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Présentation générale des cyanures bimétalliques

B.3.2.4. Etude photomagnétique

En 1996, l’équipe du professeur Hashimoto a mis en évidence un nouveau phénomène dans la famille des analogues de BP avec la découverte d’un effet photo-induit dans le composé de formule K0.2Co1.4[Fe(CN)6]1·6.9H2O.

Ce composé, obtenu par précipitation à partir des solutions aqueuses de chlorure de cobalt (II) et d’hexacyanoferrate (III) de potassium, se comporte comme un aimant en dessous de sa température de Curie (TC = 16 K). A 5 K, l’irradiation dans le rouge du composé provoque une augmentation notable de l’aimantation ainsi que de sa température de Curie (TC = 19 K). L’état photo-induit est stable pendant plusieurs jours à 5K et le phénomène est réversible : l’aimantation décroît sous l’effet d’une lumière bleue ou par chauffage au dessus de 150 K. L’hypothèse proposée est la suivante : le matériau initial est constitué de paires magnétiques CoII(HS)-NC-FeIII(BS) et des paires diamagnétiques CoIII(BS)-NC-FeII(BS), formées lors de l’élaboration du réseau. Sous l’effet de la lumière, ces paires diamagnétiques CoIII(S = 0)- FeII(S = 0), sont transformées en paires magnétiques CoII(S = 3/2 ou S = 1/2)-FeIII(S = 1/2), à l’origine de l’augmentation de l’aimantation macroscopique et de la température Curie TC du matériau.

Après les difficultés d’obtention des dépôts en couches minces à transfert de charge thermo- induite et l’évolution au cours du temps des échantillons, la question était de savoir si ces mêmes dépôts possédaient un effet photo-magnétique. Deux types de dépôts de formule RbxCo[Fe(CN)6]y.zH2O (a) et KxCo[Fe(CN)6]y.zH2O (b) ont été préparés à partir des solutions suivantes : (a) S1 :{[CoCl2] = 50mM et [RbCl] = 1.5M} et S2 :{[K3Fe(CN)6] = 50mM} ; (b) S1 :{[CoCl2] = 50mM et [KCl] = 1.5M} et S2 :{[K3Fe(CN)6] = 50mM}. Des dépôts de 40 cycles ont été réalisés dans les deux cas.

Les mesures de magnétisme sous éclairement ont été réalisées sur ces dépôts à l’Université de Kyoto (Japon) en collaboration avec l’équipe du professeur K. Tanaka à l’aide d’un magnétomètre MPMS. L’irradiation des composés est réalisée à l’aide d’un laser rouge (λ = 785 nm). La lumière est guidée de la source jusqu’à la cavité du SQUID par une fibre optique

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au bout de laquelle est fixé l’échantillon. Celui-ci est placé dans le magnétomètre à 300 K puis refroidi jusqu’à 10 K, sous un champ de 500 G, à une vitesse de 1 K/min pour éviter tout effet de trempe. L’échantillon est irradié à 10 K jusqu’à saturation . Des réponses immédiates ont été observées dans les deux cas.

L’échantillon est ensuite chauffé jusqu’à 50 K puis refroidi à 5K sans mesure, ceci afin d’orienter tous les domaines magnétiques. L’aimantation est ensuite mesurée de 5K à 300 K, avec des pas de 2K, pour obtenir la courbe d’aimantation après irradiation qui est comparée à celle avant irradiation (Figure B.3.13).

Figure B.3.13: Aimantation des composés a et b, avant (○) et après (●) irradiation (jusqu’à saturation à 10 K en fonction de la température).

Des effets photo-induits sont observés dans les deux composés, montrant des comportements très similaires avec des augmentations de l’aimantation de 30 % et 25 % pour a et b, respectivement. L’efficacité du phénomène ne peut être comparée entre ces deux composés, ni entre les dépôts et les poudres du même composé décrits dans la littérature car : i) la composition exacte des dépôts est inconnue, en particulier la concentration du cation alcalin ; ii) l’aimantation, généralement donnée par unité de masse ou de volume, est ici exprimée en unités brutes (emu). En effet, il est impossible de calculer exactement la masse ou le volume du dépôt, des valeurs approximatives conduiraient à des erreurs considérables de la valeur de l’aimantation. Avant irradiation Après irradiation 0 5 10 15 20 25 30 35 40 0.0 5.0x10-8 1.0x10-7 1.5x10-7 M/H (emu) Temperature (K)

a

Avant irradiation Après irradiation 0 20 40 60 2.0x10-8 4.0x10-8 6.0x10-8 8.0x10-8 M/H (emu) Temperature (K)

b

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Par ailleurs, il est important de signaler que selon la littérature, le composé Co3[Fe(CN)6]2 est composé de paires paramagnétiques FeIII-CN-CoII et ne contient pas de paires diamagnétiques CoIII-FeII. La présence de ces dernières dans ce type de composés étant une condition nécessaire pour observer le phénomène. C’est pour cela que les aimantations avant et après irradiation sont identiques, la lumière n’ayant pas d’effet sur les propriétés magnétiques de ce composé.[3b] Dans notre cas, l’effet photo-induit observé apporte la preuve irréfutable que les cations Rb+ et K+ ont bien pénétré dans le réseau. Une explication simple de la formation des paires CoIII(BS)-NC-FeII(BS) pourrait être la modification du champ de ligands autour de l’ion cobalt. Pour augmenter la force du champ de ligands autour de cet ion, il suffit d’accroître le nombre de ligands à champ fort et donc le nombre d’entités [FeIII(CN)6]3- dans la structure. Ceci est possible grâce à l’insertion des cations alcalins qui assurent l’électroneutralité du solide.

Habituellement, le pourcentage d’insertion des cations alcalins augmente avec la taille du cation qui est inversement proportionnelle à celle de sa forme hydratée.1 Le rayon moyen hydraté du Rb+ est plus petit que celui du K+ ; pour des concentrations de départ voisines en ions alcalins, une quantité plus importante d’ions Rb+ pénétrera dans la structure lors du dépôt. Ainsi, le champ de ligand moyen sera plus fort dans le cas du Rb+ (du fait du plus grand nombre des ligands cyanures autour du cobalt) et le composé sera constitué davantage de paires diamagnétiques CoIII(BS)-FeII(BS), d’où une réponse plus intense.

1Explication de l’évolution du rayon hydraté dans la famille des alcalins :

Le rayon des cations hydratés diminue lorsque le rayon ionique augmente : Rayon ionique : Li+< Na+< K+< Rb+< Cs+

Rayon hydraté : Li+> Na+> K+> Rb+> Cs+

Le lithium est le plus petit cation métallique. Son noyau chargé positivement peut s’approcher le plus près des charges négatives des dipôles (H2O) et donc acquérir le plus haut degré d’hydratation et le plus grand rayon

hydraté. Lorsque le rayon ionique augmente, les couches électroniques externes protègent la charge cationique du noyau et réduisent l’accès aux dipôles d’eau.

Notons aussi que les ions K+, Rb+ et Cs+ hydratés peuvent librement circuler dans les canaux de la structure du

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B.3.3 Conclusion et perspectives

Dans ce chapitre, nous avons synthétisé des couches minces du complexe AxCo[Fe(CN)6]y·zH2O (A = Na, K, Rb) en se basant sur la méthode mise au point dans le chapitre B.2. Bien que nous n’ayons pas pu mesurer la composition exacte de ce type de dépôts, nous pouvons cependant tirer des conclusions en tenant compte des différentes expériences réalisées :

1. Les analyses de surface (EDX) confirment la pénétration des cations dans les dépôts. 2. Un transfert de charge thermo-induit inverse a été mis en évidence, de l’état FeII-CoIII vers l’état FeIII-CoII lors du refroidissement du complexe NaxCo[Fe(CN)6]y·zH2O.

3. Nous avons également montré l’existence d’un transfert de charge photo-induit dans le cas du KxCo[Fe(CN)6]y·zH2O et RbxCo[Fe(CN)6]y·zH2O.

De nombreuses études restent encore bien évidemment à réaliser, en particulier:

1. Comprendre le transfert de charge thermo-induit inverse, à l’aide des techniques XAS et XPS étant donné qu’ils peuvent nous donner la structure électronique des éléments présents dans la surface.

2. Stabiliser les dépôts dans le temps en les recouvrant d’une couche de protection.

3. Réaliser la micro, nano-structuration des couches minces de la famille AxCo[Fe(CN)6]y·zH2O dont des premiers essaies ont déjà commencé. Sur la figure B.3.15 sont présentés quelques motifs du complexe KxCo[Fe(CN)6]y·zH2O élaborés par lift-off, selon la méthode mis au point dans le chapitre précédent (zones avec dépôt - rose et sans dépôt - blanc).

4. Essayer d’obtenir la stoechiométrie qui assure l’hystérésis thermique. Cela semble assez compliqué, c’est pour cela que des expériences sont en cours d’étude sur le dépôt du complexe RbxMn[Fe(CN)6]y·zH2O.

150

Fig. B.3.14: Image des couches minces micro-structurées du complexe KxCo[Fe(CN)6]y.zH2O

0.19 mm 0.19 mm

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B.3.4. Références

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[4] A. Bleuzen, C. Lomenech, V. Escax, A. F. Villain, F. Varret, C. Cartier dit Moulin, M. Verdaguer, J. Am. Chem. Soc. 2000, 122, 6648.

[5] A. Bleuzen, C. Lomenech, A. Dolbecq, F. Villain, A. Goujon, O. Roubeau, M. Nogues, F. Varret, F. Baudelet, E. Dartyge, C. Giorgetti, J. J. Gallet, C. Cartier dit Moulin, M. Verdaguer, Mol. Cryst. Liq. Cryst. Sci. Technol. Sect. A 1999, 335, 253

[6] A. Goujon, O. Roubeau, F. Varret, A. Dolbecq, A. Bleuzen, M. Verdaguer, Eur. Phys. J. B

2000, 14, 115.

[7] C. Cartier dit Moulin, F. Villain, A. Bleuzen, C. Lomenech, M. A. Arrio, P. Sainctavit, C. Lomenech, V. Escax, A. F. Baudelet, E. Dartyge, J. J. Gallet, M. Verdaguer, J. Am. Chem. Soc. 2000, 122, 6653.

[8] A. Goujon, F. Varret, V. Escax, A. Bleuzen, M. Verdaguer, Polyhedron 2001, 20, 1347. [9] N. Shimamoto, S-i. Ohkoshi, O. Sato, and K. Hashimoto, Inorganic Chemistry, 2002, 41, 678.

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[11] W. Jin, A. Toutianoush, M. Pyrasch, J. Schnepf, H.Gottschalk, W. Rammensee, B.Tieke, J. Phys. Chem. B 2003, 107,12062

[12] M. Pyrasch, A. Toutianoush, W. Jin, J. Schnepf, B. Tieke, Chem. Mater. 2003, 15, 245-254 [13] Self-Assembled Monolayers of Chromophores on Gold Surfaces, Topics in current chemistry 2004, Vol. 258: V. Kriegisch, C. Lambert.

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B.4 Synthèse des analogues de Bleu de Prusse

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