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Partie I : La fracturation une problématique complexe : nécessité d’une approche multiéchelle

4. Le réseau de fissures : état initial et évolution

4.1. Etude du réseau de fissures

Les observations et résultats discutés dans ce chapitre ont été effectués dans le cadre de cette thèse. Ils constituent les prémices d’une étude de plus grande envergure, qui se poursuit, sur le bloc H95CV07 (voir paragraphe § 2.2.1).

4.1.1. Description du réseau de fissures à la lumière des conditions d’élaboration

Les colis de verre de type R7T7 présentent un réseau de fissures observables par des moyens indirects (tomographie) ou directs (après découpe du bloc). La découpe du bloc H95CV07, selon le schéma présenté en Figure I -12, a permis de mettre en évidence ce réseau.

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B loc H 95 C V 07 ½ b lo c ½ bloc C o upe lon gitu dinale

½ bloc 5 se ctions C ou pe transve rsale C o upe 2 C o upe 3 C o upe 4 C o upe 5 C o upe 1

P laque s soudée s sur les surfa ce s la térale et infé rieure

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B loc H 95 C V 07 ½ b lo c ½ bloc C o upe lon gitu dinale

½ bloc 5 se ctions C ou pe transve rsale C o upe 2 C o upe 3 C o upe 4 C o upe 5 C o upe 1

P laque s soudée s sur les surfa ce s la térale et infé rieure

C o upe 1

P laque s soudée s sur les surfa ce s la térale et infé rieure

Figure I - 12 : schéma de principe de la découpe du bloc H95CV07.

L’observation de celui-ci montre qu’il est caractéristique de son élaboration. Le scénario d’élaboration du colis de verre de 400 kg a été le suivant :

- Préchauffage du conteneur vide pendant 3 h à 500°C. - 1ére coulée de 200 kg de verre.

- 8 heures après : 2 éme coulée 200 kg de verre et arrêt du préchauffage. Le refroidissement commence dans le four.

- 2 heures et demi après : le colis est sorti et refroidit naturellement à l’air hors du four. La chute de température, lors du refroidissement naturel, conduit à une variation de densité du verre qui crée, d’une part une retassure, d’autre part une dépression forte au sein du bloc à l’origine de création de fissures. La forme du réseau de fissures, observée en Figure I - 13, s’explique ainsi par la présence de cette forte dépression au centre provoquant des fissures concentriques et la décohésion de sphères entourant les centres des coulées, qui se fissurent ensuite radialement.

Figure I - 13 : photo de la demi coupe longitudinale restante d’un colis de verre de type R7T7 (H95CV07).

Les photos du bloc montrent également des distances entre les fissures très faibles par rapport à leur longueur, ce qui prouve que la fissuration s’effectue suivant un régime dynamique (rupture brutale).

La modélisation du gradient thermique et des contraintes induites par différents scénarios thermiques, dont celui décrit précédemment, sur un verre de type R7T7 corrobore ces conclusions (Moncouyoux et al., 1991). Elle est basée sur la mécanique classique et les équations de la chaleur en mode transitoire. Le comportement viscoélastique du verre est décrit par un modèle de Maxwell 1D avec des caractéristiques dépendantes de la température. La rupture n’est pas intégrée dans la modélisation, mais la taille minimale des défauts pouvant l’induire est évaluée, grâce au facteur d’intensité de contrainte à la rupture.

4.1.2. Caractérisations non destructives du réseau

La caractérisation du réseau de fissures a été permise par la mise en œuvre de deux techniques d’analyse non destructives :

- l’étude au MEB de réplique de surface : étude sélective.

- La tomographie : étude complète de l’échantillon à la limite de résolution près. 4.1.2.1. Les répliques de surface

Une réplique de surface est obtenue à partir de deux agents chimiques dont le mélange forme une pâte plus ou moins visqueuse qui épouse la surface. En séchant, elle forme une empreinte qui se détache aisément en conservant les marques (en négatif) de la topographie de la surface. Pour notre étude, nous avons utilisé le produit Repliset-F5 présentant un durcissement rapide et pouvant être appliqué sur des surfaces inclinées ou horizontales. La résolution associée à ce type de réplique est de 0,1 µm.

La réalisation de quelques répliques de surfaces d’environ 2 à 3 cm de diamètre sur les coupes 2, 4 et 5 du bloc H95CV07 (voir Figure I - 12) a été effectuée dans le but d'observer les fissures (ouverture, nombre, profondeur..) de manière non destructive au microscope électronique à balayage à effet de champ (voir annexe A2 pour la description du principe de cette technique). Bien qu’au cours de l’examen des répliques peu de fissures aient été décelées, quelques-unes ont donné des résultats intéressants (voir Figure I – 14).

Figure I - 14 : réplique effectuée vers le cœur sur la coupe 5 du bloc H95CV07 observée au MEB. Les observations montrent des bosses (donc sur le bloc des fissures) dont la base varie de 800 m à 1 mm et le sommet (ou fond de fissure) peut aller de 50 m à 100 m. Le sommet semble plat, cependant on constate la présence de nombreux morceaux de verre englués ainsi qu’un peu de matière métallique pouvant provenir du conteneur, qui pourraient être à l'origine

de l'arrêt de l'imprégnation de la résine. Des fissures de plus petites tailles (50 m, 120 m, voire même de l’ordre de quelques microns) ont pu être détectées (voir Figure I - 15).

Figure I - 15 : répliques effectuées sur la coupe 2 (à gauche) et sur la coupe 4 (à droite) mettant en évidence des saillies donc des fissures dans le verre dont l’ouverture est de quelques microns. Ces analyses ne sont pas représentatives du réseau de fissures dans son ensemble, car les répliques ne couvrent qu’une partie très restreinte de la surface du bloc. Cependant, elles mettent en évidence l’existence d’une large gamme d’ouverture de fissures allant du millimètre jusqu’à quelques microns d’ouverture.

4.1.2.2. Tomographie

L’étude de la connectivité des fissures au sein du colis ne peut pas être menée par l’intermédiaire de réplique de surface, alors que la tomographie se révèle plus adaptée pour cela (voir Annexe A1 pour la description du principe de la tomographie). Cette analyse a été effectuée par Tomoadour par l’intermédiaire d’un tomographe industriel de 450 kV dit de seconde génération et d’un logiciel de traitement de Materialise.

Compte tenu de l’augmentation de la limite de détection avec la taille de l’échantillon, l’analyse tomographique est conduite sur une coupe transverse (demi-cylindre de 42 cm de diamètre et 20 cm de hauteur) et non sur le colis en entier (cylindre de 42 cm de diamètre et 1 m 20 de hauteur). Cette restriction en dimension permet d’atteindre une résolution de 160 µm. Rappelons qu’une résolution de 100 µm avait pu être obtenue au BAM de Berlin (paragraphe § 3.2). Le choix de la section à tomographier s’est porté sur la coupe numéro 3 (voir Figure I - 12 et Figure I - 16). Notons que la découpe du colis peut avoir conduit à la génération de fissures ou à l’ouverture de fissures déjà existantes.

La compilation, le seuillage et la triangulation de 415 coupes tomographiques 2D, séparées les unes des autres d’un millimètre, a permis la reconstitution du réseau de fissures en 3D (Figure I - 17). Ce traitement génère les deux parois d’une fissure détectée. La détection est limitée à des différences de densité supérieure à 15 - 20 %. Ce réseau de fissures peut être divisé en deux sous réseaux :

- un réseau de fissures principal : il est constitué de la majorité des fissures observées. ces dernières sont toutes connectées les unes aux autres (en rouge sur la Figure I - 17a).

- un réseau de fissures secondaire : il est peu étendu et constitué d’amas de fissures non connectées entre elles (en rouge sur la Figure I -17b).

Figure I - 17 : réseau de fissure en 3 D, obtenu par reconstitution de coupes tomographiques, constitué de deux sous réseaux : un réseau de fissure principal (en rouge sur l’image de gauche) et un réseau de fissure

secondaire (en rouge l’image de droite)

Outre la visualisation du réseau de fissure, de nombreuses informations peuvent être tirées de cette représentation spatiale du réseau de fissures en 3 D, à la limite de résolution près 0,16 mm (voir tableau I - 3).

Tableau I - 3 : surfaces et volumes des réseaux principal, secondaire et intégral

Réseau de fissures principal Réseau de fissures secondaire Intégralité du réseau de fissures

Surface (cm2) 7669,8 2822,6 10492,6 % surfacique (par rapport à l’intégralité du réseau) 73,1 26,9 100 Volume (cm3) 227,2 309,1 536 ,3 % volumique (par rapport à l’intégralité du réseau) 42,4 57,6 100 Ouverture moyenne (µm) (2 volume / surface) 592 2190 1022

Notons que si le réseau de fissures secondaires ne représente qu’une faible partie de la surface développée par les fissures, il contribue à plus de la moitié du volume poreux. Ainsi, ce réseau peu connecté et inégalement dispersé est constitué majoritairement de fissures de taille importante ou de cavités.

Par ailleurs, les résultats présentés dans le Tableau I - 3 permettent également d’estimer une « porosité », correspondant au rapport entre le volume des fissures sur le volume du demi- cylindre, de 3,9 %, ainsi qu’un taux de fracturation de 7,5. Ce dernier est comparable avec le taux de fracturation issue de tests de lixiviation en Soxhlet Gros Bloc sur un colis de verre de type R7T7 (voir paragraphe § 3.3.1).

L’introduction de cette représentation spatiale dans la simulation des flux induits par des gradients thermiques présents dans ALISE (voir paragraphe § 3.2.2) a débouché à une estimation grossière de la vitesse de transport au cœur des fissures de l’ordre de 3 10-3 à 1.5 10-2 m.s-1 pour une ouverture moyenne de 500 µm, qui est conforme aux données du Tableau I - 3 (Morandini, rapport interne). Il est intéressant de souligner que pour une ouverture moyenne de 50 µm, la vitesse de transport au cœur de la fissure chute de 2 ordres de grandeur. Cette étude précède l’analyse post-mortem et destructive de la coupe, via des prélèvements d’échantillon soigneusement choisis et dûment localisés, qui seront ensuite examinés à toutes les échelles (binoculaire, microscope optique, MEB) Ce travail, en cours, renseignera sur l’altération du verre en milieu confiné.

Les observations réalisées sur une partie (1/10) d’un colis de verre mettent en évidence l’existence d’un réseau de fissures caractéristique d’une rupture brutale au cours de l’élaboration. Ce réseau est fortement connecté et présente des fissures de dimensions variables de quelques millimètres à quelques microns. Il est également très inhomogène tout comme celui généré à l’échelle du colis.

La description du réseau de fissures est une étape nécessaire à la détermination du couplage chimie transport dans le colis. Son évolution au cours du temps est également un paramètre important. La détermination en laboratoire du devenir du réseau peut être conduite sur quelques années, mais est irréaliste sur les échelles de temps envisagées pour un stockage géologique. Le recours à l’étude des analogues archéologiques peut apporter des éléments de réponse sur ce sujet.

4.2. Evolution du réseau de fissures : analogie avec les verres