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1.2 Le changement de phase dans les garnitures mécaniques

1.2.2 Etudes expérimentales de la vaporisation

Les premiers travaux expérimentaux sur le changement de phase dans les garnitures mécaniques remontent aux années 1960. Orcutt est l’un des premiers à s’y être intéressé en 1969 [Orc69] avec l’étude de la défaillance de garnitures mécaniques alimentées par de l’eau et soumises à du changement de phase. Il a identifié vi- suellement sur une garniture mécanique le changement de phase se produisant dans l’interface à travers le rotor réalisé en quartz et éclairé par de la lumière blanche. Des franges interférométriques plus resserrées se forment quand la phase vapeur apparaît. Lorsque du changement de phase se produit, la phase vapeur est caractérisée par une interface de couleur claire tandis que la phase liquide apparaît de couleur sombre. Il constate également que la zone occupée par la phase vapeur augmente avec la température d’entrée du fluide, ce qui a tendance à diminuer le couple de frottement et le débit de fuite. En contre-partie, le changement d’état du fluide peut provoquer des oscillations sur le couple de frottement, qui ne sont pas souhaitables pour le bon fonctionnement de la garniture mécanique. De plus, l’auteur a constaté que l’apparition de la vaporisa- tion crée une plus grande force hydrostatique dans le film que dans une garniture mécanique fonctionnant en liquide pur. En effet, la densité change quand de la vaporisation apparaît, ce qui modifie le profil de pression dans le contact et génère plus de portance hydrostatique (fig.1.2.2) et une épaisseur de film plus grande.

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Figure1.2.2 – Profils de pression et d’enthalpie en fonction du rayon [Orc69]

La même année, Lymer [Lym69] a étudié le « puffing » dans une garniture mécanique, phénomène physique instable qui se caractérise par une ouverture et une fermeture répétée des faces de la garniture, avec un débit de fuite essentiellement sous phase vapeur. Il conduit à la formation d’un débit de fuite conséquent à cause de l’usure prématurée des faces de frottement, qui se manifeste par l’apparition de trous sur la surface en carbone. A l’aide d’un modèle théorique, il a estimé les températures pouvant être atteintes dans le film par calcul de la dissipation visqueuse et en prenant en compte les transferts de chaleur dans les solides. L’auteur constate que lorsque la température d’alimentation est proche de la température de saturation, la garniture mécanique présente des instabilités pour une certaine plage de fonctionnement. Il en conclut que le changement de phase peut être destructeur pour les garnitures.

Lebeck et Chiou, en 1982 [LC82], ont réalisé une étude théorique et expérimentale du comportement de garnitures mécaniques à faces lisses assurant l’étanchéité de l’eau à différentes températures (liquide et proche de sa température de saturation). Ils ont mesuré le débit de fuite, le couple de frottement et la température dans le stator. Ils montrent que le frottement décroît quand la température augmente car une force hydrostatique supplémentaire est générée dans le film lorsque du changement de phase se produit. A partir d’une certaine température, la vapeur occupera toute la surface de la garniture conduisant à une augmentation considérable du frottement. Dans certains cas, du « puffing » peut apparaître et générer des instabilités, ce qui a été constaté quand le débit de fuite augmente rapidement lorsque la température du film est proche de la température de saturation. L’augmentation du débit de fuite refroidit la garniture ce qui la conduit à un fonctionnement à plus basse température et à une réduction de l’épaisseur de film. Le frottement va alors augmenter et la garniture se réchauffer ce qui la conduit à s’ouvrir à nouveau. Ces cycles d’ouverture et de fermeture sont identifiés par des oscillations sur le débit de fuite. Le modèle développé par Lebeck et décrit dans la référence [Leb80] a été utilisé pour compararaison avec les essais expérimentaux. Lorsque le fluide se vaporise, le modèle prédit un bon comportement du couple de frottement mais le sous-estime. En revanche, la température à laquelle il augmente est correctement estimée.

En 2001, Cicone et al. [CPFT01] ont étudié expérimentalement par visualisation le changement de phase dans une garniture mécanique alimentée par de l’eau à température proche de sa valeur de saturation. Sur leur banc d’essai les deux surfaces sont immobiles et l’apport de chaleur dû au cisaillement du fluide est simulé

CHAPITRE 1. REVUE BIBLIOGRAPHIQUE 36 au moyen d’un disque chauffant. Le disque supérieur est transparent ce qui permet de visualiser l’interface à l’aide d’une caméra CCD. Une caméra infrarouge a également été utilisée pour avoir la température du fluide selon un méthode décrite par Tournerie et al. [TRF91]. Les auteurs constatent que le changement de phase est visible grâce à une démarcation nette entre les zones liquide et vapeur, positionnée à un certain rayon.

Migout, pendant ses travaux de thèse en 2010 [Mig10], a utilisé un banc d’essai pour garnitures mécaniques compensées à pression interne fonctionnant avec de l’eau chaude pressurisée. Le stator en saphir a permis la visualisation du changement de phase dans l’interface à l’aide d’une approche par interférométrie optique, en utilisant une lumière monochromatique. Grâce à cette technique, l’indice optique du fluide peut être déterminé pour avoir la proportion volumique de vapeur dans la phase de mixture. De plus, une caméra infrarouge a été utilisée pour mesurer les rayonnements thermiques émis par l’interface, ce qui a permis l’accès à la distribution de température dans le film fluide.

L’étude expérimentale du changement de phase sur des surfaces texturées semble avoir été initiée par Wang et al. en 2014 [WHL+14]. Ils ont visualisé et mesuré le changement de phase dans l’interface de garnitures

mécaniques à faces texturées et à faces lisses. Les textures utilisées sont des calottes-sphériques de différents diamètres et différentes profondeurs. Le dispositif expérimental est composé d’une garniture mécanique dont l’une de ses faces est mobile et transparente et l’autre est fixe et texturée. La garniture est mise en rotation par un servo-moteur et est alimentée par de l’eau sous pression et température contrôlées. Les résultats montrent que pour la garniture à face lisse, la vitesse de rotation maximum atteignable est limitée quand du changement de phase se produit car il s’accompagne d’une augmentation subite du couple de frottement et de la température. Les garnitures mécaniques à surfaces texturées présentent une nette amélioration de comportement car le couple et la température ne sont pas spécialement affectés par la vaporisation. En revanche, si la profondeur et le diamètre des textures sont trop importants, le bénéfice de la texturation est perdu et un comportement similaire à celui obtenu avec les faces lisses est observé. Ils concluent que la formation des zones de vaporisation et de cavitation est directement liée à la position et à la géométrie des textures.