• Aucun résultat trouvé

Partie II : Modélisation et Expérimentation 89

5.3 Construction et analyse d’interfaces

5.3.3 Evaluation d’une interface dédiée au mur immersif : le CAT

Le CAT (Control Action Table) (cf. figure 5.25) est un prototype développé spécifiquement pour être utilisé devant les murs immersifs, permettant une interaction collective, conçu par Martin Hachet (Hachet & Guitton, 2002 ; Hachet et al., 2003 ; Hachet, 2003). Pour une description technique de cette interface, nous renvoyons le lecteur à Hachet (2003). Le CAT est un interacteur moteur mesurant environ 1 mètre de haut et permettant des interactions sur six degrés de liberté. Il ressemble à une table circulaire. Le plateau de la table peut être tourné dans l’espace selon les trois dimensions. Il est équipé de capteurs permettant de récupérer les forces appliquées sur la table (cf. figure 5.26). De plus, une tablette graphique est fixée sur le

Figure 5.25 – Le CAT - Control Action Table (Hachet, 2003)

dessus du plateau pour permettre la sélection d’objets virtuels. Les transformations (rotations ou translations) effectuées par l’utilisateur sur le CAT peuvent être appliquées sur le repère de la caméra, sur celui de la scène, ou sur celui des objets. Cependant, il n’est pas possible d’utiliser simultanément la manipulation de la scène, d’un objet et de la caméra.

Dans cette interface, les degrés de liberté ne sont pas séparés comme dans les interfaces précédentes. L’utilisateur peut effectuer simultanément des rotations et des translations selon les trois dimensions. Il en résulte un diagramme de transition très simple pour modéliser l’interaction (cf. figure 5.27). Lorsque des manipulations physiques (pressions sur le plateau, orientation du plateau) sont effectuées sur le CAT, un mouvement du point de vue ou d’un

objet est effectué. CAT Position Initiale Spécifier direction orientation Pression Manipulation sur le CAT AUCUNE PRESSION − MANIPULATION sur le CAT

PRESSION − MANIPULATION sur le CAT

Chaque cercle représente un état du système. Les flèches représentent les événements permettant les changements d’état ou de rester dans l’état courant.

Figure 5.27 – Diagramme de transitions pour l’interaction avec le CAT

Lorsque le CAT est utilisé pour contrôler le point de vue de l’utilisateur, la métaphore d’interaction utilisée est celle du contrôle de véhicule19. Les mouvements du point de vue sont attachés aux mouvements du CAT qui peut être assimilé à un volant de véhicule ou à un guidon (cf. figure 5.28). Ainsi, l’orientation du plateau du CAT correspond à l’orientation du point de vue de l’utilisateur dans l’environnement virtuel. Le plateau du CAT fournit donc, par sa position, un retour d’informations tactiles à l’utilisateur. Ce retour peut être qualifié de retour haptique passif par opposition au retour haptique qualifié d’actif où l’utilisateur est informé par un retour d’effort (c’est-à-dire que ses mouvements sont contraints par des forces physiques appliquées sur ses déplacements). Par contre, la position du point de vue par rapport à la scène (intérieur ou extérieur) n’est toujours pas indiquée à l’utilisateur.

Quand le CAT est utilisé pour manipuler des objets ou une scène tridimensionnelle, la métaphore d’interaction utilisée se base sur le schème de la manipulation d’un objet réel. Le CAT donne aux utilisateurs la possibilité de manipuler des objets virtuels à travers un plateau réel comme s’ils tenaient directement les objets dans leurs mains. Ainsi pour orienter un objet selon une direction, il suffit d’orienter le plateau du CAT suivant la même direction et pour déplacer un objet dans une direction donnée, les utilisateurs n’ont qu’à pousser le plateau dans la direction correspondante. Toutes les translations et orientations sont autorisées, il n’y a aucune contrainte (cf. figure 5.29). Comme pour IRI, le problème de la position du point de vue ne se pose pas, le point de vue est automatiquement à l’extérieur de l’objet virtuel. L’utilisateur ne peut pas le manipuler. Le problème de la distance entre le point de vue et l’objet n’est pas considéré directement dans l’implémentation de l’interface, mais a été contrôlé

19. Plusieurs techniques de contrôle de point de vue ont été implémentées, nous détaillons uniquement celle utilisée dans cette thèse.

S

P P

S P

Positionnement Positionnement

(Xc, Yc, Zc) repère géométrique de la caméra Séquentiel Parallèle

Locomotion Contrôle point de vue

Orientation du plateau Pression sur le plateau

sur Zc sur Yc

sur Xc sur Xc sur Yc sur Zc

Positionnement Orientation Orientation Orientation

Figure 5.28 – Modèle hiérarchique de la locomotion avec le CAT

dans les tâches de tests (cf. chapitre 6).

S

P P

S P

Orientation Orientation Orientation Positionnement Positionnement Positionnement sur Zsc ou Zo

sur Ysc ou Yo sur Xsc ou Xo sur Ysc ou Yo sur Zsc ou Zo sur Xsc ou Yo

Séquentiel Parallèle

(Xsc, Ysc, Zsc) repère géométrique de la scène

(Xo, Yo, Zo) repère géométrique d’un objet Manipulation scène ou objet

Orientation du plateau Pression sur le plateau

Figure 5.29 – Modèle hiérarchique de la manipulation avec le CAT

Cette interface semble être relativement en accord avec les modèles des tâches de locomo-tion et de manipulalocomo-tion. En effet, l’orientalocomo-tion similaire de l’objet (ou du point de vue) et du plateau du CAT fournit un retour haptique passif pertinent permettant à un utilisateur de se repérer facilement. Ainsi, si son point de vue se trouve orienté dans une configuration non naturelle et perturbatrice, il devra uniquement remettre le plateau dans sa position initiale pour revenir à un point de vue orienté de façon naturelle. L’interaction n’est pas contrainte, mais renseignée : chaque transformation spatiale est retranscrite dans la position du plateau,

l’utilisateur a donc un référent (le plateau) lui permettant de se repérer facilement.

Comme pour IRI, une évaluation ergonomique de cette interface a été effectuée lors de chacune de nos expérimentations. Les 92 étudiants ayant évalué IRI, ont également évalué le CAT, en complétant le questionnaire présenté en Annexe A. Le premier point que nous pouvons souligner est sa robustesse. En effet, peu de prototypes supportent la passation d’une centaine d’utilisateurs inexpérimentés. De plus 97 % des sujets trouvent le fonctionnement du CAT facile à comprendre et 97 % facile à apprendre. 92 % des sujets trouvent que les mouvements qu’il est possible d’effectuer sont facilement identifiables. 91 % des sujets n’ont pas eu de difficultés avec les rotations et 84 % avec les translations. 82 % des sujets se sentent précis avec le CAT, et 77 % rapides. 92 % des sujets obtiennent le résultat qu’ils souhaitent et seulement 26 % des sujets trouvent qu’ils ont fait beaucoup de manipulations inutiles et d’erreurs. L’ensemble de ces résultats montre clairement que l’utilisabilité du CAT est très bonne : les sujets la comprennent et l’utilisent facilement. Cependant le poids et la taille de l’interacteur le rende difficilement transportable et peu pertinent devant un petit écran.

Nous venons de présenter deux interfaces existantes (Cosmo Player et le CAT ) et de proposer l’élaboration d’une troisième (IRI ). L’analyse de ces interfaces grâce à nos modèles des tâches de locomotion et de manipulation a mis en évidence leur pertinence.

5.4 Synthèse

L’objectif de ce chapitre était d’identifier les points clés de l’interaction sur lesquels les concepteurs d’une application devaient se focaliser. A partir de l’analyse des propriétés des environnements virtuels, une représentation de l’utilisateur en environnement virtuel a été élaborée. Cette représentation a mis en évidence l’existence de trois référentiels du mouve-ment : celui du point de vue, celui de l’objet et celui de la scène tridimensionnelle. De plus, elle a montré l’importance de la position du point de vue par rapport à la scène (intérieur vs. extérieur). Dans le chapitre 2, des modèles hiérarchiques des tâches de locomotion et de manipulation ont été proposés. Ils ont été complétés en fonction de cette représentation de l’utilisateur en environnement virtuel en spécifiant les points clés de l’interaction qu’un concep-teur devait considérer. Deux solutions ont été proposées : contraindre le déplacement ou aider l’utilisateur. L’étude de différentes interfaces (Cosmo Player, IRI ou le CAT ), nous a permis de conforter ces modèles de l’interaction et de proposer des solutions concrètes en termes de contraintes (dans IRI ) ou d’aides (dans le CAT ).

La principale critique qui peut être faite à ces modèles de l’interaction est qu’ils ne consi-dèrent pas les systèmes de référence choisis par l’utilisateur pour interpréter ses déplacements (égocentrique vs. exocentrique). Deux pistes de réflexion peuvent être proposées pour explorer

ce point. La première piste consiste à proposer simultanément des interfaces de manipulation et de locomotion. L’étude des interfaces, notamment de Cosmo Player, a permis de soulever brièvement la problématique des changements de référentiels. Dans la suite de ce travail, nous ne nous y intéresserons pas explicitement. La seconde piste consiste à soutenir l’utilisation préférentielle d’un système de référence. Par exemple, pour la locomotion, le concepteur doit soutenir l’utilisation d’une stratégie égocentrique par l’utilisateur. Tan (Tan et al., 2003 ; 2004 ; Tan, 2004) a notamment proposé qu’un grand écran pouvait soutenir la mise en place de cette stratégie égocentrique. Nous explorerons ce point dans le chapitre suivant, en étudiant l’impact des caractéristiques de l’utilisateur sur la performance d’interaction.

CHAPITRE 6

Expérimentations

Ce chapitre a pour objectif de déterminer quelles sont les caractéristiques de l’utilisateur influençant sa performance en réalité virtuelle. Dans les chapitres 3 et 4, deux types de carac-téristiques ont été identifiées : les caraccarac-téristiques cognitives, telles que les capacités spatiales, mnésiques ou motrices et les caractéristiques de stratégie de traitement de l’information, telles que le niveau d’expérience dans la tâche ou la dépendance-indépendance à l’égard du champ. Cette étude cherche à identifier l’impact respectif de ces caractéristiques sur la performance, mais également en fonction de l’interface et de la tâche. Dans cette optique, une expérimen-tation basée sur deux tâches (la manipulation et la locomotion) et deux interfaces (IRI et le CAT ) a été mise en place.

Plus précisément, la manipulation et deux sous-tâches de locomotion seront étudiées ex-périmentalement. Dans les chapitres 2 et 5, deux tâches d’interaction ont été identifiées : la manipulation et la locomotion. De même, deux sous-tâches de locomotion requérant la re-cherche d’une cible ont été définies : la locomotion amorcée où la position de la cible est connue et la locomotion naïve où la position de la cible est inconnue (Darken & Sibert, 1996). De plus, une des conclusions du chapitre précédent est la nécessité de soutenir la mise en place du référentiel spatial, adapté à la réalisation efficiente de la tâche. Ainsi, les sujets utilisant une stratégie égocentrique pour réaliser la tâche de locomotion devraient être plus performants que les sujets utilisant une stratégie exocentrique. Dans ce cadre, des résultats

expérimentaux (Patrick et al., 2000 ; Tan et al., 2003 ; Tan, 2004) ont montré qu’un grand écran pouvait être une aide pour soutenir la mise en place d’une stratégie égocentrique. C’est pourquoi, l’étude d’IRI sera complétée par celle de l’impact de la taille de l’écran sur la performance. Nous étudierons également le CAT défini dans le chapitre 5.

L’expérimentation menée dans ce chapitre se focalise donc sur les trois facteurs princi-paux de l’interaction homme-machine : l’utilisateur, la tâche et l’interface. Dans la première partie de ce chapitre, notre population d’utilisateurs ayant complété cette expérimentation est présentée. Dans la deuxième partie, les performances des utilisateurs en fonction de la tâche et de l’interface seront étudiées. Dans la troisième partie, l’impact des caractéristiques cognitives de l’utilisateur sur sa performance sera analysé. Enfin, dans la quatrième partie, l’impact de la dépendance-indépendance à l’égard du champ et de l’expérience en jeux vidéo sur la performance d’interaction sera étudié. Les deuxième, troisième et quatrième parties seront composées de quatre sous-parties. Dans la première, les principales hypothèses seront présentées, dans la seconde, le protocole expérimental sera détaillé tandis que les troisième et quatrième parties présenteront et discuteront les résultats.

6.1 Participants

98 étudiants volontaires et informés du protocole expérimental ont passé cette expéri-mentation. Les résultats de 3 sujets gauchers n’ont pas été pris en compte. Grâce à une analyse permettant d’identifier les sujets déviants, les données de 7 autres sujets ont été éli-minées de notre étude. La population se compose donc de 88 sujets droitiers, 50 hommes et 38 femmes. La différence d’effectifs entre les hommes et les femmes n’est pas significative [χ2(1) = 1,6 ; p > 0,05]1

. Tous les sujets ont entre 16 et 37 ans (m = 24,07 ; σ = 3,8)2 et sont en études supérieures. 82 sujets ont un cursus d’études scientifiques comprenant des enseignements d’informatiques, 6 sujets ont un cursus littéraires, mais ils ont une utilisation quotidienne des ordinateurs. Aucun sujet n’a de connaissances en réalité virtuelle. L’ensemble de ces informations a été recueilli grâce à un questionnaire présenté en Annexe B.

Le mal des simulateurs a également été contrôlé grâce à un questionnaire présenté en Annexe B mesurant l’inconfort général, la fatigue, les maux de ventre, de têtes et les gênes visuelles (LaViola, 2000 ; Kolasinski, 1995). Les sujets devaient compléter ce questionnaire à la fin de l’expérimentation. Certains sujets ont ressenti des gênes visuelles et des maux de tête (surtout pendant l’utilisation du CAT ) mais aucun sujet n’a dû abandonner le test.

1. Le test du χ2 permet de comparer la distribution théorique des individus en fonction d’une ou plusieurs variables discrètes à la distribution empirique (observée) des individus d’une population.