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3.3 Les étapes du traitement de l’information

4.1.3 Capacités spatiales et performance en réalité virtuelle

Dans un premier temps, les principales études issues du domaine de l’interaction homme-machine et de celui des environnements virtuels sémantiques seront présentées, dans un second temps les études reliant les capacités spatiales aux performances en réalité virtuelle seront introduites.

Le rôle des capacités spatiales dans la navigation dans de grandes structures de fichiers, dans des bases de données ou dans des hypermédias3

a été étudié depuis de nombreuses années. Le lecteur trouvera des revues de cette problématique dans Egan (1988) ou plus récemment Chen & Rada (1996) et Chen & Yu (2000). Quelques-unes de ces études sont présentées à titre d’exemple.

Ainsi, Vicente et al. (1987) ont montré que les capacités spatiales étaient corrélées au temps nécessaire pour localiser une cible dans un système hiérarchique de fichiers. En effet, les utilisateurs ayant de faibles capacités spatiales ont tendance à se perdre dans des structures hiérarchiques. Des résultats similaires ont montré des corrélations fortes entre les capacités en rotation mentale et le temps de complétion d’une tâche de recherche d’informations dans un hypermédia (Dahlbäck et al., 1996). Ces résultats peuvent être affinés par celui de Benyon & Murray (1993). Ces auteurs ont montré que les utilisateurs ayant de bonnes capacités spatiales étaient plus performants pour effectuer des requêtes dans une base de données en utilisant un langage de commande, tandis que les utilisateurs ayant de faibles capacités spatiales étaient plus performants avec un système de requêtes à base de menus.

Ces études ont fait l’objet d’extensions directes en réalité virtuelle dans le cadre des re-cherches sur les environnements virtuels sémantiques. Les environnements virtuels sémantiques sont des espaces d’informations représentés sous forme de graphes et construits en trois dimen-sions en fonction de la sémantique de l’information. Cette représentation permet de proposer un double codage sémantique et spatial de l’information afin de faciliter sa localisation et sa compréhension. Ces environnements virtuels sont particuliers car l’organisation spatiale est porteuse de sens. Dans ce cadre, Chen (2000) a étudié l’impact des mémoires associative (per-mettant l’association de différents concepts, d’images et de mots, de plusieurs mots, etc.) et visuelle sur la recherche d’informations. Les résultats ont indiqué que plus les sujets avaient de bonne performance en mémoire associative, plus un nombre importantes d’informations pertinentes était localisé. Les deux variables mémoire associative et nombre d’informations lo-calisées sont donc corrélées positivement. Par contre, ce nombre d’information lolo-calisées n’était pas corrélé aux performances en mémoire visuelle. Une seconde expérience de cette étude ne

3. Un hypermédia se base sur un procédé semblable à celui de l’hypertexte, mais les objets manipulés sont du texte, des images, des vidéos, des sons etc. Un hypertexte est un texte contenant des liens permettant un accès direct vers d’autres parties du texte ou d’autres pages.

montre aucune corrélation véritablement significative entre les facteurs cognitifs (visualisation spatiale, mémoire associative) et la performance de recherche d’informations. Cependant, il est difficile de conclure car ces études ont été effectuées sur des effectifs de sujets très réduits (dix sujets).

Les travaux de Westerman & Cribbin (2000) et de Westerman et al. (2005) ont permis de les compléter et de les affiner. En effet, Westerman et al. (2005) ont proposé une expérimen-tation similaire mais sur un échantillon de quatre vingt quatre participants. Ils ont montré que les utilisateurs faibles en mémoire spatiale sont plus rapides et plus efficaces dans leur recherche d’informations que les utilisateurs performants en mémoire spatiale. Ces résultats indiquent donc une corrélation négative. Par contre, ils ne montrent aucun effet de la mémoire associative. De plus, Westerman et al. (2005) ont proposé deux types de représentation de l’en-vironnement sémantique : une représentation bidimensionnelle et une représentation tridimen-sionnelle. Les utilisateurs faibles en mémoire spatiale sont meilleurs avec une représentation tridimensionnelle tandis que les utilisateurs bons en mémoire spatiale sont meilleurs avec une représentation bidimensionnelle. Ces résultats sont relativement surprenants car ils montrent que les utilisateurs efficients en mémoire spatiale sont en difficulté avec une représentation tridimensionnelle de l’information. Ces résultats sont spécifiques à un type d’environnement très particulier où l’organisation spatiale de l’information a un sens. Il est donc difficile d’ex-trapoler ces résultats à tout environnement virtuel. Ils montrent néanmoins que l’utilisation d’un environnement tridimensionnelle engendre des différences de performances importantes en fonction des capacités spatiales et mnésiques des utilisateurs.

Dans la seconde partie de cette section, nous nous focaliserons uniquement sur l’impact des capacités spatiales sur la performance en réalité virtuelle. L’un des principaux auteurs de ce domaine est David Waller. En effet, il a réalisé différents travaux étudiant l’impact des différences inter-individuelles sur la performance de navigation dans un environnement virtuel, notamment sur l’acquisition des connaissances spatiales relatives à cet environnement et sur le transfert de ces connaissances en environnement réel (Waller et al., 2001 ; Waller, 1999 ; Waller et al., 1998). Nous nous intéressons plus particulièrement à l’étude publiée en 20004

. Cet auteur a demandé à des étudiants d’effectuer une tâche de navigation dans un labyrinthe virtuel. Le labyrinthe était visualisé sur un écran d’ordinateur et le sujet utilisait un joystick pour se déplacer dans l’environnement virtuel. Waller (2000) a mesuré les performances de locomotion dans ce labyrinthe virtuel par le temps de complétion de la tâche. Il a également estimé l’acquisition de connaissances spatiales sur ce labyrinthe en demandant au sujet d’es-timer des distances entre des points particuliers de l’environnement et de dessiner une carte de cet environnement à la fin de la tâche de navigation. Du point de vue des caractéristiques

4. Les résultats des autres études (Waller et al., 2001 ; Waller, 1999 ; Waller et al., 1998) sont cohérents avec ceux présentés dans Waller (2000))

de l’utilisateur, Waller (2000) s’est intéressé au sexe et aux capacités spatiales (plus parti-culièrement à l’orientation et à la visualisation spatiale) des utilisateurs mais également aux capacités verbales, à l’expérience des ordinateurs, et à l’acquisition de connaissances en monde réel. Ces résultats ont mis en exergue des corrélations positives entre les capacités spatiales, les performances de locomotion et la performance d’acquisition de connaissances dans un environ-nement virtuel. Ce résultat permet de conclure que la composante cognitive de la navigation (l’acquisition de connaissances spatiales) ainsi que la composante motrice (la locomotion) sont corrélées aux capacités spatiales. Nous reviendrons sur les résultats concernant l’impact du sexe des utilisateurs sur les performances dans la section 4.4.

Cette étude de Waller (2000) est l’une des rares à s’intéresser explicitement à l’implication des capacités spatiales sur la performance de locomotion en réalité virtuelle. En effet, les études se sont surtout concentrées sur l’acquisition de connaissances en environnement virtuel. Par exemple, Moffat et al. (1998) ont étudié comment des sujets trouvaient leur chemin dans un labyrinthe virtuel. Ce labyrinthe était visualisé sur un ordinateur classique et les sujets se déplaçaient avec les touches du clavier. La performance de navigation a été estimée grâce au temps de complétion de la tâche et au nombre d’erreurs dans le déplacement. Du point de vue des caractéristiques des utilisateurs, Moffat et al. (1998) ont calculé un facteur spatial (à partir d’un test de rotation mentale, d’un test d’orientation spatiale et d’un test mesurant le sens de la direction5

) et un facteur verbal (avec un test de vocabulaire et un test de production de mots6 ). Ils ont montré des corrélations négatives avec le temps et le nombre d’erreurs uniquement pour le facteur spatial. En effet, plus les performances spatiales des sujets sont bonnes, moins ils mettent de temps et font d’erreurs pour réaliser la tâche. Cependant, l’analyse détaillée des résultats pour chaque test révèle une corrélation des performances de navigation avec les trois tests spatiaux mais également avec le test de vocabulaire. Dans une étude ultérieure, ce même auteur (Moffat et al., 2001), a montré l’impact des mémoires verbale et visuelle et de l’efficience en rotation mentale sur la performance de navigation dans un labyrinthe. Ces résultats sont également cohérents avec ceux de Diaz & Sims (2003) et de Cutmore et al. (2000) qui montrent que les utilisateurs efficients dans l’acquisition de connaissances dans l’environnement virtuel sont les utilisateurs performants en capacités spatiales et en mémoire spatiale. Diaz & Sims (2003) ont montré que les utilisateurs performants en orientation spatiale sont meilleurs dans des tâches d’estimation des distances dans un environnement virtuel que les utilisateurs peu performants. Cutmore et al. (2000), quant à eux, ont observé que les utilisateurs bons aux épreuves de mémoire spatiale estimaient mieux les distances entre des points de repère dans un environnement virtuel. Pour contrôler l’effet du sexe sur les capacités spatiales, cette étude a été effectuée uniquement sur une population féminine.

5. Ce dernier test permet de mesurer comment un individu se repère dans un environnement.