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Dynamiques de la pauvreté monétaire : éléments méthodologiques

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Pauvreté monétaire et inégalité : profils et évolutions

1. Dynamiques de la pauvreté monétaire : éléments méthodologiques

Dans ce paragraphe sont présentés les outils de base de l’analyse monétaire de la pauvreté, à savoir, d’une part, les indices FGT et d’autre part, les tests de robustesse des dynamiques de pauvreté.

A. Mesure de la pauvreté monétaire : indices FGT et profils de pauvreté

La mesure de la pauvreté au sein d’une société s’opère à deux niveaux. Au niveau individuel, d’une part, il importe de déterminer si un ménage est pauvre et l’ampleur de sa privation, c'est-à-dire la distance qui sépare son bien-être de la ligne de pauvreté. Au niveau agrégé, d’autre part, il s’agit de retenir une mesure qui synthétise les trois dimensions de la pauvreté, à savoir l’incidence, l’intensité et l’inégalité. Nous avons choisi de nous focaliser sur quelques indices représentatifs plutôt que d’établir une liste exhaustive de l’ensemble des mesures avancées dans la littérature. Foster, Greer et Thorbecke (1984) ont ainsi proposé une série de mesures, les indices FGT, respectant les propriétés de décomposabilité et d’additivité nécessaires à l’analyse des dynamiques de pauvreté50. L’expression générale de ces indices est donnée par :

Avec n la population totale, q le nombre de ménages pauvres, α un paramètre d’aversion pour la pauvreté, z la ligne de pauvreté et yi le bien-être du ménage i. En fonction de la valeur de α, trois indices caractéristiques peuvent être spécifiés, les « trois ‘i’ de la pauvreté ». Dans le cas où l’aversion pour la pauvreté α est de 0, la mesure correspondante est l’incidence ou le ratio de pauvreté P0 :

P0 = n

q (1-2)

Si α est égal à l’unité, on retrouve l’intensité ou la profondeur de la pauvreté P1 :

P1 = n1

50 Il existe d’autres indices de pauvreté que nous ne présentons pas ici : l’indice de Watts (1968), l’indice de Sen (1976) et l’indice de Clark et al. (1981). Pour une présentation détaillée, voir Deaton (1997).

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Enfin, une valeur de 2 pour le paramètre α permet de définir l’inégalité ou la sévérité de la

La pertinence de ces trois indices de pauvreté dépend du respect de deux axiomes mis en évidence par Sen (1976)51. En premier lieu, l’axiome de monotonicité stipule que « toutes choses étant égales par ailleurs, une réduction du bien-être d’un ménage en dessous de la ligne de pauvreté doit augmenter l’indice de pauvreté » [Sen (1976), p. 219]. En second lieu, l’axiome de transfert énonce que « toutes choses étant égales par ailleurs, un transfert de bien-être d’un ménage en dessous de la ligne de pauvreté vers n’importe quel ménage plus riche doit augmenter l’indice de pauvreté » [Sen (1976), p. 219] L’incidence de la pauvreté P0, indice le plus couramment utilisé du fait de sa simplicité d’interprétation, ne respecte aucun des deux axiomes, puisqu’elle représente seulement la part des ménages pauvres dans l’ensemble de la population. L’intensité de la pauvreté P1, quant à elle, tient compte de l’écart entre le niveau de bien-être et le seuil de pauvreté, et respecte de ce fait l’axiome de monotonicité. Elle ne satisfait toutefois pas à l’axiome de transfert dans la mesure où les écarts de pauvreté ne sont pas pondérés. En revanche, l’inégalité de la pauvreté P2 respecte les deux axiomes de Sen, notamment l’axiome de transfert, puisque cet indice accorde plus de poids aux ménages les plus éloignés du seuil de pauvreté. Les écarts de pauvreté des pauvres sont pondérés par ces mêmes écarts. Ainsi, des écarts de pauvreté normalisés par la ligne de pauvreté de 10 % et 80 % seront respectivement pondérés par 10 % et 80 % [Ravallion (1992)].

Les comparaisons de pauvreté peuvent s’opérer à la fois dans le temps et entre secteurs ou groupes socioéconomiques. La détermination de profils de pauvreté constitue l’outil de base de l’analyse de la structure sectorielle de la pauvreté dans la mesure où ils décrivent la répartition de la pauvreté entre différents sous-groupes, ces derniers étant définis selon des critères précis tels que le milieu (urbain – rural), le genre, la localisation géographique, etc.

Dans cette optique, l’utilisation d’indices de pauvreté additivement décomposables tels que les indices FGT, présente de réels avantages pratiques. Supposons que l’on puisse stratifier la

51 Pour les fondements axiomatiques des mesures de la pauvreté, se référer à Sen (1976) et Atkinson (1987).

population en m sous-groupes (j = 1…m). Un profil de pauvreté donne la valeur des indices de pauvreté pour chaque segment j (Pj). Il est alors aisé de déterminer la pauvreté globale en calculant la moyenne des différents indices, pondérée par la part de chaque groupe

En vue d’étoffer l’analyse, il est possible, du fait de la propriété d’additivité des indices FGT, d’expliquer la variation de la pauvreté entre deux dates (t = 1,2) par les modifications de pauvreté à l’intérieur des secteurs (variations intra-sectorielles) et par les déplacements de population entre les secteurs (variations inter-sectorielles) [Ravallion, Huppi (1991)]. Etant donnés Pt un indice FGT ( > 0) à la date t et vjt = njt / nt, la part dans la population totale du secteur j (j = 1…k), il est possible d’exprimer la variation de la pauvreté entre les deux dates par :

La première composante correspond aux effets intra-sectoriels. Elle traduit la contribution des changements de la pauvreté à l’intérieur de chaque secteur, lorsque les proportions de population des différents secteurs sont fixées à leur niveau initial (en t = 1). La deuxième composante, l’effet des déplacements de population, mesure l’impact des changements de la répartition de la population entre secteurs sur la pauvreté initiale. La troisième composante mesure les effets d’interaction, c’est-à-dire l’éventuelle corrélation entre les variations sectorielles de pauvreté et les mouvements de population.

Le simple calcul d’indices de pauvreté ne saurait être suffisant pour appréhender les dynamiques de pauvreté. Il importe de mener des investigations supplémentaires, en utilisant des outils permettant de tester la robustesse de ces dynamiques.

B. Robustesse des dynamiques de pauvreté

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a. Robustesse des comparaisons cardinales de pauvreté

Le premier de ces outils est le test de nullité des différences de pauvreté présenté par Kakwani (1990), qui n’est autre qu’une extension d’un test de significativité des différences de moyennes. La mise en œuvre de ce test impose, tout d’abord, d’exprimer les erreurs types asymptotiques des indices FGT dans le cas respectivement où α = 0 et α > 1 :

SE(P0) = P0(1P0)/n (1-7)

SE(Pα) =

( P 2 P 2 /) n

(1-8)

La statistique t, égale au rapport de la valeur de l’indice de pauvreté considéré et de l’erreur type associée suit une distribution asymptotique normale de moyenne nulle et de variance unitaire. Elle permet de tester la nullité des indices de pauvreté. Un t supérieur à 1,96 signifie que l’hypothèse de nullité de l’indice doit être rejetée pour seuil de 5 %. Considérons à présent deux échantillons n1 et n2 et deux indices de pauvreté correspondants P*1 et P*2. Il est possible de calculer la statistique η comme suit :

η = (P*1 – P*2) / SE(P*1 – P*2) (1-9)

Avec SE(P*1– P*2) = ( / ) ( 2/ 2)

2 2 1

1 nn

et i = SE(P*i). ni . La statistique η suit également une distribution asymptotique normale centrée réduite et permet de tester l’hypothèse nulle H0

selon laquelle les différences de pauvreté observées ne sont pas significativement différentes de zéro. Ainsi, si la valeur absolue calculée de η est supérieure à 1,96, on rejette H0 et par conséquent la différence entre les deux indices de pauvreté est statistiquement significative, pour un niveau de confiance de 5 %.

b. Robustesse des comparaisons ordinales de pauvreté

Les tests de dominance stochastique ont pour objectif de classer différentes distributions et de tester la robustesse de ces classements. Les courbes d’incidence de la pauvreté peuvent dans un premier temps permettre de mettre en œuvre un test de dominance stochastique de

premier ordre. Un courbe d’incidence de la pauvreté est une représentation graphique de la fonction de distribution cumulée F(z), présentant, en abscisses, le bien-être économique et, en ordonnées, le pourcentage cumulé de ménages [Ravallion (1992)]. Chaque point de la courbe indique par conséquent la proportion de la population avec un niveau de bien-être inférieur à la valeur de l’abscisse. Considérons deux distributions A et B et supposons qu’il existe un seuil de pauvreté maximum zmax52. Si tous les points de la courbe de A se trouvent au dessus de la courbe de B, pour des valeurs de niveau de vie inférieures à zmax, alors la pauvreté est plus importante en A qu’en B. Il y a dominance de premier ordre de A sur B. Si en revanche les deux courbes se croisent, le classement devient ambigu. Une première solution visant à pallier cette absence de robustesse dans l’ordre des distributions consisterait à réduire l’intervalle de variations des lignes de pauvreté53. Mais la solution la plus pertinente consiste à mettre en œuvre un test de dominance de second ordre, à partir des courbes TIP (Trois ‘i’ de la pauvreté) [Jenkins, Lambert (1998)]54.

Les courbes TIP, représentées dans un graphique affichant en ordonnées la somme cumulée des écarts de pauvreté normalisés et en abscisses la proportion cumulée de ménages p, résument les trois dimensions de la pauvreté, à savoir l’incidence, l’intensité et l’inégalité, et constituent en ce sens un support didactique pour une analyse des comparaisons de pauvreté. Soient y une distribution de bien-être pour n ménages rangées par ordre croissant tel que 0 < y1 < … < yn et Q l’ensemble des indices de pauvreté normalisés Q(y / z). Définissons

yi le vecteur des écarts de pauvreté normalisés :

yi = Max [(z-yi) / z ; 0] (1-10)

Une courbe TIP, définie par  et p [TIP (, p)] est une fonction croissante et concave de p, qui pour des niveaux de bien-être supérieurs à la ligne de pauvreté z devient horizontale [Figure 1-1]. Elle illustre les trois dimensions de la pauvreté : les dimensions incidence et

52 On se situe dans le cas général où l’on ne connaît pas la ligne de pauvreté mais on est sûr qu’elle est inférieure à zmax.

53 En introduisant un seuil de pauvreté minimum zmin et en réduisant la valeur de zmax. On s’intéresse alors seulement à la position des courbes dans cet intervalle.

54 Voir également Lachaud (1999, 2001).

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Figure 1-1 : Courbe TIP.

Somme cumulée des écarts de pauvreté par tête

B

Inégalité P2

Intensité P1

Incidence P0

O p

Source: d’après Jenkins, Lambert (1998).

intensité de la pauvreté, d’une part, sont respectivement appréhendés par les distances P0 et P1, alors que l’aspect inégalité (P2) est mesuré par le degré de concavité de la partie non horizontale de la courbe.

Les courbes TIP permettent de procéder à une analyse de dominance. Considérons en effet un seuil de pauvreté unique et deux distributions x et y avec les courbes correspondantes TIP (x, p) et TIP (y, p). Si TIP (x, p) > TIP (y, p) pour tout p appartenant à (0 ;1), alors

x TIP domine y TIP et donc Q (x / z’) > Q (y / z’) pour tous les seuils de pauvreté z’< z et pour tous les indices Q contenus dans Q. Autrement dit, la dominance de TIP (x, p) sur TIP (y, p), marquée par l’absence de points d’intersection entre les deux courbes, est une condition nécessaire et suffisante pour affirmer, sans ambiguïté, que la pauvreté est plus importante en x qu’en y.

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