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Etude en situation d’urgence, par application de la « Méthode

Alternative à l’Arbre de Décision du Codex Alimentarius »,

de la transmission du choléra par voie alimentaire dans les zones

1 Généralités

En novembre 2010, a été organisé par la DG-SANCO à Bruxelles, un meeting auquel participaient des représentants de la FAO et au cours duquel les résultats du programme BTSF en Afrique ont été présentés. Parmi les exposés, nous a été proposé que figure une présentation de la méthode alternative à l’arbre de décision du Codex Alimentarius. Cet exposé devait porter sur l’utilisation de cette méthode en tant que moyen d’évaluation de la pertinence des PMS appliqués dans les IAA. Les représentants de la FAO ont montré, à l’occasion de ce meeting et des discussions informelles qui ont suivi les exposés, un très grand intérêt pour cette méthode ainsi que pour la « Méthode de Gestion Globale de l’Hygiène dans les IAA » [47].

Comme suite aux échanges que nous avions eus à Bruxelles, la FAO nous a contactés au printemps 2011, pour participer au programme d’éradication de l’épidémie de Choléra qui sévit en Haïti depuis octobre 2010. Bien que des progrès très importants aient été enregistrés grâce aux mesures sanitaires mises en place, d’information des populations et de prévention sanitaire, surtout dans le domaine de la transmission de la maladie par voie hydrique, des carences persistaient dans la connaissance des mécanismes de contamination par voie alimentaire. Dans ce contexte, et c’est le motif de la proposition de collaboration qui nous a été faite, la FAO a souhaité que soit affinée par application de nos méthodes d’analyse des risques, la connaissance des mécanismes de la transmission alimentaire de l’affection, afin que soient optimisés les messages de prévention adressés aux populations.

Comme le montrent les exemples que nous avons précédemment développés, la possibilité était déjà bien établie, d’avoir recours à la « Méthode Alternative à l’Arbre de Décision du Codex Alimentarius » pour l’identification des moyens de prévention (BPH/BPF et CCP) des accidents alimentaires, qu’ils soient économiques (défaut de qualité de la poudre de piment au chapitre 6) ou sanitaires (transmission du botulisme par le jambon salé sec au chapitre 5). En revanche, cette opportunité d’intervention en Haïti, offerte par la FAO, a été l’occasion d’élargir ce champ d’application et d’évaluer avec succès la pertinence de cette méthode dans un nouveau contexte : celui de la lutte contre le choléra, maladie contagieuse évoluant sur le mode épidémique et transmise par voie alimentaire (eau de boisson et aliments).

La durée de la mission sur place se limitant à trois semaines, le choix stratégique a été d’orienter notre étude selon deux axes. Le premier de ces axes a été de relever les modes traditionnels culinaires ruraux d’Haïti en allant observer des mères famille en train de cuisiner et en discutant avec elles. A partir des informations relevées, il a été possible de schématiser sous forme de diagrammes de fabrication les principaux modes de préparation des aliments dans les familles de milieu rural en Haïti. Notre idée a été d’appliquer dans ce contexte traditionnel de préparation des aliments les mêmes méthodes d’analyse des risques, que dans celui des productions artisanales ou industrielles des IAA.

Le second axe a consisté à rencontrer les personnes ayant eu à opérer au contact des

cholériques : personnels des centres de traitement, coordonnateurs régionaux du programme d’éradication, …. Les observations faites par ces personnes ayant vu chacune un grand

nombre de malades, nous semblaient être de nature à pouvoir dégager des points communs ou un profil type des malades du choléra.

Après avoir mené notre étude suivant ces deux axes principaux, l’objectif final que nous nous étions fixé consistait à essayer, en croisant les informations recueillies, de voir s’il était

possible de mettre en évidence des pratiques culinaires ou des modes de consommation plus fréquemment associés que les autres, à l’observation de cas cliniques de choléra. Cette meilleure connaissance des conditions d’apparition des cas cliniques de la maladie, souvent mortels, revêtait à nos yeux une importance cruciale, compte tenu du fait que la très grande majorité des personnes contaminées par ce germe en deviennent transitoirement excrétrices, mais ne présentent aucun symptôme.

2 Le choléra

- 2.1 Généralités sur la maladie

L’agent pathogène responsable du choléra est Vibrio cholerae, du genre Vibrio qui fait partie de la famille des Vibrionaceae (qui comprend quatre genres : Vibrio, Photobacterium,

Plesiomonas et Aeromonas) [45]. Ce germe est connu depuis la seconde moitié du 19ème siècle pour avoir été observé en 1854 par Filippo Pacini dans les selles de cholériques, mais c’est Robert Koch qui en 1884 montre que le « bacille virgule », nom donné au vibrion à cette époque, est bien l’agent responsable du choléra.

La maladie, qui se caractérise par l’apparition brutale d’une diarrhée aqueuse, profuse provoquée par la toxine cholérique, accompagnée d’une déshydratation intense pouvant entraîner la mort, ne se manifeste que sur une minorité des personnes contaminées.

L’incubation dure de quelques heures à quelques jours, en fonction de la taille de l’inoculum ingéré par le malade. Ce cortège symptomatique peut encore être aggravé par l’apparition de vomissements qui accentuent le phénomène de déshydratation. Faute de soins, cette

déshydratation intense peut rapidement entraîner la mort dans les heures qui suivent l’apparition des premiers symptômes.

L’effet pathogène est provoqué par la toxine qui est secrétée par les vibrions après qu’ils se soient fixés aux cellules épithéliales de la paroi intestinale. L’intervention de toxine qui aurait été secrétée dans l’aliment dans les heures ayant précédé son ingestion est toujours suspectée [26], mais ce point n’est pas encore tranché à l’heure actuelle, par les autorités scientifiques. La toxine est responsable de désordres électrolytiques car elle perturbe les échanges hydriques à travers la paroi intestinale en inversant leur sens. La malnutrition (fréquente en Haïti) est responsable d’achlorhydrie [45] qui diminue l’intensité de l’acidité gastrique et abolit ainsi l’effet protecteur de l’acidité gastrique normale vis-à-vis du vibrion cholérique (valeur normale de pH voisine de 2). L’effet létal d’une acidité gastrique normale détruit les vibrions véhiculés par l’eau ou les aliments au moment de leur séjour dans l’estomac, et leur interdit de ce fait de venir agresser la muqueuse intestinale.

Même dans le cas des formes sévères, la guérison peut être obtenue, sans séquelles, si un traitement de réhydratation par voie parentérale ou même per os, est administré suffisamment rapidement au malade après l’apparition des premiers symptômes. L’antibiothérapie ne joue pour sa part qu’un rôle accessoire si toutefois on y a recours ce qui n’est pas la règle. La prophylaxie vaccinale du choléra serait en principe rendue possible par l’administration per os des vaccins disponibles sur le marché. Malheureusement bien qu’elle soit efficace, la protection conférée par cette vaccination n’est que de très courte durée, de l’ordre de six mois à un an et pas plus. Dans ces conditions, la fréquence trop élevée qu’il faudrait appliquer à des campagnes massives de vaccination, rend le recours à cette solution inenvisageable [45, p293].

En conséquence, c’est probablement en renforçant les mesures relatives à la maîtrise sanitaire de l’eau et des aliments, depuis les secteurs de la production primaire (produits de la pêche, culture et récolte des fruits et légumes, élevage et abattage) jusqu’à l’assiette du

consommateur final, que la prévention du choléra sera la plus efficace. - 2.2 Epidémiologie