EXERCICE 5.5 Soit X ≥ 0 une variable al´eatoire `a densit´e, et g une fonction positive croissante de classeC1, telle queg(0) = 0. Montrer que
E(g(X)) = Z +∞
0
g0(t)P(X > t)dt.
On pourra en particulier voir ce que devient cette formule dans le cas o`ug(x) =x.
EXERCICE 5.6 1) Un poste `a incendie doit ˆetre install´e le long d’une route fo-resti`ere de longueurA, A <∞.
Si les incendies se d´eclarent en des points uniform´ement r´epartis sur (0, A), ou doit-on placer ce poste de fa¸con `a minimiser l’esp´erance de la distance entre le poste et l’incendie ?
2) Supposons que la route soit infiniment longue, s’´etendant de 0 `a l’infini. Si la dis-tance entre un incendie et l’origine est exponentiellement distribu´ee avec un param`etre λ, o`u doit-on alors installer le poste `a incendie ?
5.6 – Exercices sur le chapitre5 115
EXERCICE 5.7 La dur´ee de fonctionnement d’une lampe suit une loi de densit´e f(t) = 1
16te−t41t≥0 (l’unit´e de temps est l’ann´ee).
1) V´erifier que f est une densit´e de probabilit´e.
2) Calculer l’esp´erance et la variance de cette dur´ee de fonctionnement.
3) Quelle est la probabilit´e que la lampe fonctionne pendant 6 ans ?
EXERCICE 5.8 Soit X une variable al´eatoire de densit´e fX. Consid´erons la va-riable al´eatoire
Y =ce−αX1{X>0}, (α >0, c >0).
Etudier l’existence d’une densit´e pourY et donner sa valeur en fonction defX. EXERCICE 5.9 SoitX une variable al´eatoire de loiN(0,1).
1) Calculer E(eλX) pourλ∈R.
2) En d´eduire que poura≥0, on aP(X ≥a)≤e−a22.
3) Utiliser la forme int´egrale de P(X ≥a) pour obtenir l’encadrement 1
EXERCICE 5.10 Consid´erons deux param`etres a > 0 et α > 0. On dira que X suit une loi de Pareto de param`etres (a, α) siX est une variable al´eatoire de densit´e f d´efinie par
Cette variable al´eatoire d´ecrit par exemple la r´epartition des richesses.
1) Montrer que f est bien une densit´e de probabilit´e. Allure du graphe de f : on pourra prendrea= 1 etα= 3.
2) Calculer P(X > x). Allure de la fonction de r´epartition pour les param`etres ci-dessus.
3) Soit y > 0 fix´e. Calculer limx→∞P(X > x+y|X > x). Qu’en conclure ? Cette propri´et´e est-elle vraie pour une variable exponentielle ?
4) Montrer que X admet une esp´erance si et seulement si α > 1. Calculer E(X) dans ce cas.
5) Montrer que X admet une variance si et seulement si α > 2. Calculer Var(X) dans ce cas.
EXERCICE 5.11 Soit (X, Y) un couple al´eatoire de densit´ef(x, y) = 2π1|x|e−x2 (1+y2 )2 . 1) Calculer la loi deX et la loi deY. Est-ce queX et Y sont ind´ependantes ?
2) Est-ce queX etXY sont ind´ependantes ? Calculer la loi deXY. 3) Quelle est la loi deX(1 +Y) ?
EXERCICE 5.12 SoientXetY deux v.a. r´eelles. On suppose que la densit´e condi-tionnelle deX sachantY =y est la densit´e1R+(x)y2xe−xy et que la loi deY est de densit´e y121[1,+∞[(y).
On poseT =XY.
1) Trouver la loi du couple (T, Y). Qu’en d´eduit-on ? 2) Trouver la loi conditionnelle deY sachantX =x.
3) CalculerE(Y|X).
EXERCICE 5.13 SoitY une v.a. de loi uniforme sur [0,1] etX `a valeurs dans N, avecX et Y ind´ependantes. On consid`ere Z=XY.
Trouver la loi deZ et donner une condition pour que la loi deZ admette une densit´e par rapport `a la mesure de Lebesgue.
EXERCICE 5.14 Soitα, β >0. On consid`ere deux v.a. :X `a valeurs dansNet Y
`
a valeurs dansR+. La loi du couple est donn´ee, pourn∈Nety >0, par P(X=n, Y ≤y) =β
Z y 0
e−(α+β)z(αz)n n! dz.
Donner les lois respectives deX et deY.
EXERCICE 5.15 Soient X1, . . . , Xn des v.a. ind´ependantes de loi uniforme sur [0,1]. On pose :
U1=X1, U2=X1X2, . . . , Un=X1· · ·Xn. 1) Chercher la loi dun-uplet (U1, . . . , Un).
2) Chercher la loi conditionnelle deUn sachantUn−1=u.
EXERCICE 5.16 Cet exercice donne une m´ethode (usuelle) pour simuler deux va-riables al´eatoires ind´ependantes et de loi normale.
Soient X et Y deux variables al´eatoires ind´ependantes de loiN(0,1). On consid`ere le couple (R,Θ) de variables al´eatoires `a valeursR+×[0,2π[, obtenu en exprimant (X, Y) en coordonn´ees polaires.
1) Calculer la loi de (R,Θ) et celle de (R2,Θ).
2) En d´eduire le proc´ed´e pratique suivant de simulation de variables al´eatoires
5.6 – Exercices sur le chapitre5 117
ind´ependantes et de loi normale : si U et V sont deux variables al´eatoires ind´ependantes uniformes sur [0,1], alors X = √
−2 lnUcos(2πV) et Y =
√−2 lnUsin(2πV) sont deux variables al´eatoires ind´ependantes de loiN(0,1).
3) Quelle est la loi de XY ?
EXERCICE 5.17 Soient Z1, . . . , Zn des variables al´eatoires r´eelles, ind´ependantes et de mˆeme loi, de fonction de r´epartitionF. On pose
X= min
1≤k≤nZk, Y = max
1≤k≤nZk.
1) Calculer la fonction de r´epartition jointe FX,Y en fonction de F. Calculer les fonctions de r´epartitionFX et FY.
2) Dans le cas o`u la loi desZk est de densit´e f, calculer les lois de X, de Y et de (X, Y).
3) Nous supposons d´esormais que les Zk ont une loi uniforme sur [a, b] pour a < b dansR.
Expliciter les lois deX, deY et de (X, Y). CalculerE(X) etE(Y), Var(X) et Var(Y), Cov(X, Y) etρ(X, Y).
EXERCICE 5.18 SoientXetY deux variables al´eatoires exponentielles ind´ependantes de param`etres λ et µ. On pose M = min(X, Y) et D = |X −Y| = max(X, Y)− min(X, Y).
1) CalculerP(M > a, D > b, X > Y) poura, b≥0.
2) En d´eduire P(X > Y), P(X < Y), la loi de M, la loi de D conditionnellement `a X < Y, la loi de D conditionnellement `aX > Y.
3) Montrer queM et {X < Y}sont ind´ependants.
4) Soient, pour 1 ≤ i ≤ n, des variables al´eatoires Xi ind´ependantes de lois ex-ponentielles de param`etre λi. Que dire de la loi de min1≤i≤nXi et de l’´ev´enement {Xk = min1≤i≤nXi}?
Chapitre 6
Convergences et loi des grands nombres
Un coup de d´es jamais n’abolira le hasard
St´ephane Mallarm´e.
Nous allons pr´esenter dans ce chapitre l’un des r´esultats essentiels de la th´eorie des probabilit´es, qui va justifier toute la th´eorie que nous avons construite `a partir de l’approche heuristique du Chapitre2. Ce r´esultat montre rigoureusement que, quand le nombre de r´ep´etitions de l’exp´erience tend vers l’infini, la fr´equence de r´ealisation d’un ´ev´enement converge vers la probabilit´e de r´ealisation de cet ´ev´enement. Ainsi, notre mod`ele est bien coh´erent avec l’intuition. Ce r´esultat, appel´eLoi des grands nombres, a d’autres port´ees fondamentales. Philosophique tout d’abord, puisqu’il permet de voir le monde d´eterministe comme la limite macroscopique d’une accumu-lation de ph´enom`enes ´el´ementaires microscopiques al´eatoires. Port´ee num´erique aussi, car nous verrons que ce th´eor`eme est `a l’origine de m´ethodes de calcul num´erique ap-pel´ees M´ethodes de Monte-Carlo, qui sont extrˆemement puissantes et robustes.
Elles sont par exemple tr`es utilis´ees en Physique ou en Math´ematiques Financi`eres.
Consid´erons un espace fondamental Ω (muni de la tribu A et de la probabilit´e P).
Nous voulons ´etudier la r´epartition des valeurs d’une v.a.X de loi PX, r´ealis´ees au cours d’une succession denexp´eriences al´eatoires ind´ependantes. Par exemple, nous interviewons npersonnes choisies au hasard et nous leur demandons si elles aiment les brocolis. Ici, la r´eponse sera 0 ou 1 et la v.a. associ´ee X sera une variable de loi de Bernoulli PX.
119
Nous allons mod´eliser les r´esultats possibles deX au cours desnexp´eriences par une suiteX1, . . . , Xn de v.a. ind´ependantes et de mˆeme loiPX. Nous nous int´eressons au comportement al´eatoire de cette suite de r´esultats et en particulier `a leur moyenne empirique, quand le nombren tend vers l’infini (nest le nombre d’exp´eriences ana-logues r´ealis´ees, par exemple la taille de l’´echantillon dans un sondage). La question est donc : comment d´efinir
n→+∞lim
X1+· · ·+Xn
n ,
sachant que chaqueXi est une fonction deω?
Pour ce faire nous allons, de mani`ere g´en´erale, d´efinir les notions deconvergence de variables al´eatoireset voir que plusieurs d´efinitions diff´erentes sont possibles, non
´equivalentes, ce qui enrichit mais complique aussi la description des comportements asymptotiques.
6.1 Convergences de v.a.
Dans ce paragraphe, nous allons ´etudier des modes de convergence impliquant la proximit´e des v.a. elles-mˆemes, contrairement au cas de la convergence en loi qui sera
´etudi´ee ult´erieurement.
Nous consid´erons une suite (Xn)n≥1 de vecteurs al´eatoires, d´efinis sur un mˆeme espace de probabilit´e (Ω,A,P), et `a valeurs dansRd. Nous consid´erons ´egalement sur le mˆeme espace un vecteur “limite” X. On notera|.|la valeur absolue dans Rou la norme dansRd.
D´efinition 6.1 a) La suite(Xn)nconvergepresque sˆurementversX, ce qui s’´ecrit Xn→X p.s., s’il existe un ensembleN ∈ Ade probabilit´e nulle tel que
Xn(ω)→X(ω) quandn→ ∞ pour toutω∈/ N.
b) La suite (Xn)n convergeen probabilit´evers X, ce qui s’´ecrit Xn
→P X, si pour toutε >0on a
P(|Xn−X| ≥ε) → 0 quand n→ ∞. (6.1)
c) La suite(Xn)n convergeen moyennevers X, ce qui s’´ecritXn L→1 X, siXn etX sont dansL1et si
E(|Xn−X|) → 0 quand n→ ∞. (6.2)
Remarque 6.2 La convergence p.s. est la plus proche de la convergence simple des fonctions. Mais ici, nous permettons `a certainsω de ne pas v´erifierXn(ω)→X(ω), si toutefois la probabilit´e de r´ealisation de l’ensemble de ces ω est nulle.
6.1 – Convergences de v.a. 121
Ces convergences ne sont pas ´equivalentes, comme le montre l’exemple suivant.
Exemple 6.3 (i)Soit(Xn)n une suite de v.a. de BernoulliB(n1), i.e.P(Xn= 1) =
1
n = 1−P(Xn= 0). Alors
Xn −→ 0 en probabilit´e et en moyenne.
En effet P(|Xn| > ε) = 1n −→ 0 pour tout ε ∈]0,1[, prouvant la convergence en probabilit´e, etE|Xn−0|=E(Xn) =n1 −→0, prouvant la convergence en moyenne.
(ii)Pour la suiteYn=n2Xn dont la loi est caract´eris´ee parP(Yn=n2) = 1−P(Yn= 0) = n1, pour toutn≥1, nous avons par les mˆemes calculs :
Yn −→ 0 en probabilit´e, mais Yn 6−→ 0 en moyenne,
du fait queE(|Yn−0|) =E(Yn) =n−→ ∞ !(en fait,(Yn)n ne converge vers aucune autre limite finie).
Exemple 6.4 SoitU une v.a. uniforme sur [0,1]. Alors, la suite de v.a. de loiB(n1): Zn=1{U≤1
n}−→0, p.s.
En effet, consid´erant l’ensemble n´egligeableN ={U = 0}, on a que pour toutω∈Nc, il existen0 tel queU(ω)>n1
0, impliquant que Zn(ω) = 0pour toutn≥n0.
Nous allons maintenant ´etudier les liens entre ces diff´erentes convergences. Com-men¸cons par le r´esultat le plus simple.
Th´eor`eme 6.5 La convergence en moyenne entraˆıne la convergence en probabilit´e.
Preuve. Pour des vecteurs al´eatoires int´egrablesXn etX, il suffit de remarquer que l’in´egalit´e de Markov (4.13) donne pour toutε >0,
P(|Xn−X| ≥ε) ≤ E(|Xn−X|)
ε .
Nous avons vu dans l’exemple6.3que la r´eciproque n’est pas toujours vraie.
L’un des r´esultats les plus importants de la th´eorie de l’int´egration relie la convergence en moyenne et la convergence presque-sˆure. C’est ce r´esultat qui, en grande partie, fait la sup´eriorit´e de l’int´egrale de Lebesgue par rapport `a celle de Riemann. Commen¸cons
par un autre r´esultat qui est ´egalement tr`es utile et qui est une cons´equence simple du th´eor`eme4.12de convergence monotone. Pour une suite r´eelle (un)n, on rappelle la notation
lim inf
n un= sup
n≥1
k≥ninf uk et lim sup
n
un= inf
n≥1sup
k≥n
uk
On rappelle que lim infnun ≤ lim supnun avec ´egalit´e si et seulement si la limite existe, et dans ce cas limnun= lim infnun = lim supnun.
Lemme 6.6 (Fatou) Pour une suite de v.a.positives(Xn)n, on aE(lim infnXn)≤ lim infnE(Xn).
Preuve. D’apr`es la monotonie de l’esp´erance, infk≥nE(Xk) ≥ E infk≥nXk pour tout n ≥ 1. Comme la suite infk≥nXk
n≥1 est croissante P−p.s., on obtient le r´esultat par application du th´eor`eme4.12de convergence monotone.
Th´eor`eme 6.7 (de Lebesgue, ou de convergence domin´ee) Si la suite de vecteurs al´eatoires Xn converge presque-sˆurement surΩ vers une limiteX et si
∀n, |Xn| ≤Z avec Z∈L1, alorsXn et X sont int´egrables et on a
E(|Xn−X|)n→∞−→ 0.
En particulier,E(Xn)n→∞−→ E(X).
Preuve. On note Yn = |Xn −X| et Y∗ = supnYn. Par le lemme de Fatou, E(|X|) ≤ lim infnE(|Xn|) ≤ E(Z) < ∞. Alors X ∈ L1 et |Y∗| ≤ |X|+Z ∈ L1. Comme la v.a.Y∗−Yn est positive et queYn −→0,P−p.s., on obtient par le lemme de Fatou que lim infnE(Y∗−Yn)≥E(Y∗). Simplifiant parE(Y∗), ceci implique que 0≥lim supnE(Yn)≥lim infnE(Yn)≥0 du fait de la positivit´e deYn. Attention : la r´eciproque est fausse. Dans l’exemple 6.3, supposons que les va-riables al´eatoires r´eelles (Xn)n soient ind´ependantes. Puisque P(|Xn| > ε) = n1, la s´erie de terme g´en´eral P(|Xn| > ε) = n1 est divergente. Par ailleurs les ´ev´enements An ={Xn > ε} sont ind´ependants. Par le th´eor`eme2.35de Borel-Cantelli, nous en d´eduisons que pour presque toutω, une infinit´e de Xn(ω) seront sup´erieurs `aε. Ainsi, la suite ne peut pas converger vers 0. Ainsi, la suite (Xn)n est born´ee par 1, elle tend en moyenne vers 0 mais pas presque-sˆurement.
6.1 – Convergences de v.a. 123
En revanche, consid´erons maintenant la suite (Vn)n avec, poura >1 P(Vn= 1) = 1
na = 1−P(Vn = 0).
Puisquea >1, la s´erie de terme g´en´eralP(Vn≥ε) converge, et donc toujours par le th´eor`eme de Borel-Cantelli, nous savons que pour presque toutω, un nombre fini au plus deVn(ω) seront sup´erieurs `a ε. On a donc Vn −→0 p.s.
Nous pouvons donc voir `a travers ces exemples que ces notions sont d´elicates.
Remarque 6.8 L’hypoth`ese de domination est n´ecessaire. Consid´erons une suite de variables al´eatoires r´eelles (Tn)n telle que
P(Tn=n2) = 1 n√
n = 1−P(Tn= 0).
Par un argument similaire `a l’argument pr´ec´edent, nous pouvons montrer que la suite (Tn)n converge presque-sˆurement vers0. En revanche, E(Tn) =√
n, et la suite(Tn)n ne peut pas converger en moyenne.
Nous explorons maintenant d’autres relations entre ces convergences.
Proposition 6.9 La convergence presque-sˆure entraˆıne la convergence en probabilit´e.
Preuve. SoitAn,ε={ω, |Xn(ω)−X(ω)| ≥ε}. Supposons queXn
n→∞−→ X presque-sˆurement. Soit N l’ensemble de probabilit´e nulle en dehors duquel on a Xn(ω) → X(ω). Si ω ∈/ N, alors ω ∈/ An,ε pour tout n ≥ n0, o`u n0 d´epend de ω et de ε, ce qui implique que les v.a. Yn,ε = 1Nc∩An,ε tendent simplement vers 0 quand n→ ∞. Comme nous avons aussi 0≤Yn,ε≤1, le th´eor`eme de convergence domin´ee (Th´eor`eme6.7) entraˆıne que E(Yn,ε)n→∞−→ 0. Mais
P(An,ε) ≤ P(Nc∩An,ε) +P(N) = P(Nc∩An,ε) = E(Yn,ε)n→∞−→ 0,
et nous en d´eduisons (6.1).
La convergence en probabilit´e n’entraˆıne pas la convergence en moyenne, comme nous l’avons vu dans l’exemple6.3. Si lesXn ne sont “pas trop grands”, il y a cependant
´equivalence entre les deux modes de convergence. En voici un exemple.
Proposition 6.10 S’il existe une constante a telle que|Xn| ≤a presque-sˆurement, il y a ´equivalence entreXn P
→X etXn L1
→X.
Preuve. Etant donn´e le th´eor`eme 6.5, il suffit de montrer que la convergence en probabilit´e implique la convergence en moyenne, lorsque|Xn| ≤a.
Comme |Xn| ≤ a, nous avons {|X| > a+ε} ⊂ An,ε (avec la mˆeme notation que pr´ec´edemment), et donc P(|X| > a+ε) ≤ P(An,ε). En faisant tendre n vers +∞, nous en d´eduisons queP(|X|> a+ε) = 0. Ceci est vrai pour toutε, et donc
P(|X|> a) = 0. (6.3)
Comme|Xn| ≤a, nous avons aussi
|Xn−X| ≤ ε1Acn,ε+ (|Xn|+|X|)1An,ε ≤ ε+ 2a1An,ε
sur l’ensemble{|X| ≤a}, qui est de probabilit´e 1. Donc il vient E(|Xn−X|) ≤ ε+ 2aP(An,ε).
Il s’en suit (par (6.1)) que lim supnE(|Xn−X|)≤ε, et comme εest arbitrairement
proche de 0, nous en d´eduisons (6.2).
Les rapports entre convergence presque-sˆure et convergence en probabilit´e sont plus subtils. La premi`ere de ces deux convergences est plus forte que la seconde d’apr`es la proposition6.9, mais “`a peine plus”, comme le montre le r´esultat suivant.
Proposition 6.11 Si Xn −→ X en probabilit´e, alors il existe une sous-suite (nk) telle queXnk→X p.s.
Preuve. Comme la suite (Xn)n converge en probabilit´e versX, nous pouvons d´efinir une sous-suite de la mani`ere suivante. Posons n1= 1, et soit
nj= inf
n > nj−1;P
|Xr−Xs|> 1 2j
< 1
3j, pourr, s≥n
. Il r´esulte alors de :P
jP(|Xnj+1−Xnj|> 21j)<P
j 1
3j <∞que la suite (Xnj)j≥1 converge presque-sˆurement. En effet, c’est une cons´equence du lemme de Borel-Cantelli (Th´eor`eme2.35) appliqu´e aux ensemblesAj ={|Xnj+1−Xnj|> 21j}.
Exemple 6.12 SoientΩ =Rmuni de sa tribu bor´elienne etPla probabilit´e uniforme sur [0,1]. Soit Xn =1An, o`u An est un intervalle de [0,1] de longueur 1/n. Ainsi, E(Xn) = 1/n, et la suite Xn tend vers X = 0 en moyenne, et donc en probabilit´e.
Supposons que les An soient plac´es bout-`a-bout, en recommen¸cant en 0 chaque fois qu’on arrive au point1. Il est clair que l’on parcourt ind´efiniment l’intervalle[0,1](car la s´erie de terme g´en´eral 1/n diverge). Ainsi la suite num´eriqueXn(ω)ne converge pour aucun ω, et on n’a pas Xn →X presque-sˆurement ; cependant comme la s´erie P
n1/n2 converge, il s’en suit queXn2 →X = 0presque-sˆurement. Nous avons donc la convergence presque-sˆure de la sous-suite (Xn2)n.
6.2 – La loi des grands nombres 125
Proposition 6.13 Soitf une fonction continue deRd dansR. (a)Si Xn→X p.s. alorsf(Xn)→f(X)p.s.
(b)SiXn
→P X, alors f(Xn) P
→f(X).
Preuve. (a) est ´evident. Pour (b) remarquons d’abord que siK >0 etε >0, {|f(Xn)−f(X)| ≥ε} ⊂ {|X|> K} ∪ {|X| ≤K,|f(Xn)−f(X)| ≥ε}. (6.4) La fonctionf est uniform´ement continue sur {x:|x| ≤2K}, donc il existeη >0 tel que|x−y|< η et |x| ≤2K, |y| ≤2K impliquent que|f(x)−f(y)|< ε. Ainsi, en choisissantη suffisamment petit,|x| ≤Kentraˆıne|y| ≤2K, et (6.4) implique :
{|f(Xn)−f(X)| ≥ε} ⊂ {|X|> K} ∪ {|Xn−X| ≥η}, P(|f(Xn)−f(X)| ≥ε) ≤ P(|X|> K) +P(|Xn−X| ≥η).
D’apr`es l’hypoth`ese il vient lim sup
n P(|f(Xn)−f(X)| ≥ε) ≤ P(|X|> K). (6.5) Enfin limK→∞P(|X|> K) = 0 (nous le montrons grˆace au th´eor`eme de convergence domin´ee) et donc dans (6.5) la lim sup est nulle. Nous obtenons ainsi le r´esultat.
6.2 La loi des grands nombres
Reprenons la mod´elisation pr´esent´ee dans l’introduction de ce chapitre. Nous consid´erons une suite (Xn)n≥1 de variables al´eatoires r´eellesind´ependantes et de mˆeme loi, que l’on note iid (pour “ind´ependantes et identiquement distribu´ees”).
Notre objectif est de montrer que la moyenne empirique d´efinie comme la moyenne desnpremi`eres variables al´eatoires
Mn = 1
n(X1+· · ·+Xn),
converge vers l’esp´erance des variables Xn lorsque cette derni`ere existe (comme les Xn ont mˆeme loi, cette esp´erance est la mˆeme pour toutn). Il s’agit l`a, r´ep´etons-le, d’un des r´esultats essentiels de toute la th´eorie des probabilit´es, connu sous le nom deloi des grands nombres.
Th´eor`eme 6.14 Soit(Xn)n une suite de v.a. iid, int´egrables. Alors Mn= 1
n
n
X
i=1
Xi
n→∞−→ E[X1] p.s. et en moyenne (et donc en probabilit´e).
Remarque 6.15 (i)Le r´esultat sur la convergence en probabilit´e est appel´eloi faible des grands nombres. Si Xn est de carr´e int´egrable, de moyenne m et de variance σ2=Var(Xn), sa preuve est imm´ediate : il suffit de remarque queE(Mn) =m et avons en fait obtenu la convergence en moyenne quadratiqueE((Mn−m)2)n→∞−→ 0.
(ii) La convergence presque-sure de la moyenne empirique vers la moyenne est ap-pel´e loi forte des grands nombres. Il s’agit d’un r´esultat plus fort donnant une information sur la trajectoiren→Xn(ω), pour presque toutω.
Remarquons aussi que l’ind´ependance des v.a.Xn ne peut ˆetre relach´ee simplement.
Prenons par exemple toutes les Xn ´egales `a une mˆeme variable al´eatoire X. Alors Mn =X, qui ne convergera versmque siX est constante, ´egale `am.
Preuve. Cette preuve est due `a Randal Douc. Remarquons d’abord que l’on peut toujours se ramener au cas E(X1) = 0, quitte `a consid´erer les variables centr´ees.
NotonsSn=Pn
i=1Yi, o`uYi=Xi+c pour une constantec >0. Alors lesYi sont iid, int´egrables, etE(Yi) =c >0. Nous allons montrer que
L∗= inf
n≥1Sn >−∞, P−p.s., (6.6)
ce qui suffira pour obtenir la loi forte des grands nombres. En effet, puisqueSk ≥L∗ pour toutk≥1, on a pour toutn≥1 : infk≥nk1Sk≥infk≥n 1kL∗= 0P−p.s., car L∗ est exactement le r´esultat voulu.
Montrons `a pr´esent (6.6) ou, de mani`ere ´equivalente,P(A(Y)) = 0, o`u Y = (Yn)n≥1
6.2 – La loi des grands nombres 127
Revenons `a “l’approche par les fr´equences” du Chapitre 2. Soit un ´ev´enementA. Nous r´ep´etons l’exp´erience, et nous notonsXnla v.a. qui vaut1siAest r´ealis´e au cours de la ni`eme exp´erience et0 sinon. La fr´equence de r´ealisation deA au cours desn premi`eres exp´eriences est alors
fn(A) = 1
n(X1+· · ·+Xn) = Mn.
Par ailleurs, les Xi sont ind´ependantes et de mˆeme loi et E(Xi) = P(Xi = 1) = P(A). Donc la loi forte des grands nombres implique que fn(A) converge vers P(A) presque-sˆurement. Nous obtenons ainsi une justificationa posterioride l’approche par les fr´equences, qui, sans en d´emontrer de mani`ere rigoureuse la validit´e (c’est ´evidemment impossible), montre au moins que cette approche est compatible avec la th´eorie qui a ´et´e fond´ee dessus.
En outre, la loi des grands nombres nous indique aussi dans quel sens il convient de prendre la convergence dans (2.1), `a savoir au sens presque-sˆur. Il faut remarquer que dans les th´eor`emes pr´ec´edents, et donc aussi dans l’approche par les fr´equences, on ne peut pasavoir convergence deMn(ω) versmpour tout ω. Nous allons voir dans l’exemple suivant qu’il existe un ensemble n´egligeable sur lequel la convergence n’est pas r´ealis´ee.
Exemple 6.16 Consid´erons un jeu de Pile ou Face infini, c’est-`a-dire une suiteXn de v.a. ne prenant que les valeurs 0 et 1. Nous d´efinissons cette suite sur l’espace Ω ={0,1}N∗, i.e. un point ω est une suite num´erique x1, . . . , xn, . . . de 0 et de 1.
Chaque suite est en principe possible. Soit alorsPpune probabilit´e sous laquelle lesXn
sont ind´ependantes et de mˆeme loi de Bernoulli de param`etre p∈]0,1[. (Il est possible de construire une telle loi.) La loi des grands nombres nous dit que pour toute suite
(xn)n en dehors d’un ensemble de probabilit´e nulle, la moyenne n1(x1+· · ·+xn)tend vers le nombrep quandn tend vers l’infini. Il existe ´evidemment beaucoup de suites ne v´erifiant pas cette propri´et´e, par exemplexn = 0pour toutn. Si nous consid´erons maintenant la probabilit´e Pq d´efinie de la mˆeme mani`ere pour q 6= p, l’ensemble de probabilit´e 1 pour Pp des suites (xn)n qui tendent vers p, devient sous Pq un ensemble de probabilit´e nulle. Remarquons ´egalement que la probabilit´e de chaque suite particuli`ere est nulle (elle vaut limk→+∞pk1(1−p)k2, k1+k2=k), ce qui veut dire quePn’est pas une somme de mesures de Dirac.
Cet exemple montre que lorsque l’on ´etudie la convergence des variables al´eatoires, il est indispensabled’introduire la convergence presque-sˆure, puisqu’on n’a g´en´eralement pas la convergence simple (i.e. pour toutω).
A titre de compl´ement...
Voici une autre d´emonstration de la loi forte des grands nombres sous l’hypoth`ese (plus forte) que les variables iidXi sont de carr´e int´egrable. L’argument suivant est bas´e sur le lemme de Borel-Cantelli. On noteσ2= Var(X) et on se ram`ene au cas o`u
Voici une autre d´emonstration de la loi forte des grands nombres sous l’hypoth`ese (plus forte) que les variables iidXi sont de carr´e int´egrable. L’argument suivant est bas´e sur le lemme de Borel-Cantelli. On noteσ2= Var(X) et on se ram`ene au cas o`u