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Evaluation de l'hématurie

Approche diagnostique d’une hématurie

3. Evaluation de l'hématurie

L'évaluation initiale d'une hématurie est relativement simple et doit répondre aux trois questions suivantes :

• Y-a-t-il un élément de l'interrogatoire ou de l'examen physique suggérant un diagnostic particulier ?

• L'hématurie est-elle d'origine glomérulaire ou extraglomérulaire ?

• L'hématurie est-elle persistante ou transitoire ?

Certains éléments de l'interrogatoire peuvent orienter vers un diagnostic spécifique : 1. L'association d'une pyurie et d'une dysurie est habituellement indicative d'une

infection de l'arbre urinaire.

2. Une histoire infectieuse récente ORL ou respiratoire suggère soit une glomérulonéphrite postinfectieuse, soit une néphropathie à IgA.

3. Une histoire familiale positive d'insuffisance rénale oriente vers un syndrome d'Alport ou une polykystose rénale.

4. Une douleur lombaire unilatérale suggère une obstruction urétérale liée à un calcul ou à un caillot.

5. Une dysurie et une anomalie de la miction chez un homme âgé orientent vers une obstruction prostatique.

6. La notion d'un exercice physique important ou d'un traumatisme.

7. La notion d'un trouble hémorragique ou d'un traitement anticoagulant mal contrôlé. Il est important de souligner qu'une hématurie ne peut pas être expliquée par un simple traitement anticoagulant au long cours. Dans ce cas, le traitement

anticoagulant est un facteur favorisant le saignement mais n'en est pas la cause. Une cause précise au saignement est retrouvée dans plus de 80 % des cas de sujets traités au long cours par AVK.

8. Une hématurie cyclique chez la femme avec une recrudescence pendant ou peu de temps après les menstruations suggère une endométriose de l'arbre urinaire. Une contamination par du sang menstruel est également possible et doit être éliminée en répétant les examens à distance.

9. Recherche de médications pouvant être responsables de néphropathie interstitielle aiguë ou chronique.

10.Chez les sujets noirs ou d'origine méditerranéenne, recherche d'une drépanocytose hétéro- ou homozygote pouvant entraîner une nécrose papillaire et une hématurie.

3.2. Hématurie glomérulaire versus hématurie extraglomérulaire

L'identification de l'origine glomérulaire d'une hématurie est importante à la fois en terme pronostique mais également pour optimiser la démarche diagnostique ultérieure. Par exemple, les individus avec des signes évidents d’hématurie glomérulaire n'ont pas besoin d'être systématiquement évalués pour une maladie urologique.

1. La présence de symptômes urologiques : colique néphrétique, douleurs, dysurie, fièvre, oriente a priori vers une hématurie extraglomérulaire. La présence de caillots est presque toujours suggestive d'hématurie extraglomérulaire. En effet, les caillots ne sont pas observés au cours des saignements glomérulaires en raison de la

présence d'urokinase et d'activateur tissulaire du plasminogène dans les glomérules et les tubes rénaux.

2. La chronologie de l'hématurie apporte également des informations précieuses. Cette chronologie est étudiée par les preuves dites des 3 tubes (ou des 3 verres) en début, milieu et fin de miction.

Une hématurie initiale témoigne d'une lésion urétrale alors que l'hématurie

terminale témoigne d'une lésion au niveau du trigone vésical. Une hématurie totale présente dans les 3 échantillons n'a cependant pas de valeur localisatrice car ces

hématuries totales peuvent traduire des lésions rénales, urétériques ou diffuses de la vessie. De plus, toute hématurie abondante est totale quelle qu'en soit l'origine. 3. Les signes urinaires associés ont également une grande valeur localisatrice. La

présence de cylindres hématiques qui sont quasiment pathognomoniques de maladies glomérulaires, une protéinurie supérieure à 500 mg/jour en l'absence d'hématurie macroscopique, l'existence d'érythrocytes dysmorphiques dans les urines et une coloration brunâtre "coca-cola" des urines sont des arguments

suggérant l'origine glomérulaire de l'hématurie. Bien que ces signes aient une grande valeur lorsqu'ils sont présents, leur absence ne permet pas d'exclure une maladie glomérulaire.

Il est important de considérer que l'hématurie isolée n'entraîne pas d'augmentation significative de l'excrétion urinaire d'albumine ou d'autres protéines. Par exemple, 1 ml de sang dans 1 litre d'urines est suffisant pour provoquer une coloration rouge de l'urine. Cette quantité de sang contient approximativement 150 000 hématies et 0,6 ml de plasma qui contient seulement 35 mg de protéines (si la concentration protéique est de 60 g/l). L'existence d'une concentration urinaire d'albumine supérieure à 100 mg/l est très suggestive d'atteinte glomérulaire associée. même lorsqu'il existe une hématurie

macroscopique. Le filtrage des urines avant le dosage de protéinurie ou la recherche directe d'albumine par technique radioimmunologique permet généralement de rattacher la

protéinurie à une anomalie glomérulaire (par opposition aux diverses protéines provenant de débris cellulaires).

L'évaluation de la morphologie des érythrocytes urinaires en microscopie à contraste de phase peut s’avérer utile pour le diagnostic de localisation d'une hématurie.

Les érythrocytes réguliers, biconcaves, arondis, uniformes en taille (comme dans un frottis sanguin normal périphérique) sont plus probablement d'origine extrarénale, provenant du pelvis, de l'uretère, de la vessie, de la prostate ou de l'urètre. L’hématurie est dite normo- ou isomorphique.

Inversement, l’hématurie glomérulaire est typiquement caractérisée par des érythrocytes dysmorphiques, fragmentés, avec des excroissances et des pertes segmentaires de

membrane et qui ont perdu presque complètement leur contenu en hémoglobine. Ces altérations morphologiques des globules rouges résultent à la fois du traumatisme mécanique lors du passage dans le capillaire glomérulaire et du traumatisme osmotique lorsque les érythrocytes passent à travers les différents segments du néphron. Ces hématies dysmorphiques traduisent des lésions parenchymateuses rénales y compris mais pas

uniquement glomérulaires. La présence d'acanthocytes, c'est-à-dire d’érythrocytes en anneaux avec des protrusions vésiculaires, observés en microscopie à contraste phase, est encore plus prédictive de l'origine glomérulaire d'une hématurie que les érythrocytes dysmorphiques. L'expérience des examinateurs est généralement limitée dans ce domaine, si bien que la rentabilité de ces examens est extrêmement opérateur-dépendante.

Bien que toute maladie glomérulaire puisse être responsable d'hématurie, l’hématurie glomérulaire est rarement isolée si bien que la plupart des patients ont d'autres signes évocateurs, comme une protéinurie, des cylindres hématiques ou une insuffisance rénale.

Lorsqu'une hématurie persistante est la seule manifestation d'une maladie glomérulaire, 3 affections seulement sont vraisemblables :

1. La néphropathie à IgA au cours de laquelle il y a souvent une hématurie macroscopique mais une histoire familiale négative ;

2. Le syndrome d'Alport au cours duquel l'hématurie macroscopique peut survenir mais généralement en association avec une histoire familiale d'insuffisance rénale ;

3. Une maladie des membranes basales minces également appelée "hématurie familiale bénigne" au cours de laquelle l'hématurie macroscopique est inhabituelle et où l'histoire familiale peut être positive pour une hématurie microscopique et/ou une protéinurie de faible abondance mais sans notion d'insuffisance rénale.

Une de ces 3 affections est retrouvée chez plus de la moitié des patients adultes avec une hématurie isolée, un examen radiologique normal et une cystoscopie négative. Une glomérulonéphrite post-infectieuse à distance et l'exercice physique intense peuvent également induire une hématurie glomérulaire isolée, cependant dans ce cas, l'hématurie est typiquement transitoire et non pas persistante.

Les patients avec une hématurie glomérulaire doivent être adressés au néphrologue pour discuter l'indication d'une ponction biopsie rénale. En cas d'hématurie glomérulaire

strictement isolée et de faible abondance, a fortiori si elle est intermittente, la biopsie rénale n'est pas systématiquement effectuée car les informations qu'elle apporte affectent

généralement peu le pronostic et le traitement de ces patients. La biopsie doit cependant être réalisée soit d'emblée, soit secondairement si l'hématurie s'associe à d'autres signes d'évolutivité de la maladie par exemple une protéinurie progressivement croissante, une augmentation de la créatinine plasmatique ou une hypertension artérielle.

3.3. Hématurie persistante ou intermittente

Il n'existe aucune cause d'hématurie de faible abondance et strictement isolée qui nécessite un diagnostic immédiat. Il est dans ces conditions souvent préférable de répéter l'examen urinaire après quelques jours ou quelques semaines pour vérifier si l'hématurie est

persistante ou intermittente.

Une hématurie microscopique transitoire est une situation fréquente chez l'adulte. Dans une étude chez des hommes jeunes âgés de 18 à 33 ans, l'hématurie était retrouvée chez 39 % à au moins une occasion et chez 16 % à 2 occasions ou plus. L'hématurie est également retrouvée chez 13 % des femmes ménauposées. Aucune étiologie évidente ne peut être identifiée dans la plupart des cas. La fièvre, l'infection, les traumatismes et l'exercice sont des causes possibles d'hématuries transitoires.

Chez les sujets âgés cependant, l'hématurie même transitoire comporte un risque

appréciable de cancer (après avoir éliminé une hématurie glomérulaire). 2,5 à 9 % de ces patients peuvent avoir un cancer des voies urinaires (vessie, rein ou prostate) après

évaluation étiologique exhaustive. Le risque de tumeur est plus important chez l'homme et après l'âge de 50 ans. Ni la cytologie, ni l'urographie intra-veineuse ne détectent de façon fiable l'ensemble des tumeurs. L'échographie est très sensible pour la détection de tumeurs

rénales alors que la cystoscopie est plus fiable pour le diagnostic des cancers de la vessie ou de la prostate.

Le risque de cancer sous-jacent est encore plus important en cas d'hématurie persistante, d'origine extraglomérulaire et sans cause évidente lors de l'interrogatoire. Dans ce cas, l'incidence de cancer va de 5 % pour une hématurie microscopique jusqu'à 20 % en cas d'hématurie macroscopique. Dans tous les cas, la proportion de cancers est clairement âge- dépendante et augmente de façon substantielle chez les patients de plus de 50 ans.

4. Imagerie

Une fois qu'un saignement glomérulaire a été exclu, l'étape diagnostique suivante est la recherche d'une tumeur du rein, du système collecteur, des uretères et de la vessie. La rentabilité diagnostique chez l'adulte augmente avec l'âge et elle est plus importante avec l'hématurie macroscopique (5 à 23 %) qu’avec l'hématurie microscopique (jusqu'à 14 %). La démarche optimale d'imagerie reste mal établie parce que la majorité des patients ont des signes très minimes. Une urographie intra-veineuse ou une échographie rénale à la

recherche de calculs, d'une tumeur du rein ou d'une polykystose est généralement

effectuée. L'urographie inta-veineuse est préférable chez les jeunes patients car cet examen détecte des lésions comme l'ectasie canaliculaire précalicielle qui ne sont pas détectées par l'échographie. Chez les patients qui ont une contre-indication à l'urographie intra-veineuse (par exemple allergie au produit de contraste) l'échographie peut être utilisée à la place. Cet examen est moins coûteux mais la rentabillité diagnostique est plus faible. Les patients jeunes avec une urographie intra-veineuse normale ne nécessitent pas d'échographie dans la mesure où cet examen a une très faible valeur diagnostique dans ce contexte. Les sujets plus âgés peuvent être explorés d'abord par l'échographie qui est supérieure pour la visualisation de petites tumeurs du rein. La réalisation d'un scanner ou d'une RMN n'est habituellement pas nécessaire dans le cadre de cette évaluation initiale.