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Evidence empirique

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Dynamiques et formes de la pauvreté : pauvreté chronique et transitoire

3. Evidence empirique

Il importe d’analyser successivement les résultats des investigations économétriques inhérents à l’approche de périodes, puis ceux relatifs à l’approche de composantes.

A. Déterminants de la pauvreté persistante et de la pauvreté temporaire

Les estimations du modèle logistique multinomial relatives à l’approche de périodes sont données dans le tableau 2-8, le modèle associé à l’approche mixte étant présenté dans le tableau A-2-8 en annexes. La spécification générale du modèle logistique multinomial associé à l’approche de périodes est correcte. Malgré la faiblesse du pseudo R² (environ 0,13), les variables explicatives prises simultanément sont significatives si l’on se réfère au test de Chi² et le pourcentage d’observations bien prédites atteint près de deux tiers.

183 Les données sur les retards de salaires n’étant collectées que pour le mois précédent l’entretien, on est obligé de généraliser pour passer sur une base annuelle, c'est-à-dire de supposer qu’un ménage n’ayant pas subi de retard de paiement le mois considéré n’en a pas connu sur l’ensemble de l’année. On dispose donc de quatre variables correspondant aux quatre vagues de données. La variable synthétique construite prend alors la valeur un si le ménage a connu au moins un arriéré de salaire entre 1994 et 2000, et zéro sinon.

On observe, en premier lieu, que les variables traditionnelles relatives à la localisation géographique, à la composition démographique et aux caractéristiques du chef de ménage ne sont pas des facteurs déterminants dans l’explication de la persistance de la pauvreté. Seul le fait de résider dans le Bassin de la Volga par rapport à Moscou et Saint-Pétersbourg augmente significativement le risque d’appartenir à la catégorie des pauvres persistants plutôt qu’à celle des non pauvres, toutes choses égales par ailleurs. En revanche, la position du ménage sur le marché du travail est un déterminant important. En effet, le risque pour un ménage d’être pauvre persistant diminue avec la proportion d’employés (toutes choses égales par ailleurs) et la part des salaires dans le revenu du ménage (toutes choses égales par ailleurs). Le statut du chef de ménage en termes d’emploi n’agit cependant pas de manière significative. La durabilité de la pauvreté trouve également son origine dans l’insuffisance des dotations en actifs. On notera en particulier qu’un ménage a d’autant moins de chances d’être pauvre persistant qu’il a accès à la terre et/ou reçoit des transferts privés, les deux variables étant respectivement significatives pour un seuil de 1 % et 5 %. Enfin, les variables de changements n’influencent qu’à la marge le risque de pauvreté persistante si l’on considère qu’aucune d’entre elles n’est significative à moins de 5 %. Autrement dit, la pauvreté de longue durée s’expliquerait davantage par des facteurs structurels que par des facteurs conjoncturels.

En second lieu, les déterminants associés au risque de pauvreté temporaire diffèrent sensiblement de ceux associés à la pauvreté persistante. Il apparaît, tout d’abord, que la localisation géographique joue un rôle important. Ainsi, un ménage résidant dans l’Oural ou

Tableau 2-8 : Estimation logistique multinomiale des déterminants des formes de la pauvreté (approche de périodes)1. Russie 1994-2000.

Variables explicatives Pauvres persistants Pauvres temporaires

Coefficients Eff. Marg.3 Coefficients Eff. Marg.3

Constante 2,36802 1,286 0,01366 2,77525 3,511*** 0,67726***

Localisation4

Nord, Nord-Ouest -1,39606 -1,183 -0,01341 -0,82379 -2,519** -0,19647**

Centre 0,62367 1,018 0,00711 0,19825 0,921 0,04538

Bassin de la Volga 1,14009 1,901* 0,01068 0,71383 3,327*** 0,17070***

Caucase Nord -0,17421 -0,239 -0,00387 0,23139 0,985 0,05891

Oural 0,28179 0,434 0,00005 0,56862 2,560** 0,14010**

Sibérie de l'Ouest 0,40356 0,600 0,00293 0,38149 1,594 0,09258

Sibérie de l'Est -0,80279 -0,875 -0,00885 -0,29986 -1,152 -0,06957

Caractéristiques démographiques

Taille du ménage -0,08672 -0,305 -0,00026 -0,13807 -1,696* -0,03390*

Nombre d'enfants < 7 ans 0,52625 1,273 0,00579 0,19870 1,409 0,04614

138

Nombres d'enfants entre 7 et 18 ans 0,43586 1,300 0,00529 0,08942 0,835 0,01945

Nombre de personnes en age de retraite -0,42092 -1,372 -0,00591 0,03585 0,369 0,01172

Caractéristiques du chef de ménage

Sexe -0,53256 -1,425 -0,00549 -0,25668 -1,814* -0,06057*

Age -0,02871 -0,477 -0,00022 -0,02475 -1,073 -0,00599

Age au carré 0,00022 0,387 0,00001 0,00012 0,519 0,00003

Nationalité 0,24271 0,654 0,00124 0,30794 2,273** 0,07528**

Marché du travail

Proportion d'employés dans le ménage -3,44061 -2,767*** -0,04206*** -0,66348 -2,216** -0,14296**

Part des salaires dans le revenu du ménage -1,56895 -1,958* -0,01578 -0,81876 -3,946*** -0,19407***

Statut du chef sur le marché du travail5

Pluri-actif -0,70821 -0,790 -0,00414 -0,82197 -3,324*** -0,20055***

Mono-actif formel -0,36291 -0,636 -0,00058 -0,65385 -3,430*** -0,16085***

Mono-actif informel -1,28318 -1,189 -0,01321 -0,62292 -2,001** -0,14706**

Dotations en capitaux Capital humain6

Education secondaire -1,21756 -1,387 -0,01124 -0,78720 -1,319 -0,18851

Education supérieure -2,22425 -2,428** -0,02247** -1,14512 -1,911* -0,27123*

Capital physique et naturel

Accès à la terre -1,45491 -5,067*** -0,01624*** -0,51443 -4,427*** -0,11884***

Capital financier

Accès au crédit 0,08737 0,254 0,00105 0,01879 0,152 0,00411

Capital social

Transferts reçus -1,02058 -2,484** -0,01207** -0,25751 -2,055** -0,05756*

Variables de changements

Variation moyenne annuelle de la taille du ménage 0,14413 0,281 0,00514 -0,48580 -2,643*** -0,12223***

Arriéré de salaire 0,01484 0,039 -0,00405 0,64506 5,533*** 0,16095***

Variation moyenne annuelle de la part des salaires -2,88825 -1,580 -0,03808 -0,13667 -0,704 -0,01508 Variation de la proportion d'employés7

Notes : (1) Log des chances d’appartenir à la catégorie des pauvres persistants ou des pauvres temporaires comparativement aux non pauvres. (2) Probabilité « two-tailed » que le coefficient soit égal à zéro. (3) Variation de probabilité consécutive aux variations des caractéristiques. (4) Base = Moscou, Saint-Pétersbourg. (5) Base = inactif. (6) Education du chef. Base = éducation primaire. (7) Base = stagnation. (8) Le pseudo R² de McFadden est égal à 1 – (log LNC / log LC) où log LNC est le

Source : à partir du panel cylindré (2088 ménages). RLMS.

le Bassin de la Volga, comparativement à Moscou ou Saint-Pétersbourg, présente davantage de risques d’appartenir au segment des pauvres temporaires par rapport aux non pauvres, toutes choses étant égales par ailleurs. Conformément aux résultats de l’analyse descriptive, la taille du ménage contribue à la réduction du risque de pauvreté temporaire et les ménages gérés par des hommes s’en sortent relativement mieux que les ménages dont le chef est une femme184. L’impact de la nationalité est tout à fait remarquable. Le coefficient positif sur la variable de nationalité suggère que les ménages Russes sont davantage soumis au risque de pauvreté temporaire que les ménages étrangers. Par ailleurs, toutes les variables liées au marché du travail sont fortement significatives, y compris la stratification selon le statut socioéconomique du chef de ménage. Par exemple, le fait pour un ménage d’être géré par un pluri-actif plutôt que par un inactif induit une variation de la probabilité relative d’appartenir à la strate des pauvres temporaires par rapport aux non pauvres de – 0,20. En ce qui concerne les dotations en actifs, seuls l’accès à la terre et l’accès au capital social ont une influence significative à moins de 5 %. On observe finalement que les variables de changements sont décisives puisque, à l’exception de la variation moyenne annuelle de la part des salaires dans le revenu, elles sont toutes statistiquement significatives.

Cette analyse préalable et rapide des déterminants associés au risque de pauvreté persistante et au risque de pauvreté temporaire tend à valider le cadre théorique développé précédemment. En effet, la pauvreté persistante est principalement la conséquence d’un déficit d’actifs, alors que la pauvreté temporaire s’explique davantage par des évènements adverses ayant trait à la composition démographique et surtout à la situation du ménage en termes d’emploi. Le recours à l’approche de composantes et à un modèle à variable dépendante censurée doit permettre d’approfondir l’analyse. Elle est préférable à l’alternative précédente, compte tenu des limites inhérentes à l’approche de périodes, mais également parce que le fait de raisonner en termes de composantes permet de conserver une variable dépendante continue, intégrant par définition davantage d’information qu’une variable discrète185.

184 Les résultats des estimations selon l’approche mixte (Tableau A-2-8 en annexes) montrent que le genre du chef de ménage influence surtout la probabilité d’être pauvre chronique non persistant, mais n’a par contre pas d’impact significatif sur le risque de pauvreté transitoire.

185 L’approche de composantes permet en effet de hiérarchiser les ménages selon l’intensité de leur pauvreté chronique ou de leur pauvreté transitoire.

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B. Déterminants des composantes de pauvreté chronique et transitoire

Les résultats inhérents à l’approche de composantes sont reportés dans le tableau 2-9.

Le bien-être permanent est mesuré par la moyenne temporelle de la dépense. Un modèle Tobit distinct a été estimé pour chacune des deux composantes de pauvreté. Tous deux incluent un terme d’hétéroscédasticité multiplicative par rapport à la taille du ménage.

La spécification générale des deux modèles est satisfaisante. Le coefficient R² atteint respectivement 0,49 et 0,34 pour le modèle de pauvreté chronique et le modèle de pauvreté transitoire. Le test du rapport de vraisemblance montre que dans le cas de la pauvreté transitoire, le modèle initial, sans terme d'hétéroscédasticité multiplicative, est fortement hétéroscédastique puisque l'hypothèse d'homoscédasticité est rejetée pour un seuil de 1 %.

Dans le cas du modèle de pauvreté chronique, même si l'hypothèse d'homoscédasticité ne peut être rejetée, l'introduction d’un terme d'hétéroscédasticité par rapport à la taille du ménage se justifie dans la mesure où il nous a permis de pallier le problème de non normalité des résidus du modèle initial. L'hypothèse de normalité est par contre rejetée pour la composante de pauvreté transitoire. Il s'agit là d'une limite importante au pouvoir explicatif de ce modèle que nous nous devons d’avoir à l’esprit. L’examen détaillé de l’influence des variables explicatives appelle quatre groupes de commentaires.

Premièrement, les résultats indiquent qu’un certain nombre de déterminants classiques tels que l'âge, le nombre d'enfants du ménage, la nationalité, ne sont pas significatifs ou le sont seulement pour un seuil de 10 %. De même, les variables de localisation n'ont que très peu d'influence. Seul le fait de résider dans une zone urbaine intermédiaire, par rapport au milieu rural, diminue significativement (pour un seuil de 5 %) le risque de pauvreté transitoire, toutes choses égales par ailleurs. Le sexe du chef de ménage est un déterminant important, particulièrement pour la pauvreté transitoire. Ainsi, le fait qu’un ménage soit géré par un homme plutôt que par une femme induit une variation de la composante de pauvreté transitoire de – 0,011, toutes choses étant égales par ailleurs. La taille du ménage influence à la baisse et de manière significative les composantes de pauvreté chronique et transitoire, même si comme le révèle la valeur des effets marginaux, l’impact est faible. Les ménages les plus nombreux sont donc moins soumis que la moyenne au risque de pauvreté. En d’autres

Tableau 2-9 : Estimations Tobit des déterminants des composantes de pauvreté chronique et transitoire1. Russie 1994-2000.

Variables Variable dépendante: Variable dépendante:

explicatives composante de pauvreté chronique composante de pauvreté transitoire

Coefficients Eff. Marg.3 Coefficients Eff. Marg.3

Constante 0,05656 0,598 0,00505 0,14413 3,462*** 0,06672***

Localisation4

Métropoles 0,00272 0,080 0,00024 0,00320 0,334 0,00148

Autres zones urbaines 0,01670 0,942 0,00149 -0,01447 -2,514** -0,00670**

Caractéristiques démographiques

Nombre d'enfants < 7 ans 0,02471 1,738* 0,00220* -0,00462 -0,992 -0,00214

Nombres d'enfants entre 7 et 18 ans 0,00779 0,759 0,00069 -0,00608 -1,820* -0,00281*

Nombre de personnes en age de retraite -0,03634 -2,578*** -0,00324*** -0,00728 -1,663* -0,00337*

Caractéristiques du chef de ménage

Sexe -0,05031 -2,672*** -0,00449*** -0,02450 -4,015*** -0,01134***

Age 0,00143 0,457 0,00012 -0,00124 -1,101 -0,00057

Age au carré -0,00002 -0,564 -0,00001 0,00001 0,413 0,00001

Nationalité 0,01914 0,964 0,00170 0,00927 1,509 0,00429

Marché du travail

Proportion d'employés dans le ménage -0,19071 -3,969*** -0,01703*** -0,05593 -3,974*** -0,02589***

Part des salaires dans le revenu du ménage -0,10034 -2,727*** -0,00896*** -0,03552 -3,426*** -0,01644***

Statut du chef sur le marché du travail5

Pluri-actif -0,10128 -2,279** -0,00904** -0,04660 -3,966*** -0,02157***

Mono-actif formel -0,02308 -0,874 -0,00206 -0,02967 -3,444*** -0,01373***

Mono-actif informel -0,01481 -0,345 -0,00132 -0,02485 -1,732* -0,01150*

Dotations en capitaux Capital humain6

Education secondaire -0,11996 -2,355** -0,01071** -0,00681 -0,204 -0,00315

Education supérieure -0,13799 -2,610*** -0,01232** -0,02513 -0,748 -0,01163

Capital physique et naturel

Accès à la terre -0,05592 -3,289*** -0,00499*** -0,02632 -4,559*** -0,01218***

Capital financier

Accès au crédit -0,00967 -0,509 -0,00086 0,00154 0,264 0,00071

Capital social

Transferts privés reçus -0,05529 -2,717*** -0,00493*** -0,01199 -1,946* -0,00555*

Variables de changements

Variation moyenne annuelle de la taille du ménage -0,01279 -0,543 -0,00114 -0,02509 -3,175*** -0,01161***

Arriéré de salaire 0,03962 2,033** 0,00353** 0,03314 5,975*** 0,01534***

Variation moyenne annuelle de la part des salaires -0,20807 -2,525** -0,01858*** -0,01978 -1,581 -0,00915 Variation de la proportion d'employés7

Augmentation -0,01973 -0,945 -0,00176 -0,02008 -3,012*** -0,00929***

Diminution 0,02452 1,142 0,00219 0,02042 3,303*** 0,00945***

Termes d'hétéroscédasticité Multiplicative

Taille du ménage -0,03612 -1,651* -0,00105 -0,05081 -3,745*** -0,00186***

Log de vraisemblance -332,4035 384,8311

8 0,4921 0,3432

Test d'hétéroscédasticité9 1,6042 (0,2053) 9,8642 (0,0016)***

Test de normalité10 0,3114 (0,1442) 0,0000 (0,0000)***

N 2088 2088

Notes : (1) Bien-être permanent estimé par la moyenne intertemporelle de la dépense. (2) Probabilité « two-tailed » que le coefficient soit égal à zéro. Le t est le rapport entre le coefficient estimé et l’erreur type. (3) Dérivées partielles calculées par rapport à la moyenne des caractéristiques. (4) Base = rural. (5) Base = inactif. (6) Education du chef. Base = éducation primaire. (7) Base = stagnation. (8) Le R² est ici le rapport de la variance de la moyenne prédite sur la somme de la variance de la moyenne prédite et de la variance des résidus. (9) Test d’hétéroscédasticité du rapport de vraisemblance. La statistique LR est égale à -2 (log LC – log LNC) où log LC est le log de vraisemblance du modèle initial (sans terme d’hétéroscédasticité) et log LNC est le log de vraisemblance du modèle avec hétéroscédasticité multiplicative. Un LR < 3,84 signifie que le modèle initial n’est pas hétéroscédastique. (10) Test de normalité des moments conditionnels selon l’approche de Pagan, Vella (1989).

* significatif à 10 % ; ** significatif à 5 % ; *** significatif à 1 %.

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Source : à partir du panel cylindré (2088 ménages). RLMS.

termes, la taille traduit davantage la capacité productive d’un ménage qu’elle ne marque son niveau de dépendance. Dans le même ordre d’idée, le nombre de personnes âgées dans le ménage est négativement corrélé aux deux composantes de pauvreté. Autrement dit, et il s’agit là d’une spécificité Russe, les retraités, lorsqu’ils appartiennent à une famille nombreuse, ne pèsent pas sur les ressources du ménage et contribuent au contraire à son bien-être en assurant une part importante des travaux domestiques, mais également par le biais de leur pension et des revenus issus d'une éventuelle activité secondaire [Grootaert, Braithwaite (1998), World Bank (1999), OCDE (2001)]. En revanche, ce résultat ne doit pas occulter la situation précaire des ménages de retraités (célibataires ou couples), l’analyse descriptive ayant en effet montré que ces derniers présentaient un risque de pauvreté chronique bien plus important que la moyenne. Cette situation paradoxale des retraités, selon que ceux-ci appartiennent ou non à une famille nombreuse, va dans le sens des observations du Rapport sur la Pauvreté Chronique 2004-2005186.

Deuxièmement, les variables relatives à la situation sur le marché du travail jouent un rôle décisif. Comme le montre l'ampleur des effets marginaux dans le cas des deux modèles, la proportion d'employés dans le ménage et la part des salaires dans le revenu des ménages contribuent à la réduction de la pauvreté chronique et de la pauvreté transitoire. Autrement dit, le degré d’intégration des ménages sur le marché du travail est négativement relié au risque de pauvreté. En outre, le statut économique du chef est une composante essentielle de la pauvreté transitoire : les ménages dont le chef est pluri-actif, actif formel ou mono-actif informel sont moins soumis au risque de pauvreté transitoire que les ménages gérés par un inactif. La position du chef sur le marché du travail a par contre beaucoup moins d’influence sur la pauvreté chronique. Seul le statut de pluri-actif, par rapport à un statut d’inactif, diminue sensiblement et significativement le risque de pauvreté chronique.

Troisièmement, et conformément à nos attentes, les dotations en actifs sont des déterminants fondamentaux de la pauvreté chronique. Toutes les variables, à l’exception du capital financier appréhendé par l’accès au crédit, sont significatives pour un seuil inférieur à 5 %. Les effets marginaux les plus élevés concernent les deux variables d’éducation. A titre d’illustration, le fait qu’un ménage ait un chef ayant un niveau d’éducation supérieur, plutôt que primaire, entraîne une variation de la composante de pauvreté chronique de – 0,012,

186 Voir CPRC (2004), p. 85.

toutes choses étant égales par ailleurs. Les causes de la chronicité de la pauvreté sont donc avant tout structurelles. Le rôle des dotations est bien plus incertain dans le cas de la pauvreté transitoire. A cet égard, la non significativité des variables d’éducation est très révélatrice. Seules les variables de transferts privés et d’accès à la terre sont statistiquement significatives (à 10 % et 1 % respectivement). Ce dernier facteur est d’ailleurs un déterminant clé et commun aux deux formes de pauvreté. L’importance de l’accès à la terre en Russie trouve son origine sous le régime soviétique lorsque Staline, en 1935, a autorisé les paysans à exploiter un lopin de terre. Aujourd’hui encore, une grande partie des familles Russes a accès à la terre : 92,1 % en milieu rural et 60,7 % en milieu urbain d’après notre base de données187. Il est dès lors utile de se demander dans quelle mesure le fait d’exploiter une terre est un facteur de réduction de la pauvreté chronique et de la pauvreté transitoire.

L’accès à la terre permet aux ménages de développer leur production domestique et donc leur autoconsommation. Or, d’une part, l’autoconsommation est une composante permanente de la dépense des ménages, et constitue en ce sens un facteur de réduction de la pauvreté chronique. D’autre part, un recours plus intensif et temporaire à la production domestique permet d’atténuer la vulnérabilité aux chocs sur le bien-être et donc de diminuer le risque de pauvreté transitoire. En Russie, l’exploitation d’une parcelle de terre constitue donc une véritable stratégie de survie informelle contre un risque de pauvreté, tant pour les ménages ruraux que pour les ménages urbains188.

Il convient, quatrièmement, de discuter de l’impact des modifications de l’environnement socioéconomique des ménages. La quasi-totalité des changements analysés sont des déterminants significatifs de la pauvreté transitoire. La variation moyenne annuelle de la taille du ménage est négativement corrélée à la pauvreté transitoire. L’influence négative de cette variable corrobore nos observations précédentes sur l’absence d’effet de dépendance : l’augmentation de la charge pesant sur les ressources d’un ménage, résultant d’un accroissement de la taille, est donc plus que compensée par la hausse de sa capacité productive. En outre, une augmentation (diminution) de la proportion d’employés, par rapport à une stagnation, participe à la baisse (hausse) du risque de pauvreté transitoire, toutes choses égales par ailleurs. En d’autres termes, une dégradation de la situation du ménage sur le marché du travail renforce le risque de pauvreté transitoire. Les chocs sur les

187 Une majorité de citadins dispose d’une parcelle de terre à l’extérieur de la ville.

188 Au sujet du rôle de l’accès à la terre en tant que stratégie de survie, se référer à OCDE (2001) et Lokshin, Yemtsov (2001).

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salaires jouent également un rôle important. Ainsi, le fait pour un ménage d’avoir connu au moins un arriéré de salaire sur l’ensemble de la période 1994-2000 engendre une augmentation de la composante de pauvreté transitoire de 0,015, toutes choses étant égales par ailleurs. Par contre, la variation moyenne annuelle de la part des salaires n’agit pas significativement. Les variables de chocs ont beaucoup moins d’influence sur la composante de pauvreté chronique, comme en témoignent le faible nombre de variables significatives et l’ampleur limitée des effets marginaux. Néanmoins, on retiendra le rôle favorable joué par l’augmentation de la part des salaires dans le revenu des ménages et l’influence néfaste des arriérés de salaires. L’analyse du rôle des chocs fera l’objet d’une analyse plus approfondie dans le chapitre 3, lorsque l’attention sera portée sur les déterminants des entrées et sorties dans/de la pauvreté.

Malgré l’intérêt des résultats précédents, il peut être opportun d’amender ces investigations à deux niveaux. Tout d’abord, nous proposons de corriger le problème de non normalité des résidus du modèle de pauvreté transitoire, en recourant à un estimateur alternatif. L’estimateur LAD (Least Absolute Deviation) semble, en particulier, tenir certaines promesses [Powell (1984)]189. L’avantage d’un tel estimateur est de fournir une estimation robuste et convergente de  sans avoir à spécifier une loi pour le terme d’erreur et sans poser l’hypothèse d’homoscédasticité. L’estimation LAD pour le modèle de pauvreté transitoire présentée dans le tableau A-2-9, en annexes, génère globalement des résultats proches des estimations Tobit, en corroborant l’influence des transferts ou du sexe du chef de ménage, par exemple. On remarquera tout de même deux différences importantes. D’une part, la variable d’accès au crédit est significative et agit dans le sens d’une réduction de la pauvreté transitoire. Autrement dit, le recours à l’emprunt constituerait une stratégie envisageable face à une diminution temporaire du bien-être. D’autre part, l’effet de la taille du ménage est beaucoup plus incertain que dans le modèle Tobit. En niveau, elle n’agit pas de manière significative et, en variation, elle contribue à une augmentation du risque de pauvreté transitoire, résultat pour le moins surprenant et qui dans une certaine mesure atténue la portée de nos observations précédentes. Ensuite, nous procédons à l’estimation

189 Le modèle peut être formulé comme suit : YTi = max (0 ; β’T XTi + uTi). La distribution de la variable dépendante est centrée autour de la médiane (et non de la moyenne comme pour les moindres carrés). Une telle approche semble cohérente avec nos données, puisque 50,2 % des observations de la composante de pauvreté transitoire sont censurées en zéro. L’estimateur LAD minimise la somme des résidus absolus. En d’autres termes, l’estimation de β est obtenue en minimisant la fonction Sn (β) =

n

d’un modèle Tobit bivarié, conformément aux équations (2-18) à (2-20). Si l’on se réfère au tableau A-2-10 reporté en annexes, on constate que le paramètre d’autocorrélation ρ est fortement significatif. Autrement dit, l’interdépendance des deux composantes de pauvreté justifie le recours à une estimation bivariée. Les résultats concernant l’influence des

d’un modèle Tobit bivarié, conformément aux équations (2-18) à (2-20). Si l’on se réfère au tableau A-2-10 reporté en annexes, on constate que le paramètre d’autocorrélation ρ est fortement significatif. Autrement dit, l’interdépendance des deux composantes de pauvreté justifie le recours à une estimation bivariée. Les résultats concernant l’influence des

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