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Les cathélicidines

Dans le document Faculté de Pharmacie (Page 56-63)

I. 1.3.2.2. Les récepteurs P2X

I.4. LES PEPTIDES ANTIMICROBIENS DE LA FAMILLE DES CATHELICIDINES. 42

I.4.2. Les cathélicidines

La famille des peptides antimicrobiens qui nous intéresse le plus est celle des cathélicidines, peptides comprenant dans leur structure un domaine hautement conservé, le domaine cathéline (Zanetti et al., 1995). La cathéline a d’abord été identifiée dans les leucocytes du cochon (Ritonja et al., 1989) et possède une activité inhibitrice de la cystéine protéase cathepsine L, d’où elle tient son nom (cathepsin L inhibitor). Ce domaine cathéline, long d’environ 100 acides aminés, est entouré par une séquence signal d’une trentaine d’acides aminés du côté N-terminal, et par une région C-terminale variable, ayant des propriétés antimicrobiennes. Le domaine cathéline a été bien conservé au cours de l’évolution et montre une homologie inter-espèces de 75 à 100 %. Au niveau de ce domaine, quatre résidus cystéine forment deux ponts disulfures intramoléculaires. Selon Zaiou et ses collègues (2003), le domaine cathéline possèderait également une activité antimicrobienne.

La structure des cathélicidines varie d’une espèce à l’autre. Chez l’homme, une seule cathélicidine a été découverte : hCAP18. Le nom hCAP18 provient de la masse du pré-propeptide, contenant la séquence signal, le domaine cathéline et l’extrémité C-terminale à propriétés antimicrobiennes, d’environ 18 kDa, ainsi que de son caractère cationique (human cationic antimicrobial peptide). Le gène codant pour hCAP18, CAMP, est situé au niveau du chromosome 3, au locus p21, et est composé de 4 exons (Fig. 1.13). Les exons 1 à 3 codent pour la séquence signal ainsi que pour le domaine cathéline, tandis que l’exon 4 code pour le peptide antimicrobien. Le clivage du propeptide hCAP18 par la protéinase-3 ou par l’élastase libère le LL-37 (Sorensen et al., 2001 ; Gudmundsson et al., 1996). Ce peptide a une taille de 37 acides aminés et sa séquence commence avec deux leucines (Fig. 1.13). hCAP18 est exprimé principalement dans les granulocytes neutrophiles, où il est stocké dans des granules spécifiques, à une concentration de 40 µM (Sorensen et al., 1997). Suite à la libération dans le milieu extracellulaire le peptide est clivé par la protéinase-3, elle-même stockée dans les granules azurophiles des neutrophiles avant sa libération (Sorensen et al., 2001). La cathélicidine humaine est exprimée également dans d’autres cellules du système immunitaire

tels que les macrophages, dans des cellules épithéliales de différents tissus (poumons, tractus gastro-intestinal, peau, tractus génital) et dans des liquides corporels comme la sueur, le lait maternel et la salive (Zanetti et al., 2004). Dans le vagin, la gastricsine libère un peptide de 38 acides aminés, ALL-38 (Sorensen et al., 2003). Il a été montré que dans la sueur humaine le LL-37 peut être dégradé par différentes kallikréines en peptides plus petits, comme le RK-31, le KS-30 et le KR-20 (Murakami et al., 2004 ; Yamasaki et al., 2006).

Figure 1.13 : Structure du gène et du pré-propeptide, et séquence des peptides antimicrobiens de l’homme et de la souris.

De haut en bas : structure globale du gène, formé de quatre exons, et du pré-propeptide, contenant une séquence signal, un domaine cathéline et la partie C-terminale à propriétés antimicrobiennes (AMP) ; séquence du peptide antimicrobien humain (hCAP18/LL-37) et de souris (CRAMP).

Le peptide antimicrobien de souris est appelé CRAMP (cathelin-related antimicrobial peptide). Son gène a été cloné à partir de la moelle osseuse par Gallo et ses collaborateurs en 1997. Le gène codant pour CRAMP se situe au niveau du chromosome 9 et il est formé de 4 exons comme son homologue humain. Le pré-propeptide est formé de 173 acides aminés (~19 kDa). Deux sites de clivage potentiels ont été mis en évidence, en position 134 et en position 139 (Gallo et al., 1997). En 2001, le groupe de Gallo a purifié le peptide mature de 34 acides aminés (Fig. 1.13) (Pestonjamasp et al., 2001). Comme son homologue humain, le CRAMP n’est pas seulement exprimé dans les cellules du système immunitaire, tels les granulocytes

neutrophiles ou les macrophages, mais également dans les glandes salivaires et les glandes mammaires ainsi que dans d’autres organes comme l’intestin, la rate, les testicules et l’estomac (Gallo et al., 1997 ; Murakami et al., 2002 ; Rosenberger et al., 2004 ; Murakami et al., 2005).

I.4.2.1. La régulation de l’expression des cathélicidines

Les cathélicidines sont exprimées constitutivement, surtout au niveau des granulocytes neutrophiles, ou elles peuvent voir leur expression induite dans certaines cellules ou tissus suite à divers stimuli (Zanetti, 2005). L’expression de ces peptides peut être influencée par l’âge et la maturation sexuelle. Par exemple, le peptide CRAMP est exprimé fortement au niveau de l’épithélium de l’intestin grêle de jeunes souriceaux. La présence du peptide est limitée aux deux premières semaines après la naissance et diminue ensuite graduellement (Ménard et al., 2008). Chez l’adulte, l’expression de plusieurs peptides est augmentée suite à des blessures ou infections. Dorschner et ses collègues (2001) ont montré que l’expression des cathélicidines au niveau des kératinocytes est induite en réponse à l’incision de la peau ou à une infection par Staphylococcus aureus. L’infection par Helicobacter pylori induit également l’expression du gène CAMP dans les cellules épithéliales gastriques (Hase et al., 2003). L’expression de la cathélicidine humaine repose sur l’acétylation des histones et l’action de la vitamine D3. Le butyrate et la trichostine A, deux inhibiteurs de l’histone désacétylase, augmentent l’expression de la cathélicidine dans les cellules gastro-intestinales et dans les cellules épithéliales de poumon (Kida et al., 2006 ; Schauber et al., 2004). La vitamine D3, synthétisée au niveau de la peau sous l’action des rayons UV-B à partir de 7-déhydrocholestérol, subit deux hydroxylations successives pour produire la forme active de la vitamine D3, le calcitriol (1,25-dihydroxyvitamine D3). La première réaction est catalysée par des enzymes hépatiques microsomales et mitochondriales (Holick, 2007), parmi lesquelles le CYP27A1 est l’enzyme majeure. Le calcidiol (25-hydroxyvitamine D3) est ensuite métabolisé par le CYP27B1 en calcitriol. Ce dernier se lie au récepteur nucléaire de la vitamine D (VDR), qui va former un hétérodimère avec le récepteur aux rétinoïdes (RXR). Le dimère VDR-RXR se lie ensuite à l’élément de réponse à la vitamine D (VDRE) au niveau de l’ADN, ce qui conduit à la dissociation de répresseurs et au recrutement de coactivateurs de la transcription (Margolis et Christakos, 2010). Wang et ses collaborateurs (2004) ont montré que l’exposition de monocytes, neutrophiles et kératinocytes au calcitriol augmente la

transcription du gène de la cathélicidine. Ils ont également décrit la présence d’un VDRE en amont du gène de la cathélicidine. Ces résultats ont été confirmés dans plusieurs types de cellules (Gombart et al., 2005 ; Liu et al., 2006 ; Dai et al., 2010). Au niveau des kératinocytes, l’acétylation des histones amplifie la régulation de l’expression de la cathélicidine LL-37 par la vitamine D3 (Schauber et al., 2008).

I.4.2.2. La structure des cathélicidines

Le LL-37 et le CRAMP possèdent des structures assez proches. Ils sont composés d’un grand nombre d’acides aminés basiques (lysine et arginine). La charge nette des deux peptides à pH physiologique est de + 6. Le CRAMP possède 29 % de résidus hydrophobes tandis que pour le LL-37 cette valeur est égale à 35 %. Les peptides antimicrobiens forment des structures secondaires amphipathiques avec un côté cationique et un côté hydrophobe. En présence de bicouches phospholipidiques ou de micelles de phospholipides, le LL-37 adopte préférentiellement une hélice α (Fig. 1.14), comme démontré par spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier, par dichroïsme circulaire et par spectroscopie de résonance magnétique nucléaire (RMN) (Seil et al., 2010). La structure du peptide murin CRAMP a été analysée par spectroscopie RMN et par dichroïsme circulaire par Yu et ses collaborateurs (2002). Selon ces analyses, le CRAMP formerait une hélice α amphipathique en solution trifluoroéthanol/eau, dans des micelles et liposomes, mais possèderait une structure aléatoire en solution aqueuse.

Figure 1.14 : Structure secondaire du LL-37.

Modèle représentant la structure secondaire en hélice α de LL-37. En bleu : acides aminés chargés positivement, en rouge : acides aminés chargés négativement, en brun : acides aminés hydrophobes, en vert : acides aminés neutres hydrophiles (Nagaoka et al., 2005).

I.4.2.3. Les propriétés antimicrobiennes des cathélicidines

Les cathélicidines sont exprimées au niveau de sites constituant une barrière contre l’environnement extérieur, comme les épithélia respiratoires et intestinaux, la salive et la peau. Ils y forment un mécanisme de défense de première ligne de l’immunité innée contre les agressions (Zanetti, 2005). Ces peptides sont actifs contre les bactéries à Gram négatif et à Gram positif (Gennaro et Zanetti, 2000 ; Travis et al., 2000), les champignons (Shin et al., 2000), certains parasites (Giacometti et al., 1999) et virus enveloppés (Gordon et al., 2005). L’importance de ces peptides comme substances antimicrobiennes a été renforcée par des expériences réalisées sur des animaux transgéniques. Salmonella typhimurium survit ainsi mieux dans les macrophages de souris déficientes en CRAMP que dans les macrophages de souris de type sauvage (Rosenberger et al., 2004). Ces souris déficientes en CRAMP sont également plus susceptibles à des infections de la peau causées par Staphylococcus aureus (Braff et al., 2005), à des infections par méningocoques du système nerveux central (Bergman et al., 2006) et à des infections du tractus urinaire (Chromek et al., 2006). Des peptides de familles différentes peuvent agir en synergie (Yan et Hancock, 2001). Par exemple, le LL-37 agit en synergie avec les β-défensines pour éliminer les streptocoques du groupe B (Dorschner et al., 2003). L’activité des peptides antimicrobiens dépend de la composition ionique du milieu (Dürr et al., 2006).

L’activité antimicrobienne est exercée via l’interaction du peptide, possédant des acides aminés chargés positivement, avec la paroi des bactéries, présentant des charges négatives. Les résidus hydrophobes des peptides affectent la structure et l’intégrité de la membrane des bactéries ce qui peut finalement mener à la lyse de la bactérie. Le mécanisme exact de cette interaction entre les peptides antimicrobiens et les membranes microbiennes n’est pas totalement élucidé mais plusieurs théories existent : le modèle « en douve de tonneaux » (barrel stave), le modèle « des pores torroïdaux » (toroidal-pore) et le modèle « tapis » (carpet-like) (Fig. 1.15) (Brogden, 2005). Dans le modèle toroidal-pore les hélices peptidiques s’intègrent dans la membrane et induisent les phospholipides à se plier de manière à constituer un pore dont les parois sont formées par les parties polaires des peptides et les groupements polaires des phospholipides. Dans le modèle carpet-like, les peptides couvrent la membrane cellulaire formant une sorte de tapis. L’intégrité de la membrane est alors détruite suite à la déstabilisation de la bicouche phospholipidique, ce qui mène éventuellement à la

formation de micelles. Le modèle barrel stave implique la formation de canaux transmembranaires, avec les domaines hydrophobes des peptides antimicrobiens se situant en face de la partie lipidique des membranes. Un pore, avec les parties hydrophiles des peptides tournées vers l’intérieur du pore, est ainsi formé à travers la membrane. Le LL-37 se lie à la membrane des bactéries et forme une hélice α avec un côté cationique et un côté hydrophobe. Il a été suggéré que le peptide perméabilise la membrane bactérienne par le modèle carpet-like ou par le modèle toroidal-pore (Oren et al., 1999 ; Henzler-Wildman et al., 2003 ; Henzler Wildman et al., 2004). Le LL-37 se lie également aux LPS des bactéries à Gram négatif et neutralise ainsi certains de leurs effets (Larrick et al., 1995).

Figure 1.15 : Les différents modèles d’action des peptides antimicrobiens.

A. Dans le modèle toroidal-pore les peptides s’agrègent et induisent les phospholipides

membranaires à se plier jusqu’à la formation d’un pore, dont les parois internes sont formées à la fois par les parties hydrophiles des peptides et par les groupements polaires des phospholipides. B. Dans le modèle carpet-like les peptides sont orientés parallèlement à la membrane de manière à former une sorte de tapis. L’intégrité de la membrane est alors détruite et des micelles se forment. C. Dans le modèle barrel stave les peptides s’insèrent dans la membrane de manière à ce que les parties hydrophobes du peptide s’alignent à la partie lipidique des membranes tandis que la partie hydrophile est tournée vers l’intérieur du pore formé. Les parties hydrophiles et hydrophobes des peptides sont colorées respectivement en rouge et en bleu. Modifié d’après Brogden (2005).

I.4.2.4. Les effets des cathélicidines sur les cellules eucaryotes

Outre leurs propriétés antimicrobiennes, les peptides antimicrobiens agissent comme immunomodulateurs. Le LL-37 exerce un effet chimiotactique pour les neutrophiles, les monocytes et les lymphocytes T. Il a été suggéré que cet effet est secondaire à la liaison du LL-37 au récepteur des peptides formylés FPR2/ALX2, appelé anciennement FPRL1, couplé aux protéines G (Yang et al., 2000). Comme le LL-37, le peptide murin CRAMP est chimiotactique pour les granulocytes neutrophiles, les monocytes et les macrophages, suite à l’activation du récepteur FPR2/ALX2 et de son homologue murin, le récepteur FPR-2, (Kurosaka et al., 2005). Ces peptides antimicrobiens contribuent ainsi à la réponse immunitaire en recrutant des cellules inflammatoires qui expriment un récepteur FPR2/ALX2 fonctionnel. L’activation de FPR2/ALX2 par le LL-37 est également responsable des effets anti-apoptiques du peptide sur les neutrophiles (Nagaoka et al., 2006). Le peptide augmente l’angiogenèse en interagissant avec les récepteurs FPR2/ALX2 des cellules endothéliales (Koczulla et al., 2003). Deux autres récepteurs couplés aux protéines G ont été liés au LL-37. Le peptide diminue de manière sélective l’expression en surface du récepteur des chimiokines CXCR2 des neutrophiles humains, et reproduit toutes les réponses couplées à ce récepteur, suggérant qu’il s’agit d’un agoniste (Zhang et al., 2009). Brandenburg et ses collaborateurs (2010) ont observé que le LL-37 active le récepteur purinergique P2Y11 des cellules gliales. Cette interaction provoque l’expression de diverses cytokines et l’activation de voies de phosphorylation (Brandenburg et al., 2010). Selon Elssner et ses collègues (2004), le LL-37 interagit avec un autre sous-type des récepteurs purinergiques, les récepteurs P2X7. Ce groupe a décrit que le peptide provoque une libération d’IL-1β dans les monocytes humains stimulés par des LPS, via l’activation du récepteur P2X7 (Elssner et al., 2004). Récemment, Montreekachon et ses collaborateurs (2011) ont montré l’implication du récepteur P2X7 dans l’augmentation de l’expression de l’IL-8 en réponse au LL-37 dans des fibroblastes gingivaux humains. La capacité des cathélicidines à activer les récepteurs P2X7 semble être corrélée à leur capacité à former une hélice α et à agréger (Tomasinsig et al., 2008). Le LL-37 augmente également la prolifération cellulaire, la cicatrisation (Heilborn et al., 2003 ; Shaykhiev et al., 2005), et entraîne la prolifération tumorale (Coffelt et al., 2008 ; Coffelt et al., 2009 ; von Haussen et al., 2008 ; Weber et al., 2009). Le mécanisme impliqué dans cette réponse pourrait être secondaire à l’activation d’un récepteur couplé aux protéines G pas encore caractérisé, responsable de l’activation d’une métalloprotéase transmembranaire faisant partie de la

famille ADAM (Ohtsu et al., 2006). L’activation de cette protéase contribuerait au clivage de ligands pouvant par la suite activer le récepteur du facteur de croissance épidermique et ainsi promouvoir la prolifération cellulaire (Tjabringa et al., 2003).

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