KAENEL Jean-Marie (dir.), Souffrances. Corps et âme, épreuves partagées, Autrement, 1994, p. 13.

16 LE BRETON David, Expérience de la douleur. Entre destruction et renaissance, Paris, Métailié, 2010, p. 33.

17 LE BRETON David, Anthropologie de la douleur, Paris, Métailié, 1995, p. 15.

69 B. Une douleur utile

Précédemment, la douleur a été définie comme étant un message du corps pour le corps, utile pour le bon fonctionnement de l’organisme.

Notre intérêt se porte sur la douleur choisie, la même qui est présente dans la pratique sportive ou lors des scarifications. C'est-à-dire la douleur que l’individu va sciemment s’infliger, peu importe l’espace.

Avant d’en étudier le sens, arrêtons-nous un instant sur l’utilité de la douleur, notion pouvant être difficile à comprendre du fait d’un passé chargé d’idées-reçues. La douleur hérite d’une perception ne lui permettant pas toujours d’être acceptée. C’est d’ailleurs pour cela que les adultes s’inquiètent lorsque les adolescents se font mal volontairement, en dehors du sport.

Cette conception de l’inacceptable douleur par la médecine apparait au XVIIème siècle.18 A bien des occasions, la douleur était considérée comme un châtiment divin ou comme l’apparition du démon dans les sociétés primitives.19 Pour ainsi dire, elle n’était en rien considérée comme utile. Néanmoins, avec l’apparition et l’amélioration de la médecine, au siècle des lumières, la douleur a commencé à être nécessaire pour éclairer les diagnostics.

Donc peu à peu, elle n’a plus été perçue comme un châtiment mais comme un message du corps. D’ailleurs pour le médecin, elle était un signal permettant de détecter et de connaitre l’état du patient. Si on perçoit la douleur seulement dans sa dimension biologique, il est plus évident dans un premier temps de voir son utilité pour le personnel médical qui a besoin de cette sensation pour savoir où le patient a mal que pour le patient lui-même. Pourtant, la douleur reste, en bien des aspects, indispensable pour l’individu. Bien qu’elle soit non enviable ou souhaitable, la douleur est une alarme permettant d’avertir l’individu d’un désordre contre lequel il doit agir Ŕ maladie, infection... L’utilité de ce type de douleurs réside dans le fait qu’elle prévient d’un mal pouvant péricliter. Si elle n’est pas utile pour la connaissance de soi, elle alerte et permet tout de même au médecin de poser son diagnostic.

Dans les conduites à risque effectuées à la marge, la douleur éprouvée par les adolescents est différente. Elle est utile car elle leur permet de se marquer, de se référencer et de se rapprocher de soi et d’autrui.20 En l’éprouvant, ils opèrent une reprise de contrôle de leur corps. Ce type de marquage corporel, par la douleur, est de plus en plus répandu chez les

18 REY Roselyne, Histoire de la douleur, Paris, La découverte, 1993.

19LE BRETON David, Op. cit., 2012, pp. 81-83.

20HAZA Marion, « A fleur de peau, ou le marquage du corps à l’adolescence », Éduquer, n°2, octobre 2008, [en ligne], https://journals.openedition.org/rechercheseducations/291.

70 adolescents et les jeunes de manière générale.21 Ce n’est pas le signe d’une folie ou d’une adolescence en perdition, mais plutôt le signe d’une recherche parfois maladroite d’individuation.22 Durant la période de remaniements qu’est l’adolescence, passer par la douleur est un chemin possible car cette sensation donne l’impression à l’adolescent de se libérer de ses angoisses. Il reprend le dessus sur un corps qu’il a du mal à reconnaître. La douleur est donc éprouvée à des fins identitaires.23 Elle peut être auto-infligée par l’individu ou infligée par d’autres lors de rites initiatiques Ŕ moments où les adolescents étaient soumis par leurs ainés à des épreuves longues et douloureuses.24 Si la douleur est en ces lieux un outil du rite, c’est bien qu’elle a une utilité.

D’ailleurs sans elle, nous pourrions par exemple mourir d’une simple appendicite ou d’une infection quelconque comme c’est le cas pour les personnes atteintes d’Insensibilité Congénitale à la Douleur (ICD)25. Ces personnes ne s’aperçoivent de rien, « elles se mordent […], se transpercent […], se brulent […], s’écorchent »26 sans même avoir conscience des dommages. Par exemple, une simple infection due à une chute peut entrainer une réaction en chaine de l’organisme amenant à une surinfection provoquant une septicémie. Le cerveau, ne recevant pas d’information sur le désordre organique en cours, ne peut pas actionner ses leviers de défense, comme par exemple augmenter sa température corporelle en cas d’infection. Par conséquent, la dégénérescence d’une simple blessure mal soignée ou même d’une appendicite qui dégénère peut amener à la mort. En conséquence, le manque de réponse au stimulus nociceptif est un réel danger pour ces personnes et là encore la douleur prouve son utilité. Elle est donc profitable quand elle fonctionne comme une sentinelle, une veille permettant d’éviter de se blesser sans cesse.27 Par contre, elle ne l’est pas quand elle devient permanente car dans ce cas de figure elle ne posséderait plus que sa « fonction pathique »28. Elle deviendrait alors souffrance.

Outre le fait d’être utile et essentielle aux défenses de l’organisme, la douleur éduque

Outre le fait d’être utile et essentielle aux défenses de l’organisme, la douleur éduque