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Etude de la structure secondaire du CRAMP

Dans le document Faculté de Pharmacie (Page 182-190)

CHAPITRE VI : REGULATION DES REPONSES DES MACROPHAGES

VI.2.8. Etude de la structure secondaire du CRAMP

Selon une étude publiée par Tomasinsig et ses collègues (2008), la capacité du peptide LL-37 à moduler le récepteur P2X7 dépend de sa structure secondaire. Dans une dernière série de mesures, la structure secondaire du CRAMP a donc été analysée à l’aide de la spectroscopie ATR-FTIR. Ces mesures ont été réalisées avec 5 µ g de CRAMP ou de KR-20, un peptide composé des vingt derniers acides aminés du LL-37 (Murakami et al., 2004). Les spectres des deux peptides ont été comparés aux spectres de la myoglobine, utilisée comme référence pour une structure α-hélicoïdale, et de l’avidine, référence pour une structure en feuillet β. Comme le montre la figure 6.14, le spectre de la myoglobine présente deux pics pratiquement symétriques dans la zone de 1500 à 1800 cm-1. Le pic centré à 1655 cm-1 correspond au signal amide I, tandis que la seconde bande à 1545 cm-1 est le signal amide II. Dans le spectre de l’avidine un premier pic à 1630 cm-1 est observé. Ce pic a un épaulement aux environs de 1650 cm-1. Un second pic pour l’avidine est centré aux alentours de 1530 cm-1. Le spectre du KR-20 était très similaire au spectre de la myoglobine avec deux pics symétriques à 1656 et 1545 cm-1, suggérant que le peptide était formé d’une hélice α en milieu aqueux. Le spectre du CRAMP se rapprochait de celui d’une hélice α, à l’exception du signal amide I qui n’était pas symétrique : il y avait une queue aux alentours de 1640 cm-1 suggérant une faible composante de feuillet β, et une épaule aux environs de 1675 cm-1 probablement due à un coude. Ces résultats initiaux suggéraient que le CRAMP et le KR-20 forment de manière prédominante une hélice α dans nos conditions expérimentales. Ensuite les deux peptides ont été deutérés suite au barbotage d’azote gazeux saturé au deutérium (Fig. 6.15). La mesure des vitesses d’échange du proton de l’amide par le deutérium est généralement utilisée afin d’évaluer la contribution possible dans le spectre de séquences de la protéine dépourvues de structure secondaire (random coil). Dans ces séquences, les atomes d’hydrogène sont relativement accessibles et plus facilement échangeables avec du deutérium. Suite à la deutération l’asymétrie du pic amide I a été amplifiée, et une analyse de la courbe deutérée a révélé un pic majeur aux environs de 1652 cm-1 et également deux pics mineurs centrés à 1674 cm-1 et 1630 cm-1. Le pic amide II des deux peptides a diminué au cours du temps (environ 20 % après 15 minutes pour le KR-20 et 40 % pour le CRAMP). En même temps, un pic autour de 1440 cm-1 a augmenté. Ces résultats suggèrent qu’en solution aqueuse le KR-20 forme une structure en hélice α pratiquement parfaite, alors que la

structure secondaire du CRAMP est plus complexe mais forme également, au moins partiellement, une hélice α.

1400 1500 1600 1700 1800 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 M C K A I II Nombre d'ondes (cm-1) A b s o rb a n c e r e la ti v e

Figure 6.14 : Spectre ATR-FTIR du CRAMP, du KR-20, de l’avidine et de la myoglobine.

Les spectres du CRAMP (C) et du KR-20 (K) ont été comparés aux spectres de l’avidine (A), structure de référence des feuillets β, et de la myoglobine (M), structure de référence d’une hélice α.

KR-20 1400 1450 1500 1550 1600 1650 1700 1750 1800 0.0 0.1 0.2 0.3 Amide I Amide II C D A Nombre d'ondes (cm-1) A b s o rb a n c e r e la ti v e CRAMP 1400 1450 1500 1550 1600 1650 1700 1750 1800 0.0 0.1 0.2 0.3 Amide I Amide II C D A Nombre d'ondes (cm-1) A b s o rb a n c e r e la ti v e

Figure 6.15 : Spectre ATR-FTIR du KR-20 et du CRAMP deutérés.

Les spectres du KR-20 (haut) et du CRAMP (bas) ont été réalisés avant (C) et après (D) deutération. Les spectres après deutération ont été analysés par la méthode de déconvolution de Fourier (A).

VI.3. DISCUSSION

Nos résultats montrent que le peptide murin CRAMP inhibe l’augmentation prolongée de la [Ca2+]i, la diminution de la [K+]i, l’entrée de bromure d’éthidium, la libération de LDH, d’IL-1β et d’acide oléique, et la production de ROS provoquées par l’ATP extracellulaire dans les macrophages péritonéaux de souris P2X7-WT. Les macrophages expriment divers récepteurs P2Y et P2X. Les réponses à l’ATP extracellulaire affectées par le CRAMP sont toutes médiées par les récepteurs P2X7, suggérant que le CRAMP bloque l’activation de ces récepteurs. Ceci est confirmé par des expériences réalisées avec des macrophages de souris P2X7-KO. Dans ces cellules, l’ATP a seulement provoqué une augmentation transitoire de la [Ca2+]i. La faible augmentation de la [Ca2+]i a été potentialisée par l’ivermectine. Le CRAMP n’a pas eu d’effet sur l’augmentation de la [Ca2+]i suite à l’ajout d’une combinaison ATP plus ivermectine, montrant que le peptide n’inhibe pas le canal cationique couplé aux récepteurs P2X4. La sélectivité du CRAMP pour les récepteurs P2X7 par rapport aux récepteurs P2X4 exclut un effet non spécifique du peptide sur la membrane plasmique.

Des études ont montré que le LL-37 et le CRAMP attirent des neutrophiles, des lymphocytes T, des monocytes ou des macrophages après fixation du récepteur FPR2, faisant partie de la famille des récepteurs FPR, couplés aux protéine G (Yang et al., 2000 ; Kurosaka et al., 2005). Dans les macrophages murins le fMLF et le MMK-1, des agonistes des récepteurs FPR1 et FPR2 respectivement, n’ont pas augmenté la [Ca2+]i. Le WKYMVm, un agoniste du récepteur FPR3 dont l’activation entraîne une mobilisation du calcium (Christophe et al., 2001 ; Kang et al., 2005), a doublé transitoirement la [Ca2+]i. Ceci est cohérent avec le fait que les macrophages murins expriment occasionnellement le récepteur FPR3 (Devosse et al., 2009). Le CRAMP n’a pas eu d’effet sur la réponse de WKYMVm, suggérant qu’il n’interagit pas avec le récepteur FPR3. Aucun des trois agonistes des récepteurs FPR ne reproduit l’inhibition exercée par le CRAMP sur l’augmentation de la [Ca2+]i provoquée par l’ATP. Ces résultats suggèrent que les récepteurs FPR ne sont pas impliqués dans l’inhibition exercée par le CRAMP sur l’augmentation de la [Ca2+]i en réponse à l’ATP.

Cette inhibition par le CRAMP des réponses à l’ATP était inattendue puisque dans les monocytes humains le LL-37 reproduit les réponses à l’ATP extracellulaire et augmente la sécrétion d’IL-1β. Comme les antagonistes des récepteurs P2X7 ont bloqué ces réponses, on en a conclu que le récepteur P2X7 était activé par le LL-37 (Elssner et al., 2004). Plusieurs hypothèses ont été proposées afin d’expliquer cette activation du récepteur P2X7 par le peptide. Il a été suggéré que le LL-37 perturbe la membrane plasmique, ce qui pourrait induire une libération transitoire et faible d’ATP (Elssner et al., 2004 ; Pochet et al., 2006). Les réponses au LL-37 n’étant pas inhibées en présence d’apyrase, une ATP diphosphohydrolase qui dégrade l’ATP en AMP, il semble plutôt que le peptide interagit directement avec le récepteur (Elssner et al., 2004 ; Pochet et al., 2006). Le LL-37 pourrait interagir avec la partie extracellulaire du récepteur (Wewers et Sarkar, 2009), ou avec son domaine C-terminal intracellulaire, après avoir traversé la membrane plasmique via un mécanisme d’endocytose au niveau des rafts (Sandgren et al., 2004). Ainsi, il a été montré que dans les monocytes le LL-37 peut se lier à une protéine intracellulaire, la glycéraldéhyde 3-phosphate déshydrogénase (Mookherjee et al., 2009). Cette dernière hypothèse à récemment été exclue par Tomasinsig et ses collaborateurs (2008), qui ont observé que le LL-37 peut interagir avec le récepteur P2X7 même s’il est dépourvu du domaine C-terminal intracellulaire. Ce groupe a également observé que la capacité de stimuler les récepteurs P2X7 varie parmi les peptides dérivés des cathélicidines. Le LL-37 d’orang-outan et celui du gibbon qui, comme le peptide humain, forment une hélice α non seulement dans des milieux organiques mais également dans des solutions aqueuses, ont stimulé le récepteur P2X7. Le LL-37 de macaque ou celui de semnopithèque obscur, qui forment une hélice α uniquement en milieu organique, n’interagissent pas avec le récepteur. Ces résultats ont amené Tomasinsig et ses collègues (2008) à conclure que la capacité des peptides antimicrobiens à interagir avec le récepteur P2X7 était liée à leur capacité à former une hélice α

amphipathique en solution aqueuse. Le LL-37 et le CRAMP partagent des propriétés structurales majeures : ce sont de petits peptides cationiques, ne possédant pas de résidu cystéine, avec une charge nette de + 6 pour les deux, et un pourcentage élevé de résidus hydrophobes (35 % pour le LL-37 et 29 % pour le CRAMP, Tableau 6.1). Ils partagent également la capacité de former une structure α-hélicoïdale dans les solvants organiques. A l’aide de la spectroscopie ATR-FTIR nous avons étudié la structure secondaire de CRAMP et du peptide composé des 20 derniers acides aminés de LL-37, le KR-20. Ces peptides ont été dissous dans un tampon HEPES 2 mM (pH 7,4). Il a été démontré que la spectroscopie

ATR-FTIR peut fournir des informations importantes sur la structure secondaire d’une protéine et sur ses modifications après l’interaction avec un ligand, un lipide ou une autre protéine (Vigano et al., 2000). Ces informations peuvent être obtenues par l’analyse du pic amide I (correspondant à la vibration C=O) et du pic amide II (correspondant à la déformation N-H). Ces pics sont observés à des longueurs d’onde différentes en fonction de la présence d’une séquence dépourvue de structure secondaire (random coil), d’une hélice α ou d’un feuillet β. Les spectres des deux peptides ont révélé que les pics amide I et amide II étaient centrés à des longueurs d’onde correspondant aux hélices α. La capacité d’échanger un hydrogène du groupement N-H par du deutérium est également reliée au contenu relatif de structures secondaires de la protéine : cet échange est très lent dans les régions bien structurées d’une protéine ou d’un peptide. La hauteur des pics amide I et amide II en présence de vapeurs de deutérium peut ainsi être utilisée comme index d’une structure compacte. La diminution des pics était plutôt faible, suggérant que les deux peptides avaient des structures secondaires bien définies plutôt que des structures non organisées. La deutération a modifié l’allure du pic amide I et a accentué les épaules observées autour de 1630 et 1670 cm-1, surtout pour le CRAMP. A partir de ces résultats on peut conclure que le KR-20 forme surtout une hélice α

en solution aqueuse. La structure du CRAMP semble plus complexe, combinant une hélice α

et un coude. La présence de deux résidus proline dans la région C-terminale de CRAMP (positions 30 et 32) pourrait être à l’origine de ce coude. Nos résultats sont en désaccord avec les observations de Yu et collaborateurs (2002). Ces auteurs ont utilisé des analyses de dichroïsme circulaire et la spectroscopie RMN, et ils ont décrit qu’en solution aqueuse le CRAMP possède une structure non organisée (random coil). Dans des environnements ayant une composition proche de celle des membranes (solution 50 % (v/v) trifluoroéthanol/H2O, liposomes, micelles de dodécylsulfate de sodium ou de dodécylphosphocholine) le CRAMP forme une hélice α. Ces différences pourraient être expliquées par le fait que les deux peptides utilisés dans ces deux études possèdent des structures primaires différentes. Il y a environ 85 % de similitude entre ces peptides. Nous avons utilisé un peptide de 34 acides aminés. Sa séquence a été décrite par Pestonjamasp et ses collaborateurs (2001) et correspond au peptide enregistré comme CRAMP dans la base de données des peptides antimicrobiens (http://aps.unmc.edu/AP/main.php, numéro d’accès AP00281, Wang et al., 2009). Le peptide utilisé par Yu et ses collègues (2002) est formé de 38 acides aminés : il ne contient pas la glutamine C-terminale mais possède 5 acides aminés supplémentaires (ISRLA) au niveau N-terminal (Tableau 6.1). Ce peptide a également une charge positive

supplémentaire à pH neutre (+ 7), et a une proportion plus élevée d’acides aminés hydrophobes (34 %). Dix de ces acides aminés sont localisés sur le même côté d’une hélice α

potentielle du peptide utilisé par Yao et ses collaborateurs, et seulement 6 résidus ont une position similaire dans le CRAMP que nous avons utilisé. Ces différences dans la structure primaire des deux peptides pourraient être à l’origine de conformations distinctes dans l’eau. Ainsi, le LL-37 et le CRAMP peuvent former une hélice α en solution aqueuse et peuvent interagir avec le récepteur P2X7. Or le LL-37 est un agoniste des récepteurs P2X7 humains et le CRAMP est un antagoniste des récepteurs P2X7 murins. Les deux peptides possèdent un index de potentiel de liaison (index de Boman) différent : 2,99 kcal/mol pour le LL-37 et seulement 1,74 kcal/mol pour le CRAMP (Wang et al., 2009). Cet index correspond à la somme des énergies libres des chaînes latérales respectives pour le transfert du cyclohexane dans l’eau, divisée par le nombre total de résidus (Boman, 2003). Des valeurs élevées prédisent un potentiel de liaison élevé. Cette différence d’énergie pourrait expliquer la capacité du LL-37 de placer le récepteur P2X7 en conformation active. Mais, cette hypothèse ne peut pas expliquer pourquoi le LL-37 a bloqué certaines réponses couplées au récepteur P2X7 dans les glandes sous-maxillaires de souris (Pochet et al., 2006). Une explication pourrait être le fait que non seulement les peptides, mais également les récepteurs eux-mêmes contribuent à la différence d’interaction entre peptides antimicrobiens et récepteurs P2X7. Les récepteurs P2X7 murins et humains ont 80 % d’homologie, mais sont différents par rapport à leur sensibilité envers divers agonistes (surtout le BzATP) ou antagonistes (surtout les dérivés de l’isoquinolone) (Young et al., 2007 ; Donnelly-Roberts et al., 2009). Il est donc raisonnable de concevoir que les récepteurs P2X7 de l’homme et de la souris ont différentes réponses aux peptides antimicrobiens. Les résultats obtenus avec un modèle murin (CRAMP et macrophages murins) confirment que les peptides antimicrobiens de la famille des cathélicidines et le récepteur P2X7 peuvent interagir, mais que cette interaction n’est pas toujours positive, et que ces peptides ne sont donc pas des agonistes universels des récepteurs P2X7.

Peptide Séquence Chargec AA hydrophobes

CRAMPa GLLRKGGEKIGEKLKKIGQKIKNFFQKLVPQPEQ + 6 29 % CRAMPb ISRLAGLLRKGGEKIGEKLKKIGQKIKNFFQKLVPQPE + 7 34 % LL-37 LLGDFFRKSKEKIGKEFKRIVQRIKDFLRNLVPRTES + 6 35 % KR-20 KRIVQRIKDFLRNLVPRTES + 4 35 %

Tableau 6.1 : Séquence primaire et propriétés physico-chimiques de diverses cathélicidines.

Les séquences primaires et propriétés physico-chimiques du CRAMP (a séquence du peptide enregistré dans la base de données des peptides antimicrobiens ; b séquence du peptide utilisé par Yu et al., 2002), du LL-37 et du peptide dérivé du LL-37, le KR-20. En jaune : acides aminés différents entre les deux séquences du CRAMP. En bleu : acides aminés hydrophobes. En bleu souligné : acides aminés hydrophobes localisés sur le même côté d’une hélice α potentielle.

c

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