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Se connecter – par la douleur – avec soi et autrui à l'entrainement : Résultats et analyses

analyses et discussion

CHAPITRE 1. Se connecter – par la douleur – avec soi et autrui à l'entrainement : Résultats et analyses

La douleur est une expérience subjective se portant objectivement aux regards des autres.

Elle se vit de manière personnelle et intime mais en s’inscrivant sur les corps, par des grimaces notamment, elle devient accessible à tous ceux qui la regardent. En devenant visible, mais aussi parce qu’elle est attendue dans la pratique sportive, la douleur devient le témoin d’une même appartenance, d’un même vécu, d’un même groupe. Si bien qu’en se vivant de manière intime et en se livrant aux autres, la douleur construit et renforce l’identité, c’est en tout cas nos deux hypothèses.

Dans ce chapitre, nous présenterons des résultats et des analyses permettant de mettre à l’épreuve ces hypothèses. Dans un premier temps, l’idée d’une douleur donnant lieu à la construction de soi sera traitée. Pour ce faire, les résultats des observations, des questionnaires et des entretiens seront présentés dans cet ordre, celui-ci correspondant au processus de recherche mais aussi parce qu’en passant d’une technique à une autre les réponses se confirment et se renforcent. Ensuite, dans un deuxième temps, les résultats concernant la dimension collective et interactive de l’identité seront présentés. De la même manière que dans la section traitant de la douleur pour soi, l’ordre des résultats sera celui du processus de recherche pour les même raisons évoquées précédemment.

Les analyses, suivant les résultats de chaque méthode, feront le lien entre les pratiques en marge et au centre. L’objectif sera de vérifier que le corps vécu intensément, peu importe où il se met à l’épreuve, est une manière pour l’adolescent de se construire et de s’inscrire dans le monde en tant qu’individu.

168 A. Une douleur pour soi

Les résultats de cette sous-partie suivent l’ordre des techniques d’enquête comme expliqué auparavant. Successivement, les résultats des observations, des questionnaires et des entretiens seront suivis d’une première analyse permettant par la suite, dans le chapitre 2, de former un terrain de discussion. Il y aura donc une montée en puissance progressive des éléments de recherche et des analyses dans cette section.

i. Voir et entendre la douleur sur le terrain

o 29 janvier 2014 Ŕ 15h30-17h30. Club 1 (C)1 ; Lieu d’entrainement : Salle et terrain extérieur. Groupe de 21 athlètes : 11 filles, 10 garçons. Groupe de benjamins & cadets (12-17 ans).

Tout au long de cette partie, Les résultats des observations sont présentés de la manière suivante : contextualisation (date, heure, lieu, composition du groupe), description d’un exercice et de ses éléments observés.

Lors de cet entrainement, un exercice de fractionné, appelé le « 30"30" », a particulièrement retenu mon attention. Cet atelier avait pour but de maintenir les athlètes à une consommation d’oxygène maximale le plus longtemps possible. Dans la pratique, il fallait enchainer des périodes de 30 secondes de course à 105 % de VMA et 30 secondes de course lente. Le « 30"30" » s’organisait en deux séries de 8 courses rapides et 8 courses lentes avec 1 minute et 30 secondes de récupération entre les deux séries.

Lors de cet exercice, différentes paroles ont dévoilé la présence de douleur. Le « 30"30" » fait entrer l’athlète en l’anaérobie lactique. Dans cette voie métabolique, dès qu’un travail athlétique dépasse 10 à 15 secondes les muscles se remplissent de glycose et cette accumulation aboutie à la production d’acide lactique et de douleur. Egalement, dans l’apparition de cette sensation la répétition de cet exercice va créer une accumulation en ion H+ provoquant une augmentation de l’acidité des muscles.

Le « 30"30" » a beau être apprécié par les athlètes, il n’en reste pas moins un moment

1 Le (C) renvoie au club précédemment présenté dans la partie II. Ce club a connu les observations, le questionnaire et les entretiens.

169 redouté tant celui-ci est difficile physiquement. Pour preuve, dès l’annonce de l’activité, un athlète dit de l’entraineur qu’il « a toujours des idées farfelues ». Suite à ces paroles, un autre fait part de son appréhension à l’entraineur : « C’est stressant ton truc ! Je vais encore avoir mal ». Mais une fois ces craintes passées, l’exercice a fini par démarrer. Durant l’enchainement des courses, j’ai pu entendre, en étant à côté de l’atelier, un athlète dire :

« Putain j’ai mal. Ca me saoule ». Lors des phases plus intenses, comme lors des accélérations, des « aïe » se sont fait entendre, surtout vers la fin de l’exercice. Mais globalement, les manifestations de douleur prenaient la forme d’onomatopée : « Pff »,

« Wow », « Olalala », « Fschhh ».

o 13 février 2014 Ŕ 18h-20h. Club 2 (D)2 ; Lieu d’entrainement : Terrain extérieur.

Groupe de 22 athlètes : 12 filles, 10 garçons. Groupe de minimes & cadets, (15-17 ans).

Dans un autre club, les sprints étaient travaillés. Le but était d’effectuer une série de 10x100 mètres, sans starting-block, à pleine vitesse avec 3 minutes de repos entre chaque. Au fur et à mesure des départs, certains visages d’athlètes rougissaient, tandis que d’autres blanchissaient. Ces figures pâles et écarlates affichaient également des grimaces et les athlètes étaient globalement en recherche de leur souffle et se pliant en deux à chaque arrivée. Une fois l’exercice terminé, les onomatopées laissaient place à davantage de paroles laissant comprendre leur condition physique : « J’en peux plus » lançait un premier athlète à qui voulait l’entendre ; un second exprimait sa douleur par un « Putain, ça fait mal ».

D’autres ressentis se ponctuaient plus simplement par des « aïe ! » notamment quand les athlètes s’étiraient machinalement après les exercices. Le plus marquant dans cet atelier n’était pas les paroles. D’ailleurs ce jour-là, les mots n’étaient pas abondants. Les figures des adolescents ont pris le relai en matière d’éléments observables de l’expérience de la douleur et même si la douleur reste subjective, ces grimaces laissaient imaginer un vécu particulièrement douloureux. Plus les athlètes avançaient dans leur série, plus ils semblaient en difficulté car leurs grimaces s’entrecoupaient de fortes respirations. Les temps de repos n’étaient plus respectés et les athlètes n’étaient pas toujours prêts à repartir au bout des 3 minutes dédiées au repos. La sudation était de plus en plus importante et ils étaient tous proche de l’écroulement au coup de sifflet. Certains ont d’ailleurs eu besoin de s’asseoir plutôt que d’effectuer la

2 Le (D) renvoie au club précédemment présenté dans la partie II. Ce club a connu les observations, le questionnaire et les entretiens.

170 récupération en marchant comme demandé par l’entraineur.

Au niveau métabolique, plus on avance dans le temps plus les athlètes accumulent de l’acide lactique et des ions H+. Bien qu’il existe un temps de récupération entre chaque série, le système d’anaérobie lactique prend peu à peu le dessus sur la filière d’anaérobie alactique.

Ce relai vers un autre système crée des déchets et des douleurs chez l’athlète et provoque des douleurs chez l’athlète.

o 19 février 2014 Ŕ 15h30-17h30. Club 1 (C) ; Lieu d’entrainement : Salle et terrain extérieur. Groupe de 19 athlètes : 9 filles, 10 garçons. Groupe de benjamins &

cadets, (12-17 ans).

Dans un autre exercice connu sous le nom de « diagonales », les athlètes étaient amenés à sprinter sur 20 mètres d’un point A à un point B (Cf. schéma 1) et à récupérer en trottinant en revenant au point de départ par les côtés. Ce jour-là, ce circuit était à faire par trois séries de 15 diagonales.

Schéma 1 : Exercice des diagonales

Cet exercice, comme les autres, a fait place à l’expression de mimiques et de grimaces plus qu’à de la verbalisation. Cependant, à la fin de l’activité, on pouvait entendre des paroles.

Par exemple, un athlète a ponctué sa dernière diagonale en évoquant un certain épuisement :

« Ah la vache… ». Dans le même registre, un partenaire lança, entre deux souffles : « C’est dur ». Un autre, un peu plus loin, faisait état de son expérience en disant, sans destinataire

PLOT A ­ DEPART 

PLOT B ­ ARRIVEE 

171 précis, que l’exercice l’avait touché physiquement : « ça pique ». Enfin, une autre athlète annonçait être dans un état inorganique puisqu’elle disait, par abus de langage, être décédée :

« je suis morte ». Pour le reste des observations sur cet exercice, les mêmes onomatopées,(

« Pff », « Wow », « Olalala », « Fschhh »), ont été entendues.

o 20 février 2014 Ŕ 18h-20h. Club 3 ; Terrain Extérieur. Groupe de 8 athlètes : 5 filles, 3 garçons. Groupe de minimes (15 ans).

Lors d’une séance d’entrainement au 400 mètres, le coach a donné un exercice du type3 : deux séries de 5x200 mètres à 100 % de VMA avec 50 secondes de récupération entre chaque départ et 2 minutes entre les deux séries. Dès la première série, les onomatopées ont été nombreuses : « Pff », « Wow », « Olalala ». Les athlètes semblaient ne pas vouloir s’économiser au regard de l’intensité de la première course. Après la récupération, les visages n’ont d’ailleurs pas perdu leur rougeur apparue lors de la première série. Ce jour-là, les athlètes ont marqué une fatigue assez rapidement en affichant de nombreuses grimaces et en effectuant de nombreux râles. Pourtant, cet atelier avait eu lieu en début de séance.

Dans cet exercice, le témoin le plus évident de la présence de douleur était encore une fois les visages. Ce dernier est entre athlètes une grille de lecture importante. Elle permet de voir que tout comme soi les autres font l’expérience de la douleur. Ces interactions entre athlète ne se sont pas arrêtées là, il y a eu aussi des paroles destinée à faire part de ses sensations. Le contenu de ces échanges, qui laissent entrevoir une certaine envie de partage immédiatement après l’effort, seront abordés plus en détail dans la section concernant la douleur et le groupe.

Pour la plupart des athlètes observés, les seules paroles ou sons entendus dans l’activité étaient encore une fois plus de l’ordre des onomatopées que de phrases toutes construites.

D’ailleurs, certains n’émettaient pas de sons mais seulement un souffle court et saccadé ou un râle évoquant le vécu douloureux entre chaque phase d’exercices et plus intensément encore lors des repos. Pour ceux n’émettant pratiquement pas de son, les visages ont rajouté une donnée observable pour indiquer la présence de douleur. En effet, les différents faciès étaient rougis, mais aussi parfois blanchis. Cette pâleur est le signe d’une grande dépense énergétique et aussi parfois un symptôme annonçant l’arrivée possible du malaise vagal. D’ailleurs à ce

3 Pendant les observations, je ne possède pas de plan d’entrainement, je n’ai donc pas le détail précis de la séance. Je ne connais pas toujours l’intensité ou encore les temps des phases de récupération. Dans cet exercice, il s’agit de départ sur 200 mètres à allure maximale de leur capacité aérobie.

172 Rose a 15 ans. Elle vient du club D. Elle pratique depuis 7 ans l’athlétisme. Avant, elle pratiquait de la gymnastique et de la natation. Elle a choisi l’athlétisme suite à une sortie course avec sa cousine. Cette dernière lui a conseillée d’en faire et elle l’a écoutée. Rose préfère les sprints avec des haies. Son expérience en compétition est plutôt positive et elle semble apprécier l’exercice. L’athlétisme est pour elle une lutte personnelle. Elle cherche à endurer des choses, à se dépasser et aller au bout d’elle-même. Son entraineur est très important puisque selon elle, il fait presque partie de sa famille.

propos, une athlète interrogée, Rose, m’a confié lors des entretiens être souvent victime de malaises pendant l’entrainement.

Vignette présentation athlète : Rose. Entretien n°3, p.31.

Rose indique à propos de ses malaises : « Mais moi je sais pas pourquoi et ça m’arrive de plus en plus souvent de faire des malaises [à l’entrainement] » (Cf. entretien n°3, p. 35). Ce n’est pas donc pas étonnant de voir quelques athlètes pâles puisque certains vont même jusqu’à l’étourdissement.

Toujours à propos des visages, la photo 1 (Cf. photo 1, p. 173) représente parfaitement ce qui a été observé sur le terrain en matière de vécu. Concernant cette photo, il est important de préciser que ce cliché n’est pas issu des observations mais provient d’une proposition faite aux athlètes, à la suite des entretiens, de prendre quelques clichés représentant le mieux la nature d’un entrainement selon eux.4 Lorsque les photos ont été collectées, ce cliché m’a parfaitement rappelé les mimiques observées à la fin des exercices d’entrainement. Il a donc semblé pertinent d’en apporter une représentation visuelle afin de se rendre compte de la manière dont la douleur s’inscrit et se lit sur les visages.

4 Ces clichés devaient à la base servir à faire des entretiens d’explicitation. Mais le projet a été abandonné suite au retour des athlètes. Bien que volontaire, ils m’ont évoqué leurs difficultés de courir avec leur portable pour prendre une photo. Seulement 13 photos ont été récupérées. Même si les entretiens d’explicitation n’ont pas eu lieu, une image a été gardée car elle reflétait la nature des observations. Les autres photos ne seront pas exposées de la même manière car peu pertinentes vis-à-vis de la douleur et des observations.

173 Photo 1 : Athlète après un entrainement à la course à pied

Ce cliché présente un visage fermé, crispé, mais aussi un corps fatigué avec une main posée sur le ventre, adossé contre une barrière pour ne pas s’effondrer. Cette photo inspire dans un premier temps l’épuisement sans être directement lié à la douleur. Toutefois en regardant le visage de l’athlète, on perçoit les signes d’une expérience de la douleur : traits tirés, yeux fermés, bouche semi-ouverte, tête penchée. Procéder à une lecture des visages pour évaluer une douleur n’est pas inédit. Le milieu médical fonctionne de la même manière pour accéder au stade de douleur des plus jeunes. Chez l’enfant, où la capacité d’analyse des sensations sur une échelle de 0 à 10 est moins certaine, il existe des outils plus adéquats pour la graduer (Cf. image 1).

Image 1 : Echelle de la douleur

Source : INSERM.

174 Le personnel soignant, en proposant une base de visages, avec et sans douleur, fait appel à une projection des enfants. Avec ce support, ils peuvent extérioriser des sensations n’ayant parfois pas encore de mots ou d’échelle. Dans cette frise de visages, de gauche à droite, les faciès passent d’une condition générale plutôt favorable à un état de plus en plus insupportable. Le zoom fait sur le visage de l’athlète présentant des yeux fermés, une bouche haletante, une tête penchée maintenue par la grille évoque certains visages illustrant l’échelle de la douleur (Cf. photo 1, p. 173). Il faut également rajouter à ces faciès les rougeurs, voire au contraire la blancheur, afin d’approcher au mieux les observations faites sur le terrain. Ces deux pigments représentent un individu subissant les effets d’un effort poussé à son paroxysme Ŕ rougeur Ŕ et l’état proche du malaise Ŕ blancheur. Par conséquent, il est facilement acceptable, notamment à la vue de la physiologie et de la mécanique de course expliquée en amont, de considérer que les observations relatées font état d’une expérience de la douleur.

Ces observations répétées peuvent étonner car les ressentis douloureux sont, en dehors de la sphère sportive, mis à la marge et considérés comme déviants lorsqu’ils sont appréciés. Par exemple, le masochisme, consistant à apprécier la douleur dans l’acte sexuel, est considéré comme une pratique déviante.5 Ce genre de comportement quand il est révélé, menace l’équilibre du groupe car ces manières d’agir ne sont pas considérées « comme souhaitables et/ou acceptables dans une unité sociale donnée »6. Pourtant, à aucun moment les observations de douleurs effectuées n’ont choqué ou dérangé les acteurs extérieurs, comme les parents, présents à l’entrainement. Ce traitement réservé à la douleur est dans le monde sportif singulier car partout ailleurs elle est refusée. Rappelons que ce rejet de la douleur est dû au fait que pendant un temps, elle était regardée comme un châtiment divin venant punir les humains pour leur acte dans le jardin d’Eden.7 Suite à cela, dès que la douleur apparaissait pour l’individu, elle venait témoigner du péché de l’Homme. Aujourd’hui, la douleur n’est pas plus acceptée qu’hier, elle est seulement différemment considérée. Elle reste refusée, non plus seulement par conviction religieuse, mais parce qu’elle entame tout l’être au point de se transformer en souffrance. C’est pourquoi la médecine cherche à l’atténuer car il est insoutenable pour l’Homme de devoir y faire face. La vente d’antalgiques en France, qui est

5 BONNET Gérard, Les perversions sexuelles, Paris, PUF, 2011.

6 CHEKROUN Peggy & BRAUER Markus, « Contrôle social et effet spectateur : l'impact de l'implication personnelle », L'année psychologique, vol.104, n°1, 2004, p. 84.

7 LE BRETON David, Anthropologie de la douleur, Paris, Métailié, 1995.

175 l’une des plus élevées d’Europe, le prouve.8 En effet, dans les moments difficiles, voire de dépression, la douleur et le corps sont en général anesthésiés. Pourtant dans les observations, les athlètes, bien que vivant une forme de moment insoutenable, ne paraissaient pas choqués au point de ne plus revenir. Bien au contraire, ils étaient au rendez-vous à chaque entrainement. Qui plus est, certains semblaient même venir chercher cette douleur. Par exemple, lors d’une discussion avec un coach tentant de mieux appréhender les raisons de ma présence en tant qu’observateur, celui-ci m’a expliqué que si ses athlètes étaient là, c’était pour se donner : « ils sont là, ils en veulent ». A la suite de cette phrase, il a interpellé l’un d’entre eux en lui demandant « Toi, pourquoi tu viens ? Pourquoi tu es là le mercredi ? ». Le jeune pratiquant a répondu « Je viens ici pour me défoncer. La journée je m’ennuie trop au collège. ». Si le jeune prétend venir ici pour « se défoncer », il n’indique pas directement qu’il vient se faire mal. Toutefois, sa logique de défonce est physique, elle n’est pas anesthésiante et non douloureuse comme pourrait l’être une prise de produit cannabique par exemple. Elle va au contraire solliciter le corps et induire un passage obligé par la douleur car se défoncer revient à s’abîmer en profondeur. Cependant, l’intoxication pourrait-on dire de cet athlète n’est qu’une étape préliminaire à sa construction. Ce prélude n’est pas sans rappeler une pratique liée à l’expérimentation de douleur à la marge : les scarifications. Néanmoins, la similitude s’arrête là car au contraire de la défonce sportive, ce type de pratique marginale est entendue comme une « déviance sociale »9. Nonobstant, placer cette pratique à la marge ou au centre ne change rien, cette intoxication reste une manière de se construire à l’adolescence.

En effet, en repartant de l’origine du mot, la défonce est dans le milieu agricole une action consistant à labourer et ouvrir des sillons, afin d’ameublir la terre dans le but de préparer sa prochaine culture, quitte à parfois la remuer en profondeur. Cette étape permet la croissance de jeunes pousses en aérant au maximum la culture pour la débarrasser de toute impureté. En comparaison, les scarifications sont aussi des entailles visant à façonner l’adolescent. Ces incisions ont pour but de préparer et de façonner l’adolescent à sa prochaine mue. Elles sont un acte de rupture visant l’expulsion douloureuse de soi pour advenir.10 Dans le cas de l’athlète venu « se défoncer », il indique son besoin de défonce face à l’ennui. Il aurait très bien pu tomber dans une défonce illicite, mais semble avoir choisi la voie physique, autorisée et dans un espace précis. Cette technique lui permet-elle de se remuer en profondeur, comme

8 Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé, www.ansm.sante.fr.

9 SELLAMI Meryem, « Scarifications et statut du corps chez les adolescents tunisiens », Corps, vol.7, n°2, 2009, p. 106.

10 LE BRETON David, « Scarifications adolescentes », Enfances & Psy, vol.32, n°3, 2006, pp. 45-57.

176 Alexis a 15 ans. Il vient du club D. Il a 3 ans d’expérience dans la pratique. Il a fait du basket, du tennis, de l’escrime et puis du volley avant de commencer l’athlétisme.

C’est suite aux conseils de son père qu’il s’est inscrit. Il apprécie les longues

C’est suite aux conseils de son père qu’il s’est inscrit. Il apprécie les longues