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Chapitre II Caractérisations physico- et électrochimique des électrolytes

3.1. Evolution de la structure de l’électrolyte au cours du broyage

3.1.3. Etude des composés par Résonance Magnétique Nucléaire

La trop faible cristallinité de nos composés rendant inefficace l’étude par diffraction des rayons X, nous avons eu recours à une technique de caractérisation insensible à cet état : la Résonance Magnétique Nucléaire. Se focalisant uniquement sur l’environnement de l’atome considéré, cette technique présente l’intérêt de permettre la caractérisation aussi bien de la phase amorphe que de la phase cristallisée.

Les échantillons ont été mesurés dans un rotor en zircone de 1.3 mm de diamètre, à une fréquence de 100 kHz, sur un Spectromètre de 750 MHz et à température ambiante. Les mesures ont été réalisées par Elodie SALAGER à la plateforme RMN-TGIR (Très Grands Instruments de Recherche) à Orléans.

3.1.3.1. RMN du 7Li

La Figure II.12 présente les spectres du 7Li (en bleu foncé) des poudres obtenues après différents temps de broyages. A l’instar des diffractogrammes de rayons X, les spectres RMN enregistrés pour les composés broyés une et deux heures présentent les raies caractéristiques de Li2S (en rouge) et de LiCl (en noir) à 2,5 et -1 ppm respectivement. Un troisième pic (en vert) est également présent à 0,6 ppm, traduisant la formation d’une nouvelle phase, non observée par diffraction des rayons X, au cours du broyage.

A la fin des années 80, de nombreuses études RMN ont été menées par Eckert sur le système Li2S-P2S5, sous forme amorphe et cristallisée [152, 153]. Il a ainsi été reporté, pour le 7

Li, des déplacements chimiques allant de 0,4 à 0,66 ppm pour les verres xLi2S-(100-x)P2S5 en fonction de x. Afin de vérifier que ce pic à 0,6 ppm correspond à un verre Li2S-P2S5, nous avons préparé un mélange 83,3Li2S-16,7P2S5, correspondant à la stœchiométrie de l’Argyrodite sans LiCl, par broyage planétaire pendant une heure dans des conditions

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similaire à celle de l’Argyrodite. Comme nous pouvons le voir sur les Figure II.12a, b et c, les spectres présentent des déplacements chimiques similaires confirmant le caractère vitreux de notre électrolyte dans les premières heures du broyage. Il existe néanmoins un léger décalage entre les deux pics probablement induit par la présence de LiCl, ce dernier agissant certainement comme un modificateur de réseau, comme LiI.

Figure II.12. Spectres RMN du 7Li pour le mélange 83.3Li2S-16.7P2S5 broyé 1h (a) et pour le Li6PS5Cl broyé 1h (b), 2h (c), 5h (d), 10h (e) et 20h (f)

De plus, la trace DSC du Li6PS5Cl broyé pendant une heure, présenté Figure II.13, nous montre deux pics de cristallisation à 210 et 250°C, précédé d’une transition vitreuse à 180°C. Le premier pic à 210°C correspond à la cristallisation de la phase vitreuse Li2S-P2S5-LiCl, comme observé par Tatsumisago sur le verre Li2S-P2S5 [154]. Bien que nous

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n’ayons pas pu identifier le deuxième pic de cristallisation, celui-ci devant correspondre à la cristallisation de LiCl, il est clair que pendant les deux premières heures du broyage, notre électrolyte consiste en un verre de composition Li2S-P2S5-LiCl.

Figure II.13. Trace DSC des composés Li6PS5Cl en fonction du temps de broyage enregistré entre 25 et 500°C à 10°C/min sous argon.

A partir de cinq heures de broyage les spectres RMN ainsi que le tracé DSC se modifient drastiquement. Pour ce qui est des tracés DSC, les intensités des pics chutent radicalement et nous ne sommes plus en mesure d’observer une quelconque transition vitreuse ni de cristallisation. Concernant les spectres RMN, nous retrouvons toujours le signal du Li2S et ce même après 20 heures de broyage, bien que celui-ci ne soit plus détecté par diffraction des rayons X après 10 heure. De même, nous pouvons constater que LiCl ne disparaît complètement qu’entre 5 et 10 heures de broyage.

A partir de cinq heures de broyage un nouveau pic (en bleu clair) apparait avec un déplacement chimique compris entre 1 et 1,2 ppm, trop important pour être assimilé au verre Li2S-P2S5. Au vu des résultats apportés par la diffraction des rayons X, ce pic semble correspondre à la phase Argyrodite Li6PS5Cl cristallisée. Dans la littérature, les spectres RMN rapportés pour les Argyrodites Li7PS6 et Li6PS5I présentent un déplacement chimique très proche de 1 ppm [153, 155], nous permettant de valider notre hypothèse. Malheureusement, du fait qu’aucune étude RMN du composé Li6PS5Cl n’ait été reportée dans la littérature, nous ne pouvons apporter ici une explication quant à l’évolution du déplacement chimique de ce pic au cours du broyage.

Pour terminer cette étude, notons que sur chacun des spectres présentés Figure II.12, nous pouvons observer une contribution très large de faible intensité (en rose) traduisant la

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présence au sein de l’électrolyte d’une autre phase très désordonnée, et différente du verre Li2S-P2S5-LiCl ou de l’Argyrodite Li6PS5Cl. De plus, le déplacement continu du signal de cette phase de 1 vers 1,3 ppm, laisse supposer une évolution de sa structure au cours du broyage jusqu’à une structure très proche de celle de l’Argyrodite, mais beaucoup plus désordonnée.

3.1.3.2. RMN du 31P

Au sein de la structure Argyrodite Li6PS5Cl, des substitutions Cl-/S2- sont susceptibles d’entraîner une modification de l’environnement du lithium et donc de son déplacement chimique [87]. Ces substitutions ont été observées par Deiseroth au travers de l’étude des tétraèdres PS4-xClx(3-x)- ( 0 ≤ x ≤ 1), présents dans la structure, par RMN du 31P. En effet, le spectre de la phase Li6PS5Cl présente trois contributions à 85,1, 83,6 et 81,6 ppm, attestant du désordre au sein de la structure comme illustré Figure II.14b.

Il apparaît donc que la RMN du 31P serait en mesure d’apporter une explication à l’évolution du déplacement chimique du pic de l’Argyrodite observé par RMN du 7

Li et de clarifier la nature de la phase désordonnée. Les différents spectres obtenus sur nos poudres sont présentés Figure II.14a.

Figure II.14. (a) Spectres RMN du 31P du P2S5 et du composé Li6PS5Cl à différent temps de broyage. (b) Spectre RMN du 31P rapportés par des composés Li6PS5X (X=Cl, Br ou I) Deiseroth [87]

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Comme nous l’avions déjà observé par diffraction des rayons X, le signal du P2S5 disparait dès la première heure de broyage. Dans la littérature, P2S5 est décrit comme un mélange de P4Sx (5 ≤ x ≤ 10) et de S8 [156] et il semble qu’un de ces sulfure de phosphore, signalé par le pic à 110 ppm, subsiste pendant les cinq premières heure de broyage.

En 1990, l’étude par RMN du 31

P menée par Eckert sur les verres de Li2S-P2S5 et l’Argyrodite Li7PS6 a montré que ces deux systèmes présentent des déplacements chimiques similaires : entre 89,8 et 83 ppm en fonction de la teneur en Li2S, et à 86,6 pour l’Argyrodite [153]. De ce fait, l’observation d’un pic à 83,5 et 83,8 ppm après une et deux heures de broyage vient, une fois de plus, confirmer la nature vitreuse de notre électrolyte au début du broyage. Au-delà de ce temps de broyage, nous retrouvons les déplacements chimiques annoncés par Deiseroth pour le composé Li6PS5Cl [155]. Néanmoins, l’évolution du déplacement chimique de ces pics, passant de 84,2 à 84,6 ppm, ne semble pas suffisante pour traduire une modification sensible des tétraèdres PS43- et donc expliquer l’évolution du pic observé par RMN du 7Li. Concernant l’identification de la phase amorphe inconnue, l’absence de multiples contributions semble indiquer que notre structure est très peu désordonnée, à l’inverse de celle présenté par Deiseroth. Néanmoins cette phase présentant un signal extrêmement faible en RMN du 7Li, il est possible que son signal soit ici masqué par celui de l’Argyrodite.

3.1.4. Bilan

Au terme de cette étude, nous pouvons décrire une partie des changements structuraux survenant au sein de la poudre au cours du broyage planétaire.

L’analyse des tracés DSC et des spectres RMN du 7

Li et 31P, nous permet d’affirmer qu’au cours des deux premières heures de broyage, l’électrolyte présente une structure vitreuse de composition xLi2S-yP2S5-zLiCl. Au fur et à mesure du broyage ce verre cristallise progressivement dans une structure Argyrodite de formule Li7-xPS6-xClx. L’observation des pics correspondant aux précurseurs Li2S, LiCl et P2S5 tout au long du broyage, indique que les compositions de nos phases vitreuses et cristallisées diffèrent de la stœchiométrie du Li6PS5Cl, sans pour autant nous permettre de les évaluer avec exactitude.

Enfin, il apparaît qu’une autre phase, très désordonnée, soit présente tout au long du broyage au vu des spectres RMN du 7Li. La structure de cette phase évolue progressivement au cours du broyage jusqu’à présenter un déplacement chimique similaire à celui de l’Argyrodite. Néanmoins, aucune de nos analyses n’a permis d’en isoler la nature exacte.

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Notons, que la RMN du 35Cl, nous permettrait probablement de lever en partie le voile sur cette phase inconnue, grâce à une étude 2D avec les noyaux de lithium.