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Déterminants des transitions de pauvreté et comportement stratégique des ménages : l’apport du modèle logistique à temps discret

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Analyse des trajectoires de bien-être : mobilité économique et mouvements de pauvreté

3. Déterminants des transitions de pauvreté et comportement stratégique des ménages : l’apport du modèle logistique à temps discret

L’analyse multivariée des transitions de pauvreté suppose de recourir aux modèles économétriques de durée. Les modèles de type continu sont les plus couramment utilisés, qu’il s’agisse de modèles semi paramétriques ou de modèles paramétriques234. Toutefois, compte tenu de la nature des données sur la pauvreté, et notamment de la longueur de l’intervalle de temps entre deux vagues d’enquête, de deux ans ici, il apparaît nécessaire de rendre la variable de durée discrète. A cet égard, le recours au modèle logistique à temps discret offre un cadre d’analyse adéquat en vue d’étudier l’influence des caractéristiques socioéconomiques et de la durée des épisodes sur les taux de sortie et d’entrée.

A. Options économétriques

a. Présentation du modèle logistique à temps discret

Le risque à temps discret ou la probabilité pour un individu i, au temps j, de quitter un état donné après y avoir passé une durée t est supposé être une fonction de hasard logistique standard [Prentice, Gloecker (1978)] :

Où β est un vecteur de paramètres à estimer et Xit une matrice de variables explicatives qui diffèrent entre individus et éventuellement dans le temps. Dans le cas d’un modèle logistique à temps discret, la probabilité à estimer n’est pas uniquement une fonction des caractéristiques

234 Les modèles de durée continus prennent la plupart du temps la forme d’un modèle à hasard proportionnel dont l’expression générale est donnée par : λij(t) = λ0(t).exp (X’ij β) avec λ0(t) le taux de hasard de base pour une durée t supposée continue et un vecteur de variables explicatives 0. Dans le modèle semi paramétrique de Cox, la méthode du maximum de vraisemblance partiel permet d’estimer β sans avoir à spécifier la forme du hasard de base. Pour les modèles paramétriques, en revanche, il convient de choisir une forme fonctionnelle spécifique pour le hasard de base. Les principales lois utilisées sont les distributions Exponentielle, Weibull, Gompertz, Log-logistique et Gamma. Dans le cas, par exemple, où le hasard de base est supposé constant [λ0(t) = λ0], on est dans le cadre du modèle exponentiel. Pour une présentation complète des modèles continus, se reporter à Kiefer (1988), Courgeau, Lélièvre (1989) et Lancaster (1990).

des ménages, mais également une fonction du temps. Ainsi, la forme fonctionnelle α(t) décrit comment la durée des épisodes affecte le taux de hasard. Le logit, c'est-à-dire le logarithme du rapport du risque conditionnel de la réalisation de l’évènement au risque conditionnel de sa non réalisation, est une fonction linéaire des caractéristiques socioéconomiques plus le terme traduisant la dépendance à la durée :

Le modèle logistique à temps discret offre une réelle souplesse à travers la spécification du terme captant la dépendance à la durée. Trois spécifications de α(t) pourront être adoptées [Le Goff, Forney (2003b)] : (i) une spécification similaire à un modèle Gompertz en temps continu de la forme α(t) = c + at ; (ii) une spécification similaire à un modèle Weibull en temps continu de la forme α(t) = c + a.log(t) ; (iii) une spécification similaire à un modèle

Piecewise (ou exponentiel) en temps continu de la forme α(t) = c +

t k gkak

1

, où ak est une constante sur l’intervalle de temps k (t ; t+k) et gk une variable binaire qui est égale à un si l’on se situe sur l’intervalle k et zéro sinon. Le modèle s’estime par la méthode du maximum de vraisemblance [Allison (1982)]. Soit δi une variable binaire indiquant si l’épisode est

Et si yij est une autre variable dichotomique égale à 1 si le ménage i connaît l’évènement au temps j et 0 sinon, on montre que la fonction log de vraisemblance est donnée par :



logistique à temps discret revient à estimer un modèle logistique standard sur la probabilité de connaître l’évènement pour un fichier de type épisodes / périodes, où on attribue une

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observation à chaque période de l’épisode235. Ainsi, à un épisode de deux périodes, sont attribuées deux observations. La variable dépendante prend alors la valeur 1 si sur la période considérée on observe l’évènement étudié et 0 sinon. Un autre aspect important concerne les épisodes censurés à gauche. Le choix a été fait ici de les conserver, conformément à Iceland (1997) et Canto (2002). En effet, selon Iceland, l’exclusion de ce type d’observations dans le cadre d’un modèle logistique à temps discret introduit un biais plus important, notamment parce que cela suppose d’exclure les épisodes longs, c'est-à-dire dans notre cas les épisodes de pauvreté ou de non pauvreté de quatre périodes. Une telle démarche présente également un avantage pratique en permettant d’augmenter sensiblement le nombre d’observations. En définitive, deux estimations sont menées distinctement, une pour les sorties de la pauvreté et une pour les entrées dans la pauvreté.

b. Spécification des variables explicatives : la prise en compte du comportement stratégique des ménages

Les variables prises en compte dans l’analyse sont de deux types. Premièrement, un ensemble de variables standards vise à rendre compte de l’influence des caractéristiques du chef de ménage (âge, nationalité, genre, nombre d’années d’instruction) et des caractéristiques générales du ménage (localisation géographique, proportion d’enfants et de retraités, proportion d’actifs, arriérés de salaires). Pour le modèle relatif au taux de sortie de la pauvreté est également prise en compte l’intensité de la pauvreté (P1)236. De manière symétrique, pour le modèle d’entrée dans la pauvreté, a été calculé un indice d’intensité de la non pauvreté237. Précisons que le fait d’intégrer dans les modèles l’écart entre le bien-être et le seuil de pauvreté nous conduit à ne pas corriger les trajectoires à partir de la méthode de Bane et Ellwood, comme cela a été fait dans l’analyse descriptive. Deuxièmement, un groupe de variables plus spécifique à l’analyse des transitions de pauvreté a pour ambition d’analyser le comportement stratégique des ménages à court terme, afin d’expliquer pourquoi des ménages comparables sur le plan des caractéristiques socioéconomiques et démographiques présentent des trajectoires de pauvreté différentes. Par stratégie de survie, nous entendons les stratégies socioéconomiques adoptées par les ménages, pour faire face à la pauvreté et dont l’objet est la

235 On parle de fichier épisodes / périodes et non de fichier ménages / périodes puisqu’on prend en compte les épisodes multiples.

captation de ressources. L’avantage d’un raisonnement en termes d’entrées et sorties dans / de la pauvreté tient à ce qu’il nous permet d’introduire la distinction entre deux types de comportements. Dans le cas des sorties de la pauvreté, on parlera de stratégies de promotion, c'est-à-dire des mécanismes mis en œuvre par les familles pour favoriser leur sortie de la pauvreté. Une stratégie sera alors considérée comme viable si elle influence à la hausse et significativement le taux de sortie de la pauvreté. A l’inverse, dans le cas de l’analyse des entrées dans la pauvreté, on parlera de stratégies de prévention, c'est-à-dire des actions préventives mises en œuvre par les ménages face à un risque d’entrée dans la pauvreté. Dans ce cadre, une stratégie sera jugée efficace si elle favorise une diminution du taux d’entrée dans la pauvreté. Six types de stratégies sont retenus238 : (i) le recours à l’emprunt ; (ii) l’accès aux transferts privés (en provenance de la famille, des amis et d’organisations non gouvernementales) ; (iii) le recours à la production domestique appréhendé par la part dans le revenu du ménage de la production domestique ; (iv) l’accès aux transferts sociaux publics (pensions, allocations familiales, indemnités chômage) ; (v) l’accès du chef de ménage à un emploi secondaire qu’il soit formel ou informel ; (vi) la vente d’actifs détenus par les ménages. Finalement, le modèle est complété, d’une part, par une variable dichotomique égale à un si le ménage a connu un autre épisode précédemment, et d’autre part, par un ensemble de variables binaires marquant la date d’entrée dans la pauvreté ou la non pauvreté.

B. Evidence empirique

a. Déterminants des taux de sortie de la pauvreté

Le tableau 3-13 présente la valeur des paramètres du modèle logistique à temps discret pour les trois spécifications du terme de durée présentées précédemment. D’une part, tous les critères de robustesse des modèles indiquent que la spécification de type Piecewise présente

238 Cette liste ne se veut pas exhaustive, mais regroupe les principales stratégies mises en avant dans les études appliquées à la Russie. Pour plus de précisions sur le comportement stratégique des ménages en Russie, se reporter à Clarke (1999a) et Lokshin, Yemtsov (2001). Nous ne traitons ici que des stratégies ayant trait aux sources de revenu. Mais la modification de la structure des dépenses de consommation (coupes budgétaires par exemple), tout comme la migration interne ou externe sont d’autres composantes de ces stratégies que nous n’abordons pas dans la présente étude.

Tableau 3-13 : Coefficients de régression des modèles logistiques à temps discret pour l’évènement sortie de la pauvreté1. Russie 1994-2000.

Modèle Piecewise Modèle Gompertz Modèle Weibull

Coefficient Eff. Marg.2 Coefficient Eff. Marg.2 Coefficient Eff. Marg.2

Constante -0,3942 -0,0845 1,3770*** 0,2977 1,2338*** 0,2683

Episode multiple -1,7134*** -0,2613 -1,7319*** -0,2662 -1,7254*** -0,2679

Localisation géographique3

Métropoles 0,6851*** 0,1601 0,6716*** 0,1575 0,6667*** 0,1569

Zones urbaines intermédiaires 0,3158** 0,0669 0,3094** 0,0661 0,3074** 0,0660

Caractéristiques du chef de ménage

Sexe 0,1750 0,0371 0,1811 0,0387 0,1883 0,0405

Nationalité 0,0473 0,0101 0,0426 0,0091 0,0418 0,0090

Nombre d'années d'instruction -0,0245 -0,0052 -0,0243 -0,0052 -0,0238 -0,0051

Classe d'age4

40-60 ans -0,1698 -0,0360 -0,1677 -0,0358 -0,1706 -0,0367

plus de 60 ans -0,5281** -0,1097 -0,5175** -0,1085 -0,5166** -0,1090

Caractéristiques du ménage

Proportion d'enfants 0,3234 0,0693 0,3297 0,0713 0,3348 0,0728

Proportion de retraités 0,6474* 0,1389 0,6587* 0,1424 0,6686* 0,1454

Intensité de la pauvreté (P1) -0,6111*** -0,1311 -0,5971*** -0,1291 -0,6013*** -0,1308

Proportion d'employés 0,0299 0,0064 0,0144 0,0031 0,0192 0,0041

Interruption arriérés de salaires 0,7207*** 0,1671 0,7394*** 0,1725 0,7502*** 0,1757

Stratégies de promotion

Accès au crédit 0,0221 0,0047 0,0298 0,0064 0,0340 0,0074

Accès aux transferts privés 0,1287 0,0279 0,1421 0,0311 0,1413 0,0311

Accès aux transferts sociaux -0,1789 -0,0386 -0,2015 -0,0439 -0,2135* -0,0467

Part de la production domestique

dans le revenu 0,5556*** 0,1192 0,5409** 0,1169 0,5424** 0,1179

Vente d'actifs 0,1689 0,0372 0,1362 0,0301 0,1249 0,0277

Emploi secondaire

Emploi secondaire formel 0,1940 0,0430 0,2181 0,0489 0,2142 0,0482

Emploi secondaire informel 0,7159** 0,1686 0,6984** 0,1650 0,6978** 0,1654

N 1918 1918 1918

Log de vraisemblance -1091,727 -1094,019 -1098,733

Test du rapport de vraisemblance5 299,78 (0,000)*** 295,19 (0,000)*** 285,76 (0,000)***

R² Nagelkerke6 0,199 0,196 0,191

Pseudo R² de McFadden7 0,121 0,119 0,115

Critère d'Akaike8 1,162 1,163 1,168

Cas bien prédits 67,9% 67,5% 67,3%

Notes : (1) La variable dépendante est codée 1 si sur la période de l’épisode considéré le ménage est sorti de la pauvreté et zéro sinon. (2) Variation des chances de connaître l’évènement relativement au chances de ne pas le connaître due à une variation d’une unité de la variable explicative considérée. (3) Base = zones rurales. (4) Base = 18-39 ans. (5) Test de significativité simultanée de l’ensemble des coefficients du modèle. La statistique de test est égale à – 2(log LC – log LNC) et suit une loi de Chi² à K degrés de liberté avec log LC le log de vraisemblance du modèle contraint n’incluant que la constante, log LNC le log de vraisemblance du modèle non contraint et K le nombre de variables explicatives. (6) R² Nagelkerke égal à [1 – (log LNC/log LC)2/n] / [1 – (log LNC)2/n]. (7) pseudo R² de McFadden égal à 1- (log LNC / log LC). (8) Critère d’information d’Akaike égal à -2(logL – K) / n.

un pouvoir explicatif supérieur. Ainsi, le critère d’information d’Akaïke prend sa valeur la plus faible pour cette spécification : 1,162 contre 1,163 et 1,168 respectivement pour les modèles Gompertz et Weibull. De même, les deux coefficients R² et le pourcentage de cas bien prédits sont plus élevés pour ce modèle. Néanmoins, les écarts sur ces différents critères sont faibles et les valeurs estimées des coefficients et leur significativité ne diffèrent pas sensiblement d’un modèle à l’autre. D’autre part, les trois régressions corroborent la dépendance négative à la durée des taux de sortie de la pauvreté. Si l’on se réfère au modèle Piecewise, par exemple, les deux variables dichotomiques de durée sont significatives et agissent négativement sur le taux de sortie. De plus, l’effet marginal en valeur absolu est croissant avec la durée. Ainsi, les taux de sortie prédits par ce modèle sont de 0,43, 0,31 et 0,06 après respectivement une, deux et trois périodes de pauvreté. Cette dépendance négative à la durée apparaît également dans les deux autres modèles puisque les variables durée et logarithme de la durée influencent négativement et significativement le taux de hasard. Enfin, les différents modèles, mettent en évidence l’influence primordiale des épisodes multiples. Un ménage qui a connu un épisode de pauvreté antérieur, durant la période couverte par le panel, a d’autant moins de chances de quitter la pauvreté. Les résultats ayant trait à l’influence des différentes variables explicatives appellent plusieurs commentaires.

Il convient, en premier lieu, d’examiner le rôle des caractéristiques générales du ménage et du chef de ménage. Les résultats font tout d’abord état de l’importance de la localisation géographique en tant que déterminant du taux de sortie de la pauvreté : le fait de résider en milieu urbain plutôt qu’en milieu rural, que ce soit dans une métropole ou dans une petite agglomération, renforce sensiblement les chances de sortir de la pauvreté, toutes choses étant égales par ailleurs. La nationalité, le nombre d’années d’instruction du chef et la proportion d’enfants dans le ménage n’ont pas d’influence significative. En ce qui concerne l’âge, il apparaît que les ménages dont le chef a plus de 60 ans ont une probabilité de rester dans la pauvreté plus élevée que les ménages gérés par des chefs âgés de 18 à 39 ans (toutes choses égales par ailleurs). Le taux de sortie après une période de pauvreté prédit par le modèle Piecewise, pour ces ménages, est de 0,36 alors qu’il atteint 0,43 pour l’ensemble des ménages.

Ce résultat confirme la fragilité des ménages de retraités, liée en particulier à l’effondrement du montant réel des pensions [World Bank (1995), Clarke (1999a)]. Néanmoins, et paradoxalement, si l’on se réfère à la variable mesurant la part des retraités dans le ménage, il semble que la présence de retraités dans des familles élargies tend à augmenter la probabilité

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