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Partie II : Modélisation et Expérimentation 89

5.1.1 Environnements réels

Pour se repérer dans un environnement réel, un individu dispose de deux types de référence spatiale : les premières contraignent ses mouvements locomoteurs ; les secondes lui permettent d’interpréter ses déplacements. En conséquence, dans cette section, nous définissons successi-vement ces deux types de référence spatiale.

Contraintes sur le déplacement : référence gravitationnelle et référence horizontale

En environnement réel, les déplacements d’un individu sont contraints par la gravité. Ainsi, il lui est impossible de se déplacer autrement que sur un support (sur le sol). Il en est de même pour la manipulation ou le déplacement d’un objet puisqu’il est également soumis aux lois de la pesanteur. Un individu évolue donc principalement sur une référence horizontale1

(Ohlmann, 1990).

Pour appréhender cette référence, certains auteurs (Grüsser, 1983 ; Rybarczyk, 2004) ont proposé que les individus segmentaient l’espace en fonction de leurs limitations sensorielles et motrices. Ainsi, trois espaces sphériques et concentriques gravitant autour de l’individu peuvent être distingués : l’espace personnel, l’espace extra-personnel et l’espace lointain. L’es-pace personnel peut se définir comme la zone qui s’étend depuis le pourtour immédiat de l’observateur jusqu’à une limite située au niveau de l’extension maximale du bras (Hall, 1966 ; Sommer, 1969). Cet espace correspond à la zone dans laquelle un individu peut manipuler des objets sans avoir à engendrer une activité locomotrice (cf. figure 5.1, configuration 1). L’espace extra-personnel est l’espace dans lequel l’individu se déplace rapidement, communique verba-lement avec autrui et échange des objets. L’espace lointain est celui qui se situe à plus de 30 mètres. L’individu ne peut pas manipuler les objets observés dans cet espace et le déplacement vers ceux-ci est coûteux en temps et en énergie motrice (cf. figure 5.1, configuration 2).

Objet de 0 à 1,5 m Objet Objet plus de 1,5 m Passage continu l’espace proximal Individu dans ou l’espace personnel Individu dans l’espace distal ou 1 MANIPULATION LOCOMOTION 2 l’espace extra−personnel l’espace lointain Distance

Objet observé présent dans l’environnement Individu soumis à la gravité

Figure 5.1 – Représentation schématique d’un individu en environnement réel

Cette théorie de l’espace est, en partie, congruente avec une autre théorie issue de la neuro-psychologie résultant de l’observation de doubles dissociations2chez des patients cérébro-lésés entre l’espace proximal et l’espace distal. Ainsi, de nombreux sujets montrent une incapacité à se représenter consciemment un secteur d’espace situé à proximité alors que d’autres ont des difficultés à se représenter un espace lointain (Halligan & Marshall, 1991 ; Cowey et al., 1994 ; 1999 ; Farnè et al., 1999). Les travaux de Cowey et al. (1999) suggèrent que la frontière entre l’espace proximal et l’espace distal se situe sur une zone correspondant grossièrement à la longueur maximale du bras (soit environ 1,5 mètres). Le passage d’un espace à l’autre est continu et peu problématique pour un individu (cf. figure 5.1), il résulte uniquement du dépla-cement locomoteur de l’observateur par rapport à l’objet observé. L’espace personnel (de la manipulation) peut donc être assimilé à l’espace proximal, de même l’espace extra-personnel et l’espace lointain (de la locomotion) sont assimilables à l’espace distal (cf. figure 5.1).

Pour affiner ces remarques, nous pouvons noter, que sans outillage, les déplacements d’un individu ne nécessitent pas le contrôle complet des six degrés de liberté. En effet, les dépla-cements d’un humain sont contraints par les limitations biomécaniques de son corps et/ou de sa tête. Ainsi, un individu (debout sur ses pieds) peut effectuer uniquement des rotations

2. Nous rappelons que pour conclure en terme de double dissociation, il faut démontrer qu’un symptôme A apparaît lors de la lésion d’une structure S1 mais non lors de celle de S2 et que le symptôme B apparaît lors de la lésion de la structure S2 mais pas de S1.

quelconques par rapport à l’axe de la verticale, alors que les rotations sur le plan horizontal lui sont impossibles.

Nous poursuivons cette étude de l’individu en environnement réel en nous demandant comment ce dernier interprète ses déplacements.

Interprétation des déplacements : référence égocentrique et référence exocentrique

En environnement réel, pour interpréter son déplacement, un individu doit s’en construire un modèle mental. Pour cela, il utilise soit un référentiel égocentrique dans lequel il se considère comme l’origine du système (à ma droite, devant moi), soit un référentiel exocentrique (appelé également allocentrique, objectif, géocentrique) dans lequel les objets sont localisés par rapport à des repères extérieurs présents dans l’environnement (en face de la fenêtre, sous la table) (Hatwell, 1990). Une représentation schématique de ces deux référentiels est présentée sur la figure 5.2. Objet Objet 2 Objet 1 Objet 2 Objet 1

Individu soumis à la gravité Objet

Système de référence égocentrique Système de référence exocentrique

Indices utilisés : visuels Indices utilisés : proprioceptifs − vestibulaires

Lien de référence

Figure 5.2 – Référence égocentrique vs. référence exocentrique

La référence égocentrique se base sur des informations proprioceptives et vestibulaires ce qui signifie que l’individu utilise les informations provenant de son corps pour se repérer et interpréter ses déplacements. L’utilisation d’une référence exocentrique implique que l’individu utilise la position de repères visuels présents dans l’environnement pour se localiser (Huteau, 1987) (cf. figure 5.2). Cependant, ces deux références ne doivent pas être considérées comme totalement indépendantes puisque les indices extérieurs servant à la localisation exocentrique peuvent eux mêmes être localisés par l’individu sur un mode égocentrique (Hatwell, 1990).

Les individus utilisent préférentiellement l’un ou l’autre de ces systèmes de référence et cela de façon dépendante vis à vis de la tâche et des différences inter-individuelles telles que l’expérience personnelle ou la dépendance-indépendance à l’égard du champ (Wohwill, 1981 ;

Ohlmann, 1990). La tâche d’orientation spatiale de Guilford & Zimmerman (1989) nécessite, par exemple, l’utilisation de connaissances égocentriques, elle sera donc réalisée plus efficace-ment en utilisant une référence de ce type tandis que la tâche de rotation efficace-mentale de Van-denberg & Kuse (1978) demande l’utilisation d’une référence exocentrique. De plus, certains individus, les indépendants à l’égard du champ, privilégient les références égocentriques tandis que d’autres, les dépendants à l’égard du champ, privilégient les références exocentrique (cf. chapitre 4).

En résumé, en environnement réel, le référentiel gravitationnel et horizontal contraint le déplacement d’un individu et la manipulation des objets. Alors que les systèmes de référence égocentrique et exocentrique lui permettent d’interpréter ses déplacements. Par contre, en environnement virtuel, ces différents référentiels ne sont pas systématiquement définis. C’est pourquoi, nous poursuivons notre réflexion en étudiant les spécificités des environnements virtuels.